La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues députés, nous abordons la dernière séance de questions au Gouvernement de la quinzième législature. À cette occasion, je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui travaillent à l'Assemblée nationale, quel que soit leur statut ou leur fonction, pour la qualité de leur travail et leur dévouement.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent très longuement.
Je tiens aussi à vous remercier pour votre engagement, qui fait la vitalité de notre démocratie.
Je veux enfin vous dire que présider l'Assemblée nationale, parmi et avec vous, fut pour moi le plus grand honneur qui m'ait été donné de vivre.
Mêmes mouvements.
Monsieur le Premier ministre, depuis la déclaration de Vladimir Poutine, hier soir, les tensions entre la Russie et l'Ukraine ont atteint leur paroxysme et nous font craindre le pire.
Face au pire, la nation et l'Europe doivent tenir. Elles ne doivent tomber ni dans la duplicité, ni dans la naïveté.
Dans le moment que nous traversons, nous devons tous faire preuve de responsabilité et de dignité. Je tiens à le dire dans cet hémicycle, cette crise ne doit pas être utilisée à des fins politiciennes, ni sur les bancs de l'opposition, ni sur ceux du Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, LaREM, Dem et Agir ens, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC, FI et GDR.
Le moment viendra de faire le bilan de la diplomatie française en Australie, au Liban, au Sahel et en Ukraine.
« Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Même si elles n'ont pas permis d'amorcer une désescalade, je salue les initiatives diplomatiques de la France pour engager une médiation avec la Russie. Ces tentatives de dialogue ont néanmoins été trop tardives et trop solitaires.
Ne soyons pas naïfs et n'ayons pas peur des mots : il s'agit, de la part de Vladimir Poutine, d'une violation du droit international et d'un affront fait à l'Europe.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Contrairement à M. Zemmour ou à Mme Le Pen, nous ne serons jamais dans la complaisance, ni dans la lâcheté, car face à la voix des armes, le rôle de la France est de réaffirmer son entière solidarité à l'égard du peuple ukrainien.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR et Dem.
Nous devons à tout prix éviter un conflit armé et défendre une issue diplomatique : c'est la crédibilité de l'Union européenne et de la présidence française du Conseil de l'Union européenne qui se joue.
Nous ne pouvons nous résoudre à voir le sort de l'Ukraine se décider entre Washington et Moscou, en restant de simples spectateurs impuissants.
Nous ne pouvons accepter de rester marginalisés dans des discussions stratégiques qui nous concernent directement.
L'Europe doit être à la hauteur de son histoire et la France la garante de son indépendance.
Aussi, face à cette situation dramatique, quelle voix collective la France porte-t-elle et quelles sanctions l'Union européenne prendra-t-elle pour trouver une issue positive et politique à cette crise ?
Applaudissement sur les bancs du groupe LR.
Mmes et MM. les députés des groupes LaREM, Dem et Agir ens se lèvent et applaudissent longuement.
La situation que traversent le monde et l'Europe est effectivement très préoccupante. À cet égard, je n'imaginais pas un seul instant, cher président Abad, que cette question puisse faire l'objet, sur aucun banc, d'une exploitation politicienne, et je suis certain que les jours qui viennent nous le démontreront.
La France, qui préside par ailleurs le Conseil de l'Union européenne depuis le 1er janvier dernier, par la voix du Président de la République, n'a jamais ménagé ses efforts – je vous remercie de l'avoir rappelé – afin de faire prévaloir le dialogue et la voie diplomatique et n'a cessé d'agir dans un cadre multilatéral.
Vous constatez que ces efforts n'ont pas été complètement suivis d'effet.
Évidemment, cela ne saurait, en quoi que ce soit, invalider leur absolue nécessité, ni la recherche inlassable de la paix par la France et ses alliés occidentaux.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Hier soir, par les actes et les déclarations du président Poutine, la Russie a franchi une étape supplémentaire, que nous avons condamnée avec la plus grande fermeté. Oui, la Russie se met en marge du droit international. Oui, la Russie viole les accords de Minsk, qu'elle avait elle-même signés.
Dans le même cadre multilatéral européen et onusien, la France portera maintenant la voix à la fois de la poursuite du dialogue et du soutien indéfectible au peuple ukrainien, ainsi que celle des sanctions qui doivent être apportées à ces faits inqualifiables.
Au moment où je vous parle, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, dont je vous prie, en ces moments solennels, d'excuser l'absence devant votre assemblée, se trouve aux côtés de ses homologues européens pour discuter, notamment sur la base de propositions de la Commission européenne, des sanctions que cette situation appelle.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du Conseil général d'Andorre, membre du groupe d'amitié Andorre-France, conduite par son président, M. Pere Lopez Agràs.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.
Madame la ministre de l'emploi, du travail et de l'insertion, « dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé ». Cette phrase, prononcée par un président de la République il y a près de trente ans, sonnait alors comme un terrible constat d'impuissance.
Pendant près de vingt-cinq ans, cette phrase a surtout résonné comme une triste prophétie. Chaque crise conduisait le chômage à un nouveau pic et chaque reprise montrait combien la décrue était lente et poussive. De fait, depuis quarante ans, les gouvernements de gauche et de droite se sont succédé et ont tout essayé, sauf ce qui marche !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'INSEE l'a indiqué il y a quelques jours, l'année 2021 s'est achevée avec un taux de chômage que la France n'avait pas connu depuis quinze ans. Quant au taux de chômage des jeunes, il n'avait pas atteint un point aussi bas depuis plus de quarante ans.
Avec des mesures de fond – la réforme de la fiscalité, les ordonnances travail, la réforme de l'assurance chômage, la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises (loi PACTE) –, avec des mesures de soutien pendant la crise – le « quoi qu'il en coûte », le plan « 1 jeune, 1 solution –, avec des mesures qui réconcilient les néokeynésiens et les néolibéraux et avec des mesures qui auraient dû réconcilier la gauche et la droite, mais auxquelles les oppositions se sont systématiquement opposées,…
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Merci à vous, madame la ministre, merci à votre prédécesseure, Muriel Pénicaud, merci au Gouvernement, merci à mes collègues de la majorité, merci aux entreprises et, surtout, merci aux jeunes qui, loin des discours victimaires, ont joué le jeu de la reprise.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Cela étant, le combat n'est évidemment pas gagné : un Français sur quinze et un jeune sur six sont encore au chômage. Nous devons continuer et, pour cela, j'espère que le Président de la République sera candidat à sa réélection et que les Français lui donneront cinq ans de plus.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. – Exclamations et claquements de pupitre sur les bancs du groupe LR.
Dans cette attente, pouvez-vous nous expliquer comment poursuivre les efforts et atteindre enfin le plein emploi ?
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Vous avez raison, les résultats sont là et ils sont inédits. Malgré la crise que nous avons traversée, le taux de chômage est au plus bas depuis près de quinze ans, tandis que celui des jeunes est au plus bas depuis plus de quarante ans. Dans le même temps, la part des Français qui disposent d'un travail est au plus haut depuis près de cinquante ans.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Ces chiffres ne sont pas le fruit du hasard,…
…mais le résultat des réformes structurelles menées tout au long du quinquennat…
…pour dynamiser l'économie, pour donner confiance aux entreprises et pour permettre à chacun d'être acteur de son parcours professionnel. Je pense aux ordonnances travail, au compte personnel de formation, à la réforme de l'apprentissage, ou encore à celle de l'assurance chômage.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Je pense également à l'effort de formation inédit réalisé en faveur des demandeurs d'emploi, avec les 15 milliards d'euros du plan d'investissement dans les compétences.
Ces chiffres sont également le résultat des mesures prises pendant la crise pour protéger les entreprises et les emplois,…
…et permettre à notre économie de repartir, en faisant en sorte que chacun bénéficie du rebond, qu'il s'agisse de l'activité partielle ou encore du plan « 1 jeune, 1 solution », qui a permis à près de 4 millions de jeunes d'accéder à une solution.
Nous poursuivons notre engagement en faveur de la jeunesse avec le lancement ce 1er mars du contrat d'engagement jeune, qui assurera un accompagnement d'une intensité sans précédent.
Vous le voyez, c'est cette majorité qui défend concrètement la valeur travail.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Depuis cinq ans, nous avons agi pour donner à chacun les clefs de son émancipation. Mesdames et messieurs les députés, le Parlement a toute sa part dans cette réussite sans précédent, alors permettez-moi de remercier toutes celles et tous ceux qui, sur ces bancs, agissent depuis cinq ans en faveur du travail, de l'emploi et d'une société plus inclusive.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Hier matin, l'Europe et le monde se levaient avec l'espoir, entretenu par l'Élysée, de la tenue d'un sommet entre le président Biden et Vladimir Poutine ; hier soir, le monde découvrait que ce dernier avait décidé d'envahir une partie de l'Ukraine. Si on ne peut pas reprocher au Président de la République d'avoir tenté une médiation, le moins que l'on puisse dire est que Vladimir Poutine l'a berné.
Après l'enlisement au Liban, l'humiliation subie avec l'arrêt du programme d'acquisition de sous-marins par l'Australie, le silence assourdissant de notre pays lorsque Amnesty International a accusé Israël d'être un régime d'apartheid…
…et l'échec des stratégies successives déployées au Mali qui nous conduit à quitter ce pays – ce dont nous débattrons tout à l'heure –, il s'agit d'un échec de plus, peut-être celui de trop.
En envahissant l'Ukraine, Vladimir Poutine remet en cause les frontières internationalement définies ainsi que l'organisation de la sécurité en Europe élaborée après la guerre froide, et il se permet même de vouloir dicter leurs alliances à certains pays de l'OTAN. C'est évidemment un danger majeur pour la paix en Europe ; ce qu'il fait subir à l'Ukraine pourrait advenir demain à nos alliés de l'OTAN et nous entraîner dans un engrenage.
Nous avons trois questions. Tout d'abord, quelles sont la nature et l'ampleur des sanctions que l'Union européenne entend engager contre la Russie pour la dissuader d'aller plus loin ? Ensuite, pourquoi la France est-elle l'un des rares pays à ne pas avoir contribué à armer l'Ukraine, contrairement à la Pologne, aux pays baltes, au Royaume-Uni et aux États-Unis, tant il est vrai qu'il vaut mieux parfois préparer la guerre pour assurer la paix ? Enfin, face à la stratégie de tension permanente de la Russie, ne croyez-vous pas, monsieur le Premier ministre, qu'il est temps que nous accélérions la réalisation de la loi de programmation militaire française afin d'être prêts si M. Poutine allait un jour trop loin ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
Nous voyons que la politique intérieure n'est jamais bien loin : on se demande pourquoi ! Je rappelle tout de même à la représentation nationale que l'auteur des faits qui sèment le trouble et portent atteinte à la paix dans le monde et à l'intégrité d'un État s'appelle M. Poutine.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
De grâce, alors que la France fait tout ce qu'elle peut pour empêcher l'escalade, soyons soudés et rassemblés plutôt que portés à tirer des profits politiciens de la situation.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Quant au Mali, j'ai souhaité qu'un débat soit organisé au Parlement, au titre de l'article 50-1 de la Constitution : à l'Assemblée nationale, il est prévu juste après cette séance de questions au Gouvernement.
Vous m'interrogez sur les suites que la situation exige : je les ai déjà évoquées dans ma réponse au président Abad. Les ministres des affaires étrangères européens sont actuellement réunis de manière extraordinaire pour décider de sanctions. Hier soir, à la demande de la France, le Conseil de sécurité des Nations unies s'est réuni pour tirer toutes les conséquences de cette situation inadmissible.
Enfin, vous avez évoqué la loi de programmation militaire : il s'agit d'un vrai sujet car s'il est exact que nous ne parvenons pas à maîtriser complètement la politique russe, nous sommes responsables de la politique de défense nationale de la France. Dans la décennie ayant précédé cette loi de programmation militaire, la France consacrait entre 30 et 31 milliards d'euros par an à sa défense nationale ; en 2021, elle lui a affecté – grâce à votre vote, mesdames et messieurs les députés – 39,3 milliards d'euros ;
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens
en 2022, cette somme atteindra 41 milliards d'euros grâce à vous. Voilà des chiffres et des faits concrets, pas des effets de manche !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Emmanuel Macron s'est autoproclamé « champion de la Terre ». On aimerait en rire, mais la catastrophe est là. Le bilan écologique du quinquennat est un désastre.
Vous avez convoqué la Convention citoyenne pour le climat, mais vous avez piétiné les propositions des citoyens…
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Vous avez promis de préserver la biodiversité, mais vous êtes aux ordres des lobbys meurtriers de l'agrobusiness et de la chasse. Vous développez les fermes usines et la souffrance des animaux, et vous déversez des milliards d'euros dans les industries polluantes.
Vous avez promis la fin du glyphosate mais vous ne l'avez pas fait, et vous avez autorisé les néonicotinoïdes qui déciment les abeilles.
Vous vous prétendez le garant de l'accord de Paris, mais vous ne tenez même pas les engagements de la France et vous augmentez le volume de CO
Vous parlez de relocalisation de la production et d'autonomie alimentaire, mais vous signez tous les traités de libre-échange antisociaux et climaticides !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Vous avez promis de réduire la part du nucléaire, mais vous voulez mettre partout des EPR – réacteurs pressurisés européens –, sans débat démocratique et alors que vous êtes incapables d'en faire fonctionner un seul !
Le dérèglement du climat n'est pas enrayé, et votre politique irresponsable l'aggrave et l'accélère. Et, comme toujours, les pauvres sont les premières victimes de votre politique, les premiers exposés à la pollution, à la malbouffe, aux passoires thermiques, aux canicules, aux inondations et aux pandémies. Au lieu d'organiser la société pour faire face au changement climatique, vous détruisez les mécanismes de solidarité. Heureusement, ce quinquennat s'achève ! La justice vous a condamnés pour inaction climatique, bientôt le peuple vous jugera !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il faut planifier la transition écologique, organiser la relocalisation des activités, enclencher la bifurcation énergétique, déployer une politique de grands travaux écologiques et sociaux dans les domaines des transports, de l'eau, du logement et de l'alimentation. L'écologie populaire, voilà ce que nous ferons !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Monsieur Lachaud, tout ce qui est excessif est insignifiant !
On ne peut pas gouverner avec des slogans. Voilà la différence entre vous et nous ! Vous dites des choses fausses : les émissions de gaz à effet de serre baissent en France, et nous avons, depuis le début du quinquennat, multiplié par deux le rythme de cette diminution.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Nous devons encore doubler cet effort ! Pour y parvenir, nous déployons des politiques simples : nous aidons les plus précaires ,
Protestations sur les bancs du groupe FI
car ce sont eux qui souffrent le plus des factures d'électricité et de gaz trop élevées ; nous les aidons avec MaPrimeRénov', avec le développement des transports en commun et…
…avec le dispositif ciblé sur le changement de véhicule, pour qu'ils continuent à vivre et à se déplacer. Ce sont également eux que nous aidons quand nous élaborons des politiques de maintien de la biodiversité : il n'y aura jamais eu autant d'aires protégées que depuis notre arrivée au pouvoir.
Nous avons redonné des moyens au ministère dont j'ai la charge.
Nous allons en finir avec les néonicotinoïdes, mais pas grâce à vous.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
Nous avons adopté une loi sur les mobilités, une loi sur le climat et la résilience, une loi sur l'économie circulaire : j'aimerais, monsieur Lachaud, que vous nous aidiez à les mettre en œuvre ! Il est facile de parler, mais il est plus difficile d'aller sur le terrain pour nous aider à développer les énergies renouvelables. Je ne vous vois pas beaucoup répondre aux oppositions qui se manifestent partout à propos des énergies renouvelables, ni participer au déploiement des zones à faibles émissions (ZFE), qui vont s'attaquer à la pollution de l'air qui tue 40 000 personnes par an. Où êtes-vous pour agir en faveur de l'objectif d'aucune artificialisation nette des sols ?
Mêmes mouvements.
Monsieur le député, il y en a qui parlent et il y en a qui font, voilà toute la différence !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Monsieur le Premier ministre, il me revient l'honneur de vous poser cette question puisque le président du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, Patrick Mignola, est en convalescence. Je me permets, en votre nom à tous, mes chers collègues, de lui souhaiter un prompt rétablissement.
Applaudissements sur tous les bancs.
La fin de la législature approche à grands pas, et des échéances majeures pour le pays nous attendent. Les Français jugeront les positions et les propositions de chaque candidat et pourront exprimer leur avis en se rendant aux urnes. Nous connaissons le contexte : abstention de plus en plus massive, perte de confiance dans les responsables politiques, sans parler des violences envers les élus locaux et les parlementaires.
Tout au long de ces cinq années, notre groupe a formulé de nombreuses propositions, que nous estimons fondamentales. Je n'en citerai que deux : la banque de la démocratie et le scrutin proportionnel pour les élections législatives.
Gageons que les campagnes électorales à venir feront progresser le débat sur ces questions.
Il en est un qui revêt désormais un caractère d'urgence : celui sur le recueil des parrainages pour concourir à l'élection présidentielle. Imaginons un seul instant qu'un ou plusieurs des candidats qui sont crédités de plus de 10 % d'intentions de vote dans les enquêtes d'opinion ne recueillent pas le nombre de signatures nécessaire : plusieurs millions de Français se sentiraient floués. En fait, c'est inimaginable !
Un collectif d'élus autour de François Bayrou a proposé la création d'une banque des signatures : ensemble, ils souhaitent affirmer librement qu'ils peuvent, en cas de besoin, apporter aux candidats une signature. Monsieur le Premier ministre, j'aimerais vous entendre à ce sujet.
Le Gouvernement et moi-même nous associons pleinement aux vœux de prompt rétablissement que vous avez formés à l'endroit du président de votre groupe, Patrick Mignola, dont je prends régulièrement des nouvelles.
La question que vous soulevez est extrêmement importante, puisqu'elle touche au fonctionnement de notre démocratie ; en outre, elle est tout à fait d'actualité. Je n'ai pas besoin de vous rappeler la règle, qui date de 1976, dont vous connaissez les objectifs et le contenu. Je le dis d'emblée, il n'est évidemment pas question de la modifier si près de l'échéance présidentielle.
Néanmoins, nous constatons comme vous que, à dix jours de la date fixée par le Conseil constitutionnel pour recueillir les parrainages, plusieurs candidats crédités d'intentions de vote élevées éprouvent des difficultés à remplir cette condition. Personne ne saurait s'en satisfaire pour la démocratie – je le dis de manière solennelle, quels que soient les candidats concernés.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
De ce point de vue, je salue les initiatives que vous connaissez, notamment celle du président du MODEM, que vous avez citée, visant à créer une banque des parrainages. Je l'appuie. De même, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les déclarations du président de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, dimanche dernier. Même s'il s'exprimait à titre personnel, ses propos vont dans la même direction.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
Je voudrais à mon tour lancer un appel aux élus habilités à accorder leur parrainage. Parrainer un candidat ne signifie pas automatiquement qu'on le soutient politiquement ; c'est également un acte démocratique.
J'en profite pour vous rappeler qu'à ce jour, seuls 10 000 des 42 000 élus susceptibles de parrainer un candidat l'ont fait. Ce chiffre est en diminution par rapport au scrutin précédent. Pour cette raison, j'ai choisi de réunir l'ensemble des représentants d'associations d'élus locaux, en présence du président de l'Assemblée nationale et du président du Sénat. Ceux-ci ont accepté mon invitation ; je les recevrai donc jeudi matin pour évoquer la situation. Si nous respectons évidemment la liberté de chacun, comme vous l'avez dit, il y a là une question profondément démocratique.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
La situation en Ukraine nous inquiète chaque jour un peu plus. Hier, Vladimir Poutine a franchi une nouvelle étape dans la provocation, en reconnaissant l'indépendance des territoires séparatistes du Donbass et en y ordonnant l'envoi de troupes, en violation complète des accords de Minsk de 2015. Ces actions inacceptables font craindre un conflit d'ampleur, avec des conséquences terribles pour les populations locales et la stabilité du monde. Ce dont nous devons faire preuve aujourd'hui, c'est d'unité au sein de l'Europe et entre les démocraties défiées, mais aussi et surtout de fermeté.
Bien sûr, les efforts de conciliation devaient et doivent continuer à être déployés. Très bien. Mais il faut se rendre à l'évidence : face aux visées expansionnistes du président Poutine, c'est avec la plus grande clarté et la plus forte solidarité que les Européens doivent s'opposer à la stratégie du Kremlin, car les principes de souveraineté, d'intégrité des États et de liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes ne sont pas négociables.
Monsieur le Premier ministre, je vous interroge sur le rôle du Parlement français, qui ne peut être tenu à l'écart de ce qui se joue, car ce n'est pas ainsi qu'une grande démocratie fonctionne efficacement.
Nous, députés du groupe Socialistes et apparentés, demandons donc solennellement qu'un débat soit organisé ici, pour faire le point et permettre au Gouvernement de rendre compte de son action, selon les termes de l'article 50-1 de la Constitution. Nous sommes élus jusqu'en juin. Quand organiserez-vous ce débat ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
La parole est à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie, et auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises.
Vous demandez de la fermeté ; elle sera au rendez-vous. Une réunion des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne se tient cet après-midi même autour du ministre de l'Europe et des affaires étrangères – c'est la raison de son absence ici – et du haut-représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
En effet, les atteintes portées à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, à sa souveraineté, au droit international, tout comme celles portées, tout simplement, aux engagements pris par la Russie elle-même ne sont pas acceptables. La réunion de cet après-midi a pour objet de valider un dispositif de sanctions significatives.
Par ailleurs, la France et l'Union européenne seront au rendez-vous de la solidarité avec notre partenaire ukrainien. Ainsi, le soutien apporté par la France sera non seulement maintenu, mais encore amplifié. Le Président de la République a échangé hier avec le président Zelensky, pour l'en assurer. Naturellement, cette solidarité concerne également nos compatriotes, les ressortissants français établis en Ukraine. Pour eux, nous nous mobilisons avec le Centre de crise et de soutien et le chef de poste diplomatique local, aux côtés des élus – aussi bien les élus consulaires que Mme la députée de la onzième circonscription des élus de l'étranger.
Le Parlement aura à connaître de tous ces sujets, dans des conditions qui seront précisées très bientôt. La question est importante et nous entendons réagir. Vous disposerez de toutes les informations.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, en 2017, le Gouvernement promettait de rétablir les comptes publics et d'en finir avec le laxisme budgétaire des années Hollande. Cinq ans plus tard, le bilan est sans appel : nous achevons un quinquennat désastreux pour nos finances publiques.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
En 2017, Emmanuel Macron s'était engagé à réduire la dette de cinq points. Finalement, celle-ci aura augmenté de dix-sept points durant le quinquennat. En 2017, Emmanuel Macron s'était engagé à baisser la dépense publique de trois points. Finalement, la dépense courante aura augmenté de 140 milliards d'euros durant le quinquennat, soit bien plus que sous le quinquennat Hollande !
Vives protestations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Non seulement les dépenses qui n'ont rien à voir avec la crise ont littéralement explosé, mais lors des années de croissance d'avant covid entre 2017 et 2020, la France a été incapable de se désendetter, contrairement à vingt-quatre des vingt-sept autres pays de l'Union européenne !
Mêmes mouvements.
Je comprends que cette vérité vous dérange. Après cinq ans de gestion par La République en marche, la situation est plus qu'alarmante.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
La France est reléguée parmi les pays du Sud de l'Europe, les moins bien gérés, et nous sommes plus vulnérables que jamais…
…au moment où les taux d'intérêt remontent. Ce constat accablant, ce n'est pas moi qui le dresse, c'est la Cour des comptes !
Voilà des faits concrets, plutôt que des effets de manche. Pourquoi n'avez-vous pas tenu vos promesses de 2017 ? Pourquoi avez-vous alourdi le fardeau des générations futures – nos enfants et petits-enfants –, sans pour autant augmenter le pouvoir d'achat des générations présentes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Vous avez osé nous accuser d'utiliser la crise comme excuse.
Vous êtes donc la seule à considérer que cette crise a été facile pour les soignants, pour les Français, pour les entreprises.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Vous connaissez trop bien les finances publiques pour ne pas mesurer les efforts fournis. Je vous répondrai, premièrement, que, dès 2017, nous avons mené le redressement des finances publiques.
Pendant trois ans, nous avons été le seul gouvernement, la seule majorité à avoir tenu les engagements de la France devant l'Union européenne.
Mêmes mouvements.
Nous sommes les seuls à avoir respecté la règle européenne des 3 % ; les seuls à avoir diminué le poids de la dépense publique. En cinq ans, nous sommes les seuls, grâce à une baisse d'impôts de 50 milliards d'euros, à avoir diminué le poids des prélèvements obligatoires.
Ainsi, nous avons effacé les augmentations d'impôts que Mme Pécresse avait fait voter quand elle était ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, à la fin de l'année 2011.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Croyez-vous que les Français ont oublié le gel de l'indexation sur l'inflation du barème de l'impôt sur le revenu ou l'augmentation des droits de succession ? Tout cela, c'est le bilan de votre candidate !
Nous avons répondu à la crise fortement, parce que nous avions redressé les comptes.
C'est l'action que nous avons menée entre 2017 et 2019 qui a fait que nous avons pu répondre comme nous l'avons fait, avec des dépenses exceptionnelles qui ont permis à l'économie de passer le cap, aux Français de faire face, aux soignants de soigner.
Nous l'avons fait au prix d'une dégradation des finances publiques. C'était un investissement.
Aujourd'hui, tout le monde envie notre taux de croissance ; notre taux de chômage est en baisse ; l'activité revient. La trajectoire actuelle de redressement de nos finances publiques est également enviable.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Madame la députée, vous le savez pour avoir participé aux débats budgétaires pendant toutes les dernières années, il ne s'est pas passé une journée sans que votre groupe – plus que vous, d'ailleurs – ne propose de nouvelles dépenses.
Mêmes mouvements.
Si nous avions adopté les propositions du groupe Les Républicains, nous serions ruinés. Vos actes, vos paroles et vos votes se contredisent !
MM. et Mmes les députés des groupes LaREM, Dem et Agir ens se lèvent et applaudissent.
Je voudrais rappeler quelques faits. Après cinq ans de gestion par La République en marche, la France connaît le plus haut niveau de dépenses publiques d'Europe !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Après cinq ans de gestion par La République en marche, la France détient le record d'Europe des prélèvements obligatoires les plus élevés !
