Notre réseau d'enseignement français à l'étranger, très vaste, peut et doit être une fierté pour notre pays : il rassemble 375 000 élèves dans 543 établissements et est présent dans près de 140 pays, ce qui en fait un réseau unique au monde – qu'il me soit permis de mentionner un lycée qui m'est très cher, le lycée français Alejo-Carpentier de La Havane, qui compte 300 élèves allant de la maternelle à la terminale. Les établissements de l'AEFE affichent un taux moyen d'obtention d'une mention au bac de 77 %, soit davantage que le taux constaté sur le territoire national – et le lycée Alejo-Carpentier a fait mieux encore ! Accueillant plus de 60 % d'élèves étrangers, le réseau de l'AEFE est surtout un vecteur de rayonnement pour la France, pour la langue française et pour l'attractivité de notre pays. Il contribue à promouvoir l'enseignement supérieur français partout dans le monde.
La réforme de la gouvernance de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger est bienvenue, et cette proposition de loi procède à des ajustements nécessaires. La disposition visant à assurer une meilleure représentation des familles et des anciens élèves au conseil d'administration tient compte des demandes et de l'investissement des personnes concernées, qu'il est logique d'associer à la gouvernance. En effet, dans bien des cas, ce sont les parents d'élèves ou d'anciens élèves qui sont à l'origine de la création et de la gestion quotidienne des établissements. La création d'instituts régionaux de formation, entérinée dans cette loi, et leur pilotage par l'AEFE, sont également souhaitables pour parvenir à un meilleur maillage du territoire des pays concernés – il n'y a pas que La Havane à Cuba.
La nouvelle mission donnée à l'AEFE en matière de formation du personnel est également nécessaire dans un contexte où les besoins en personnels vont s'accroître du fait de la volonté d'étendre le réseau. Toutefois, nous souhaitons affirmer notre opposition à la tendance à recruter massivement des personnels enseignants sous contrat local, qui risque de se renforcer encore afin d'atteindre les objectifs fixés. Les enseignants ainsi recrutés ne sont pas titulaires de l'éducation nationale, ce qui risque de se traduire par une moindre qualité de l'enseignement dispensé ; surtout, ces contrats sont souvent moins avantageux pour les enseignants concernés que ceux s'appliquant aux enseignants qui bénéficient du cadre du droit français. Plus généralement, cette tendance se constate sous une autre forme en métropole, où elle touche non seulement l'éducation nationale, mais aussi l'ensemble de la fonction publique, avec le recours massif à des contractuels. Ce n'est pas du tout notre vision de l'éducation nationale, disons-le clairement.
Par ailleurs, nous nous interrogeons au sujet des moyens. On relève en effet une baisse des effectifs enseignants résultant de la suppression de 512 équivalents temps plein sur la période 2017-2020, ce qui apparaît totalement contradictoire avec l'objectif affiché de développement du réseau. De même, le budget de l'AEFE est en baisse de 9 millions d'euros dans la loi de finances pour 2022 par rapport à loi de finances pour 2021, ce qui est principalement dû à une réduction des bourses scolaires de 10 millions d'euros en 2022. Le Gouvernement annonce un objectif de doublement des effectifs scolarisés dans l'enseignement français à l'étranger d'ici à 2030. Nous soutenons cet objectif ambitieux et honorable, mais comment l'atteindre en diminuant les moyens censés permettre de l'atteindre ? Nous espérons que les annonces positives seront bien suivies d'effets, et qu'on assistera au cours des prochaines années à une véritable accélération budgétaire plutôt qu'à des baisses d'effectifs et de moyens.
Par ailleurs, quel est le devenir des élèves à l'issue de leur parcours scolaire effectué au sein du réseau de l'AEFE ? On sait que 60 % des enfants scolarisés dans ce cadre sont de nationalité étrangère. Beaucoup souhaitent poursuivre leurs études supérieures en France, ce qui constitue un parcours logique. Or il a été décidé durant ce quinquennat de mettre en place des frais d'inscription à l'université conséquents pour les étudiants étrangers, ce qui limite considérablement la possibilité pour les moins fortunés d'entre eux de venir étudier en France. N'y a-t-il pas là une contradiction majeure ?
En dépit de ces quelques réserves, le groupe Libertés et territoires votera cette proposition de loi, qui procède à des ajustements bienvenus dans l'organisation de l'AEFE. Cependant, nous souhaitons qu'au-delà des effets d'annonce, de véritables moyens soient mis en œuvre pour le développement sur le long terme de l'enseignement français à l'étranger. Pour conclure, je citerai Alejo Carpentier, enterré à La Havane : « Les mondes nouveaux doivent être vécus avant d'être expliqués » – et j'ajouterai pour ma part qu'ils doivent être aidés.