Intervention de Frédérique Dumas

Séance en hémicycle du mardi 22 février 2022 à 15h00
Déclaration du gouvernement relative à l'engagement de la france au sahel

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Dumas :

Le Président de la République a annoncé que la France allait quitter le Mali, juste avant qu'elle n'en soit chassée. Les militaires ont-ils fait leur devoir ? Oui, et certains l'ont payé de leur vie. Depuis 2014, lorsque Serval s'est transformée en Barkhane, les dirigeants politiques ont-ils fait leur devoir ? Non. Au Mali, nous avons fait tout d'abord des alliances avec des éléments armés du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), indépendantiste, puis avec deux milices, le GATIA – Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés – et le MSA – Mouvement pour le salut de l'Azawad –, et nous avons fini par abandonner les uns et les autres.

Nous avons été incapables de répondre aux besoins sécuritaires des populations, à qui on a fini par larguer des vivres alors que leurs villages étaient sous embargo djihadiste, les contraignant ainsi à dialoguer avec les djihadistes ou à être tués, ce qui est le pire pour nos soldats.

Les dirigeants français n'ont pas écouté les chercheurs de terrain, qui expliquaient les succès des djihadistes par leur capacité à exploiter localement la somme de conflits sociaux, ethniques, familiaux et politiques jamais arbitrés ni par la justice ni par l'État et attisés par la manne des trafics d'otages et de drogue. L'ex-chef d'état-major des armées François Lecointre nous a toujours dit, lors de ses auditions, que cette guerre ne pouvait être gagnée si son volet était en priorité militaire, que la politique du scalp, dont vous êtes si fiers, consistant à éradiquer les chefs d'AQMI ou de l'EIGS, avait ses limites, que l'hydre avait plusieurs têtes et, surtout, qu'elle se déplaçait sur le terrain. Aujourd'hui, vous êtes contraints de constater que des pans entiers de territoire tombent entre les mains des djihadistes ou des trafiquants de toute sorte, et que la menace s'est déplacée vers le golfe de Guinée.

Tout cela vous a été dit depuis longtemps, mais vous n'avez jamais rien voulu entendre.

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