Protestations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Après cinq ans de gestion par La République en marche, la France est plus endettée que vingt et un des vingt-sept pays de l'Union européenne. Le voilà, monsieur le Premier ministre, votre bilan !
MM. et Mmes les députés du groupe LR se lèvent et applaudissent. – Exclamations sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Mes chers collègues, je vous demande un peu de calme. Vous aurez dès jeudi l'occasion de mener campagne. Pour l'heure, il s'agit des questions au Gouvernement !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Le groupe Agir ensemble a toujours privilégié le service de la France et rejeté les logiques politiciennes partisanes.
« Collabos ! » sur les bancs du groupe LR.
C'est pourquoi nous avons soutenu depuis cinq ans l'action d'Emmanuel Macron. Nous avons voulu protéger les Français et agir.
Exclamations continues sur les bancs du groupe LR.
Nous avons agi pour l'égalité des chances avec le dédoublement des classes, qui permet de donner plus à ceux dont le capital social et culturel de départ est moindre ; avec le soutien sans précédent au monde de la culture et au monde sportif. Nous avons agi pour le pouvoir d'achat et la protection des plus vulnérables…
…avec la baisse de l'impôt sur le revenu, avec l'exonération de la taxe d'habitation, avec la hausse du minimum vieillesse et de l'allocation aux adultes handicapés. Nous avons agi pour le retour de la croissance et la baisse du chômage – le taux de croissance est actuellement de 7 % et les apprentis sont plus de 700 000. Nous avons agi pour la sécurité et la justice avec plus de 10 000 policiers et de 650 magistrats supplémentaires recrutés en cinq ans. Nous avons également agi pour l'écologie et le bien-être animal.
Oui, même s'il reste beaucoup à faire, nous avons agi. Le groupe Agir ensemble a participé à ce travail de fond. Je pense notamment aux dispositions relatives aux travaux d'intérêt général, dans la loi améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale, à la loi relative aux restrictions d'accès à certaines professions en raison de l'état de santé ; à la loi visant à améliorer les conditions de présence parentale auprès d'un enfant dont la pathologie nécessite un accompagnement soutenu ; à la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur.
Le Parlement travaille. Les parlementaires de tous les bords doivent être respectés. Or, malheureusement, nous entendons aujourd'hui des discours de la facilité, de la radicalité,…
…des discours, en somme, antiparlementaires. Nous devons être fiers de ce que nous faisons, car, dans une démocratie, la représentation nationale doit être respectée. Tel est notre bilan.
Ma question au Gouvernement est simple : quelle action entend-il mener à long terme, pour revaloriser le Parlement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne.
Je vous remercie pour votre question, qui me permet de dresser le bilan de l'action de cette majorité et du groupe Agir ensemble, comme celui de cette législature, du travail mené par les parlementaires de la majorité comme de l'opposition.
Vous l'avez indiqué, de nombreuses avancées ont été obtenues, grâce aux initiatives des membres de votre groupe – grâce aux propositions de loi qu'ils ont déposées, grâce au travail qu'ils ont mené en tant que rapporteurs de textes issus de la majorité, lors de la défense d'amendements ou dans le cadre de missions d'évaluation et de contrôle, tout au long de leur mandat.
Au fond, en dressant le bilan, vous saluez l'action de cette majorité et des deux autres groupes qui la composent : La République en marche et Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés. Eux aussi ont contribué au résultat de cette majorité.
Au travers de ce bilan, vous saluez également le travail des parlementaires de la majorité comme de l'opposition, qui, eux aussi, par la voie de propositions de lois et d'amendements, ont contribué au débat démocratique. Je le salue, en ce moment particulier, où, comme vous l'indiquez, on a tôt fait de vilipender, de critiquer, de caricaturer et de céder au populisme facile, à l'antiparlementarisme.
Je viens défendre devant vous le bilan de cinq années, non seulement de votes, mais également de débats au Parlement. Il faudra poursuivre ces débats dans les années qui viennent, car le Parlement est le lieu, précieux, de la démocratie. Il convient de le protéger, de le préserver.
Pour améliorer encore les choses et nous montrer dignes de la démocratie, nous devrons affermir la volonté de débattre entre les diverses opinions, dans un esprit de dialogue et de respect mutuel ; renforcer le travail de contrôle et d'évaluation – j'aurai sans doute l'occasion de répondre à M. Régis Juanico sur ce point tout à l'heure ; mieux articuler le travail du Parlement avec la volonté de nos concitoyens. Voilà quelles postures nous devrons adopter, quels défis il nous faudra relever, dans les années à venir.
« Nous pourrions envisager la levée du passe [vaccinal] à la mi-mars ». Tels sont les mots que le ministre des solidarités et de la santé a prononcés ce matin au Sénat. Quelle coïncidence, à un mois du premier tour des élections présidentielles ! Je vous félicite : c'est un très beau timing !
Vous moquez-vous des Français, qui font preuve depuis plus de deux ans de résilience et de patience ? Vous moquez-vous du personnel soignant, qui fait preuve de courage et d'abnégation ? Qui croyez-vous duper ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Mêmes mouvements.
Dois-je comprendre – je ne peux pourtant imaginer que ce soit votre intention – que vous auriez souhaité que la circulation du virus ne ralentisse pas, que les places à l'hôpital ne se libèrent pas, et que les patients admis en réanimation ne soient pas de moins en moins nombreux ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Pensez-vous que les variants omicron et delta aient attendu la campagne présidentielle pour décider une chute de l'épidémie ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Ma réponse doit vous suffire. Je vais vous laisser le temps d'expliquer votre question, car j'ai peur d'avoir mal compris.
Vous n'avez pas écouté M. Fesneau, qui demande de respecter le Parlement ?
Protestations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Vos invectives et vos haussements de sourcils ne peuvent cacher votre malaise – au mieux –, ni vos mensonges – au pire.
Hier, il fallait s'adapter au virus ; dorénavant, c'est l'inverse. Avec votre mépris coutumier, vous avez, ce matin encore, insulté ceux qui refusent le passe vaccinal. Et il deviendrait inutile dans un mois, à l'inverse de ce que préconise le Conseil scientifique, qui, comme chacun de nous, constate que le virus reflue très nettement ! Mais c'est maintenant qu'il faut l'abroger, sans attendre que cela coïncide avec la campagne présidentielle !
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
C'est maintenant qu'il faut tirer les leçons de votre incompétence, qui a affaibli durablement l'hôpital ! C'est maintenant qu'il vous faut assumer vos incohérences, qui ont corrompu la parole publique ! C'est maintenant qu'il faut redonner aux Français leur liberté, qui leur a été enlevée pendant trop longtemps ! C'est maintenant qu'il faut emprunter le même chemin que le Royaume-Uni et le Danemark, qui ont levé les restrictions !
Le bon sens a laissé place aux calculs politiques, et vos annonces récentes ne démontrent qu'une seule chose : vous êtes prêts à tout, y compris à instrumentaliser une crise sanitaire, pour vous accrocher au pouvoir, comme une moule à son rocher !
Vives protestations sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Une chose est sûre : lorsque nous abrogerons le passe, la question que je me pose depuis que nous l'avons instauré restera en suspens : qu'en pense le groupe Les Républicains ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Votre candidate a exprimé son soutien et annoncé qu'une majorité des députés de votre groupe le soutiendraient, mais à plusieurs occasions, une minorité d'entre vous a voté pour au Parlement.
Vous nous demandez de le supprimer très tôt. Je crois que la mesure vous met mal à l'aise, mais je veux vous tranquilliser : au regard des critères objectifs, nous ne pouvons pas la lever dès maintenant, mais nous le ferons le plus tôt possible, et nous espérons que sera dès la mi-mars. Cela suppose que les hôpitaux ne soient plus obligés d'appeler les malades pour déprogrammer des soins, faute de lits dans les services de réanimation, où 2 900 malades du covid sont encore hospitalisés. Posez la question aux médecins, ils vous répondront qu'ils n'ont pas envie qu'on lève toutes les mesures de protection.
Toutefois, cela pourrait être possible dans deux ou trois semaines.
Par ailleurs, j'imagine que, comme moi, vous faites les marchés.
Les Français nous parlent du masque : c'est son obligation qu'ils veulent voir lever le plus tôt possible, plus que celle relative au passe vaccinal. Comme vous dans cet hémicycle, ils veulent ne plus être obligés de le porter constamment à l'intérieur. Le moment viendra, lorsque cela ne mettra pas en péril la dynamique de lutte contre l'épidémie, c'est-à-dire quand celle-ci faiblira.
Cela vous énerve, monsieur Minot ? Rejoignez-vous, soyez satisfait : nous sortons de l'épidémie ,
M. Éric Coquerel proteste
la dernière vague se termine. C'est une bonne nouvelle pour les Français, célébrons-la ! Il n'est pas grave que cela coïncide avec les élections : l'intérêt général est que l'épidémie finisse le plus tôt possible.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Monsieur le Premier ministre, vous l'avez dit, la décision que Vladimir Poutine a prise de reconnaître hier soir les républiques de Donetsk et de Lougansk est inacceptable et dangereuse. Elle intervient après de nombreux pourparlers visant, depuis 2014, à appliquer les accords de Minsk, pour faire respecter un cessez-le-feu entre l'Ukraine et la Russie et créer un statut spécial pour le Donbass.
Certes, nous sommes assis sur un baril de poudre. Cependant, les sanctions contre la Russie ne changeront pas le cours des choses, non plus que la dramatisation de la menace par l'administration américaine. Les sanctions sont contre-productives, car elles stimulent l'ultranationalisme que promeut le président Poutine.
Le secrétaire général des Nations unies a appelé hier au règlement pacifique du conflit, conformément à la résolution 2202 (2015). Nous partageons pleinement cet objectif de paix. C'est pourquoi nous vous appelons d'urgence à œuvrer, en lien avec le Parlement, pour que se tienne, sous l'égide des Nations unies, une conférence diplomatique large, visant à définir tous les points de tension et à négocier une solution pour chacun.
En décembre dernier, Moscou proposait d'arrêter l'expansion de l'OTAN et d'interdire le déploiement de certains missiles à l'est de l'Europe. En effet, l'OTAN constitue le point de crispation central. Or nous considérons qu'il est grand temps d'en finir avec cette alliance anachronique.
La proposition russe forme une base de discussion réaliste, à la condition d'intégrer aux négociations la lutte contre l'ingérence russe en Géorgie, en Crimée et au Donbass. Il faut dépasser les intérêts nationaux pour parvenir à la paix.
La France sera-t-elle à l'initiative de cette grande conférence que les communistes appellent de leurs vœux ? Donnons une chance à la paix : c'est la voie singulière que doivent suivre la France et l'Union européenne.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe Dem.
Vous me permettrez une divergence concernant un élément important de votre intervention. Vous dites d'emblée que nous ne devons pas prendre de sanctions contre la Russie. Or ce n'est pas une réponse possible à l'agression caractérisée que vous avez vous-même rappelée. Comme je l'ai déjà expliqué lors de mes précédentes réponses, j'estime au contraire que nous devons au minimum faire montre de la plus grande fermeté et ne pas accepter l'inacceptable.
Toutefois, la France continuera à œuvrer diplomatiquement pour trouver une issue favorable à la paix, à la condition que la souveraineté de l'Ukraine soit pleinement respectée. Voilà sur quoi portent les débats à l'intérieur de l'OTAN et avec les Russes. Tel n'est pas le cas, or c'est un préalable.
Je rejoins la précédente intervention du groupe Socialistes et apparentés : la représentation nationale a droit à certaines informations relatives à ce sujet, qui changent continuellement. La possibilité a été évoquée d'organiser un débat, conformément à l'article 50-1 de la Constitution.
Je ne l'exclus pas par principe. Étant donné l'évolution de la situation, je vous propose de réunir un comité de liaison avec les présidents des groupes et les présidents des commissions compétentes, en votre présence, monsieur le président. Cela permettrait de maintenir en permanence un lien et de vous livrer l'information qui vous est due.
Ce comité pourrait se réunir pour la première fois dès vendredi après-midi, sur le modèle de ce que nous avions fait s'agissant de la crise sanitaire.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Le pouvoir d'achat constitue une des premières préoccupations des Français. Les inquiétudes, les privations et les renoncements sont devenus le lot quotidien d'une partie de nos concitoyens, en particulier les plus fragiles.
Le reste à vivre se contracte en raison d'une inflation galopante. À la hausse des prix de l'électricité et des matières premières s'ajoute désormais celle des produits de première nécessité. Ceux qui dépendent de leur voiture voient les prix à la pompe flamber. Le prix du gazole a atteint un nouveau record en février. Étant donné les tensions en Ukraine, les prix pourraient encore monter.
Dans les territoires, il n'existe parfois aucune autre solution que la voiture. Certains renoncent à effectuer des déplacements et des achats. La situation affecte l'économie de proximité, déjà sous le coup d'une hausse de la facture énergétique et du prix des matières premières : cette baisse de fréquentation est une nouvelle épreuve.
Vous avez annoncé des mesures pour accompagner les Français face à la hausse des prix des carburants. En octobre dernier, vous avez créé l'indemnité inflation, de 100 euros, mais c'est un dispositif limité et pas forcément bien calibré.
Plus récemment, vous avez relevé le taux de l'indemnité kilométrique. Mais cela ne concerne que 2,5 millions de ménages salariés.
L'envolée des prix est telle que ces mesures sont insuffisantes. Excluez-vous toujours une baisse, même temporaire, de la fiscalité sur les carburants ? Sur le moyen terme, quel est votre plan pour permettre aux Français de se déplacer sans se ruiner ? Êtes-vous prêt à prendre des mesures pour aider les entreprises à supporter ces augmentations, qui fragilisent leur compétitivité et menacent l'emploi dans nos territoires ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Vous interrogez le Gouvernement sur les conséquences de l'augmentation des prix de l'énergie sur le pouvoir d'achat des ménages français.
Nous avons agi très vite. Dès le mois de septembre 2021, le Premier ministre a annoncé la revalorisation exceptionnelle, de 100 euros, du chèque énergie, pour 5,8 millions de ménages. Les chèques ont été adressés au mois de décembre.
Nous avons également agi à l'aide d'un dispositif législatif, que le Parlement a bien voulu voter, afin de limiter à 4 % la hausse du prix de l'électricité. Il faut en prendre la mesure : sans ce dispositif, la facture des Français aurait augmenté de 40 à 45 %, au lieu de 4 %. Nous avons agi de même en plafonnant le tarif du gaz à son niveau d'octobre.
Le Parlement a bien voulu voter l'indemnité inflation, à hauteur de 100 euros par personne, pour 38 millions de Français ; 24 millions l'ont déjà perçue, et 12 millions de retraités la recevront le 28 février, portant à 36 millions le nombre des bénéficiaires. Les autres la percevront à mesure que nous récupérerons les coordonnées bancaires.
Vous m'interrogez sur les mesures que nous pourrions prendre en plus. Pour celles que j'ai citées, l'État s'est déjà engagé à hauteur de 15 milliards d'euros. Nous y avons ajouté la revalorisation de 10 % du barème kilométrique. Sous l'autorité de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l'industrie, nous avons également octroyé une aide aux entreprises les plus énergivores, avec une avance de la compensation des coûts indirects du carbone pour l'année 2023.
Nous suivons la situation avec la plus grande attention, en particulier dans le contexte international que nous connaissons. Nous avons mobilisé des moyens inédits. Concernant l'électricité, nous avons déjà actionné le levier fiscal. Je comprends que vous souhaiteriez aller plus loin s'agissant des carburants. Mais vous en conviendrez, les mesures que nous avons adoptées, et qui protègent les Français, ont un coût. Soyez néanmoins assurée que nous ferons preuve de la plus grande vigilance dans les semaines à venir.
Les ménages les plus fragiles nous disent que ces dispositions sont insuffisantes ; elles ne leur évitent pas de renoncer à certains achats.
Vous citez les entreprises électro-intensives ; je parlais des PME, des commerçants, des artisans, qui voient leur facture d'énergie augmenter fortement, mais qui ne bénéficient pas des dispositifs que vous avez adoptés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur quelques bancs du groupe LR.
Nous savons combien cette XV
Depuis cinq ans, les députés de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire ont examiné une quarantaine de textes de loi, dont plusieurs réformes de grande ampleur.
Face au défi de l'urgence climatique et aux menaces qui pèsent sur notre environnement, nous avons fait le choix de rehausser constamment nos ambitions et nos objectifs.
Qu'il s'agisse de transition vers un modèle agricole et alimentaire plus durable, de lutte contre le gaspillage, d'économie circulaire, de protection de la biodiversité, de lutte contre le dérèglement climatique, qu'il s'agisse de transition vers des mobilités plus vertes, de sortie des énergies fossiles, de décarbonation de l'industrie ou de rénovation énergétique, des leviers essentiels ont été actionnés pour accélérer la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la transition vers un modèle plus sobre, plus vertueux et plus solidaire.
Ces réformes, madame la ministre, vous les connaissez bien, pour les avoir défendues et amendées à nos côtés, avec l'ensemble de nos collègues en tant que présidente de cette commission, puis en tant que ministre de la transition écologique. Nous savons qu'il ne peut y avoir de transition juste et soutenable sans concertation et sans adhésion. L'un des enjeux les plus importants est de veiller à ce que ces évolutions n'aggravent pas les inégalités et ne fracturent pas la société, mais à ce qu'elles améliorent au contraire la qualité et le cadre de vie de nos concitoyens.
Le Gouvernement a fait le choix de consulter et d'accompagner l'ensemble de nos concitoyens : informer, inciter et donner les moyens d'agir, avant d'interdire et de contraindre. Madame la ministre, quel bilan dressez-vous des mesures engagées pour accompagner concrètement les Français dans la transition sur le chemin de la neutralité carbone ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Madame la présidente de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, merci beaucoup pour cette question. Comme ce sont les dernières questions au Gouvernement de la législature, je voudrais d'abord vous remercier, ainsi que tous les membres de cette commission qui me tient particulièrement à cœur, vous le savez. Je tiens aussi à remercier Roland Lescure et les membres de la commission des affaires économiques, avec qui j'ai beaucoup travaillé, ainsi que tous les députés des groupes de la majorité et de l'opposition, pour leur travail et pour le très riche ouvrage législatif que nous avons collectivement construit depuis cinq ans.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je veux aussi saluer mes trois prédécesseurs à la tête du ministère, ainsi que mes collègues au sein du pôle, Emmanuelle Wargon, Jean-Baptiste Djebbari et Bérangère Abba. Nous avons agi pendant la législature pour accélérer tous les pans de la transition écologique, en particulier dans le cadre de la relance post-crise.
Évidemment, il est compliqué de recenser en une minute tout ce que nous avons fait, mais je retiens deux grands acquis. Le premier, c'est que pour la première fois, la transition écologique devient un levier de réussite économique ; c'est très important.
Mme Marie-Christine Dalloz proteste.
Nous sortons enfin de l'opposition entre écologie et économie. Nous avons montré, grâce au plan de relance et à toutes les lois que nous avons adoptées, que si l'économie veut se sauver, elle doit prendre le virage de la transition écologique de manière juste ; c'est le plus important.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Cela s'est manifesté par le fait que, sur les 100 milliards du plan de relance, 30 % ont été consacrés à l'écologie, ainsi que la moitié du plan France 2030.
Ensuite, nous avons considéré que la protection de la biodiversité était un impératif de même niveau que le climat. C'est aussi une grande avancée, avec 30 % du territoire placés sous protection forte. Je pourrais citer d'autres mesures : le bien-être animal, la lutte contre l'artificialisation et contre les passoires thermiques, la qualité de l'air, mais ce serait bien trop long. Merci pour tout le travail que nous avons fait ensemble.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Dem.
La hausse des prix de l'électricité, calée sur celle des prix du gaz, a démontré une nouvelle fois l'échec de l'ouverture des marchés et de la concurrence appliquée au secteur de l'électricité.
Pour y faire face, vous avez décidé de relever de 20 térawattheures le volume de l'ARENH (accès régulé à l'électricité nucléaire historique) délivré par EDF, et ce, pour seulement quelques euros de plus le mégawattheure. EDF est donc obligée d'acheter d'importants volumes d'électricité sur le marché, à des sommes pouvant aller jusqu'à plus de 300 euros le mégawattheure, avant de les revendre à prix cassé à ses concurrents pour seulement 46,20 euros le mégawattheure ! L'entreprise vend donc à perte et subventionne ses concurrents, qui ne supportent ni les aléas de marché ni les risques d'exploitation.
L'énergéticien chiffre sa perte à 8 milliards. EDF ne saurait être utilisée comme une variable d'ajustement des prix au détriment de sa viabilité financière. Les organisations syndicales et les associations de consommateurs envisagent d'ailleurs de déposer un recours contre cette décision.
L'État, qui détient 85 % du capital d'EDF, a promis d'être à ses côtés. Après avoir évoqué l'éventualité d'une nationalisation, vous avez annoncé la participation de l'État actionnaire à la recapitalisation d'EDF à hauteur de 2,1 milliards. Nous prenons cela comme une première étape, car c'est largement insuffisant pour que l'énergéticien puisse faire face au mur d'investissements qui est devant lui. Cette augmentation de capital sert principalement à financer le rachat des activités nucléaires de General Electric et en aucun cas ne sécurise ses nécessaires capacités d'investissement.
Deux questions très claires : avez-vous un accord formel de la Commission européenne validant l'augmentation du plafond de l'ARENH ? Confirmez-vous que la recapitalisation n'est qu'une première étape dans le soutien de l'État à EDF ? Une nouvelle participation est indispensable pour protéger durablement les Français, et vous le savez !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Merci de poser cette question, qui va permettre de clarifier notre position en matière de mix énergétique. Celle-ci est très claire et a été récemment exposée par le Président de la République : la stratégie repose sur des actions de court terme, pour faire en sorte que les Français et les entreprises passent le cap, dans un contexte d'augmentation massive du prix de l'électricité – beaucoup de députés ont abordé ce sujet cet après-midi.
Racontez-nous ce qui va se passer quand nous n'achèterons plus de gaz à la Russie !
Vous avez mentionné l'augmentation de 20 térawattheures que nous avons décidée : ce volume sera mis à disposition de tous, c'est-à-dire des collectivités locales, des entreprises – notamment PME et artisanales, je veux vous rassurer, madame Pinel – et des ménages.
Nous pourrons ainsi accompagner l'économie et limiter un impact qui aurait pu arrêter l'activité de 150 entreprises hyper électro-intensives, mettant en jeu 45 000 emplois – vous connaissez bien le sujet, madame la députée, notamment avec l'usine Ferropem.
Cette première mesure est accompagnée par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), l'autorité de régulation, qui veillera à ce que ce prix compétitif permis par EDF soit mis à disposition et redescende, par le biais des fournisseurs, jusqu'au consommateur final.
Quant à l'accompagnement d'EDF, le ministre de l'économie a été particulièrement clair : nous serons aux côtés d'EDF, dont nous sommes le principal actionnaire, à 85 %. D'une part, nous avons l'accord de la Commission européenne, bien évidemment. D'autre part, nous accompagnons EDF à long terme, puisque nous avons annoncé l'achat de six EPR .
European Pressurized Reactors
Nous accompagnerons ainsi l'ensemble de la stratégie économique d'EDF avec des fonds propres, en tant qu'actionnaire de contrôle.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre de la santé, depuis plus de quinze ans le nombre de déserts médicaux augmente, créant de fortes inégalités territoriales et contribuant à l'abandon de ces territoires par la population. C'est le cas partout en France, mais c'est particulièrement le cas chez moi, dans les Vosges, notamment dans la vallée de la Moselle, où le départ du médecin généraliste de la maison médicale prive plus de 3 500 patients d'un accès aux soins à Saint-Maurice-sur-Moselle.
Les mesures que vous avez prises, si elles ont un effet, ne se feront sentir que dans une dizaine d'années. Nous vous l'avons déjà proposé à de nombreuses reprises : entendez-vous mettre en place un conventionnement sélectif et allez-vous demander aux médecins de s'installer dans des déserts médicaux pendant une période déterminée ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LT, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe GDR.
Aurez-vous le courage de faire face à cette situation, de prendre ce sujet à bras-le-corps et d'engager les moyens nécessaires pour assurer un égal accès aux services publics ? Il y va de la santé de tous ; il y va de la survie et de l'attractivité des territoires. Monsieur le ministre, la question est simple : oui ou non, aurez-vous ce courage ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LT, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR et GDR.
On peut ne pas être d'accord sur le fond sans être couard pour autant, vous serez d'accord avec moi ! C'est le propre du débat démocratique. Je vous réponds : je ne suis pas favorable au conventionnement sélectif pour des raisons que nous avons eu l'occasion d'évoquer de nombreuses fois.
En revanche, je connais bien la situation dont vous avez eu la gentillesse de nous faire part s'agissant de votre territoire : un médecin d'une quarantaine d'années est parti, laissant sa patientèle sans médecin. Nous avons pris attache immédiatement avec l'agence régionale de santé (ARS) et l'ensemble des médecins du territoire pour que, dans l'immédiat, ces derniers répondent aux besoins des patients et assurent la continuité des soins dans les EHPAD où intervenait également ce médecin. Nous nous appuyons également sur le réseau des pharmaciens, dans le cadre de coopérations. À moyen terme, une analyse complète de la situation de la vallée sera conduite à l'échelle de la caisse primaire d'assurance maladie des travailleurs salariés (CPAMTS).
Chaque territoire a ses problèmes. On manque de médecins partout ; on connaît le diagnostic, on a supprimé le numerus clausus, on en forme davantage. Il faut nous appuyer sur des solutions innovantes pour être capables d'avancer. Ce matin, le Premier ministre a écouté l'ensemble des élus de tous bords de la région Centre-Val de Loire – président de région, présidents de départements et maires. Nous avons fait avec eux le diagnostic selon lequel le Centre-Val de Loire est la région la moins dotée en médecins. Ils nous ont demandé un CHU (centre hospitalier universitaire) supplémentaire : le Premier ministre s'y est engagé. Ils nous ont demandé de doubler le nombre d'infirmières de pratique avancée : nous nous y sommes engagés. Ils nous ont demandé plus d'internes : nous nous y sommes engagés. Ils nous ont demandé d'expérimenter l'accès direct aux kinésithérapeutes : nous nous y sommes engagés. Marc Fesneau et Frédérique Vidal étaient présents : ils ne diront pas le contraire.
