Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur Corbière, merci de cette question sur ce sujet majeur qui est malheureusement passé inaperçu dans le débat européen et français.
Vous me demandez la position du Gouvernement quant à la neutralité du net. Vous verrez, à ma réponse, qu'une nouvelle fois nous partageons la même opinion.
Les États-Unis, vous l'avez rappelé, ont mis en danger cette neutralité. Ils sont allés loin. Soutenus par leur président, le milieu économique, les différents acteurs, ils ont décidé de mettre fin à la neutralité du net, à laquelle le régulateur américain a souhaité apporter de nombreuses exceptions en les justifiant de diverses manières.
Ces actions américaines n'auront pas de conséquences immédiates sur les entreprises françaises et européennes, et nous serons très vigilants dans ce domaine, mais le Gouvernement dans son ensemble partage votre préoccupation.
La neutralité du net, en termes simples, permet de garantir à chacun la capacité d'accéder aux sites qu'il souhaite, avec une vitesse égale, quel que soit le prix qu'il aura payé pour son abonnement. Aux États-unis, dans les prochains mois, en fonction du prix qu'ils auront acquitté, les internautes n'auront pas tous le même accès… À mon sens, un internet qui ne donnerait pas accès à l'intégralité des sites n'est pas internet : c'est un CD-ROM, un CD-ROM connecté – bref, le passé !
C'est ensemble que nous avons construit internet. Ce n'est pas un concept idéaliste, mais un projet réel, un projet économique, un projet humain, où on partage les idées, où on libère son esprit parce qu'on est capable d'aller chercher l'information, où qu'elle soit. C'est un projet grâce auquel on peut s'élever intellectuellement, en ce qu'il permet d'accéder à toutes ces informations.
Internet est aujourd'hui, en France, le lieu de libération de nombreuses minorités, de nombreuses personnes, qui y trouvent enfin le lieu de l'expression la plus absolue. C'est aussi un lieu d'émergence économique en ce qu'il permet à des start-up de naître, car si leur offre est la meilleure, ce sont elles qui seront choisies plutôt que des entreprises plus anciennes.
Un internet fermé, au contraire, favorise les monopoles, la constriction.
Il est essentiel que le Gouvernement, aujourd'hui, fasse oeuvre de pédagogie en expliquant pourquoi cette règle de neutralité est si importante. Nous l'avons fait au niveau européen, avec Jean-Yves Le Drian, en présentant la stratégie internationale numérique de la France le mois dernier. La neutralité du net est au coeur de notre stratégie numérique diplomatique. Nous la défendons et nous avons à coeur, avec le régulateur européen comme avec le régulateur français des télécoms, de rappeler régulièrement son importance pour l'enjeu démocratique.
On nous oppose souvent l'argument de l'innovation. Mais justement, la neutralité du net favorise l'innovation ! Elle permettra d'innover au niveau des objets connectés, de la 5G, des voitures connectées… Les règles actuelles autorisent ces développements.
La France se positionne clairement, aujourd'hui, en faveur de la neutralité. Elle n'est pas seule : l'idée majoritaire est bien celle de la neutralité. Et en France, par bonheur, le sujet fait consensus : personne ne défend la fin de la neutralité.
Sachez que, dans ce domaine, le Gouvernement est votre partenaire. Nous savons, de notre côté, pouvoir compter sur vous. Ensemble, nous pourrons dire au monde que nous voulons que le net reste neutre, car c'est mieux pour la société.