En 2022, l'enseignement français à l'étranger compte 552 établissements scolaires, assurant une présence française dans 138 pays, qui propage, véhicule et défend non seulement notre langue, mais aussi notre culture et notre histoire ; il accueille 380 000 élèves, dont un tiers de Français. Ces chiffres sont révélateurs de la vitalité de notre réseau : en trente ans, nous avons plus que doublé nos effectifs. Nos établissements rappellent et affirment l'importance de notre pays par-delà les mers et sur tous les continents.
Le nouvel objectif du doublement du nombre d'élèves accueillis dans le réseau d'enseignement français à l'étranger à l'horizon 2030, annoncé par Emmanuel Macron, est une bonne chose. C'est un nouveau défi, indispensable pour maintenir notre puissance et notre diplomatie, mais aussi pour créer des ponts avec l'étranger, car nos politiques culturelle, commerciale et diplomatique en dépendent.
Si cet objectif va dans le bon sens, il me semble que des améliorations notables pourraient être apportées au dispositif existant. Tout d'abord parce que cette attirance pour le système éducatif français à l'étranger ne pourra perdurer sans un réel investissement de notre part. Nous avions été fort surpris, madame la rapporteure – vous l'avez vous-même rappelé tout à l'heure –, de voir votre majorité voter en 2017 la suppression de 33 millions d'euros de crédits de paiement destinés à l'AEFE. En effet, comment encourager une dynamique de développement tout en supprimant les moyens de l'organisme chargé de cette politique ?
En outre, le fait d'avoir placé l'AEFE sur la liste des organismes divers d'administration centrale, l'ODAC, l'empêche de contracter un emprunt pour une durée supérieure à un an. Si l'on veut vraiment augmenter les capacités d'accueil et multiplier les établissements à l'étranger, il faut « en même temps » – pour reprendre une expression qui vous est chère – les laisser mener des opérations immobilières pour amplifier leurs capacités d'accueil. L'article 6 de cette proposition de loi envisage un rapport d'ici 2022 afin de répondre à la possibilité d'emprunter pour le financement de projets, mais j'espère qu'il n'arrivera pas trop tard pour répondre aux besoins de nos établissements et de leurs ambitions.
Cette proposition de loi répond aux demandes répétées des parents d'élèves d'être mieux représentés au sein de l'AEFE. Là encore, c'est une bonne chose. Investis, ces parents auront à cœur de valoriser ces établissements et de les servir au mieux.
On peut également souligner l'attention accordée aux aides apportées aux parents qui scolarisent leurs enfants dans ces établissements – je pense notamment aux enfants de fonctionnaires ou de militaires en poste à l'étranger. Si ces établissements français sont un outil diplomatique pour la France, ce sont aussi des outils à disposition des Français, et la France se doit d'être à leurs côtés.
Avant de conclure, je voudrais rappeler que si nous souhaitons proposer à l'étranger notre modèle, notre langue, notre histoire, c'est parce que nous voulons les défendre. Mais comment promouvoir à l'étranger ce que nous bradons sur notre propre sol ? Hasard du calendrier, l'Académie française a adopté hier un rapport dénonçant l'abondance d'anglicismes dans la communication institutionnelle. Les Immortels craignent une « perte de repères linguistiques » due à une anglicisation galopante. Quand Air France défend la SkyTeam, La Poste les pickup stations et la Fnac ses French days, il est temps de réagir !
L'enseignement du français à l'étranger ne pourra se faire sans une défense acharnée de notre langue sur notre propre sol, sous peine de ne plus proposer qu'une ombre bien pâle de notre pays, sans caractère ni authenticité. À ce propos, je ne peux m'empêcher d'évoquer ici, en guise de conclusion, notre nouvelle carte d'identité qui, sous prétexte d'obéir aux normes en vigueur dans l'Union européenne, comporte de nombreuses mentions en anglais. Le titre « Carte d'identité » ainsi que les intitulés « Nom », « Prénoms », « Sexe », « Date de naissance », « Lieu de naissance », « Nom d'usage », « Numéro du document », « Taille » et « Date de délivrance » sont écrits dans les deux langues. Or l'alinéa 3 de l'article 3 du règlement de l'Union Européenne n'oblige à traduire que le titre « Carte d'identité ». Pourquoi la France a-t-elle alors choisi la version bilingue pour toutes les mentions de notre document officiel, en méconnaissance de notre Constitution, dont l'article 2 dispose que « la langue de la République est le français » ?
« Ma patrie, c'est la langue française », disait Albert Camus. Alors, de grâce, protégeons-la tous ensemble !