Ce sont ces solutions opérationnelles, qui tiennent compte des réalités de chaque territoire, qui seront efficaces immédiatement et dans la durée. Demain, nous aurons davantage de médecins. Nous en avons formé 15 % de plus au cours de ce mandat ; il était grand temps de supprimer le numerus clausus. Oui aux solutions efficaces ; non aux vieilles lunes qui nous font perdre du temps et de l'énergie. Le courage est aussi là.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre, je ne peux être qu'en partie en désaccord avec votre réponse. Certes, une attache a peut-être été prise avec l'ARS pour le territoire vosgien, et je vous en remercie, mais si l'on parle de l'ensemble du pays, nous devons aller beaucoup plus loin. Nous devons avoir le courage d'imposer le conventionnement sélectif : 74 % des Français disent que l'accès aux soins est leur principale préoccupation ,
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I
devant le pouvoir d'achat et devant l'immigration – oui, la santé, monsieur le ministre ! Nous devons avoir le courage, pour avoir une solution immédiate, de prendre des mesures fortes.
Mêmes mouvements.
Monsieur le président, vous avez dit tout à l'heure que c'était la dernière séance. Pour moi, le rideau va tomber, après trente années de présence sans discontinuer dans l'hémicycle.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, LaREM, Dem, SOC, Agir ens, UDI-I et LT.
Monsieur le président, de M. Philippe Séguin jusqu'à vous, je voudrais souligner le plaisir et l'honneur que j'ai eu à servir à la fois mon pays, ma ville et l'Assemblée. J'ai particulièrement apprécié les dix années de présidence de la commission de la défense et des forces armées, que j'ai essayé de servir avec honneur et fidélité.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, LaREM, Dem, SOC, Agir ens, UDI-I et LT.
Je voudrais remercier tous ceux qui m'ont accompagné tout au long de mon chemin, dans les différents postes que j'ai occupés, et saluer tous mes collègues, sur l'ensemble des bancs, en leur souhaitant le meilleur sur les routes qui les attendent. Merci à tous et à toutes.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, LaREM, Dem, SOC, Agir ens, UDI-I, LT et GDR.
Je vais terminer comme j'ai commencé, en posant une question au ministre de la défense et des forces armées. Madame la ministre, le 10 février dernier, lors de votre déplacement en Indonésie, le ministre de la défense de ce pays a annoncé la commande de six Rafale, sur une commande totale de quarante-deux appareils. C'est une véritable réussite pour Dassault Aviation, ainsi que pour toute la filière aéronautique française.
Si nous pouvons nous féliciter du succès grandissant des Rafale à l'export ces deux dernières années, avec une commande globale de 152 appareils…
…ces ventes sont loin d'être neutres pour l'armée de l'air. Comme l'a évoqué mon collègue Jean-Jacques Ferrara, rapporteur du budget de l'armée de l'air, c'est au sein de cette armée que seront prélevés les appareils acquis d'occasion par la Grèce et la Croatie.
S'il faut évidemment saluer ces commandes, qui marquent une européanisation du Rafale, il n'en reste pas moins vrai que vingt-quatre de ces avions d'occasion, livrés à la Grèce et à la Croatie, seront prélevés sur les forces vives de nos escadrons. En outre, ces prélèvements interviennent alors que durant la même période, douze Mirage 2000-C et treize Mirage 2000-D non rénovés seront retirés du service. En pratique, l'armée de l'air perd l'équivalent de plus d'un escadron, ce qui est énorme ! Malgré votre promesse de 129 Rafale pour 2025, vous avez fini par reconnaître avec honnêteté, madame la ministre, que cet objectif ne serait pas atteint.
Or l'ancien chef d'état-major de l'armée de l'air et de l'espace avait pourtant affirmé que « le point de passage en 2025 à 129 Rafale était primordial ». L'ère du tout-Rafale est encore loin pour notre armée ; cela est regrettable pour notre souveraineté. Dans une période où la probabilité de conflits de haute intensité n'a jamais été aussi proche, comment peut-on ainsi affaiblir notre armée ? Il est de votre devoir de compenser au plus vite la perte causée par ces exportations pour éviter d'accentuer le décalage entre la cible fixée par votre loi de programmation militaire (LPM) et la réalité. Une vingtaine de Rafale manqueront à l'appel en 2025 ; combien en manquera-t-il en 2030 ? Madame la ministre, face à cette rupture capacitaire critique, surtout lorsqu'un conflit de haute intensité menace, je souhaiterais savoir ce que vous envisagez pour y remédier.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Merci, cher collègue, et merci de ces trente ans au service de la représentation nationale.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LR, Dem, SOC, Agir ens, UDI-I, LT et GDR.
Permettez-moi aussi, monsieur le député, de vous rendre un hommage appuyé en mon nom, et bien sûr au nom de tous les militaires et du ministère des armées que je représente, pour votre engagement au service de nos concitoyens mais aussi de nos armées.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Oui, les années 2021 et 2022 seront des années exceptionnelles pour l'exportation des Rafale. Du reste, le bilan du quinquennat est excellent s'agissant des exportations d'armement et donc, pour nos industries terrestres, navales ou aéronautiques.
Sept pays ont fait confiance à la France et font confiance au Rafale, un avion qui a fait ses preuves au combat. En Europe, nous avons gagné deux partenaires : la Grèce et la Croatie seront désormais équipées de Rafale. Celui-ci est le symbole d'une Europe de la défense souveraine et ambitieuse. Nous avons consolidé nos partenariats avec l'Égypte et le Qatar, ainsi qu'avec les Émirats arabes unis qui nous ont commandé quatre-vingts appareils – c'est considérable.
Enfin, nous avons développé nos partenariats dans l'Indo-Pacifique, conformément à l'objectif fixé par le Président de la République. L'Inde a passé commande, suivie de l'Indonésie qui a commandé quarante-deux appareils.
Ces excellents résultats sont le fruit de l'action de tous : des industriels, bien entendu ; des salariés qui disposent d'un savoir-faire remarquable ; et de vous-mêmes, les parlementaires, car la LPM a joué un rôle considérable. Je prends l'engagement, comme je l'ai fait devant votre commission, que les Rafale prélevés pour répondre à la politique d'exportation seront compensés à l'armée de l'air et de l'espace.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
À l'occasion de cette dernière séance de questions au Gouvernement, je voudrais d'abord saluer et remercier tout particulièrement l'ensemble des membres de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, que j'ai eu l'honneur de présider.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de la culture. Quel contraste, lorsque au plus fort de la crise, de l'autre côté de la Manche, nous entendions un premier ministre et son gouvernement dire aux artistes anglais : « Reconvertissez-vous, changez de métier », alors que le gouvernement français, sous l'autorité de Jean Castex et par votre voix, tenait un discours radicalement différent, en disant aux artistes : « Tenons bon, parce que nous avons et nous aurons plus que jamais besoin de la culture, de cet esprit de la nuance qui doit présider à nos destinées individuelles et à notre destin collectif ».
Les résultats de la politique de soutien alors appliquée – année blanche pour les intermittents du spectacle, chômage partiel, fonds de soutien, ou encore maintien des commandes publiques – sont déjà visibles.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Ainsi, près de la moitié des films présentés au dernier Festival de Berlin étaient produits ou coproduits par des Françaises et des Français.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Madame la ministre, vous êtes bien la ministre des artistes : durant ces mois difficiles, vous leur avez permis de continuer à créer et à préparer la rencontre avec leur public. Vous êtes tout autant la ministre du public, notamment du jeune public, que vous n'avez jamais perdu de vue. À cet égard, je veux saluer une nouvelle fois votre engagement, puisqu'en collaboration avec Jean-Michel Blanquer, vous avez étendu le pass culture à tous les élèves dès la classe de quatrième. Il faut exhorter notre jeunesse à multiplier les sorties culturelles ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM
à vivre la culture comme une expérience sensible.
Cette extension intervient au moment où, au-delà de la crise conjoncturelle à laquelle nous avons répondu ensemble sur tous les bancs de l'Assemblée nationale, émergent de façon accélérée de nouvelles pratiques et de nouveaux usages numériques qui charrient le risque d'un enfermement des consciences dans des algorithmes, dans des univers parallèles organisés et gouvernés par des entreprises extra-européennes. Ces risques, qui pourraient menacer les efforts menés depuis cinq ans pour l'émancipation et l'autonomie de chacune et de chacun, peuvent aussi se transformer en opportunité. Quels sont les grands leviers d'ores et déjà actionnés par le ministère de la culture pour répondre à ce défi ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
Monsieur le président Bruno Studer, je vous remercie d'avoir été le président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation que vous fûtes et pour le travail accompli avec vos collègues.
Vous m'avez demandé quels étaient les meilleurs leviers dans le monde de la culture pour affronter l'avenir. D'abord, grâce aux plus de 14 milliards d'euros d'aides que nous avons engagés, nous avons sauvé le monde de la culture, ses artistes, ses structures, et l'animation culturelle dans nos territoires. Nous avons aussi continué à mener des réformes structurelles qui ont touché tous les secteurs, que ce soit la presse, le livre, le patrimoine ou l'audiovisuel, qui a connu une restructuration profonde. Nous avons agi pour préserver la propriété intellectuelle, nous avons créé l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique – ARCOM –, et un nouvel accord sur la chronologie des médias a été signé, entre autres.
Trois actions me touchent particulièrement. Je pense au pass culture – vous l'avez évoqué –, qui est une immense réussite pour nos jeunes ; à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans l'ensemble de nos établissements artistiques ; aux politiques de restitution, notamment des biens juifs spoliés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Avec vous et le rapporteur Yannick Kerlogot, nous étions au Bénin pour assister à la magnifique exposition où étaient présentées les œuvres culturelles restituées.
Mêmes mouvements.
C'était vraiment très émouvant.
Nous continuerons ce travail. Le plan d'investissements d'avenir nous permettra d'adapter nos structures et le plan France 2030 nous donnera les moyens d'affronter la révolution numérique qui nous attend. Un milliard d'euros est sur la table ; il revient aux acteurs de la culture de s'en saisir pour préparer l'avenir.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Voilà près de cinq ans que nous siégeons ici et c'est aujourd'hui la dernière séance de questions au Gouvernement, et la dernière question de notre groupe au Gouvernement.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
C'est l'heure des comptes, et ils sont clairs. En 2017, nous prévenions les Français : Macron sera un Robin des Bois à l'envers, il prendra aux pauvres pour donner aux riches. Tout l'a confirmé : aux retraités, il a ponctionné la contribution sociale généralisée – CSG ; aux précaires, il a supprimé les contrats aidés ; aux locataires, il a réduit les aides au logement ; aux étudiants et aux jeunes, il n'a offert que des colis alimentaires.
Malgré les jolis discours, malgré la déclaration selon laquelle « il nous faudra nous rappeler aussi que notre pays, aujourd'hui, tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal », Martine, aide à domicile, continue de travailler pour 683 euros par mois et Hayat, accompagnante d'élèves en situation de handicap, pour 934 euros.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Rien n'a changé pour elles, sinon leur aide personnalisée au logement (APL) un peu rabotée, sinon l'inflation sur le plein d'essence et sur leurs caddies. Où sont passés les milliards économisés sur Martine, sur Hayat, sur les salariés, sur les retraités ? À l'autre bout !
Alors qu'il n'était que candidat en 2017, on tendait un chèque à Emmanuel Macron. « Quel sera le montant de vos cadeaux au CAC40 ? », lui demandait-on. Il refusait alors de répondre. Aujourd'hui, on sait. Nous avons calculé combien avaient coûté la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et de l'exit tax, la flat tax, les crédits d'impôt, la suppression de la « taxe banquier » lors du Brexit, la baisse des impôts de production et sur les sociétés. Aujourd'hui, le chèque est signé.
M. François Ruffin brandit une pancarte. – Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Bruno Millienne proteste également.
Oui, c'est 163 milliards pour vos amis de Sanofi, pour McKinsey & Company, un pognon de dingue.
Ce sont 163 milliards qui ne vont pas dans les écoles ni dans les hôpitaux. Alors cette fois, soyez francs, dites-nous le montant de la somme que votre candidat, le candidat Macron, prélèvera aux retraités et aux salariés pour la donner aux firmes et aux actionnaires.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.
Au fond, vous terminez la législature exactement comme vous l'avez commencé : dans l'outrance et la caricature.
Voilà ce qui vous aura singularisé pendant la législature. Entre-temps, les Français ont vu que vos outrances n'ont jamais rempli le porte-monnaie d'un seul Français.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
C'est cette majorité qui a augmenté nos soignants, nos forces de l'ordre, nos professeurs en début de carrière, qui a augmenté la prime d'activité et qui a baissé les charges des Français.
Ils ont vu que vos caricatures n'ont jamais sorti un seul Français de Pôle emploi. C'est cette majorité qui a réformé le marché du travail, qui a rendu nos entreprises plus compétitives.
Ils auront vu que vos injures n'ont jamais permis aux Français de mieux se soigner. C'est cette majorité qui a instauré le reste à charge zéro.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
Des millions de Français qui bénéficient de l'accès à des prothèses grâce à l'action de cette majorité.
Les Français ne vous servent qu'à une chose : ils sont instrumentalisés dans votre course à la radicalité,…
…et au dénigrement permanent de notre pays. Mais en dénigrant le bilan et ce qui a été fait, vous vous en prenez aux Français. La réalité, c'est qu'il reste du chemin à parcourir et que notre pays rencontre encore des difficultés. Mais quand vous expliquez que rien ne va, quel mépris pour les centaines de milliers de Français qui ont retrouvé le chemin de l'emploi .
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem. – Protestations sur les bancs du groupe FI
Ils ont fait des efforts, ils sont fiers d'avoir retrouvé un emploi.
Quand vous opposez les uns aux autres, quel mépris pour toutes les entreprises qui ont versé 4 millions d'euros de « prime Macron » à des Français qui travaillent pour améliorer leur pouvoir d'achat.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Ce sont eux que vous insultez ; ce n'est pas seulement nous.
La réalité, c'est que tout cela, les Français le savent. Si depuis cinq ans vous étiez au pouvoir, la France serait à genoux. Avec nous, elle est debout et elle peut regarder plus que jamais vers l'avenir.
Les députés du groupe LaREM se lèvent. – Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe FI.
C'est ma dernière question au Gouvernement, à laquelle j'associe mon ami Christian Hutin – qui, comme moi, ne se représente pas pour un nouveau mandat –, les membres du groupe Socialistes et apparentés et tous mes collègues.
Applaudissements sur tous les bancs.
Quand je suis arrivé de Saint-Étienne dans cet hémicycle, à l'âge de 35 ans, accueilli avec bienveillance par le très expérimenté et regretté Henri Emmanuelli, jamais je n'aurais imaginé poser quinze ans après ma dernière question au Gouvernement avec un masque chirurgical sur le visage. Au cours de ces trois mandats consécutifs, j'ai été successivement dans l'opposition, dans la majorité, puis à nouveau dans l'opposition ; j'ai même été dans l'opposition au sein de la majorité.
Sourires.
Mais j'ai toujours été un farouche défenseur des droits du Parlement.
Je pars de l'Assemblée nationale sans aucune frustration, avec le sentiment du devoir accompli.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
J'ai passionnément aimé ce mandat de député, qui est pour moi le plus complet. Nous sommes des élus de la nation et nous représentons aussi un territoire, nos circonscriptions. En quinze ans, j'ai eu la chance de participer aux travaux de très nombreuses missions d'information parlementaire ou commissions d'enquête et de publier trente-trois rapports parlementaires.
Si nombre de ces rapports ont été consacrés au sport, j'ai aussi cosigné des rapports transpartisans au sein des différentes commissions permanentes et du comité d'évaluation et de contrôle, formant parfois des duos de députés surprenants. Je pense au rapport d'information sur la mobilité sociale des jeunes, avec Jean-Frédéric Poisson ; aux rapports d'informations sur la régulation des jeux d'argent et de hasard, avec Jacques Myard puis Olga Givernet ; au rapport d'information sur l'aide sociale aux anciens combattants, avec Marie-Christine Dalloz ; au rapport d'information sur la fabrique de la loi, avec Laure de La Raudière et François Cornut-Gentille ; au rapport d'information sur l'accès à l'enseignement supérieur, avec Nathalie Sarles ; au rapport d'information sur l'évaluation du système éducatif et sur la lutte conte la sédentarité avec Marie Tamarelle-Verhaeghe. Contrairement aux idées reçues, ces rapports qui rassemblaient majorité et opposition n'ont pas servi à caler les armoires : les deux tiers de leurs préconisations ont connu une suite favorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LaREM.
En vertu de notre Constitution, « le Parlement vote la loi » ; eh bien, il en vote trop : 500 par législature. Le Parlement « contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques » ; eh bien, il contrôle et évalue trop peu, puisque le contrôle et l'évaluation représentent seulement 10 à 20 % du travail parlementaire. Monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne, que comptez-vous faire pour revaloriser les fonctions de contrôle et d'évaluation du Parlement ?
De très nombreux députés se lèvent et applaudissent.
Merci, mon cher collègue.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne.
Je vous remercie pour votre question, en forme de bilan, non seulement de vos activités parlementaires personnelles, mais aussi du travail que vous avez mené avec un certain nombre de vos collègues, de la majorité comme de l'opposition, ou plutôt des majorités comme des oppositions auxquelles vous avez participé. Vous avez souligné le rôle des parlementaires et dit à quel point vous aimiez avec passion ce mandat. Je profite de cette occasion pour saluer le travail de chacune et de chacun d'entre vous et pour rappeler le soutien sans faille du Gouvernement à toutes celles et ceux qui, élus locaux ou nationaux, sont, chaque jour, menacés en raison de leurs opinions ou de leurs prises de position, à l'Assemblée nationale ou à l'extérieur : à chaque fois qu'un élu est menacé, c'est la démocratie qui est en cause.
Vous avez évoqué le travail des parlementaires, en particulier le contrôle et l'évaluation : vous soulignez à juste titre qu'ils ne sont pas suffisamment développés. On réduit souvent le travail du parlementaire à l'élaboration de la loi. Or les activités d'évaluation et de contrôle sont très précieuses. Je ne citerai qu'un seul exemple, celui du travail qui a été fait sur la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGALIM. Un travail d'évaluation de la majorité comme de l'opposition a permis une évolution, avec l'adoption d'un deuxième texte : évaluer la loi, c'est vérifier son efficacité et les progrès qu'elle permet ; si cela est nécessaire, il faut la faire évoluer, avec modestie.
Il faut répondre aux questions écrites, car des centaines d'entre elles sont restées sans réponse !
Monsieur le député Cordier, du début à la fin du mandat, on vous aura toujours entendu, avec la même véhémence :…
M. Bruno Millienne applaudit
…il est regrettable que vous n'ayez pas évolué !
Permettez-moi de conclure en saluant toutes celles et ceux qui ont fait le choix de l'engagement, dans la majorité comme dans l'opposition : il n'est pas de mot plus beau que celui-ci ! Il faut saluer tous ceux qui, un jour, dans leur vie, font le choix, à l'Assemblée nationale, dans les assemblées locales ou dans les associations, de s'engager : cela est précieux pour le pays.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, un Européen sur dix-sept, soit 3 millions de Français – dont 80 % d'enfants –, sont porteurs de l'une des quelque 7 000 maladies rares, incluant les cancers pédiatriques – et ce nombre est sous-estimé : combien ne sont pas ou mal diagnostiqués ? Combien seront diagnostiqués trop tardivement pour accéder à la solution thérapeutique idoine dans les délais ?
Toutefois, les thérapies avancent : si 8 d'entre elles ont été autorisées en 2 000, 190 l'ont été en 2020 ; 2 800 essais cliniques sont en cours.
Les acteurs de ce domaine des maladies rares sont à mes yeux des pionniers. Les défis qu'ils doivent relever sont désormais les mêmes que pour les pathologies plus communes – cancer, maladies neurodégénératives. Ces défis sont ceux d'un diagnostic rapide et efficace, où la génomique doit prendre toute sa place, mais aussi d'une médecine de précision, voire d'une médecine personnalisée. Il n'est donc pas surprenant que les principales innovations médicales des dernières décennies soient issues du monde des maladies rares. Il est donc hautement prioritaire de soutenir le monde des maladies rares.
À l'échelon national, le plan de relance, les priorités assignées au Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) démontrent la prise de conscience de la nécessité d'investir dans les biothérapies et de faciliter l'accès au marché. À l'échelon européen, je me réjouis que la France ait retenu les maladies rares dans ses priorités pour la présidence de l'Union. La conférence de haut niveau dédiée au parcours de soins et d'innovation pour les maladies rares, le 28 février, sera à cet égard un moment fort.
Beaucoup reste à faire pour que tout citoyen européen puisse accéder avec la même facilité à un diagnostic, et, lorsque cela est possible, à un traitement. La création d'une plateforme européenne permanente pourrait ainsi permettre de maintenir le niveau d'information entre partenaires sur les possibilités offertes pour telle ou telle pathologie.
La question des maladies rares doit également permettre de développer un modèle économique pour ces nouvelles biothérapies, modèle qui s'imposera comme référence pour les autres grandes pathologies. Monsieur le ministre, que pouvez-vous nous dire du futur quatrième plan sur les maladies rares, qui devra traiter ces questions pour que notre pays reste attractif ? Pourquoi ne pas lui adjoindre un grand plan européen, où la France jouerait un rôle majeur ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
Merci pour votre question, si complète qu'elle donne tous les éléments de réponse que je pourrais vous apporter, ce qui est normal, puisque vous êtes un fin connaisseur de la question. Vous êtes fait partie de ces pionniers – que vous saluez – de la lutte contre les maladies rares : il en a fallu et il en faut encore.
M. Jean-Paul Mattei applaudit.
L'histoire du traitement des maladies rares est assez récente dans notre pays et elle l'est encore plus en Europe. Vous avez, à juste titre, souligné que, seuls, nous sommes beaucoup moins forts que lorsqu'une coordination européenne fonctionne. C'est la raison pour laquelle nous avons fait le choix, dans le cadre de la présidence française du Conseil de l'Union européenne (PFUE), de mettre la question des maladies rares – notamment celle des cancers pédiatriques – au cœur de nos préoccupations en matière de santé publique, tant pour ce qui est de la capacité de diagnostic et de la prise en charge – le soin apporté aux malades – que du développement de traitements innovants et de notre capacité à les produire et à les fournir le plus rapidement possible aux patients.
Vous l'avez dit, une conférence de haut niveau se tiendra à l'échelle européenne, à laquelle vous participerez : elle permettra de renforcer cette coordination. Qui peut penser que, pour développer la recherche thérapeutique sur des cancers pédiatriques très rares, des équipes de recherche morcelées à travers toute l'Europe seront plus efficaces qu'un grand programme de recherche coordonné à l'échelle européenne ?
La question des moyens est également importante et nous continuerons de les mettre. Le quatrième plan national sur les maladies rares est toujours en cours, puisqu'en raison du retard lié au covid, nous avons décidé de le prolonger d'un an : nous sommes déterminés, évidemment, à renforcer encore la politique menée en la matière.
Vous l'avez dit, la recherche a fait des bonds de géant : le nombre de traitements désormais autorisés, en comparaison d'il y a quelques années, suffit à en attester. Les nouvelles pistes thérapeutiques sont nombreuses. Thérapie génique – dont l'ARN messager –, anticorps monoclonaux : autant de noms qui semblent parfois encore un peu barbares aux oreilles des Français, mais qui sont peut-être amenés à entrer dans notre quotidien, qui seront peut-être la clé pour éradiquer des maladies dont beaucoup de nos concitoyens sont victimes et peuvent mourir, à commencer par les enfants.
Applaudissements sur quelques bancs des groups LaREM et Dem.
Madame la ministre de la transition écologique, les décrets d'application de la loi dite climat et résilience sont en cours de rédaction. L'obligation de réduire l'artificialisation des sols de 50 % d'ici 2030 et d'atteindre un objectif de zéro artificialisation nette en 2050 provoque une vive inquiétude, notamment dans les communes rurales déjà affectées par la désertification, la diminution et le vieillissement de la population. Cela est d'autant plus perceptible dans les communes qui ont eu un développement harmonieux et raisonnable, répondant essentiellement à une demande de la population locale, pour l'installation des générations qui se succèdent.
Alors que ces zones étaient clairement identifiées – souvent estimées fiscalement en ce sens lors de successions familiales –, imposer aux municipalités l'urbanisation prioritaire des parcelles appelées « dents creuses » n'est certainement pas la réponse la plus pertinente. À l'heure où l'on plaide pour des zones végétalisées dans nos communes, n'est-il pas pertinent de préserver des îlots de verdure et de fraîcheur, jardins ou vergers intra-muros, qui concourent grandement à la qualité de vie des habitants ?
La densification urbaine forcée pose également, dans bien des cas, des problèmes de voisinage.
Beaucoup de transformations de documents d'urbanisme – de plan d'occupation des sols (POS) en plan local d'urbanisme (PLU) ou en plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) – sont bloquées ou source de contentieux. De nombreux élus nous font part d'une interprétation trop restrictive – et surtout, très anticipée – de ces objectifs futurs par les services de l'État.
Madame la ministre, pourquoi ne pas tenir compte des zones d'urbanisation futures, déjà prévues et intégrées avec discernement dans les documents d'urbanismes communaux depuis des décennies ? Qu'en est-il de la concertation avec les élus locaux, encore une fois confrontés à des règles édictées depuis Paris sans tenir compte des spécificités locales ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Je suis très heureuse que vous me donniez l'occasion, sur la question de l'artificialisation, de réexpliquer les dispositions adoptées dans la loi « climat et résilience », manifestement mal comprises par un certain nombre d'élus : cela nécessite que nous fassions collectivement un effort de pédagogie. Cette loi comporte un objectif de zéro artificialisation nette en 2050 : les mots « zéro » et « nette » sont importants, car, même en 2050,…
…il sera possible d'artificialiser, s'il existe un besoin, sous réserve bien sûr de le compenser. D'ici à 2030, l'objectif est de diviser par deux la vitesse d'artificialisation des sols : on pourra toujours continuer à le faire, mais deux fois moins vite.
