« Le Rhône est si profond, si rapide et si large, / Que dans la grande Europe il n'a pas son pareil. / Emportant des bateaux sans nombre avec leur charge, / Il va roulant de l'or et roulant du soleil. / Fleuve superbe ! il court, et se jouant des lieues / Il atteint, lui qui sort des Alpes au cœur pur, / La Méditerranée aux grandes ondes bleues, / Et né dans la blancheur il finit dans l'azur ».
Ce poème de Jean Aicard rend un bel hommage à la puissance du Rhône : long de 812 kilomètres, il prend sa source en Suisse, à 2 200 mètres d'altitude, dans le massif du Saint-Gothard, au cœur d'un glacier, traverse la Haute-Savoie, l'Ain, Lyon, le Rhône, l'Isère, la Loire, l'Ardèche avant de prendre fin dans le delta de Camargue pour se jeter dans la Méditerranée.
Ce fleuve au débit torrentiel a pu être dompté par l'homme dans le respect des enjeux humains, économiques et écologiques, notamment grâce à la concession confiée en 1933 à la Compagnie nationale du Rhône. Saluons le fait que la production d'électricité sur le Rhône représente près d'un quart de l'hydroélectricité française, ce qui fait de la CNR le premier producteur d'énergie décarbonée, hors nucléaire, en France.
La proposition de loi déposée à l'initiative de notre collègue Patrick Mignola et cosignée par la majorité et l'opposition est importante : elle vise en effet à moderniser le régime juridique de la concession du Rhône créée par une loi de 1921. Les activités de la CNR au titre de la concession sont de trois ordres : production d'électricité, avec de nombreux ouvrages hydroélectriques ; gestion d'infrastructures fluviales et portuaires ; gestion domaniale – 27 000 hectares concédés – à des fins de valorisation économique et environnementale, notamment pour l'irrigation des cultures.
La proposition prévoit d'abord de prolonger la concession de la CNR jusqu'au 31 décembre 2041, décision qui fait l'objet d'un large consensus des 184 collectivités territoriales. Face au risque d'ouverture à la concurrence dans le cadre européen, on pouvait réellement craindre que la rente électrique du Rhône ne soit confiée à des intérêts étrangers, remettant en cause une partie de l'indépendance énergétique de notre pays.
Le projet de prolongation de la concession générale du Rhône, envisagé par l'État et la CNR dès 2013, a fait l'objet d'un important travail de concertation organisé par l'État sous l'égide de la Commission nationale du débat public. Ce travail, lancé en avril 2019, a abouti au dépôt de la proposition de loi, avec un large consensus au niveau local. Malgré tout, certaines difficultés demeurent s'agissant des nouveaux projets d'ouvrages hydroélectriques, avec l'opposition de certaines associations de défense de l'environnement, cristallisée autour d'un projet en particulier, celui de Saint-Romain-de-Jalionas, au nord de l'Isère.
La Commission européenne a également été sollicitée par l'État afin d'écarter tout risque d'invalidation de la prolongation. En octobre 2020, la direction générale de la concurrence (DG Comp), après de nombreux échanges, a confirmé la compatibilité du projet au regard des dispositions européennes relatives aux aides d'État.
L'autre avancée significative de ce texte a consisté à porter le cahier des charges général annexé à la concession au niveau législatif et à modifier son contenu afin d'intégrer un nouveau programme de travaux hydroélectriques, de renforcer les missions d'intérêt général financées par la CNR à travers le schéma directeur, d'étendre le périmètre concédé, avec notamment l'inclusion des tronçons et ouvrages gérés par Voies navigables de France (VNF), et de réviser les règles de la redevance liée à la vente de l'électricité produite.
Au nom du groupe Les Républicains, je tiens à saluer l'excellent travail de coproduction législative mené par l'Assemblée nationale et le Sénat, en particulier par son rapporteur Patrick Chauvet : ainsi, la quasi-totalité des amendements du Sénat ont été retenus par la commission mixte paritaire. Le travail consensuel et constructif réalisé par les deux assemblées a permis d'élaborer un texte équilibré qui garantira au mieux l'exploitation des ressources hydroélectriques du Rhône tout en préparant l'avenir. C'est pourquoi le groupe Les Républicains votera pour ce texte qui intervient à un moment décisif.