Le but est de lutter contre l'artificialisation galopante, cette maladie qui touche notre pays et qui a des conséquences très néfastes pour le climat, pour les inondations, pour nos conditions de vie, pour les terres de nos agriculteurs. Il nous faut donc limiter ce phénomène, ce qui n'a rien à voir avec l'augmentation de la population. Les chiffres – que je tiens à votre disposition – montrent que, dans des départements où l'on perd des habitants, on artificialise beaucoup. Il n'y a donc pas de lien.
Les élus ont évidemment besoin de continuer à pouvoir urbaniser, travailler et élaborer leurs schémas d'urbanisme. Telle est la raison pour laquelle nous avons établi un objectif de baisse, pour que chacun réfléchisse, au sein de son PLUI ou de son schéma de cohérence territoriale (SCOT), dans le cadre des régions, au meilleur endroit pour agir – par exemple, là où se trouvent des friches, qui disposent désormais d'un fonds dédié, ou des logements vacants. Ce qui est demandé, c'est de penser et de réfléchir différemment, de manière plus précise, à ces questions, mais il ne s'agit certainement pas d'empêcher toute artificialisation. Merci de nous aider à rassurer les élus qui ont besoin de l'être.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Avec tout le respect que je vous dois, madame la ministre, ce qui nous différencie, c'est que j'ai de la terre après la semelle. Je suis dans un rôle de porte-parole…
La Corse est au bord d'un nouveau black-out : tel est le cri d'alarme poussé par les représentants syndicaux d'EDF en Corse. Avec une population de 350 000 habitants et une fréquentation touristique d'environ 2,5 millions de personnes durant l'été, la Corse est au point de rupture énergétique, à tel point qu'EDF a demandé, l'été dernier, à ses clients de réduire leur consommation afin d'éviter des délestages, car notre capacité de production actuelle a atteint ses limites et le coût de l'interconnexion avec l'Italie devient exorbitant.
Notre politique énergétique est à bout de souffle. Nos installations sont vétustes. C'est le cas de la centrale du Vazzio, âgée de plus de quarante ans et toujours alimentée au fioul lourd, bien que située en pleine ville d'Ajaccio. Elle est obsolète. Je suis particulièrement inquiet pour la population qui habite à côté de cette centrale, qui emploie une technologie dépassée, particulièrement polluante, dont les émissions de soufre sont nocives. Tout cela crée une situation dramatique, qui conduit EDF à déployer des stratagèmes pour éviter la coupure généralisée – à savoir l'installation de groupes électrogènes, cachés dans le maquis, pour fournir de l'électricité à toute la Corse.
Voilà où nous en sommes arrivés. Cela est tout bonnement indigne d'un pays développé. M. Édouard Philippe, qui était à Ajaccio la semaine dernière, a constaté que, trois ans après les engagements qu'il avait pris, absolument rien n'a changé. La construction de la centrale du Ricanto n'a toujours pas débuté. L'échéance, fixée à 2023, est désormais impossible à tenir. Madame la ministre, quelles solutions comptez-vous mettre en place pour remédier à cette situation ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Il faut appréhender correctement la situation de la Corse, où l'approvisionnement en électricité repose sur un trépied : un tiers issu d'énergies renouvelables, un tiers issu d'importations, un tiers issu de centrales thermiques, celles d'Ajaccio et de Bastia. En matière d'importation, il y a eu un problème – une panne technique sur l'interconnexion entre la Corse et la Sardaigne – qui est à l'origine de l'usage des groupes électrogènes, destinés à régler temporairement la situation. Fort heureusement, nous n'en sommes pas au black-out.
En revanche, l'un des enjeux est effectivement celui de la décarbonation et de la modernisation des centrales thermiques, en particulier celle du Vazzio à Ajaccio, au fioul lourd, qui est, vous avez raison, extrêmement polluante, en fin de vie, et qu'il faut changer.
Comme vous le savez, des procédures d'appels d'offres ont été lancées, pour alimenter au gaz la centrale de Bastia et une future centrale d'Ajaccio. Les offres reçues ne correspondaient pas au cahier des charges, qui se fondait sur des options retenues dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) spécifique à la Corse, qui a été révisée conjointement par l'État et la collectivité de Corse en décembre 2019. Il faut donc reprendre le processus : plusieurs options sont sur la table, qu'il faut examiner, s'agissant du gaz à Bastia et du remplacement du Vazzio pour la centrale du Ricanto. Il faut regarder par exemple la question des bioliquides, car nous devons désormais aller vite et trouver une solution.
Nous mettrons rapidement la dernière main aux nouvelles orientations, pour les partager avec la collectivité territoriale et l'ensemble des acteurs, présents au sein du Conseil de l'énergie, de l'air et du climat de Corse, auquel l'État participe. Dès lors, la PPE pourra faire l'objet d'une révision simplifiée, le plus rapidement possible.
Par ailleurs, pour le plus long terme, nous devons réviser totalement la PPE, pour poursuivre les efforts d'économie d'énergie et de verdissement du mix énergétique.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.
Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais le compte n'y est pas. Le dossier corse traîne depuis plus de quinze ans dans les ministères : vous ne portez pas l'entière responsabilité de cette situation, évidemment, mais au moment où s'achève le présent mandat, le compte n'y est pas concernant la spéculation immobilière ,
M. Ugo Bernalicis applaudit
concernant la régulation du prix de l'essence, concernant l'évolution institutionnelle attendue. Et que dire d'une décision tombée pas plus tard qu'hier, prise par une commission administrative qui bafoue l'État de droit ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LT. – M. Ugo Bernalicis applaudit également.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, à l'approche de la fin de la session parlementaire, il me tient à cœur de revenir sur les temps forts qui ont marqué la politique sanitaire – et j'en profite pour saluer le travail de la commission des affaires sociales.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Avant toute chose, je tiens à rappeler ce qui a été notre mot d'ordre : protéger, protéger les Français car la santé est notre bien commun ; la rendre accessible à tous représente un enjeu essentiel pour lequel ce gouvernement, soutenu par la majorité parlementaire, a su déployer des moyens inédits.
Oui, cette majorité est celle qui aura renforcé l'accès aux soins pour tous nos concitoyens, notamment grâce au reste à charge zéro, progrès social majeur qui aura grandement contribué à renforcer le pouvoir d'achat des Français.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Cette majorité est aussi celle qui aura permis de décloisonner le système de santé…
…en réorganisant les soins de proximité, en luttant notamment contre les déserts médicaux et en entérinant une réforme des études de santé ô combien nécessaire mais qu'aucun n'avait osé entreprendre avant nous.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Protéger la santé des Français, c'est aussi notre quotidien depuis plus de deux ans face au défi de la crise sanitaire. De ce défi, nous avons fait une force et un catalyseur pour nos réformes : grâce au Ségur de la santé, nous avons décidé de réinvestir dans la santé publique avec un plan d'investissement massif de 19 milliards d'euros pour les hôpitaux, les EHPAD et le virage numérique, sans oublier les 11 milliards d'euros destinés à la revalorisation des rémunérations des professionnels de santé, du médico-social et, désormais, de la filière socio-éducative. D'ailleurs, je leur dédie à tous la présente intervention et je salue leur dévouement sans faille : ils sont l'un des piliers de la solidarité nationale.
Pourriez-vous nous indiquer le calendrier de mise en œuvre du Ségur pour ce qui concerne les revalorisations salariales et la relance de l'investissement dans la santé ?
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Bravo, vraiment, aux députés de la commission des affaires sociales, laquelle – de même que les autres, certes – travaille d'arrache-pied, et il y en a besoin. Notre système de santé est un joyau pour le pays : c'est la protection nationale, c'est la protection sociale ; ce système fait face à des défis extraordinaires et notre rôle, nous en tant qu'exécutif mais aussi vous en tant que législateur, c'est d'accompagner ses transformations dans la bonne direction.
Qu'est-ce qui aura changé au cours du présent mandat ? Je salue l'action d'Agnès Buzyn qui m'a précédé : elle aura procédé pendant trois ans à des transformations profondes.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Merci pour elle.
Si vous êtes malade, vous devez avoir accès à un médecin. Nous avons donc supprimé le numerus clausus et formé 15 % de médecins en plus ; ainsi, demain, il y aura bien plus de médecins.
Vous en trouvez donc déjà plus facilement.
On compte deux fois plus de maisons de santé, cent fois plus d'actes de télémédecine qu'au début de la législature, qui permettent de pallier les difficultés de déplacement. Vous pouvez désormais vous référer à votre infirmier, votre kinésithérapeute, votre pharmacien, dotés de missions supplémentaires de sorte que vous ne soyez pas sans cesse obligé d'aller chercher un médecin.
En tant que patient, vous ne payez plus pour bien voir, pour bien lire, pour bien sourire, pour bien parler et pour bien entendre.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
C'est le reste à charge zéro dont ont déjà bénéficié plus de 10 millions de nos concitoyens en l'espace d'à peine un an et demi, autant de patients qui ont de ce fait cessé de renoncer à ces soins. Il s'agit bien de progrès phénoménaux.
Et quand vous êtes soignant et portez la blouse, 200 ou 300 euros nets de plus par mois, ça compte. L'évolution des métiers et des compétences, des perspectives d'évolution de carrière, le fait de pouvoir consacrer davantage de temps aux soins, la diminution des charges administratives, l'allégement des protocoles, l'institution de gouvernances moins pyramidales… beaucoup reste à transformer, madame la députée, et nous aurons pour cela, je l'espère, encore cinq ans. En tout cas, grâce à votre action, nous avons mis le système de santé sur les bons rails.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Philippe Berta, applaudit également.
Monsieur le Premier ministre, je quitte moi aussi cette assemblée après vingt ans de mandat, en particulier au sein de la commission des affaires sociales.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, LaREM, Dem, SOC, Agir ens, UDI-I et LT.
J'adresse tous mes vœux aux futurs candidats pour le mois de juin prochain.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, vous réactivez le dossier médical partagé (DMP) numérique désormais appelé « Mon espace santé », après l'échec cinglant d'un DMP au coût gigantesque et qui, en deux décennies, n'a pas atteint son objectif, celui défini par la loi de 2004 relative à l'assurance maladie et que j'évaluais dans le rapport d'information n° 659 de 2007, remis au ministre de l'époque et à M. Jean Castex qui alors dirigeait son cabinet.
Pourquoi réactiver le DMP, en renouvelant les mêmes erreurs, la dépense étant évaluée à 2 milliards d'euros, avec les mêmes acteurs du numérique ?
Ce qu'il faut, c'est un DMP numérique simple, agile, sécurisé – donc non piratable –, utilisant les technologies de 2022 et respectant le secret médical. Ce qu'il faut, c'est utiliser l'intelligence artificielle et les supports individuels mobiles. Ce qu'il faut, c'est aussi une nouvelle carte Vitale, également non piratable, pourvue d'une carte mémoire de grande capacité, véritable trait d'union entre l'usager, les services de santé et l'assurance maladie, bref une carte capable d'absorber tous les documents médicaux. Or nous en sommes loin.
Ma question est donc la suivante : pourquoi faire l'impasse sur ce qui peut être opérationnel alors que nous avons cru à son démarrage en 2004, il y a dix-huit ans ?
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LR.
Permettez-moi cette familiarité, monsieur le député : mon cher Jean-Pierre, nous avons cheminé ensemble sur des bancs différents pendant près de dix ans ; nous nous sommes parfois opposés, parfois retrouvés. En tout cas je vous reconnais une qualité précieuse en votre qualité de parlementaire : vous ne lâchez jamais rien. Et, je vous le dis du fond du cœur, vous me manquerez.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LR, Dem, Agir ens, UDI-I et LT.
Vous avez été une sentinelle vigilante et vous avez été capable, dans vos rapports parlementaires, de mettre l'accent sur des problèmes encore émergents – l'histoire récente nous l'a montré.
Comme il arrive, je ne partage pas vos réticences et vos craintes, ici concernant Mon espace santé – totalement différent du DMP. Je comprends qu'on puisse se dire qu'on nous l'a déjà fait deux fois et qu'on nous le fait une troisième fois. Avez-vous donc ouvert Mon espace santé sur votre téléphone ?
Vous avez reçu un courrier de l'assurance maladie vous informant que votre espace santé allait être ouvert. L'avez-vous ouvert ? Si ce n'est pas le cas, je vous propose de rester avec vous après les questions au Gouvernement ,…
Exclamations sur les bancs du groupe LR
…et vous verrez que cela prend vingt secondes et que cela n'a rien à voir avec ce que vous craignez mais tout à voir avec ce que vous appelez de vos vœux.
Je prends, avec mon téléphone, une photo d'une ordonnance, d'une facture, d'un courrier de médecin – et hop, ils sont intégrés dans mon espace santé. Je souhaite envoyer un message à mon médecin afin de m'assurer qu'il a bien lu les résultats de mes analyses et je ne veux pas l'embêter au téléphone : une messagerie sécurisée est prévue à cet effet dans l'application. Demain, je pourrai prendre mes rendez-vous avec mon médecin qui pourra se coordonner avec les infirmiers et les pharmaciens.
L'application sera effective dans quelques semaines. Tous les Français disposeront ainsi de Mon espace santé.
C'est un moyen, en cas de maladie chronique, de bénéficier d'un meilleur suivi et donc d'éviter des pertes de données. Imaginez que votre bon vieux carnet de santé, celui que nous avons tous dans un tiroir, soit mis à jour à chaque fois que cela est nécessaire. Vous ne vous poserez plus la question de savoir si vous êtes vacciné, si vous avez pris vos médicaments… C'est un gain de sécurité sanitaire pour les patients, et il est très attendu par les professionnels de santé.
Je vous souhaite bon vent, monsieur Door.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, ne prenez surtout pas le risque de reproduire les mêmes erreurs qu'en 2004. La folie, c'est de faire toujours la même chose et de s'attendre à un résultat différent.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Ma question s'adressait à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, mais elle est partie.
J'espère néanmoins obtenir une réponse.
Un matin on se lève, on va travailler et on ne rentre pas : c'est le destin tragique de plus de 500 de nos compatriotes chaque année – déjà cinquante-trois depuis le 1er janvier –, souvent des travailleurs du bâtiment. Dans l'indifférence des médias et souvent dans l'anonymat – car c'est tout juste si ces victimes ont un prénom –, les accidents du travail sont un phénomène massif. Cette situation est d'autant plus inacceptable lorsqu'elle se produit dans le contexte d'une commande publique.
C'est pourquoi j'appelle votre attention sur les chantiers des Jeux olympiques et des infrastructures de transport qui leur sont liées. Certes, la France n'est pas le Qatar, mais on note, en l'espace de quelques mois : un ouvrier broyé dans un malaxeur à béton à La Courneuve, un autre écrasé par une plaque de métal à Saint-Denis, un jeune apprenti victime d'une chute mortelle à Pantin… Les accidents très graves se multiplient.
Alors que le donneur d'ordre est public, cette situation est le résultat de la pression qui s'exerce sur les salariés : les cadences infernales, le travail de nuit et le dimanche – parfois en dehors de tout cadre légal pourvu que cela permette de tenir les délais. C'est aussi le résultat de la sous-traitance en cascade, parfois jusqu'à huit niveaux, qui dilue les responsabilités et mobilise des travailleurs toujours plus précaires, des détachés, mais aussi des sans-papiers.
Dans cette situation, quelles mesures entendez-vous prendre pour que ces chantiers répondent à des clauses de mieux-disant social et pour que la responsabilité pénale du donneur d'ordre soit enfin engagée ? Plus généralement, allez-vous revenir sur la suppression des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et rétablir les moyens du service public de l'Inspection du travail qui ne compte plus que 1 800 agents contre 2 300 il y a encore dix ans ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des retraites et de la santé au travail.
Vous interrogez le Gouvernement sur les accidents du travail graves et mortels. Vous citez à l'appui de votre question des situations dramatiques vécues sur plusieurs chantiers parisiens. Si vous le permettez, ayons avant tout une pensée pour les victimes, leurs familles et leurs collègues de travail.
Votre question porte sur les ouvrages liés au Grand Paris et aux Jeux olympiques. Vous le savez, la Société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO) dispose d'importants moyens pour faire respecter la sécurité et la santé au travail, et bien au-delà, d'ailleurs, des dispositions prévues par le code du travail. Une charte a en effet été signée avec l'ensemble des maîtres d'œuvre et un observatoire des accidents du travail a été créé, ce qui permet d'examiner les accidents qui surviennent, quelle qu'en soit l'importance, et d'en partager l'analyse avec les entreprises intervenant sur ces chantiers.
Je me suis entretenu très récemment avec le directeur général de la SOLIDEO, Nicolas Ferrand, et franchement, les moyens engagés pour assurer la sécurité et protéger la santé de tous ceux qui œuvrent sur les chantiers des Jeux olympiques répondent aux exigences qu'on peut attendre d'eux en France.
Pour ce qui est des accidents graves et mortels, j'ai demandé que dans le quatrième plan Santé au travail, plan quadriennal qui fixe la stratégie en la matière, ce sujet soit défini comme un axe prioritaire. Oui, nous avons encore, collectivement, des progrès à faire. Les chiffres mettent en évidence un plancher autour de 550 accidents du travail mortels. Cette réalité n'est pas acceptable. C'est pourquoi il faut actionner plusieurs leviers, au premier rang desquels celui de la prévention – prévention à laquelle nous associons l'ensemble des acteurs de la santé au travail.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises. J'ai récemment reçu des artisans de ma circonscription. Tous sont excédés, découragés. Ils aimeraient que le Gouvernement prenne enfin en considération leurs légitimes demandes. Quel que soit leur corps de métier, ils font face à de multiples difficultés qu'ils affrontent quotidiennement. L'explosion des prix des matières premières, et leur pénurie, compliquent considérablement la gestion des chantiers et amputent leurs marges. Ils m'alertent aussi sur l'annulation de nombreux chantiers initialement programmés au cours du second semestre 2022 et au premier semestre 2023, par des particuliers financièrement pénalisés par l'envolée des prix des carburants, du gaz, de l'électricité et les banques refusant de suivre les surcoûts.
D'autre part, beaucoup d'artisans ne parviennent plus à recruter et déplorent l'inadaptation de notre formation professionnelle. L'accumulation des réglementations aboutit par exemple à ce que les stagiaires et les apprentis passent plus de temps à observer qu'à apprendre en faisant par eux-mêmes. Et que dire de la complexité engendrée par la dématérialisation des démarches administratives, des marchés, qui exclut quantité d'artisans indépendants, pourtant très compétents dans leur métier mais qui ne disposent pas du temps nécessaire ?
Enfin comment ne pas se joindre à la colère de ces milliers d'artisans ayant acquis au fil des années une réputation de sérieux et de compétence, qui observent la prolifération d'entreprises éphémères sur internet ? Ces dernières gâchent le métier par leur incompétence mais profitent de la manne des primes à la transition énergétique. Jamais ces entreprises ne sont contrôlées, alors que les vrais artisans, eux, font sans cesse l'objet de vérifications de toutes natures effectuées par des contrôleurs qui ne sont pas toujours à la hauteur.
Quand le Gouvernement va-t-il mettre un terme à cette situation inacceptable qui protège les affairistes et déstabilise des hommes et des femmes qui font bien leur métier ? Il n'est plus temps de répondre au malaise de la première entreprise de France et de ses 3 millions d'actifs par un saupoudrage de mesures qui ne résout aucun des problèmes évoqués. Quelles réponses pouvez-vous apporter aux artisans qui sont en attente d'une simplification …
Merci, madame la députée.
La parole est à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie, et auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises.
Il y a quelques jours, madame la députée, à l'occasion de la réunion des chambres de métiers et de l'artisanat, je suis allé à la rencontre des artisans – que je vois également sur le terrain – dans mon département de l'Yonne – nous avons la Bourgogne en commun. Je constate que les artisans connaissent tous les dispositifs mis en place pour leur permettre de faire face notamment à la flambée des coûts énergétiques et toutes les dispositions prises pour limiter les effets de l'augmentation du prix du gaz et de l'électricité qui ont été rappelées par Agnès Pannier-Runacher.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Erwan Balanant applaudit également.
Je rappelle également, s'agissant des ressources humaines et de la main-d'œuvre, le succès considérable de l'apprentissage. Que n'a-t-on entendu de la part des présidents de région lorsque, ici même, dans cet hémicycle, l'apprentissage a été réformé ! Aujourd'hui, 718 000 apprentis sont formés, dont un grand nombre dans le monde de l'artisanat, ce qui apporte de réelles réponses structurelles de long terme.
Ces artisans se réjouissent également du soutien qui a été apporté pendant la crise au monde de la construction, de l'hôtellerie et de la restauration, ainsi que du commerce, au travers du fonds de solidarité et de tous les autres dispositifs : en tout il y en a pour 67 milliards d'euros, rendez-vous compte ! Guidé par le même souci de prendre en considération les difficultés des artisans, le projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante, adopté à l'unanimité de cette assemblée, offre aux artisans de véritables solutions en protégeant mieux leur patrimoine et en simplifiant leurs démarches. Il existe désormais un site en ligne, entreprendre.service-public.fr, qui leur apporte toutes les réponses. C'était attendu depuis longtemps.
Notre majorité a donc un bilan auprès des artisans et nous ne demandons qu'une chose, c'est de continuer tous ensemble.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Avant de laisser la parole pour la dernière question, je voudrais assurer de mes sentiments reconnaissants et cordiaux notre collègue Teissier, notre collègue Door et notre collègue Juanico, ainsi que tous ceux qui renoncent à briguer un nouveau mandat.
Applaudissements sur plusieurs bancs.
Monsieur le président, mes chers collègues, j'ai l'honneur de poser la dernière question au Gouvernement de ce mandat ,
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Dem
et je suis heureuse que celle-ci porte sur une cause qui nous a tous réunis et qui a transcendé les clivages, de sorte que, sur les textes relatifs à ce combat, nous avons bien souvent trouvé l'unanimité. Cette question, vous l'aurez compris, porte sur la cause que le Président de la République a élevée, le 25 novembre 2017, au rang de grande cause du quinquennat : le combat, qui devait être le combat de la nation toute entière, pour l'égalité entre les femmes et les hommes.
Mêmes mouvements.
Le bilan que nous allons décrire est notre bilan à tous. Il est incontestable et je crois qu'il est exemplaire. Madame la ministre déléguée Elisabeth Moreno, c'est vous que je souhaite bien sûr interroger sur ce sujet et sur la lutte contre les discriminations dont vous avez la charge.
Comment ne pas parler d'égalité en politique, lorsqu'on voit les visages de cette assemblée ? Nous avons souhaité qu'il en soit ainsi également dans toutes les communes en adoptant la proposition de loi visant à renforcer la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal défendue par notre collègue Élodie Jacquier-Laforge.
Mêmes mouvements.
Sans attendre, nous avons facilité l'engagement de tous, notamment grâce à la prise en charge des frais de garde dans la loi « engagement et proximité ».
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous avons également souhaité protéger toutes les femmes contre les violences qui les visent. Quatre textes ont été adoptés pour mieux réprimer les violences sexuelles, les outrages sexistes, le cyberharcèlement. Nous avons allongé les délais de prescription, généralisé les bracelets antirapprochement, accéléré le prononcé d'ordonnances de protection. Nous avons travaillé sur la lutte contre les mariages forcés et la polygamie, des mesures soutenues avec force par la ministre déléguée Marlène Schiappa. Nous avons donné au Gouvernement les moyens d'agir en la matière, et fait tant d'autres choses, madame la ministre déléguée, que vous allez pouvoir nous rappeler, afin de lutter pour l'égalité !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM, ainsi que sur quelques bancs du groupe Dem.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame la députée Yaël Braun-Pivet, j'éprouve autant d'émotion à répondre à cette dernière question que le jour où je suis entrée pour la première fois dans cet hémicycle. Je vous remercie de m'offrir l'occasion de rendre hommage au travail parfois complexe de la représentation nationale.
La lutte contre les discriminations, les inégalités, le refus d'une citoyenneté de seconde zone et de l'assignation à résidence qui gâchent tant de vies, ont été au cœur de nos actions, et les nombreuses lois que vous avez votées pour mieux protéger et accompagner les victimes de violences conjugales et leurs enfants démontrent que vous avez été à la hauteur de cette grande cause du quinquennat. Parce que sans égalité économique, l'égalité réelle ne saurait advenir, nous avons redoublé d'efforts pour briser les plafonds de verre qui empêchent encore trop de femmes de s'accomplir professionnellement.
Ce quinquennat est aussi celui de nombreuses actions qui ont permis de lutter contre le racisme, l'antisémitisme, l'homophobie, la transphobie, la xénophobie, qui sévissent encore dans notre pays. La plateforme de lutte contre les discriminations : nous l'avons faite.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Erwan Balanant applaudit également.
L'index de l'égalité professionnelle : nous l'avons fait. Imposer les femmes dans les instances de direction : nous l'avons fait. La PMA – procréation médicalement assistée – pour toutes les femmes, certains l'ont ardemment combattu, d'autres l'ont fait miroiter ; nous l'avons faite. Doubler le congé paternité, rendre la contraception gratuite pour les jeunes femmes de 18 à 25 ans, mais aussi lutter contre la précarité menstruelle, impulser des mesures sans précédent pour lutter contre l'endométriose, nous l'avons fait, vous l'avez fait, mesdames et messieurs les députés.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Permettre aux femmes et aux hommes d'être recrutés pour leurs compétences et leurs talents, indépendamment de leur origine sociale ou culturelle : nous l'avons engagé.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Agir pour l'égalité des droits humains est une tâche immense qui nous honore et nous oblige, indépendamment de nos familles politiques. J'ai rencontré dans cet hémicycle des députés et des parlementaires pleinement engagés. Je vous en remercie et je ne l'oublierai jamais.
De nombreux députés du groupe LaREM et quelques députés du groupe Dem se lèvent et applaudissent.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt, sous la présidence de M. David Habib.
L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement relative à l'engagement de la France au Sahel, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution.
La parole est à M. le Premier ministre.
La semaine dernière, le Président de la République a annoncé, en lien avec nos partenaires européens et africains, les principes d'un engagement renouvelé au Sahel. Cette décision s'inscrit en cohérence avec l'annonce de la réorganisation de notre dispositif faite par le chef de l'État au mois de juin dernier, tout en prenant acte d'une dégradation des conditions politiques au Mali.
Cette décision a été prise collégialement, dans un cadre partenarial totalement préservé, avec nos alliés aussi bien africains qu'européens. Elle traduit notre volonté et notre détermination à poursuivre notre engagement, selon l'esprit de Takuba, dans la lutte contre les groupes terroristes islamistes au Sahel. Cette nouvelle donne nous conduit à renouveler et à adapter notre dispositif en accélérant les évolutions décidées ces deux dernières années, en particulier lors des sommets de Pau et de N'Djamena. Ces considérations, mesdames et messieurs les députés, me conduisent à soumettre à la représentation nationale, en ma qualité de chef du Gouvernement et au titre de l'article 50-1 de la Constitution, une déclaration portant sur la réarticulation de notre engagement au Sahel, qui sera suivie d'un débat.
Depuis maintenant plus de neuf années, l'action des gouvernements qui se sont succédé a été marquée par la plus grande transparence en matière d'information de cette assemblée. J'en veux pour preuve la constance avec laquelle la commission des affaires étrangères et celle de la défense nationale et des forces armées, sous l'impulsion de leurs présidents, que je salue, ont travaillé sur le sujet, auditionnant régulièrement les ministres et les chefs militaires concernés et produisant des travaux d'une très grande qualité.
Au-delà, le débat que nous allons avoir doit nous permettre de répondre aux interrogations des Français. Il est également l'occasion de nous incliner à nouveau devant le sacrifice de nos cinquante-neuf soldats morts au Sahel, au service de notre pays, depuis le mois de janvier 2013. J'ai en cet instant une pensée toute particulière pour eux, pour leurs familles, pour leurs camarades blessés. Je veux également dire à nos militaires, qui mettent leur engagement et leur courage au service de la sécurité des peuples sahéliens, combien notre fierté est grande et notre soutien total. Plus largement, l'action de la France au Sahel est l'œuvre de beaucoup : diplomates, gendarmes et policiers, agents de l'État, personnels du secteur privé portent et incarnent le rôle de notre pays. Nous ne l'oublions pas ; nous n'oublions pas non plus nos journalistes enlevés et assassinés à Kidal en novembre 2013, ni nos jeunes humanitaires qui ont perdu la vie au Niger, en août 2020, lâchement abattus par des terroristes fanatisés. J'ai également une pensée pour nos ressortissants, dont la sécurité fait l'objet de toute notre attention. Enfin, je veux réaffirmer notre soutien et notre amitié aux populations sahéliennes, en première ligne face aux groupes armés et qui subissent de plein fouet l'insécurité, alors qu'elles vivent souvent dans une pauvreté extrême.
Mesdames et messieurs les députés, notre débat doit être empreint de dignité, de responsabilité, alors que par ailleurs les fausses informations et les manipulations en tout genre nourrissent soupçons et fantasmes sur notre engagement. Notre présence au Sahel est fondée depuis le premier jour sur un objectif clair : lutter, à la demande des pays de la région, contre les groupes terroristes et contribuer à en protéger les populations.
Je veux d'abord rappeler que nous avons, de ce point de vue, obtenu des résultats incontestables. En 2013, le Mali était au bord de l'effondrement et son armée n'était que l'ombre d'elle-même. Le nord du pays était passé sous le contrôle de groupes armés liés à Al-Qaïda, et la décision courageuse du président Hollande de répondre positivement à l'appel pressant des autorités maliennes et de celles de la région a permis d'enrayer une offensive djihadiste qui avait atteint le centre du pays et menaçait Bamako. En quelques semaines, par une action audacieuse et déterminée, la progression des groupes terroristes a été stoppée et les repaires djihadistes du nord du pays ont été démantelés. Si nous avons empêché le Mali de s'effondrer, nous avons également neutralisé les projets d'installation d'un proto-État inspiré par l'idéologie islamiste la plus radicale. La création par des groupes terroristes d'une zone sanctuaire, qui aurait constitué un péril mortel pour la région et pour notre sécurité, a été entravée.
Depuis lors, nos armées ont obtenu d'autres succès très significatifs. En première ligne, elles n'ont laissé aucun répit aux groupes terroristes, qu'ils soient affiliés à Al-Qaïda ou à Daech. Les objectifs qui leur avaient été fixés ont été atteints. Je veux en particulier rappeler l'élimination de plusieurs chefs internationaux de ces mouvements : ceux de la filiale sahélienne d'Al-Qaïda, que nous avons combattue dès 2013 et dont nous avons neutralisé les principaux responsables – dont le numéro un en juin 2020, l'émir d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, membre du haut commandement d'Al-Qaïda, mais aussi ceux de Daech : au sommet de Pau, début 2020, les chefs d'État se sont accordés pour concentrer leurs efforts contre la filiale de Daech au Sahel, l'État islamique au Grand Sahara, qui s'installait dans la zone dites des trois frontières, aux confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso. Ces efforts ont été couronnés de succès puisque nous avons neutralisé les quatre plus hauts cadres de cette organisation, dont le fondateur, entre mai et septembre 2021. En plus d'affaiblir durablement les organisations terroristes, cela a modifié l'envergure de leurs ambitions, les amenant à renoncer à l'instauration d'un califat territorial.
Je veux solennellement rappeler ici que, par notre action résolue contre le terrorisme, nous participons activement à la protection de nos compatriotes dans la région et empêchons les groupes djihadistes de créer une base territoriale et d'acquérir une liberté d'action leur permettant de se projeter dans des attaques qui pourraient toucher le sol national.
Ces victoires, vous le savez mesdames et messieurs les députés, nous ne les avons pas obtenues seuls. Elles sont d'abord le fruit d'une volonté des États sahéliens de traiter ensemble les défis qui se posaient à eux à travers le G5 Sahel, que nous soutenons. L'implication croissante des Européens a également été au cœur de notre démarche, avec une véritable prise de conscience, chez nos partenaires, que la sécurité de l'Europe se jouait aussi dans cette région du monde. Aujourd'hui, grâce à l'action patiente de la France et de l'Union européenne, au travers d'EUTM Mali – European Union Training Mission in Mali –, l'armée malienne a été reconstituée. C'était une priorité stratégique et nous avons eu un rôle déterminant dans cette reconstruction, en formant plus de 15 000 cadres et soldats. La force Takuba, au sein de laquelle dix pays européens se sont engagés ensemble aux côtés de l'armée malienne, incarne également cette évolution du rôle de l'Europe.
À travers quatre piliers complémentaires, de nombreux acteurs se sont mobilisés dans le souci de produire une réponse globale aux immenses défis de la région. Le terrorisme, mais aussi l'insécurité, ont des sous-jacents bien connus qui s'incarnent dans la pauvreté et la faiblesse, parfois l'absence, de l'État et de ses services aux populations. La réponse de fond au phénomène insurrectionnel et au terrorisme, ce sont des autorités démocratiquement légitimes, c'est la présence de l'État de droit, c'est le développement économique et social. Au fond et plus largement, c'est sans doute l'Alliance Sahel, née en 2017 et consolidée au sommet de Pau en janvier 2020, qui incarne le mieux cet engagement de la communauté internationale, avec plus d'un millier de projets de développement financés.
Oui, mesdames et messieurs les députés, notre action s'est fondée sur le principe, rappelé avec force par le Président de la République jeudi dernier, que l'intervention d'une armée étrangère ne peut se substituer à l'action d'un État souverain ni s'émanciper d'un cadre multilatéral. Or, en sortant du cadre de la transition, les autorités maliennes ont clairement choisi de rompre avec la communauté internationale. La France et ses partenaires africains comme européens, se devaient de tirer toutes les conséquences de ce choix grave du pouvoir malien.
La communauté internationale a aujourd'hui comme interlocuteurs au Mali des autorités de fait, issues d'un double coup d'État et ayant renié un par un leurs engagements. Dans quelques jours, vous le savez, il aurait dû y avoir des élections au Mali, consacrant la fin d'une période de transition qui dure déjà depuis plus de dix-huit mois. Il n'en sera rien, car la logique qui prévaut est celle du maintien au pouvoir de la junte le plus longtemps possible. La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et l'Union économique et monétaire ouest-africaine ont placé le Mali sous un régime de sanctions très strict. L'Union européenne et la communauté internationale sont pleinement solidaires de cette décision.
Ce régime a par ailleurs fait le choix de s'appuyer sur une organisation privée bien connue de mercenaires russes, Wagner, dont le modèle économique repose sur la prédation des richesses des pays dans lesquels elle opère. Nous l'avons déjà constaté en particulier en Centrafrique : cette milice nourrit la guerre car la guerre la nourrit. Ses exactions contre les populations, ses entraves à la mission des Nations unies, sont multiples et documentées, sacrifiant les conditions d'une paix durable. L'appui européen et international, dans lequel la France s'inscrivait à la demande des autorités maliennes, s'exerçait quant à lui sans aucune contrepartie financière, ni intérêts cachés.
Il n'est aujourd'hui plus possible de nous investir dans un pays dont les autorités ne souhaitent plus coopérer avec les Européens ni avec leurs voisins africains, et entravent leur capacité d'action – à l'image du mauvais procès fait récemment à nos alliés danois, qui souhaitaient s'engager dans la force Takuba. Peut-on imaginer poursuivre nos efforts diplomatiques et financiers, ainsi que notre coopération, alors que nous sommes accusés de mettre en œuvre un agenda caché qui irait à l'encontre des intérêts du peuple malien ?
La prise en compte de cette réalité impose de repenser notre dispositif en le repositionnant en dehors du territoire malien, toujours dans l'objectif de lutter contre les terroristes. Sur le plan militaire, nous serons amenés à fermer les bases de Gossi, Menaka et enfin Gao. La manœuvre s'effectuera en bon ordre et en sécurité, comme l'a précisé le Président de la République, et durera entre quatre et six mois. Nous allons d'ailleurs renforcer notre dispositif logistique à partir de la métropole. Les opérations seront conduites de manière intégrée avec nos partenaires de Takuba car la France assume son rôle de nation cadre et agit en responsabilité. Elles devront aussi être exécutées en bonne intelligence et en coordination avec les forces armées maliennes et la MINUSMA – mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali. Nous nous y employons d'ores et déjà. Nous ne tolérerons aucun ultimatum et ne serons sensibles à aucune pression, quelle que soit leur provenance. La sécurité de nos soldats et celle de nos ressortissants seront nos priorités.
Le Niger a fait part de sa disponibilité pour faciliter cette évolution du dispositif, nous permettant de faire transiter nos flux logistiques jusqu'aux ports du Golfe de Guinée mais aussi d'envisager notre redéploiement dans les autres pays de la région – j'y reviendrai.
Notre appui au peuple malien, que nous respectons profondément, sera préservé au travers des programmes de l'Alliance Sahel, sous réserve bien entendu que ceux-ci ne puissent faire l'objet de détournements visant à financer des mercenaires ou le terrorisme. Nous continuerons d'œuvrer pour que la MINUSMA puisse pleinement remplir son mandat au profit de la protection des populations et en soutien à la mise en œuvre de l'accord de paix d'Alger.
Dans ce contexte, nous allons poursuivre sur des bases renouvelées notre engagement contre les groupes terroristes au Sahel. Car il n'y a pas que l'attitude de la junte au pouvoir au Mali qui conduit la France et ses alliés à adapter leur approche et à réarticuler leur dispositif. Il nous faut tout autant prendre en compte l'état de la menace qui a évolué, précisément sous l'effet de l'action conduite par la communauté internationale. Ne pouvant constituer un sanctuaire, les groupes liés à Al-Qaïda ont fait le choix d'une stratégie de dissémination dans l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest. L'attaque du 9 février dernier, au nord du Bénin, dans laquelle l'un de nos compatriotes a été tué et à laquelle nous avons vigoureusement réagi en neutralisant, dans le sud du Burkina Faso où ils avaient trouvé refuge, une quarantaine de terroristes, en témoigne avec une douloureuse acuité.
Cette reconfiguration de la menace terroriste, au-delà des seules évolutions au Mali, nous conduit donc aussi à adapter notre stratégie et notre organisation. Car en poursuivant notre lutte contre le terrorisme au Sahel et au nord menacé des pays du golfe de Guinée, nous aidons les États de la région à surmonter ces défis.
La première évolution de notre engagement est précisément en lien avec la dissémination de cette menace. Même s'il est mis au défi par la dérive de la junte malienne, le G5 Sahel demeure un cadre pertinent de coordination des actions. Cependant, il y a aujourd'hui la nécessité d'adapter la réponse en l'élargissant aux zones périphériques du Sahel, et la France est prête à continuer à jouer un rôle fédérateur. Nous parlons ici de zones vulnérables, situées aux frontières nord de pays comme le Bénin, la Côte d'Ivoire, le Togo ou le Ghana. Nous nous appuierons sur le cadre existant de l'initiative d'Accra toujours en lien, évidemment, avec la CEDEAO. Nous sommes déjà en pourparlers avec les pays de la région mais je veux ici être clair : la lutte contre le terrorisme ne sera gagnée localement que par les Africains eux-mêmes. Dès lors, nous devons leur apporter un appui adapté en coconstruisant l'avenir avec eux, avec méthode et sans précipitation.
Nous avons donc la volonté, partagée avec nos partenaires, de soutenir encore davantage les États et leurs populations, en partant de leurs besoins pour pouvoir mieux y répondre. En complément de ce qui se fait déjà en matière de coopération et d'aide au développement, nous nous appuierons sur l'Alliance Sahel qui, depuis 2017, permet de nourrir ce soutien aux acteurs locaux déployant des politiques publiques et des programmes en matière de développement. Ainsi, un effort doit être clairement porté sur le volet civil de prévention, partout où il est encore temps, à travers des actions concrètes en soutien de secteurs clés ; je pense notamment à l'éducation, à la justice et au domaine social, qui permettent d'affirmer la présence de l'État et de renforcer les sociétés civiles.
La deuxième évolution, réaffirmée par le Président de la République jeudi dernier à l'issue des concertations nourries conduites avec l'ensemble de nos partenaires, concerne la physionomie de notre présence militaire dans un contexte de très grande sensibilité des opinions publiques et, je l'ai dit, d'évolution de la menace terroriste. Notre approche doit être encore plus intégrée qu'elle ne l'est déjà. Il s'agit de mettre en œuvre un dispositif plus souple, plus agile, plus modulable, reposant sur des implantations dont la taille et la localisation doivent être revues.
Ce redéploiement s'effectuera d'abord au Niger, puis dans les pays voisins, selon les décisions prises ensemble. La France, je vous le rappelle, dispose dans la région de forces prépositionnées en République de Côte d'Ivoire et au Sénégal qui pourront venir en appui des États et de leurs forces de défense et de sécurité – seulement lorsque ce sera nécessaire et à leur demande. Elle conduit également des actions de coopération civile et militaire au profit des États du golfe de Guinée, qui pourront être développées ou réorientées. À l'image de ce que nous avons construit précédemment, nous voulons poursuivre notre engagement avec nos alliés européens, selon le même esprit Takuba qui a fait la réussite de cette force.
Mesdames et messieurs les députés, au moment de conclure mon intervention, je mesure avec vous l'ensemble des sacrifices consentis non seulement pour permettre aux peuples du Sahel de vivre dignement et en sécurité, mais aussi pour assurer notre propre protection. Ces sacrifices n'auront pas été vains, comme en témoignent les résultats tangibles de notre action collective depuis 2013. Je mesure la force de l'engagement de nos armées et de tous ceux qui restent mobilisés dans la région. Je veux réaffirmer devant vous la détermination de la France, partagée avec ses partenaires européens, à poursuivre la lutte contre les groupes terroristes. Cette détermination nécessite constance et ténacité. Elle suppose aussi pragmatisme et capacité d'adaptation.
Le débat d'aujourd'hui s'inscrit dans un contexte international particulièrement tendu. Cette situation est le fruit d'une compétition internationale marquée par les stratégies de confrontation, directe ou indirecte, dans tous les champs physiques comme immatériels – je pense en particulier au domaine crucial de l'information. La parole de la France est forte, parce qu'elle s'ancre dans la liberté, la transparence et la confiance. C'est évidemment pour cela que le débat d'aujourd'hui est essentiel : il répond à une exigence démocratique vis-à-vis des citoyens que vous représentez.
Sur le fond, les orientations présentées visent à ne pas laisser le champ libre à nos adversaires terroristes, à assurer la sécurité de notre pays et, finalement, à renouveler, pour mieux les affirmer, les principes et les valeurs qui guident notre action dans cette région du monde.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs des groupes LR, Dem, Agir ens, UDI-I et LT.
À l'issue de près d'une décennie d'engagement des troupes françaises au Sahel aux côtés des forces de nos partenaires africains et européens, nous sommes désormais à un tournant. Le combat contre l'extrémisme islamiste que nous menons depuis 2013 et dans lequel la France, par la voix du Président de la République, a réaffirmé son plein et entier engagement demeure toujours aussi prégnant. Al-Qaïda et Daech ont manipulé des aspirations locales pour s'implanter et ensanglanter encore plus de pays de la zone, comme ce fut de nouveau le cas ces derniers mois au Mali, au Burkina Faso, au Niger ou au Bénin.
Alors que la menace islamiste reste prégnante, de nouveaux régimes, à peine installés, ont fait le choix de servir leurs propres intérêts, préférant appuyer sur les rancunes du passé plutôt que ménager un avenir à leur peuple en faisant de la lutte contre le terrorisme leur priorité. Or il convient de le redire : aucune victoire durable ne peut être atteinte sans une coopération étroite avec les États de la région. Le nouveau régime présent au Mali a, de toute évidence, choisi de se détourner de cette voie. Même si nous ne pouvons que le regretter, nous devons en prendre acte. Il ne s'agit pas que d'une question bilatérale touchant la France, mais bien d'enjeux impliquant l'ensemble des parties prenantes aux échelles européenne et africaine. Face à ceux qui préfèrent agiter les passions tristes, il nous appartient d'opposer la constance de notre engagement dans cette lutte que nous savons non seulement nécessaire mais juste.
Dans cette perspective, les orientations présentées par le Président de la République la semaine dernière et qu'il vous appartenait de détailler devant nous, monsieur le Premier ministre, permettent d'envisager un nouveau cadre pour notre présence, ainsi que celle de nos alliés, en Afrique de l'Ouest, un cadre qui témoigne d'un partenariat renouvelé – nous le saluons – avec les peuples et les États de la région. Ces orientations restent fondées sur l'objectif que la France s'est fixé depuis le premier jour de son intervention : soutenir ses partenaires africains dans leur lutte contre l'islamisme radical. C'est pourquoi nous saluons la coopération renouvelée en matière sécuritaire avec le Niger ou la Mauritanie, mais aussi avec les pays du golfe de Guinée tels que le Bénin ou le Togo, également sous la menace de la violence terroriste. C'est ce lien étroit avec les pays de la bande sahélienne et de ses contours qu'il convient d'approfondir et de diversifier encore et toujours.
Enfin, le besoin de réorganisation de la force française Barkhane et de la force européenne Takuba, alors que les autorités maliennes ont choisi de ne plus coopérer avec les forces alliées dans la région, ne doit pas nous faire perdre l'esprit de cohésion et de coopération étroite que nous avions réussi à nouer entre les forces occidentales présentes sur place : ce que l'on a pu appeler l'esprit Takuba. Il est regrettable que la junte malienne ait choisi de se détourner de cet esprit de cohésion, en confiant sa protection à des mercenaires de la société russe Wagner dont les malversations sont déjà tristement célèbres en Afrique : pillages, exactions contre les civils, règles d'engagement bafouées… La liste est longue, trop longue. Choisir Wagner, c'est faire le choix pour les dignitaires des juntes de favoriser leur propre sécurité au détriment de celle de leurs citoyens.
Les évolutions de notre engagement obéissent à une double nécessité : se renouveler face à un ennemi multiforme et mouvant ; chercher à coopérer toujours plus étroitement avec nos alliés.
À ceux qui, ici même, par opportunité politique et partisane, qualifieraient d'emblée ce changement d'approche d'échec, je dirais qu'ils font preuve de bien peu de mémoire : empêcher la partition d'un État tout entier, voire son effondrement total – tel était le risque en 2013 –, ne peut pas être qualifié d'échec ; éviter qu'une population amie soit asservie par l'extrémisme et l'obscurantisme ne peut pas et ne pourra jamais être vu comme un échec.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
L'échec aurait été de renoncer face à la difficulté, de ne pas rester fidèles à la parole donnée à nos alliés, de faire le choix de ne pas les soutenir face à cette menace que nous ne connaissons nous-mêmes que trop bien.
Au renoncement, il nous faut encore et toujours opposer la fidélité à nos idées, à nos promesses, à nos alliés : cette fidélité qui nous a fait répondre présents lorsque les autorités maliennes et les pays de la région ont demandé notre assistance pour repousser la menace qui risquait de les asservir. Cette même fidélité qui nous a fait demeurer là-bas depuis tant d'années et qui, nous en sommes conscients, nous a coûté : nous ne pouvons que rendre hommage aux cinquante-neuf militaires tombés pour la France au Sahel, ainsi qu'aux nombreux blessés et à leurs familles qui ont tous eu à payer le prix du sang et des larmes dans ce combat contre l'islamisme radical.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs des groupes LR et Dem. – M. Jean-Paul Lecoq applaudit également.
Ils l'ont fait au nom des valeurs de liberté et de fraternité qui fondent notre République. Leur courage et leur sacrifice nous honorent et nous obligent.
Au nom de ces mêmes valeurs, monsieur le Premier ministre, le groupe La République en marche ne peut que saluer le renouvellement de notre engagement plein et entier aux côtés de nos partenaires africains et européens dans la lutte essentielle contre le terrorisme islamiste.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Évoquer notre retrait du Mali est une rude tâche, qui exige une infinie mesure : nul ne peut oublier en effet qu'à l'heure où nous parlons, nos hommes sont sur le terrain, au péril d'une embuscade. Cette tâche exige gravité, responsabilité et lucidité.
Gravité, car nous avons à l'esprit les cinquante-neuf soldats français tombés au Sahel, au champ d'honneur : du lieutenant Damien Boiteux, qui fut le premier, au brigadier Alexandre Martin en janvier dernier, sans oublier le fils de notre collègue ancien sénateur le lieutenant Pierre-Emmanuel Bockel ; nous voudrions tous les citer, évoquer tous ces visages qui ont scandé notre engagement en zone sahélo-saharienne, au sein des missions Barkhane ou Serval.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et quelques bancs du groupe LaREM.
Je tiens à dire à leurs familles, à leurs frères d'armes, aux blessés meurtris dans leur chair et dans leur âme que la représentation nationale tout entière est fière d'eux. Leur sacrifice n'a pas été vain. Ils ont multiplié les succès militaires et les faits d'armes – j'en veux pour preuve l'héroïque sauvetage réalisé par Maxime Blasco. Non, Gao n'est pas Saïgon, Bamako n'est pas Kaboul.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et LT.
Ordre et honneur, disais-je, car nous ne renonçons pas à la mission. Rester en bande sahélo-saharienne (BSS), c'est déjà gagner, c'est refuser de subir la voix de la désinformation et de la propagande antifrançaise, c'est refuser de s'incliner devant la pression médiatique qui parle sans cesse d'enlisement, alors que nous savons, hélas, que nous sommes là-bas pour une nouvelle guerre de trente ans.
Quelle que puisse être notre colère à l'égard des autorités de fait du Mali, c'est avec responsabilité que nous devons tirer les conséquences de ces succès militaires,…
…même si la situation actuelle peut donner l'impression d'une défaite diplomatique. Quelle est la mission désormais ? Lutter contre les groupes armés terroristes, empêcher la constitution d'un califat terrestre en Afrique de l'Ouest qui pourrait servir de base de départ à des attaques terroristes contre le territoire national,…
…éviter la déstabilisation de l'Afrique de l'Ouest tout au long du golfe de Guinée, limiter des flux migratoires que le chaos ne manquerait pas de susciter. Les récents événements survenus au Bénin où un ancien du 1er régiment de parachutistes d'infanterie de marine (RPIMA) vient de laisser la vie, démontrent à quel point la menace n'est pas fantaisiste.
C'est pourquoi, monsieur le Premier ministre, le groupe Les Républicains ne peut que prendre acte de la nécessité de reconfigurer notre dispositif, comme cela a été décidé avec nos partenaires européens et africains. Le redéploiement de nos forces au Niger et au Tchad est la seule solution opérationnelle. Nous attendons, bien sûr, d'en savoir plus sur la nature et le format du nouveau dispositif. Mais, sur le principe, disposer de forces aériennes puissantes, de forces spéciales disponibles, en format Takuba ou autre, semble une garantie de fulgurance et d'efficacité avec la faible empreinte au sol qui répond aux nécessités de l'heure. J'en profite pour saluer la sagesse de nos partenaires africains, en particulier du président du Niger qui accueillera largement les troupes françaises à Niamey.
L'esprit de responsabilité invite aussi à s'inquiéter des conditions de notre retrait et de la sécurité de nos forces. Partir d'un pays hostile est un défi logistique inouï. Si la France tire les conséquences de la posture de la junte malienne, nous ne saurions trop insister sur la responsabilité de ces autorités de fait si des actes hostiles causaient des pertes dans nos rangs. Dans ce cas, la riposte française devra être à la hauteur de l'indignité.
Mais responsabilité n'exclut pas lucidité. Il appartiendra aux historiens de comprendre comment des succès militaires se sont transformés en ce qui apparaît comme une forme d'échec politico-diplomatique. Sur nos bancs, ceux d'un parti de gouvernement, nous abhorrons la géopolitique en chambre et le « y a qu'à, faut qu'on » des stratèges de buvette.
Faute de disposer, notamment, des informations classifiées qui, seules, permettraient d'avoir une vision plus juste de la situation, c'est sous la forme interrogative que nous exprimerons nos doutes. Je commencerai par quelques questions factuelles : comment en sommes-nous arrivés là ? Comme avons-nous perdu la main successivement au Mali et au Burkina Faso ? Notre renseignement a-t-il été défaillant ? Pourquoi la France, après avoir déversé des milliards avec ses partenaires européens, s'est-elle retrouvée en position d'accusée ? Avons-nous été assez vigilants ou assez organisés en matière de lutte informationnelle ? Puisque j'évoque la guerre de l'information, je ne peux passer sous silence le fait qu'un pays, la Russie, qui déstabilise l'Europe orientale, est aussi celui qui, par ses réseaux de bots et ses petits « hommes sable » de Wagner, déstabilise le Sahel.
Quelle tragique ironie, que des parties qui se prétendent patriotes se tournent vers Moscou, alors que se répand la rumeur selon laquelle l'obus de mortier qui a tué le dernier des nôtres aurait probablement été tiré par un mortier fourni par Wagner !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR, ainsi sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
J'en viens à des questions plus profondes : avons-nous eu raison de faire succéder Barkhane à Serval ? L'opération Serval fut un succès militaire et politique, car elle visait un objectif clair : empêcher des colonnes djihadistes de conquérir la capitale malienne. Mission accomplie.
Avec Barkhane, je pose la question : n'avons-nous pas succombé à une forme d'hybris, à l'illusion du nation building, au rêve de contribuer à la mise en place d'institutions conformes à nos standards occidentaux ?
N'avons-nous pas tenté de faire, à la place des Africains, ce qui relève de leur responsabilité ? Il est sans doute l'heure de revenir aux bons vieux principes d'une diplomatie réaliste, celle d'Hans Morgenthau, d'Henry Kissinger ou de Raymond Aron, celle qui croit que la première mission de l'action diplomatico-militaire est de maintenir ou de rétablir l'équilibre des puissances, pour neutraliser les perturbateurs du système international.
Ne devons-nous pas assigner à notre outil militaire en Afrique une mission aux objectifs plus limités : être, avec nos partenaires africains, une force de réaction rapide, capable, par sa fulgurance, de rétablir des équilibres qu'il appartiendra aux forces locales de maintenir ? C'est sans doute l'enjeu de ces prochaines années. Pour cela, notre format devra sans doute être revu, en nous appuyant davantage sur nos bases en Afrique de l'Ouest ou sur des forces prépositionnées au Sénégal, en Côte d'Ivoire, au Niger ou au Tchad. Il faudra apporter des réponses à ces interrogations légitimes.
Quoi qu'il en soit, le groupe Les Républicains se tient aux côtés des forces françaises dans le périlleux exercice de retrait. Il sait ce qu'il en coûte, au quotidien, d'être fidèle à son devoir et d'accomplir le difficile métier d'être un homme sous les armes. Notre groupe, respectueusement, s'incline.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Je veux tout d'abord rendre hommage à Jean-Yves Le Drian pour l'action qu'il a menée au nom du Gouvernement français, d'abord en tant que ministre de la défense pendant cinq ans, puis en tant que ministre de l'Europe et des affaires étrangères depuis cinq ans.
Au moment où s'engage le retrait des troupes françaises du Mali, je souhaite avoir une pensée pour tous les soldats qui se sont battus pour notre sécurité, certains jusqu'au sacrifice suprême. Leur engagement héroïque nous impose de débattre dans la dignité. Nos soldats ne sont pas morts pour rien. Nos troupes n'ont pas été engagées en vain : elles ont enrayé la propagation de groupuscules terroristes durant toute leur présence, en menant des opérations audacieuses et efficaces visant à garantir la survie d'un embryon d'État malien. Toutefois, je veux le dire explicitement : la France n'avait pas, à elle seule, pour objectif de remplacer un État malien dont les insuffisances structurelles sont la source des nombreuses difficultés actuelles. La faiblesse structurelle de l'État malien s'observait bien avant la présence de la France.
La conséquence en est un désalignement du gouvernement malien à l'égard de l'engagement de la France et de ses alliés, ce qui se traduit par un isolement vis-à-vis de ses partenaires, un recours à des forces mercenaires étrangères, une rupture du dialogue avec ses alliés de toujours, une défiance à l'égard de la France – dont témoigne le renvoi de notre ambassadeur –, et une incapacité à dessiner un horizon politique démocratique dans lequel se tiendraient à brève échéance des élections libres. Notons bien ceci : le Mali s'isole non de la France, mais de tous ses partenaires, à commencer par ses voisins immédiats, qui sont pourtant ceux qui l'ont le plus soutenu.
La situation au Mali est donc bien différente de celle qui avait cours en 2013, quand la décision d'une intervention française fut prise. Dans ce contexte, nous ne pouvons maintenir notre présence et risquer la vie de nos soldats à n'importe quel prix. Le temps est venu de faire évoluer notre engagement au Sahel. Notre retrait militaire du Mali sera compensé par un renforcement de nos positions dans les pays voisins plus stables. Nous investirons de nouveaux champs, en commençant par développer des rapports avec les pays du golfe de Guinée, qui font face à une résurgence de la menace terroriste. Pour y parvenir, nous devons donner sa pleine dimension à l'initiative d'Accra, qui présente de nombreux avantages et s'annonce prometteuse pour endiguer la propagation d'un extrémisme violent dans la région. De même, nous soutiendrons encore davantage le Niger et la Mauritanie, qui se sont pleinement engagés dans la lutte contre le terrorisme, et qui ont développé avec succès leur pays et leur population.
Enfin, nous devrons définir les nouvelles modalités de notre relation avec le Mali. Le peuple malien doit savoir que la France sera toujours à ses côtés, et que nous poursuivrons autant que possible nos actions d'aide au développement, qui ont montré toute leur efficacité ces dernières années, y compris dans le cadre d'une coopération décentralisée multiple et dynamique – au-delà des aléas politiques, il reste la relation fraternelle entre les peuples. Dans ce nouveau contexte, le peuple malien doit savoir qu'il ne sera pas seul, et que la France se tiendra toujours à ses côtés pour construire son avenir, en dépit des difficultés du présent.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Dem et LaREM. – M. Olivier Becht applaudit également.
Alors que la Russie est aux portes de l'Ukraine, nous débattons du retrait militaire de la France au Mali. Cela peut sembler quelque peu décalé au premier abord, mais à bien y réfléchir, les mécanismes à l'œuvre sont d'une similitude glaçante : l'après-guerre froide a rebattu les cartes ; de nouvelles puissances cherchent à s'imposer et déploient des stratégies de plus en plus offensives. C'est le cas de la Russie de Poutine, qui se déploie à la fois en Afrique et aux portes de l'Europe. À cela, il ne peut y avoir qu'une réponse : le rapport de force. L'Europe doit adopter le mode du rapport de force pour défendre ses idéaux et ses principes. Sinon, elle sera faible, et la faiblesse est le terreau favori des régimes autoritaires. Les peuples européens ont déjà subi la lâcheté des accords de Munich en 1938, et l'Europe ne doit jamais la réitérer : c'est bien pour cela qu'elle a été créée.
L'engagement de la France au Mali pose trois grandes questions. Tout d'abord, l'intervention au Mali était-elle nécessaire ? La réponse est oui. Le Président de la République, François Hollande a eu raison d'engager la France, en janvier 2013, dans une des plus grandes opérations militaires depuis le conflit algérien – vous l'avez souligné, monsieur le Premier ministre. Cette opération a été lancée à la demande des autorités maliennes, pour contrer une offensive djihadiste sans précédent qui menaçait directement la souveraineté territoriale du Mali, alors que des groupes terroristes épars avaient pris le contrôle du nord du pays et qu'ils menaçaient à courte échéance la capitale, Bamako. L'intervention s'est déroulée dans le strict cadre des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies. Il faut donc le dire clairement et sans détour : sans l'engagement de la France, le Mali aurait basculé sous le joug terroriste, entraînant d'autres pays à sa suite. Les opérations Serval dans un premier temps, puis Barkhane à partir d'août 2014, ont permis aux forces françaises d'engranger de précieux succès militaires et de neutraliser de nombreuses têtes de pont de la mouvance djihadiste. Oui, la France a pris la bonne décision. Oui, les soldats français qui ont combattu au Mali sont notre fierté et méritent toute notre admiration. Oui, ils sont des héros. Les cinquante-neuf militaires qui ont perdu la vie ont notre éternelle reconnaissance, et les blessés doivent bénéficier de tout notre soutien.
J'en viens à la deuxième question : fallait-il rester aussi longtemps dans une forme de statu quo ? La réponse est non. Après quelque neuf ans de conflit, la situation semble enlisée. Les victoires militaires des premiers mois ont laissé place à un exercice difficile ; si la victoire militaire est indéniable, ce type de combat asymétrique, aux contours moins palpables, peut donner un sentiment d'échec aux opinions publiques, locales ou internationales, qui ne saisissent pas forcément tous les enjeux des opérations. Surtout, la France a été confrontée à la défaillance du gouvernement malien, à l'absence d'institutions solides et à une corruption abyssale. Ces défaillances ont conduit au coup d'État de l'armée du 18 août 2020, qui a renversé le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta. La première moitié de la période de transition a révélé des tensions au sein de la junte militaire et avec les acteurs civils membres du gouvernement. La tentative de remaniement de mai 2021, visant à sortir le gouvernement de sa paralysie et à élargir sa base civile, sociale et politique, a entraîné un second coup d'État, le 24 mai 2021, qui s'est traduit par un accroissement de la mainmise des militaires.
Nous en arrivons à la troisième question : comment partir maintenant ? Partir peut donner l'impression que nous subissons les menaces du groupe Wagner, que nous cédons face à des mercenaires cupides dont l'objectif n'est ni la stabilité, ni la sécurité de la région, mais la prédation des ressources et le contrôle cupide de territoires. Dans cette guerre hybride, nous ne pouvons être dupes de la présence en clair-obscur de la Russie derrière ces mercenaires. En Ukraine comme au Mali, les combattants sont des pions dans une guerre de position, dans laquelle la France doit reprendre le rôle qui fut le sien : porter une voix au service des peuples, pouvoir dire stop et œuvrer au rétablissement de la paix. Si nous partons – et nous partons –, il faut le faire de manière coordonnée et ordonnée. Notre présence au Sahel s'inscrit dans des opérations de lutte antiterroriste sur un territoire aussi vaste que l'Union européenne. L'enjeu est de redéfinir notre mission, en coopération avec les forces locales et avec nos partenaires européens, qui doivent eux aussi accepter cette mobilisation. Ce n'est qu'à cette condition qu'un retrait est possible, sans doute pas avant : la situation est encore bien trop fragile face à la menace djihadiste.
Enfin, si la réponse militaire était et demeure indispensable, elle ne saurait suffire. Il faut accompagner l'ensemble des pays pour contribuer au développement de ces régions.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Soc et LaREM.
Avant d'entamer mon propos, je souhaite, au nom du groupe Agir ensemble, rendre un hommage appuyé à nos militaires engagés au Sahel depuis neuf ans, dont cinquante-neuf ont perdu la vie. Je pense à leurs familles, à leurs frères d'armes qui souvent ont aussi été blessés dans les combats. Leur détermination, leur savoir-faire, leur volonté ont permis de sauver le Sahel à deux reprises, en 2013 puis à nouveau en 2020 lorsque la pression se faisait intenable sur les États locaux. Ces soldats sont l'honneur de la France.
Mes pensées vont également aux populations de ces régions qui, de Mopti à N'Djamena, vivent sous la terrible pression des islamistes. Si aujourd'hui nous nous désengageons du Mali, nous n'abandonnons pas son peuple, riche de son histoire, de Soundiata Keïta, fondateur de l'empire du Mali, à Mansa Moussa, roi de l'or et du pèlerinage. C'est parce que les liens qui unissent nos pays sont si forts qu'en janvier 2013 nous avons répondu à l'appel à l'aide des autorités maliennes en déployant en un temps record une opération aussi audacieuse que foudroyante, Serval, et que nous y avons tant investi durant neuf ans.
Durant ces neuf années, les armées françaises ont inlassablement traqué les groupes armés à travers un territoire vaste comme l'Europe, pour assurer deux missions : déstructurer les groupes djihadistes et prévenir toute attaque contre la France. Que se serait-il passé si nous ne l'avions pas fait ? Nous en connaissons la réponse : la naissance au Sahel d'un califat islamiste, comme nous avons eu Daech en Irak et en Syrie. Pour éviter cela, alors que la situation s'était gravement détériorée à la fin de l'année 2019, le Président de la République a redonné une impulsion courageuse après le sommet de Pau et réorganisé la stratégie autour de quatre piliers : lutte contre le terrorisme ; remontée en puissance des armées locales ; retour de l'État dans les zones libérées ; réforme de la gouvernance ainsi que l'aide au développement.
Deux ans après Pau, et neuf ans après notre engagement au Mali, quel bilan dressons-nous ? L'humilité nous impose de reconnaître que la menace s'est déplacée du nord du Mali vers le centre, puis aujourd'hui vers les pays du golfe de Guinée. Mais il faut aussi constater les avancées positives et concrètes de cet engagement, et ce sur chaque pilier de la stratégie.
En matière de lutte contre le terrorisme, en deux ans, la task force Sabre a pisté, traqué et neutralisé les chefs djihadistes. Les émirs d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et de l'État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) ont successivement été neutralisés.
Malgré des problèmes d'emploi et de corruption en leur sein, les forces armées maliennes sont remontées en puissance. En janvier 2013, elles ne comptaient que 10 000 soldats. Neuf ans plus tard, profondément restructurées, elles atteignent 40 000 hommes. Cette armée opérait à l'époque en autarcie. Aujourd'hui, les armées sahéliennes communiquent chaque jour au sein du G5 Sahel, créé en 2014. Enfin, les opérations EUTM et Takuba ont forcé les Européens à intégrer que le Sahel n'était pas un territoire lointain mais bien une aire stratégique de l'Europe. Nous y avons bâti une nouvelle brique de l'Europe de la défense en combattant ensemble sans la présence des Américains.
La gouvernance demeure à l'évidence le point noir de ce bilan, essentiellement car les cartes n'étaient pas dans nos mains mais dans celles de nos partenaires, que nous venions aider. Il demeure qu'au Niger l'élection démocratique du Président Bazoum a pu se réaliser en 2021 sans entraves ou fraudes.
Enfin, en matière d'aide au développement, rappelons que l'électricité de Bamako a été sécurisée par un prêt de 36 milliards de francs CFA accordé par la France en octobre 2020.
Mais ces efforts sont aujourd'hui menacés, et pour le Mali rendus caducs par la vague de coups d'État dans la zone. À l'évolution du paysage politique s'ajoutent sur le théâtre malien trois ruptures stratégiques remettant profondément en cause l'engagement de la France.
La première de ces ruptures, c'est le non-respect du calendrier démocratique. Après le premier coup d'État, la junte s'était engagée à mener une transition démocratique. Mais elle a mené un coup dans le coup pour affermir son emprise sur le pays et a utilisé les assises nationales de la réconciliation pour imposer un calendrier intenable de cinq ans.
La deuxième de ces ruptures, c'est l'apparition de mercenaires de Wagner qui compromet la parole de la junte. Leur utilisation, ne répondant pas au droit de la guerre, risque d'alimenter la spirale des violences. Il faut aussi souligner la décision malienne d'entraver les capacités militaires des Européens. La junte a souhaité revoir le traité de défense sans expliquer réellement ses attentes. Elle a également interdit son espace aérien aux forces occidentales dans la région centre, zone de déploiement de Wagner, mais également le survol de son territoire national par les appareils de la MINUSMA. Enfin, le contingent danois de la task force Takuba a été renvoyé dès son arrivée.
La troisième de ces ruptures, c'est l'hystérisation du débat. Afin de légitimer son pouvoir auprès de la population, la junte s'est livrée à une surenchère populiste. Le discours anti-Français, très largement amplifié par la désinformation russe, a atteint un paroxysme avec le renvoi de l'ambassadeur français, dont je souhaite ici saluer le courage et l'abnégation.
Si la désinvolture, la condescendance et les insultes ne sont pas tolérables, surtout à l'égard d'un pays venu aider après un appel à l'aide, le constat stratégique était nécessairement celui d'une impasse.
Premièrement, si la junte est illégitime au regard du droit international, le Mali demeure un État souverain, et nous ne pouvons poursuivre un combat sans l'accord et le soutien des autorités locales.
Deuxièmement, le cœur du problème malien demeure le contrat social. Tant que le jeune berger peul ou touareg ne se verra pas offrir un modèle de société inclusif, où la corruption sera combattue, la justice appliquée, et avec une perspective économique, il n'aura aucun intérêt à se revendiquer Malien, et donc à s'engager pour son pays. Tant que l'État malien demeure perçu comme prédateur par les populations du centre et du nord, aucune paix n'est possible. L'assurance d'un parapluie sécuritaire devient alors contre-productive dans la résolution de crise, et les aides budgétaires et au développement ne sont que dévoyées pour servir à financer des réseaux clientélistes et des paix ponctuelles.
Les décisions du Président de la République sont donc les bonnes, et nous les soutenons. Le danger aurait été de se borner à conserver la même stratégie en continuant à exposer la vie de nos soldats. C'était là tout le sens du « rester autrement » pour lequel mon groupe, par la voix notamment de mon collègue Thomas Gassilloud, plaide depuis maintenant plusieurs mois.
Cette réorganisation du dispositif français dans la zone s'inscrit dans une évolution plus large qui, selon les mots du Président de la République, jette les bases d'un engagement renouvelé, d'un partenariat sérieux et respecté. Cette décision s'appuie sur un débat parlementaire dense auquel le groupe Agir ensemble a largement contribué par ses nombreuses questions au Gouvernement – je pense notamment à celles des députés M'jid El Guerrab, Vincent Ledoux ou Aina Kuric – et lors de la mise à l'ordre du jour des débats sur la stratégie française au Sahel ou sur la feuille de route de l'influence de la diplomatie française.
Nous souhaitons donc tirer tous les enseignements stratégiques de notre engagement au Sahel.
Le premier est que nos objectifs doivent avant tout être définis en fonction de nos intérêts, en y consacrant le juste volume de moyens et de temps. Le deuxième est que nous devons disposer d'un calendrier de repli clairement défini pour donner de la lisibilité à notre action, notamment auprès des populations. Le troisième est que notre présence militaire doit mieux répondre aux attentes de nos partenaires et à la sensibilité des opinions publiques. La solution viendra des locaux, et nous ne pourrons qu'y apporter des moyens de soutien. Le quatrième est que nous devons changer notre regard sur les populations locales. Elles sont le premier rempart contre les groupes terroristes ; elles ne doivent pas être uniquement perçues comme des victimes mais aussi comme des acteurs du terrain. Enfin, le cinquième est que notre diplomatie doit continuer à explorer les bons leviers de puissance. L'action commune avec les Européens nous rend plus forts, et si le bilatéral classique entre chefs d'État est nécessaire, il doit être mieux réinventé, notamment grâce aux diasporas.
Si la France réorganise son dispositif dans la zone, notre destin demeure fermement imbriqué avec celui du Mali. La prospérité de l'Afrique est dans l'intérêt de l'Europe. En ce sens, le plan Global Gateway fait figure de plan Marshall pour l'Afrique que notre groupe appelait de ses vœux.
Enfin, au-delà des questions de défense, nous devons nous interroger sur la relation globale entre l'Europe et l'Afrique. Une mer nous sépare mais nos destins sont intimement liés : alimentation, matières premières, technologies, santé, stabilité et donc paix dépendent de la coopération entre l'Europe et l'Afrique. Nous ne pouvons pas réécrire le passé, mais nous pouvons construire l'avenir en inventant une nouvelle donne, une relation gagnant-gagnant faite de confiance, d'amitié, de solidarité et de prospérité. C'est le chemin que devra emprunter l'Afrique si elle veut être ce grand continent de la croissance au XXI
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
Le 1er février dernier, lors des questions au Gouvernement, je vous demandais, monsieur le Premier ministre, de convoquer le Parlement dans le cas où la stratégie française au Mali évoluerait. Vous le faites et je tiens à vous en remercier.
Il va sans dire que nous appelons de nos vœux une nouvelle convocation de la représentation nationale dès l'instant où la situation dans la région sahélienne le nécessiterait pendant la campagne de l'élection présidentielle, malgré l'élection présidentielle. Nous formulons d'ailleurs la même demande pour la situation en Ukraine si celle-ci devait se dégrader à nouveau, au-delà même de la proposition que vous avez faite lors des questions d'actualité. Il est, en effet, fondamental que la représentation nationale puisse s'exprimer et débattre sur des sujets aussi importants que la situation au Mali, à l'heure où le Président de la République et nos principaux partenaires au Sahel ont pris la décision de mettre officiellement un terme aux opérations Barkhane et Takuba au Mali, pays dans lequel nous étions engagés militairement depuis 2013.
En réalité, une telle décision était devenue inévitable tant les relations que le Mali et ses dirigeants actuels entretiennent avec la France et nos partenaires se sont détériorées et tant la présence de nos armées, accueillies en libératrices en 2013, n'est plus acceptée parmi les populations du fait d'une propagande honteuse des militaires putschistes, ces mêmes militaires qui s'étaient déshonorés en se montrant incapables de défendre leur pays sans nous en 2013, alors que c'était leur devoir.
M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.
Comment pourrions-nous rester plus longtemps au Mali alors que nos armées sont contraintes d'opérer au sein d'un environnement hostile où la France n'apparaît plus, aux yeux d'une trop large part de la population, comme une garantie de sécurité ? Comment aurions-nous pu rester plus longtemps au Mali alors qu'un quarteron de putschistes y a supprimé la démocratie et n'hésite pas à brader la souveraineté de leur pays en échange du maintien au pouvoir que leur garantit une force de mercenaires, et en échange d'ailleurs de contrats bradant la richesse du sous-sol des Maliens au profit des oligarques russes ?
De même, depuis de longs mois, la junte au pouvoir à Bamako multiplie les provocations et les insultes envers notre pays et nos soldats. Après avoir accusé la France d'abandon en plein vol, après avoir renvoyé notre ambassadeur qu'à mon tour je salue, après avoir demandé le départ de nos partenaires danois, après avoir affirmé que les résultats de neuf années d'engagement français au Mali n'étaient pas satisfaisants, ces putschistes trouvent encore l'indécence d'ordonner le retrait sans délai de nos soldats du Mali.
Lorsqu'on sait la complexité et les dangers des manœuvres de désengagement des bases de Gao, Ménaka et Gossi, surtout avec l'arrivée de la saison des pluies, et du redéploiement de nos 2 400 militaires, on comprend qu'il s'agit là d'une véritable insulte faite au travail remarquable accompli par l'armée française durant toutes ces années et à nos soldats tombés au Sahel. Nous avons bien entendu, monsieur le Premier ministre, votre engagement de veiller à la sécurité de nos soldats pendant ces manœuvres. Nous espérons qu'ils auront toutes les instructions pour pouvoir se défendre sans hésiter si jamais ils étaient entravés.
À l'inverse de l'ingratitude de la junte malienne, je tiens à rendre une nouvelle fois un hommage appuyé à ces soldats morts pour la France et pour le Mali. Ce sont des héros qui nous honorent et qui doivent, ainsi que leurs frères d'armes, recevoir un traitement à la hauteur de leur engagement.
Le Président de la République a donc décidé de retirer l'armée Française du Mali, ce que les députés du groupe UDI et indépendants ne peuvent qu'approuver. La réalité est que ce pouvoir installé à Bamako, qui n'a aucune intention de rendre la démocratie au peuple malien, a vu dans la France le bouc émissaire idéal lui permettant de justifier l'injustifiable et de renvoyer la tenue d'élections aux calendes grecques alors qu'elles devaient avoir lieu dans quelques jours. Mais, comme le Gouvernement français, je le sais, nous ne confondons pas cette junte avec le peuple malien, qui reste un peuple ami de la France.
Si ce retrait inévitable du Mali constitue un échec, je tiens à préciser qu'il ne s'agit pas d'un échec militaire, mais d'un échec de stratégies successives conduites par François Hollande et Emmanuel Macron.
Nos armées ont, en effet, effectué pendant neuf années un travail remarquable et ont obtenu des succès indéniables au Sahel, avec la mise en tension des organisations djihadistes, qui les a empêchées d'organiser un proto-État, et l'élimination de certains de leurs chefs, comme Abdelmalek Droukdal ou Abou Walid al-Sahraoui. En maintenant durant toutes ces années une pression aussi forte, nos militaires ont porté un coup aux ambitions que nourrissaient les djihadistes de disposer d'un sanctuaire qui aurait pu leur permettre de frapper l'Europe.
Cependant, force est de constater que ces nombreux succès militaires ne se sont jamais traduits en succès politiques. En l'absence de dynamiques politiques véritablement efficaces portées par les gouvernements locaux, les victoires tactiques de l'armée française, si nombreuses fussent-elles, ne pouvaient que se limiter à la gestion des symptômes d'un mal beaucoup plus profond. C'est bien parce que l'État malien est défaillant depuis de nombreuses années et qu'il n'est pas en mesure d'assurer à ses populations la sécurité, la justice, la santé ou l'éducation qu'un boulevard est ouvert aux djihadistes dans le nord et le centre du Mali, et toutes les actions de nos militaires pour combattre le terrorisme ne peuvent pas remplacer un État malien qui a failli avant même d'être dirigé, comme c'est désormais le cas, par des militaires putschistes.
En 2013, François Hollande a eu raison de répondre à l'appel à l'aide des autorités maliennes, qui risquaient d'être emportées par une offensive djihadiste, mais il n'a pas su exiger ni fixer les conditions du rétablissement d'un État malien, d'une gouvernance différente et des services publics essentiels que celui-ci devait à son peuple. C'est bien là la faute car, au lieu de saisir l'occasion d'accompagner notre intervention de conditions politiques indispensables, il a préféré élargir l'opération militaire à une zone aussi vaste que l'Europe, alors même qu'il réduisait les budgets militaires. Cette faute a créé et alimenté un espoir irréalisable dans le cœur des populations sahéliennes, qui pensaient qu'avec toute la puissance et toutes les technologies de l'armée française, leur sort pourrait enfin s'améliorer.
La réalité est que, malgré le rebond budgétaire de 2015 et la fin de l'opération Sangaris en 2016, qui ont permis d'augmenter les forces au Sahel, l'effort était toujours trop faible et, surtout, privé d'un relais politique local efficace. Pour reprendre les mots du colonel Michel Goya, « par l'insuffisance de ses moyens, Barkhane a sans doute plus nourri que réduit la force de l'ennemi en fournissant les arguments d'un discours nationaliste et surtout en lui laissant l'occasion d'accumuler de l'expérience militaire ».
Voilà donc l'héritage qu'a reçu Emmanuel Macron à son arrivée au palais de l'Élysée en 2017. Si le péché originel ne peut évidemment pas lui être imputé, il n'en demeure pas moins qu'il a dû, pendant cinq ans, gérer cette crise, et qu'il partage une part de la responsabilité de cet échec, notamment en raison des hésitations, des stratégies successives et du sentiment de « deux poids, deux mesures » qu'on a laissé s'installer et jamais vraiment éteint ; quelques fautes d'image ont aussi été commises, comme la convocation des dirigeants sahéliens à Pau, vécue comme une humiliation par certains pays et utilisée comme telle par nos ennemis.
Sur le plan militaire, il a fallu la tenue de ce sommet pour que soient prises les décisions d'augmenter une dernière fois les moyens et l'activité de Barkhane, tout en accompagnant plus étroitement les armées locales grâce à la task force Takuba. En 2021 a été prise la décision de réorganiser le dispositif militaire au Sahel, avec une réduction des effectifs à l'horizon 2023 et la fin de l'opération Barkhane en tant qu'opération extérieure. Or, cette décision prise sans réelle concertation a ouvert une brèche dans laquelle s'est engouffrée la junte militaire malienne – qui n'attendait sans doute que cela – pour justifier ses besoins sécuritaires et faire venir les mercenaires russes. Si c'est une imposture, du moins n'aurions-nous pas dû leur en laisser l'occasion. Dès lors, le retrait du Mali devenait inévitable.
Si nos armées ont obtenu de nombreux succès tactiques, il n'en demeure pas moins, je le dis avec tristesse, que le bilan de notre intervention au Sahel est, à ce jour, encore un échec. La menace djihadiste n'a, en effet, pas disparu et a même métastasé jusque dans les États voisins. Elle s'est propagée vers le sud, ainsi que vers les pays du golfe de Guinée. Le Mali a connu deux coups d'État successifs et a fait entrer sur son territoire les mercenaires que j'ai déjà évoqués. Au Burkina Faso, le président Kaboré a été renversé par des militaires et, au Niger, qui nous accueille désormais, le pouvoir du président Bazoum est déjà contesté.
Enfin, sur le plan de la lutte pour l'information, la France semble n'avoir fait qu'encaisser les coups et le sentiment anti-Français s'est accentué injustement parmi les populations sahéliennes, à tel point qu'un camion de ravitaillement de Barkhane a même été bloqué par des populations qui criaient « À bas la France ! » Elles ne sont pas les responsables, mais les victimes de cette désinformation – encore faut-il que nous puissions l'affirmer. C'est la preuve que nous n'avons pas gagné la bataille des cœurs et des esprits.
À l'heure où, en quittant le Mali, nous n'abandonnons pas la lutte contre les djihadistes – nous l'avons bien entendu, monsieur le Premier ministre – et en redéployant le dispositif de lutte militaire, nous voulons que tous gardent à l'esprit nos erreurs passées, car ce n'est que d'une solution politique globale que pourra émerger le retour à la paix dans cette région. La défaite des forces djihadistes que nous combattons n'aura lieu que si les États régionaux se consolident, en particulier dans les services qu'ils doivent à leurs peuples, qui renforceraient leur légitimité, mais aussi en acceptant des modèles de gouvernance différents, mieux partagés et démocratisés, et en assurant une croissance et un développement auxquels la France et l'Europe ne peuvent pas rester étrangers.
Ainsi, monsieur le Premier ministre, au-delà des efforts militaires de la France et de nos partenaires, que nous saluons et que nous soutenons, c'est à une stratégie diplomatique de reconstruction ou de renforcement de ces États et au développement économique de ces pays que doivent se consacrer désormais la France et l'Union européenne, en se montrant exigeants envers les gouvernements de la région. Sinon, il est inévitable que nos nouveaux efforts resteraient vains.
Le Président de la République a annoncé que la France allait quitter le Mali, juste avant qu'elle n'en soit chassée. Les militaires ont-ils fait leur devoir ? Oui, et certains l'ont payé de leur vie. Depuis 2014, lorsque Serval s'est transformée en Barkhane, les dirigeants politiques ont-ils fait leur devoir ? Non. Au Mali, nous avons fait tout d'abord des alliances avec des éléments armés du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), indépendantiste, puis avec deux milices, le GATIA – Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés – et le MSA – Mouvement pour le salut de l'Azawad –, et nous avons fini par abandonner les uns et les autres.
Nous avons été incapables de répondre aux besoins sécuritaires des populations, à qui on a fini par larguer des vivres alors que leurs villages étaient sous embargo djihadiste, les contraignant ainsi à dialoguer avec les djihadistes ou à être tués, ce qui est le pire pour nos soldats.
Les dirigeants français n'ont pas écouté les chercheurs de terrain, qui expliquaient les succès des djihadistes par leur capacité à exploiter localement la somme de conflits sociaux, ethniques, familiaux et politiques jamais arbitrés ni par la justice ni par l'État et attisés par la manne des trafics d'otages et de drogue. L'ex-chef d'état-major des armées François Lecointre nous a toujours dit, lors de ses auditions, que cette guerre ne pouvait être gagnée si son volet était en priorité militaire, que la politique du scalp, dont vous êtes si fiers, consistant à éradiquer les chefs d'AQMI ou de l'EIGS, avait ses limites, que l'hydre avait plusieurs têtes et, surtout, qu'elle se déplaçait sur le terrain. Aujourd'hui, vous êtes contraints de constater que des pans entiers de territoire tombent entre les mains des djihadistes ou des trafiquants de toute sorte, et que la menace s'est déplacée vers le golfe de Guinée.
Tout cela vous a été dit depuis longtemps, mais vous n'avez jamais rien voulu entendre.
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Le résultat, on le voit : c'est ce que nous avons toujours dit, depuis cinq ans. Mais, pire encore, la France, qui porte son universalisme en bandoulière, s'est employée systématiquement à soutenir l'insoutenable, alimentant le rejet de la France par les populations. Au Mali, la France a en effet soutenu à bout de bras le régime d'Ibrahim Boubacar Keïta, miné par la corruption.
Mêmes mouvements.
C'est la réalité ! La France est le seul pays occidental à avoir envoyé des ministres à l'investiture de dirigeants briguant des mandats inconstitutionnels à Conakry et à Abidjan. Au Tchad, c'est le Président de la République lui-même qui est venu adouber Mahamat Idriss Déby qui, s'autoproclamant successeur de son père, a tout simplement suspendu la Constitution prévoyant que le président de l'Assemblée nationale prenne le relais en cas de vacance du pouvoir.
Il a annoncé le décalage de la conférence sur le dialogue national, chargée d'organiser le cadre des élections, et je n'ai pas entendu Paris faire le moindre commentaire.
En juin 2021, le Président de la République nous annonçait déjà, même s'il semble l'avoir oublié, le retrait de Barkhane et son remplacement progressif par la montée en puissance de la force Takuba, dont le cœur du dispositif devait être basé à Gao et Ménaka. Six mois plus tard, nous assistons à l'implosion de Takuba elle-même.
Face à cette bérézina, le Président de la République et vous-même, monsieur le Premier ministre, récusez complètement l'idée d'un échec français au Mali…
…et on nous sert à nouveau un récit vide de toute substance.
La semaine dernière, l'Élysée a affirmé devant les journalistes que le quinquennat d'Emmanuel Macron aurait « revisité les fondamentaux de la relation entre la France et le continent africain », « refondé le logiciel » et permis un « aggiornamento », y compris concernant les opérations militaires – rien de moins ! On voit le résultat…
Alors, quelques questions : où en est le passage de relais, dont on nous annonçait dès l'été 2021 qu'il était prétendument acté depuis de longs mois entre la France et l'Algérie ?
La détérioration récente des rapports entre la France et l'Algérie après qu'Emmanuel Macron a cru bon de s'interroger publiquement, dans un échange avec des jeunes, sur le fait de savoir s'il existait une nation algérienne avant la colonisation française, rend-elle cette coopération plus compliquée ?
Par ailleurs vous misez désormais tout sur le Niger. Qu'en pensent les populations ? Le président Mohamed Bazoum, investi à la suite de ce qui reste une fraude électorale constatée, preuves à l'appui, est fragile.
Vous ne dites pas non plus un mot de la présence américaine, alors que Washington fournissait jusqu'ici à l'opération Barkhane de précieuses capacités de renseignement et de surveillance, notamment grâce à ses drones et ses avions spécialisés, du ravitaillement en vol et du transport logistique. Nous avons besoin des Américains : sans renseignement, rien n'est possible et, sans ravitaillement en vol, nous sommes beaucoup moins agiles. Comment réagissent les Américains ? Vous ne nous en parlez pas.
La porte-parole du ministère des affaires étrangères nous annonçait dimanche sur France 5 que le Président de la République allait ouvrir une « nouvelle ère », celle d'un nouveau partenariat avec l'Afrique. Déjà oubliés, le P3S, ou partenariat pour la sécurité et la stabilité au Sahel, ou l'Alliance Sahel, dont on connaît les défaillances, dispositifs qui étaient censés répondre aux besoins des populations à court et à long terme ! On voit le résultat, et j'imagine que l'on trouvera bien un nouveau sigle pour ce nouveau partenariat.
Il existe certes sur les réseaux sociaux des campagnes de désinformation et de manipulations menées contre la France, mais ce qui crève les yeux, c'est que nous donnons matière à instrumentalisation. Pensez-vous sérieusement que, sans un changement profond et réel de logiciel, nous pourrons rester sereinement un partenaire crédible pour les citoyens en Afrique ?
Pouvons-nous enfin travailler sur des dispositifs qui ne soient pas hors-sol, mais qui atterrissent dans la réalité ? Cela demande d'écouter et, surtout, d'entendre les acteurs de terrain. Je vous invite, à cet égard, à lire les recommandations de la Coalition citoyenne pour le Sahel, qui a fait sur ce sujet un travail absolument remarquable.
Applaudissements sur les bancs des groupes LT et GDR.
C'est un moment bien étrange que celui où nous allons discuter de la situation dans le Sahel alors que tout est déjà décidé sans que nous ayons eu l'échange qu'il était normal que, dans une démocratie, un Parlement puisse attendre du Premier ministre. Celui-ci aurait pu nous dire si, dans la phase qui a précédé l'événement inacceptable et insupportable qu'a été la reconnaissance des deux républiques du Donbass par la Russie, puis l'entrée militaire de cette dernière sur le terrain, le chef de l'État russe a manipulé notre président de la République en lui faisant croire des choses qui n'étaient pas, mais qu'il se faisait un devoir de nous dire, ou bien si nous n'avons été coupables que de naïveté. Mais puisque nous n'aurons pas ce débat, comme cela nous a été confirmé ce matin en conférence des présidents, voyons où nous en sommes.
J'ai dit à de nombreuses reprises, au nom des Insoumis, que l'opération militaire au Mali avait d'abord été justifiée par des circonstances obligeant à une action soudaine. En effet, une colonne ayant entrepris de se diriger vers la capitale de ce pays, les militaires français ont fait ce qu'ils avaient à faire : conformément à l'accord de défense que nous avons avec le Mali et à la demande du gouvernement alors en place, nous sommes intervenus et avons détruit la colonne d'invasion.
Nous nous sommes alors trouvés au pied du mur, comme il est de tradition en pareil cas : on peut soit se laisser emporter, soit formuler un plan politique dont on connaît la lettre A et la lettre Z, c'est-à-dire qu'il prévoit qu'après être intervenu, on se retirera si certaines conditions sont réunies. Bien entendu, ce n'est pas à nous de fixer ces conditions, car nous ne sommes pas chez nous : nous sommes au Mali, chez les Maliens, et c'était donc dans le cadre de discussions avec ces derniers qu'il fallait établir les conditions dans lesquelles les Français se retireraient. Peut-être aurions-nous pu toutefois en ajouter une : que des élections normales et démocratiques aient lieu, à l'organisation desquelles nous aurions pu apporter notre appui. En effet, si nous sommes capables d'organiser une opération aussi complexe qu'une intervention militaire à des milliers de kilomètres de chez nous, peut-être sommes-nous également capables, une fois que nous y sommes, d'aider à organiser des élections dignes de ce nom, et non pas la tricherie habituelle qu'on observe dans tant de ces pays.
Dès le départ, les militaires français ont indiqué qu'il ne pouvait pas y avoir de victoire militaire s'il n'y avait pas d'objectifs politiques, mais sur ce point il ne leur a jamais été apporté de réponse. Depuis, on a entendu dire que l'objectif militaire et politique était de vaincre le terrorisme, or il est impossible de vaincre le terrorisme : personne n'a jamais vaincu un concept. On vainc des armées en commençant par désigner des adversaires, en disant qui ils sont, qui les finance, et comment on compte en venir à bout. Cela, nous ne l'avons jamais fait, si bien qu'une cohue confuse de djihadistes profitant de l'effondrement de l'État malien, de trafiquants de cigarettes et de marchands de drogue a pu conspirer continuellement, créant un désordre dont la France n'avait aucune chance de venir à bout sans recourir aux grands moyens, ceux de la démocratie et du développement – ce que nous ne pouvions faire et n'avons pas fait.
À de nombreuses reprises, j'ai dit au nom de mes amis que si ces conditions politiques n'étaient pas fixées, alors par la force des choses, conformément aux enseignements de notre histoire et à l'examen des circonstances qui évoluent sur tout le continent, cela tournerait mal et finirait même par un désastre. Je ne suis pas si grand stratège que j'aie une autorité dans ce domaine, mais je sais lire les livres d'histoire et je connais le récit traditionnel des guerres asymétriques. Quand les États-Unis d'Amérique, après être restés vingt ans en Afghanistan et après y avoir jeté un matériel considérable, dont la plus grosse bombe conventionnelle de l'histoire, partent d'Afghanistan comme ils l'ont fait, pourquoi voudriez-vous que nous ayons meilleur succès au Mali contre l'adversaire que nous affrontions, un adversaire d'une nature quasiment identique sur le plan de l'idéologie, et très comparable pour ce qui est des méthodes de combat ?
Je veux profiter de ma présence à cette tribune pour m'adresser, au nom de l'histoire qui lie les mouvements progressistes français à ceux de toute l'Afrique, en particulier à ceux du Mali, et au nom de la binationalité qui unit tant de nos familles, à tous ceux qui peuvent m'entendre au Mali, notamment à ceux qui se disent mes amis. Je veux leur dire qu'il faut se rappeler qui nous sommes, pourquoi nous sommes là et comment nous y avons été.
La France n'a pas envahi le Mali ,
M. Hervé Berville applaudit
elle est venue au Mali à l'appel des autorités maliennes, sans que cela soit démenti à quelque moment que ce soit par qui que ce soit – à part les djihadistes au moment où elle est intervenue.
La France n'a pas occupé le Mali : elle y a été présente et elle y est restée à la demande des gouvernements et des forces locales.
Enfin, la France n'est complice en aucune manière des deux coups d'État – qui, disons-le, ont constitué dans les deux cas une surprise pour elle, même si l'on peut se demander comment cela se peut dans un pays où l'on a 5 000 militaires – et n'a donc joué aucun rôle dans le report des élections dans cinq ans décidé par le pouvoir actuel, exercé par M. Goïta. La preuve, c'est que nous partons !
C'est pourquoi je veux vous dire, si vous m'écoutez, que nous méritons d'être respectés. Le choix de nos armes, c'est vous qui l'avez fait ! Cinquante-neuf des nôtres sont morts sur place et de nombreux autres sont revenus blessés, certains atteints de séquelles physiques ou psychiques définitives.
Nous méritons le respect ! Nous ne nous sommes imposés à aucun moment et, s'il y a polémique entre nous, comme c'est normal quand il est question de politique, nous ne méritons que le respect, et je veux le dire de toute la force de la famille politique que j'incarne, et sans doute de tous les bancs de cette assemblée.
Applaudissements sur la plupart des bancs.
Après cinquante-neuf soldats français tués – et de nombreux blessés – et des milliers de Maliens pris dans cette affaire, nous sommes toujours sans réponse. Nous savons combien nous ont coûté ces neuf années de guerre : 8 milliards d'euros, soit 3 millions par jour ! Qui arme et qui finance les djihadistes ? Car si cela nous a coûté une telle somme, on se doute qu'eux-mêmes ont également dû dépenser beaucoup d'argent, dont on ne sait d'où il provenait. Voici maintenant qu'on a fait venir le groupe Wagner, une troupe de mercenaires sanglants comme on en voit désormais dans toutes les guerres du monde : la guerre se fait à nouveau en recourant à des procédés datant de l'Ancien Régime, de l'ancien temps.
Wagner a fait un sale boulot en Centrafrique, et ceux qui se réjouissent de voir partir les soldats français doivent maintenant se demander s'ils sont heureux de voir Wagner à leur place.
Pour ma part, je dis à mes amis maliens que la présence de Wagner au Mali, c'est quelque chose qui va coûter très cher aux Maliens dans leur vie, dans leurs habitudes, dans leur organisation.
Approbation sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Personne n'a rien à gagner à voir une telle bande de voyous arriver sur un continent et s'interposer entre la volonté démocratique des peuples et sa mise en œuvre !
Applaudissements sur la plupart des bancs.
Pardon, collègues, si je parle fort, mais quelle douleur en pensant aux espoirs suscités au Mali après le discours du président Mitterrand à La Baule en 1990 ! Quelques mois plus tard, on avait vu le général Amadou Toumani Touré mettre un terme à la dictature du parti unique, avant qu'une élection libre ne porte au pouvoir M. Alpha Oumar Konaré, que nous estimions au plus haut point et qui fut élu, puis réélu cinq ans plus tard, dans des conditions démocratiques. Quelle douleur de voir qu'après 1991-1992, nous voilà revenus aux militaires putschistes, aux bandits, aux voyous, à ceux qui, non contents de mépriser le peuple, nous insultent en insinuant que nous devrions nous sentir coupables. Non, nous ne le sommes pas et il n'y aura personne sur ces bancs pour donner raison aux insultes faites à notre patrie !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Hervé Berville applaudit également.
Nous sommes prêts à changer nos méthodes dans la relation normale qui est celle des Français lorsqu'ils discutent entre eux et qu'ils ne sont pas d'accord. Nous ne sommes pas d'accord avec le Gouvernement et le Président de la République. Pour autant, nous n'acceptons pas qu'on expulse notre ambassadeur ni qu'on nous demande de partir de façon précipitée, sans nous garantir de pouvoir le faire dans les meilleures conditions de sécurité. Dorénavant, les nôtres seront aux avant-postes pour démonter ce qui a été monté avec l'accord du gouvernement malien, et je demande que le peuple malien prenne sous sa protection les soldats français, femmes et hommes, qui vont devoir remballer et partir. Je demande que nos soldats ne soient pas traités comme des ennemis, car la France n'est pas ennemie du peuple malien et il n'y a aucun député français, sur quelque banc que ce soit, qui ait la moindre animosité à l'égard du peuple malien. Tout cela doit être dit avec force au moment même où il est si douloureux d'évoquer ce que nous savons être un échec.
J'aurais bien d'autres choses à dire, mais j'ai épuisé mon temps de parole. J'espère tout de même avoir été utile à notre pays et à l'amitié qui nous unit aux Maliens en tenant les propos que je viens de tenir.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI, Dem, SOC, Agir ens, UDI-I et GDR ainsi que sur de nombreux bancs des groupes LaREM et LR.
La situation au Mali et au Sahel n'est que le triste reflet du vide absolu de ce que signifie de manière opérationnelle la guerre contre le terrorisme, une guerre qui désigne à la fois une lutte contre un mode opératoire, contre des organisations qui se recomposent très rapidement, contre des organisations partageant des ambitions changeantes, parfois antagoniques, et enfin une lutte contre une idéologie aux contours extrêmement flous. Que combattons-nous au Sahel ? Quel est l'objectif de la France ? Vous n'avez jamais apporté de réponse à ces questions, parce que vous n'en avez pas.
L'absence de lecture critique de cette notion de guerre contre le terrorisme, forgée au lendemain du 11 septembre 2001, a conduit à des désastres de très grande ampleur, de l'Irak à l'Afghanistan en passant par la Libye, la Somalie, le Yémen ou encore le Sahel. Ces guerres contre le terrorisme sont anachroniques : elles ne peuvent être gagnées si l'on ne lutte pas contre les véritables racines du mal. Les députés communistes ne cessent de vous le dire, ces menaces sont l'insécurité alimentaire et environnementale – la zone sahélienne est l'une des plus sensibles au réchauffement climatique –, mais aussi l'insécurité liée à l'effondrement des services publics d'éducation, de santé, de justice ou de sécurité intérieure. Toutes ces insécurités nourrissent des trafics et des flux illicites de capitaux. Les catégories ethniques et religieuses sont manipulées pour justifier et légitimer la violence, mais elles ne sont que des excuses. On ne peut donc parler de ce retrait comme d'une humiliation de la France : c'était en réalité un échec prévisible depuis le premier jour, car en l'absence d'objectif une guerre ne peut être gagnée.
Si l'humiliation appelle un sursaut d'orgueil, un échec appelle la réflexion et l'humilité. C'est pourquoi les députés communistes proposent en priorité de dresser un bilan lucide de l'action de la France en Afrique, afin de ne pas reproduire les erreurs commises : si nous l'avions fait après la monstrueuse guerre contre la Libye en 2011, nous n'en serions pas là aujourd'hui.
Vous avez, monsieur le Premier ministre, largement insisté sur la manière dont les troupes allaient se redéployer et sur l'avenir opérationnel des opérations militaires en cours au Sahel. Pourtant, nos interventions militaires sont sur la sellette partout au Sahel. À la fin de l'année dernière, le blocage du convoi militaire français au Burkina Faso et au Niger l'a prouvé.
En tant que promoteurs infatigables de la paix, les députés communistes proposent, dans un deuxième temps, d'organiser un plan de retrait concerté avec tous les États du Sahel et de la région – et chaque mot compte dans cette phrase : un plan de retrait pour valider le souhait des peuples de voir partir l'armée française selon une organisation précise et concrète ; concerté, parce qu'on ne peut plus continuer cette politique élyséenne consistant à ce qu'un homme décide seul, sans respecter ses interlocuteurs ; du Sahel, car il s'agit bien de créer les conditions du retrait de la région, en accord avec tous les États et les peuples concernés.
Pour avancer dans la sécurité et pour gagner la paix, le troisième acte d'urgence consiste à mettre en place une coopération militaire collective bien plus équilibrée, qui reposerait sur la formation et sur le transfert de technologie militaire afin de rendre leur indépendance à ces États. Nous ne sommes pas naïfs, nous avons bien conscience que la violence existe et qu'elle doit être combattue pour aider les populations qui souffrent, mais pour cela l'action doit être menée avec les États et par les États eux-mêmes.
La quatrième proposition des communistes, c'est de renforcer nos coopérations civiles, en apportant une aide au développement qui soit orienté vers le recouvrement des recettes fiscales et la reconstruction de l'État. Cela permettra de redonner la marge de manœuvre budgétaire indispensable pour rebâtir dans ces pays des services publics forts – c'est ce qu'il y a de plus efficace pour lutter contre le terrorisme et pour gagner la paix.
Au Sahel – comme en France, soit dit en passant –, cette marge de manœuvre budgétaire a été, il faut le redire, détruite par les réformes ultralibérales imposées à ces États dans les années 1980-1990 par le Fonds monétaire international, le club de Paris et la Banque mondiale, qui ont créé un terreau fertile où sont nées les contestations armées actuelles. Aujourd'hui encore, l'Afrique meurt de ses taux d'imposition des entreprises extrêmement faibles et d'une évasion fiscale qui équivaut à ce qu'elle reçoit en aide publique au développement.
Le cinquième acte à accomplir avec les États sahéliens, c'est d'en finir avec la présence paternaliste et humiliante de la France chez eux. En protégeant vos vassaux africains sans jamais regarder la légalité de leur pouvoir, vous avez humilié les peuples d'Afrique de l'Ouest. Vos indignations démocratiques à géométrie variable ont épuisé les peuples et fragilisé leur envie de démocratie. Pourquoi, après la mort d'Idriss Deby au Tchad, vous êtes-vous empressés d'adouber son fils lors d'un coup d'État constitutionnel ? Pourquoi le coup d'État en Guinée, qui a abouti au remplacement du président Alpha Condé par un ancien soldat de la Légion étrangère, le lieutenant-colonel Doumbouya, n'a-t-il été condamné que du bout des lèvres par la France ? Et je ne parle même pas de la Côte d'Ivoire, où vous avez fermé les yeux sur le troisième mandat inconstitutionnel d'Alassane Ouattara, votre complice de toujours…
Pourquoi seul le coup d'État au Mali a-t-il été sanctionné par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ? Le blocus mis en place met de l'huile sur le feu et ne fait souffrir que la population. Pourquoi le président Macron se permet-il de convoquer – c'était l'expression employée – les chefs d'État du G5 Sahel au sommet de Pau le 13 janvier 2020 pour les obliger à prêter à nouveau allégeance à la France ? Pourquoi refusez-vous de valider l'enquête des Nations unies sur le bombardement effectué par l'armée française à Bounti, au Mali, le 3 janvier 2021, qui a fait une vingtaine de morts dans un rassemblement qui n'était vraisemblablement qu'un mariage ?
Ajoutons à cela le double jeu de la France au Mali, qu'il s'agisse de son soutien implicite aux mouvements rebelles du Nord du Mali, et dernièrement au Mouvement national de libération de l'Azawad, ou de sa promotion acharnée de l'accord d'Alger qui, rédigé sans le peuple malien, ne correspond en rien à ses aspirations et menace l'intégrité territoriale du pays.
Je ne parle même pas du franc CFA ou de son avatar l'éco, instrument de domination monétaire de la France dans la région !
Face au blocage des voies démocratiques, il semble que pour beaucoup, l'envie d'indépendance et de souveraineté ait remplacé le désir de démocratie. C'est un changement majeur qui bouleverse les dynamiques au Sahel. Évidemment, nous, élus d'une démocratie moins fragile que celle de ces États, l'inversion des priorités entre souveraineté et démocratie nous dérange au plus haut point ; mais il faut reconnaître qu'au Sahel, dans une zone où les entreprises françaises sont très influentes, où l'on paie en francs CFA et où les autocrates sont validés par Paris, la notion d'indépendance et de souveraineté prend souvent la forme d'une défiance envers notre pays.
Et cette défiance est renforcée par l'insécurité, qui ne recule pas. La preuve en est qu'il y a neuf ans, au début de l'opération militaire française, les djihadistes et autres entrepreneurs de violence étaient présents sur 10 % du territoire malien alors qu'aujourd'hui, près de 90 % est classé en zone dangereuse.
Outre les cinquante-neuf militaires français tués auxquels nous devons rendre hommage pour leur engagement, il faut rappeler que pour la seule année 2021, il y a eu 4 838 victimes africaines, sans compter les 2,2 millions de personnes déplacées internes et les 200 000 réfugiés.
Nous ne pouvons que constater que le peuple malien ne s'est pas opposé à l'arrivée au pouvoir de ces militaires. Il ne les juge pas bons démocrates, personne ne s'y trompe, mais il les considère davantage capables de lutter contre le terrorisme et plus à même d'agir indépendamment de la France pour retrouver de la souveraineté. C'est un fait. Certains pensent même que ces nouveaux dirigeants rendent sa fierté au peuple malien.
C'est cela qu'il vous faut comprendre d'urgence. Que l'on croie ou non à la sincérité des intentions du régime malien actuel, peu importe ! Le constat est sans appel : nous avons perdu le soutien des Maliens. Attention à ne pas faire de confusions : le peuple malien n'est pas anti-Français, il s'oppose à la politique que la France mène actuellement, dans la continuité des décennies précédentes.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
C'est une nuance fondamentale à saisir si l'on veut pouvoir mener avec justesse nos futures actions diplomatiques auprès des autorités maliennes. C'est pourquoi, monsieur le Premier ministre, il est impératif que vous preniez enfin la mesure du drame que la France a suscité là-bas.
Le redéploiement des troupes françaises dans les États voisins du Mali est une nouvelle preuve de votre incompréhension totale du terrain. Changez de logiciel. Arrêtez d'écouter les multinationales françaises qui veulent maintenir leur domination économique dans cette région. Arrêtez d'écouter les va-t-en-guerre qui pensent que la violence ne se combat qu'avec des armes. Essayez plutôt de comprendre les peuples et leurs dynamiques propres.
Eux seuls doivent être entendus.
Nos propositions émanent du vécu des gens et de leurs revendications. Nous les avons construites avec eux et nous les relayons ici. De plus en plus de voix en France les accompagnent. Si vous aviez su écouter, la dignité de la France en Afrique aurait peut-être été sauvée depuis longtemps. En tout cas, nous, nous le pensons ! .
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC, FI et LT
J'ai l'honneur de présider, depuis 2017, le groupe d'amitié France-Mali de l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, je souhaite vous parler de ce que je connais et notamment de ce lien concret et solide que nous entretenons avec le peuple malien.
Depuis le putsch de l'été 2020, il n'y a plus d'Assemblée nationale au Mali, plus d'ambassadeurs à Paris ou à Bamako. Comme la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, l'Union africaine et l'ensemble de l'Union européenne, nous sommes clairement en rupture avec la junte militaire au pouvoir, parce qu'elle ne respecte pas ses engagements de transition, parce qu'elle ne donne pas de garanties démocratiques suffisantes et parce qu'elle a fait appel au groupe Wagner, ce qui n'augure rien de bon. Elle incite aussi par opportunisme au rejet de la France et au repli nationaliste.
Ici en France, par méconnaissance ou manœuvre politicienne, certains font enfler un sentiment anti-Français par des affirmations à l'emporte-pièce. La réalité est loin d'être aussi simple. La complexité du contexte et des enjeux n'échappe pas aux populations qui sont inquiètes autant que perplexes et fatiguées par tant d'instabilité. Nous avons connu, depuis l'indépendance du Mali, des périodes de mésentente et d'incompréhension mais nous avons toujours su retrouver l'esprit de concorde et de tolérance qui caractérise nos deux nations. André Malraux, dépêché par le général de Gaulle à Bamako en 1961, avait ainsi su trouver comment retendre le lien, alors distendu, entre nos deux pays. Cette amitié continue constitue encore plus aujourd'hui qu'hier le bien commun sur lequel nous appuyer dans la tourmente que nous connaissons.
Ce lien est incarné par la diaspora malienne. Ces Français d'origine malienne et ces Maliens expatriés participent notablement à l'économie malienne tout comme ils contribuent à la dynamique de nos territoires, notamment en Île-de-France. Et je tiens ici à saluer particulièrement l'engagement sans faille de la Coordination des élus français d'origine malienne (CEFOM). Ensemble, nous avons organisé des rencontres à l'Assemblée nationale. Nous avons créé des espaces d'échanges au Mali et en France, comme lors de notre visite au foyer Diderot, pour comprendre les inquiétudes, entendre les divers points de vue, réduire les fantasmes, dissiper les malentendus et donner des garanties de confiance et de bonne foi réciproques. En février 2020, nous avons manifesté pour la paix à Bamako, main dans la main. Nous avons ensuite honoré la mémoire de nos soldats français et maliens morts au combat.
Je n'oublie pas, en cet instant, les victimes civiles de ces combats ni le sacrifice des soldats du G5 Sahel et de la MINUSMA, venus du Tchad, du Togo, de la Guinée, du Niger, du Burkina et de tant d'autres nations, morts au champ d'honneur en combattant notre ennemi commun.
Leur sacrifice ne sera pas vain. Après avoir déjoué de multiples attentats et neutralisé de nombreux terroristes, nos troupes vont se redéployer dans le Sahel pour poursuivre notre combat contre les djihadistes.
Notre action ne se limite toutefois pas au seul champ militaire. Nous menons, depuis de nombreuses années de multiples projets qui s'inscrivent dans la vie quotidienne des Maliens, qu'il s'agisse de l'éducation, du développement économique, de la sécurité sanitaire, de la culture ou de la jeunesse. Cette jeunesse malienne est l'espoir du pays. C'est à elle que reviendra la lourde tâche de relever le défi de la lutte contre la corruption et de penser les modalités de gouvernance efficientes pour asseoir la démocratie. Elle pourra compter sur nous, sur notre solidarité, notre écoute et notre amitié, sans paternalisme ni condescendance.
Nous sommes amis parce que nous avons une histoire et des valeurs communes, des affinités culturelles et philosophiques et que nous avons bien sûr la langue française en partage. Que le peuple malien, au moment où il souffre, où il craint, soit assuré de la sincérité et de la solidité du lien qui nous unit à lui.
Madame la ministre des armées, je suis inquiet pour la population malienne, première victime de cette crise. Comment la France pourra-t-elle continuer à jouer un rôle majeur pour la protéger et lui apporter l'aide humanitaire indispensable ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je voudrais poser trois questions et faire une suggestion. La première de mes interrogations concerne les deux mois qui viennent de s'écouler. C'est en effet depuis la période de Noël que nous avons eu connaissance de la présence de mercenaires du groupe Wagner au Mali. Alors que nous avions nettement indiqué que ce point constituait pour nous une ligne rouge, pourquoi n'avons-nous pas tiré la seule conclusion qui s'imposait en annonçant immédiatement notre départ ? Ce déni de réalité est aussi incompréhensible que coupable. En refusant de nous rendre à l'évidence, nous avons sapé notre crédibilité. Un départ pris à notre initiative n'était-il pas plus acceptable que celui qui se dessine aujourd'hui sous pression de la junte malienne ?
Le Gouvernement ne nous a jamais expliqué son étrange comportement qui relève, je le crains, de la politique de l'autruche. Or cette absence de réactivité nous place dans une situation extrêmement critique tant pour la sécurité de nos militaires que pour la poursuite des opérations. C'est le sens de mes deux autres questionnements.
À court terme, il est avéré que de multiples acteurs vont tout faire pour compliquer notre retrait car tel est leur intérêt. Dans ces conditions, est-il prudent de se donner quatre à six mois ? N'est-ce pas, au contraire, accroître les risques ? Le défi logistique est déjà redoutable. Désormais, il se double d'une menace qui pèse sur la sécurité de nos troupes. Chaque jour qui passe, le piège va se refermer. Quelles précautions allons-nous prendre ? Et qu'est-il prévu en cas d'incident grave ?
À moyen terme, comment concevez-vous la poursuite de notre engagement ? Selon toute vraisemblance, le Mali va se transformer en zone de tous les dangers, avec les risques de contamination que cela comporte. Souhaitons-nous continuer à intervenir sur ces futurs foyers d'instabilité ? Par ailleurs, envisageons-nous de participer à la sécurisation des frontières des pays voisins ? Si oui, de quelle manière ?
À ce stade, nous sommes malheureusement condamnés à rester sur la défensive et il ne peut s'agir que de limiter les dégâts. Reprendre la main sera encore une autre affaire, beaucoup plus exigeante. Elle nous demandera de mener une réflexion en profondeur afin de redéfinir nos modes d'intervention en Afrique et pas seulement sur le plan militaire. C'est un exercice aussi nécessaire que difficile, toujours annoncé et jamais réalisé. Nous devons d'abord préciser nos objectifs, car la lutte contre le terrorisme n'est qu'un aspect du sujet. En passant de Serval à Barkhane, cela semble nous avoir échappé.
De plus, comme nous l'éprouvons aujourd'hui, rien ne peut se faire sans le soutien de l'opinion publique. Avons-nous une stratégie dans ce domaine ? Afin de nous engager dans cette nouvelle approche, nous devons mener une évaluation globale des politiques présentes et passées qui porte autant sur nos modes d'actions militaires et diplomatiques que sur nos outils de coopération et de renseignement.
En matière de coopération, il y a longtemps que les résultats ne sont pas satisfaisants, ce que nous semblons avoir accepté comme une fatalité. Il est urgent d'examiner sans complaisance les causes de cet échec.
La question du renseignement se pose, elle, à plusieurs niveaux. Comment avons-nous pu être surpris par les coups d'État successifs qui se sont déroulés pour ainsi dire sous notre nez ? Autre sujet d'étonnement : est-il possible que les menées russes soient passées sous nos radars alors que le précédent de la Centrafrique aurait dû nous alerter ? En un mot, nos services sont-ils aveugles, nos généraux sont-ils muets ou bien l'exécutif est-il sourd ? Y a-t-il eu un problème de transmission de l'information ? Si c'est le cas, à quel niveau le renseignement a-t-il été bloqué ?
Bref, pour répondre à ces questions, nous devons engager un travail de vérité auquel nous sommes peu accoutumés et qu'un gouvernement rechigne toujours à entreprendre. Il y a en effet trop de choses à dire qui ne feront pas plaisir à entendre. Ce moment de vérité est indispensable car sans lui, tout indique que nous continuerons à nous laisser abuser par nos propres éléments de langage. Or, ces fausses habiletés diplomatiques ne trompent personne et ne définissent aucune stratégie crédible. Ainsi en est-il de nos efforts pour impliquer les Européens. Nous avons obtenu de très modestes avancées mais, au total, les bénéfices sont maigres. En outre, ces démarches ralentissent nos décisions.
Comme il est certain qu'aucun gouvernement n'aura l'audace d'engager le travail lucide qui nous manque, je suggère que cette mission soit accomplie par le Parlement. Certes, celui-ci ne décide pas mais il lui incombe de dire ce qui ne va pas. Dans le domaine qui nous occupe aujourd'hui, ce serait déjà une avancée très précieuse ! En aurons-nous collectivement le courage ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et LT.
À dix-neuf heures quinze, M. Marc Le Fur remplace M. David Habib au fauteuil de la présidence.
L'engagement de la France au Sahel fait écho non seulement à l'actualité, mais aussi à ce que représentent avant tout nos armées, à savoir la protection des Français. Telle est la mission de notre défense nationale, dont l'impact, en vérité, est d'autant plus large qu'il résonne avec les intérêts de l'Union européenne, comme le rappellent les différents attentats qui ont frappé notre continent ces dernières années.
L'engagement de la France au Sahel, que constitue l'opération Barkhane, est une des illustrations de cette situation dans laquelle, finalement, de part et d'autre de la Méditerranée, la sécurité des uns répond à la sécurité des autres. Pour ce qui la concerne, la France a pleinement assumé son rôle.
Premièrement, à la demande des autorités maliennes, en 2013, au temps de l'opération Serval, notre pays a fait preuve d'initiative pour éviter – ne l'oublions pas – que ne s'installe un califat djihadiste au Mali. Deuxièmement, dans le cadre de l'opération Barkhane, à partir de 2014, la France a déployé une opération d'appui, de soutien et de coopération auprès des armées des pays de la région qui le souhaitaient. En lien avec le G5 Sahel et la MINUSMA, c'était également le sens de l'implication d'autres États européens qui, depuis, ont engagé leurs soldats au sein de la force Takuba, dans le but de conseiller, d'assister et de former les forces armées maliennes.
Nous voilà toutefois à un tournant de notre engagement dans cette région du monde où, en dépit d'incontestables succès tactiques, demeure la terreur djihadiste. Avec nos partenaires africains, le Président de la République a posé les bases, la semaine dernière, d'un « engagement renouvelé » pour soutenir la paix et la sécurité au Sahel et en Afrique de l'Ouest.
Au nom du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, je tiens à dire avec force que nous soutenons pleinement l'évolution dans la continuité de l'engagement de la France. En toute logique, cet engagement suit l'évolution des enjeux dans la région et des attentes de nos partenaires sur le terrain.
Un premier pas important avait déjà été franchi en ce sens à l'occasion du sommet de Pau, en 2020, qui avait réuni les présidents des pays membres du G5 Sahel. Rappelons-le, ces derniers avaient affirmé leur volonté de voir la France poursuivre son engagement dans le cadre d'un recentrage des efforts opérationnels de Barkhane et plaidé pour un renforcement de la présence internationale dans la région.
Aujourd'hui, après avoir soutenu l'État souverain du Mali, la France n'accuse pas un échec : dans le contexte actuel, il n'y a d'autre option que le retrait du territoire malien. Cela étant, la menace djihadiste n'a pas disparu. Conformément à l'état d'esprit qui a animé l'opération Barkhane ces dernières années, la réponse à venir doit donc se construire de manière collective, avec l'implication de toutes les parties concernées : c'est ce qui est entrepris.
Au nom de mon groupe, je tiens également à saluer la qualité de nos armées, totalement investies dans les enjeux sahéliens depuis l'opération Serval. Dans ce combat de longue haleine contre l'insurrection djihadiste, leur mission doit se poursuivre : elle n'est pas terminée en dépit du sang versé. Je pense ici aux cinquante-neuf soldats français tombés au Mali. À cet égard, permettez-moi de rendre hommage, en tant que députée des Pyrénées-Atlantiques, aux sept militaires du cinquième régiment d'hélicoptères de combat de Pau qui ont perdu la vie le 26 novembre 2019 lors d'une mission où six autres soldats ont également péri. Pensons à toutes ces vies perdues par les pays contributeurs, et n'oublions pas les nombreux blessés.
Pour conclure, je tiens à rappeler un point qui me paraît fondamental : la seule approche sécuritaire ne sera jamais suffisante pour tout régler. Je l'ai déjà indiqué à plusieurs reprises en commission, madame la présidente de la commission de la défense, et je profite de cette nouvelle occasion pour le marteler : l'arrêt de la contagion du mal, la disparition de la menace djihadiste, passe aussi et surtout par l'aide au développement social et économique des pays de cette vaste région où subsistent de graves difficultés.
À cet égard, notre groupe souligne l'intérêt de maintenir et d'améliorer l'Alliance Sahel – la plateforme de coordination et de concertation de la coopération internationale dans cette région.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des affaires étrangères, applaudit également.
Je vous remercie, monsieur le président, de me relayer à la présidence et ainsi de me permettre de m'exprimer lors de ce débat.
On aime toujours la France, mais c'est particulièrement le cas quand elle ne détourne pas les yeux lorsqu'un pays ami la sollicite. On aime la France lorsqu'elle considère que la liberté, les droits de l'homme et la sécurité sont non des affaires uniquement européennes, mais des valeurs universelles qui intéressent tous les continents, à commencer par le continent ami qu'est l'Afrique. La France que l'on aime est celle qui met tout en œuvre pour lutter, partout et toujours, contre le terrorisme.
C'est en répondant à ces trois exigences que le président François Hollande a fait le choix d'engager les forces françaises au Mali, d'abord avec l'opération Serval, dès janvier 2013, puis en août 2014 avec l'opération Barkhane. L'armée malienne ne représentait alors que 7 000 soldats, lesquels étaient incapables de faire face à l'expansion des groupes terroristes qui avaient déjà imposé la terreur aux populations du nord du Mali et qui, à terme, menaçaient l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest. Par son intervention, la France a évité l'effondrement de l'État malien, lequel peut désormais se prévaloir d'une armée forte de 40 000 soldats.
François Hollande a eu raison d'intervenir, tout comme Emmanuel Macron a eu raison, ne serait-ce qu'en raison du risque terroriste, de maintenir une forte présence militaire française au Mali et dans le reste du Sahel.
Je ne reviendrai pas sur les déclarations de l'État islamique au Grand Sahara qui, encore récemment – la semaine dernière – affichait sa volonté d'agresser notre pays et sa population.
Pour nous socialistes, la question est réglée : la France a eu raison d'intervenir et face aux faux pacifistes, qui sont souvent des poutinistes, nous maintenons l'analyse que nous faisions en 2013 et assurons nos forces armées d'un indéfectible soutien et d'une totale reconnaissance.
Cela étant, la question n'est plus de rester au Mali ou d'en partir : la junte militaire souhaite notre départ. La remise en cause des accords militaires et l'expulsion de l'ambassadeur de France à Bamako illustrent que la collaboration est devenue impossible. Nous n'avons plus d'objectifs communs avec le pouvoir malien.
Cependant, notre départ du Mali doit se faire au rythme et selon les conditions que nous aurons choisis. Nous ne pouvons nous laisser imposer un calendrier par des militaires dont la légitimité n'est reconnue par personne, si ce n'est par Moscou et Alger. À cet égard, ceux qui expriment des réserves à l'endroit de la France, y compris dans cette assemblée, sont moins sourcilleux dès qu'il s'agit des commandos du groupe Wagner et de leurs chefs, anciens de l'armée russe, pour certains admirateurs du III
Au Mali, le groupe Wagner représente plusieurs centaines de soldats qui, au-delà des opérations militaires, contribuent à renforcer un sentiment anti-Français. En cela, ils sont aidés par l'ambassadeur de Russie à Bamako, Igor Gromyko, dont le nom est un doux rappel de la période soviétique.
La France est aujourd'hui confrontée à plusieurs questions.
Il nous faut tout d'abord définir notre objectif. En 2013, nous étions intervenus dans l'intention d'empêcher la progression des groupes djihadistes vers Bamako. Nous devons désormais préciser où commence et où s'arrête l'action de la France. Si le Président de la République a annoncé que « le cœur de l'opération Barkhane ne serait plus au Mali, mais au Niger », l'opposition politique nigérienne s'est déjà positionnée contre ce projet et plusieurs manifestations ont eu lieu dans ce pays et au Burkina Faso.
Face à la progression du sentiment anti-Français et au risque de coup d'État, il est nécessaire d'anticiper les différents scénarios. Ce qui vient de se passer au Mali ne doit pas se reproduire et nous devons dès à présent, tout comme les pouvoirs africains, travailler à regagner la confiance des populations.
Par ailleurs, certaines villes ne résistent actuellement aux groupes djihadistes que grâce à la présence française. Nous devons encourager nos partenaires africains à investir ces zones, afin que la paix ait une vraie résonance et pour que la sécurité ne soit pas un concept lointain.
Enfin, je tiens à dénoncer le discours faussement anticolonial qui, d'Alger à Moscou, en passant par Ankara et Pékin, sert de propagande à ceux qui souhaitent faire main basse sur l'Afrique. Nous le savons, dans tous les pays où la France était implantée, notre pays est attaqué, menacé, et nos valeurs sont critiquées. Ceux qui agissent de la sorte contre nous ont des ambitions économiques et territoriales que nous devons dénoncer.
Mes chers collègues, depuis 2017, Emmanuel Macron s'est beaucoup trompé sur la question malienne et sahélienne, aussi bien sur le fond que sur la forme. Cependant la stratégie de notre pays demeure la bonne, le groupe socialiste l'affirme à nouveau. Certes, nous ne pouvons admettre que nos cinquante-neuf soldats soient tombés pour rien. Comme Josy Poueyto, en tant que Béarnais, je sais qu'il ne s'agit pas d'un concept : moi aussi, je connaissais trois des sept soldats décédés qui étaient basés dans cette région et nous gardons en mémoire leur sacrifice. Mais, au-delà de ces soldats, nous avons conscience que nous défendons des valeurs que nous pouvons partager avec nos amis africains.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mme Josy Poueyto applaudit également.
À dix-neuf heures vingt-cinq, M. David Habib remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.
Le 29 janvier 1957, Léopold Sédar Senghor s'exprimait dans cet hémicycle sur le nouveau cadre juridique relatif aux 7 millions de kilomètres carrés – soit dix fois la superficie de la métropole – alors connus sous les dénominations d'Afrique occidentale française et d'Afrique équatoriale française, auxquelles s'ajoutaient le Togo et le Cameroun, anciennes colonies allemandes placées en partie sous tutelle française par la Société des Nations.
S'inquiétant de la volonté manifeste du pouvoir central parisien de – déjà – « balkaniser » l'Afrique noire et de régler assez mal « la nature des liens » qui devaient « unir les peuples d'Afrique au peuple de France », Léopold Sédar Senghor terminait néanmoins son discours par une note d'espoir : « Je vous dis que la France est un arbre vivant ; ce n'est pas du bois mort promis à la cognée ».
La récente gifle infligée par le Mali au Gouvernement français nous dit autre chose. En vous présentant bien trop tardivement devant le Parlement, parce qu'il est trop tard, vous vous êtes privés de l'avis éclairé du peuple de France, qui vous aurait dit il y a déjà fort longtemps que c'en est assez de cette guerre. Le Mali, pays souverain, nous demande de partir. Notre seule solution est donc d'obtempérer. Mais le mal est fait.
La gifle du Mali, c'est le joli discours du président Macron à Ouagadougou, en 2018, qui se fracasse sur les réalités. Comment peut-on disserter une heure durant sur la relation entre la France et l'Afrique en feignant d'ignorer que la France en Afrique, c'est d'abord et avant tout des militaires, des fusils, des drones et des bombes ?
La gifle du Mali, c'est la réponse au cynisme, à l'arrogance et à l'exploitation rapace made in France : voilà les valeurs françaises que l'on mesure au quotidien quand on vit au Sahel. Et que réserve-t-on aux migrants qui viennent en France ? La maltraitance d'État, car ils ne sont pas assez riches ou trop noirs. Nous affirmons combattre chez eux le terrorisme, mais nous leur refusons des titres de séjour au motif qu'ils viennent d'un pays sûr : c'est incroyable !
La gifle du Mali s'adresse à la pensée libérale interventionniste, teigneuse et belliqueuse de la France ; celle qui ne drague que le dictateur africain et son potentiel militaire. La gifle du Mali s'adresse à l'État français, qui a privatisé sa politique étrangère pour l'intérêt de quelques capitaines d'industrie arrogants, alors que le peuple de France, lui, n'en bénéficie plus.
La gifle du Mali est également destinée à notre système médiatico-politique. Ministres et parlementaires godillots célèbrent leurs mensonges sur les plateaux de France 24, de RFI ou de La Chaîne parlementaire dans une connivence coupable et nous expliquent que certains troisièmes mandats sont bons et d'autres pas, et que certains putschistes défendent la liberté aux côtés de la France, mais d'autres pas. Ils ont la com' pour seule boussole.
Les réseaux sociaux ont balayé la propagande française cachée derrière ce marketing ridicule de pays des droits de l'homme et de la démocratie : nous sommes en réalité le troisième vendeur mondial d'engins de la mort.
La gifle du Mali, c'est le réveil d'une conscience nationale malheureusement cimentée sur un sentiment anti-Français que vous avez continué de laisser prospérer. Être continuateur de l'erreur, c'est la commettre en l'aggravant.
La gifle du Mali, c'est le signal donné à tous les autres pays pour faire de même. Tchad, Niger, Burkina Faso, Mauritanie, Sénégal, Cameroun, Côte d'Ivoire, Gabon, ou encore République du Congo se détourneront à leur tour de la France. Mais pourra-t-on leur donner tort ?
Notre mauvaise malice en Afrique a une histoire, coloniale, prédatrice et clientéliste. En voici un seul exemple : en 1963, le président du Togo, Sylvanus Olympio, avait eu l'audace de déclarer à l'AFP « Je vais faire mon possible pour que mon pays se passe de la France » ; peu de temps après, il était assassiné. Depuis, la France exerce une pression très violente et constante sur le Togo ; elle se place toujours dans le camp du dictateur, toujours avec l'oppresseur, toujours contre le peuple togolais. Rien d'étonnant à cela : plus la France s'adresse à un petit pays, plus sa prédation est immense.
La gifle du Mali, c'est aussi la seule réponse possible d'un pays digne face à la tragique erreur française du 3 janvier 2021, cette frappe aérienne conduite par l'armée française qui a tué dix-neuf civils réunis pour un mariage à Bounti. Ce sont les enquêteurs de la MINUSMA et de la police scientifique des Nations unies, après de minutieuses investigations, qui l'affirment, pas moi.
Monsieur le Premier ministre, comment caractériseriez-vous une puissance étrangère qui viendrait abattre sur notre territoire dix-neuf civils français par erreur ? Rien ne sera plus jamais possible avec le Mali et au Sahel sans excuse officielle de la France ni réparation, même si nous y avons commis l'irréparable.
À l'heure où le bruit des bottes monte du côté de la Russie, comment penser les défis de demain sans l'Afrique depuis ce petit pays qu'est devenue la France ? Monsieur le Premier ministre, je veux vous dire que les citoyens de tous ces pays d'Afrique ou des diasporas vivant en France, bien qu'ils aiment la France, voient en elle la grenouille qui se veut aussi grosse que le bœuf. N'est-il pas déjà trop tard pour que la France reste un partenaire privilégié ?
Force est de constater que l'intervention militaire menée au Mali par les forces françaises était dans l'impasse. La situation humanitaire, sociale et démocratique du Mali relève de la tragédie pour les civils et pour nos soldats, nos journalistes et nos humanitaires qui y ont perdu la vie, et dont je tiens à honorer la mémoire.
Face aux organisations terroristes, l'action de nos forces armées s'est révélée inefficace : rien qu'en 2021, près de 2 000 civils ont été tués dans la zone des trois frontières, les deux-tiers l'ayant été par des groupes armés liés à Al-Qaïda et à l'État islamique, c'est-à-dire aux groupes terroristes que nous avions initialement vocation à neutraliser.
Le terrorisme est une menace plus que jamais préoccupante en Afrique de l'Ouest, en particulier à cause de la progression de l'État islamique, lequel, s'il n'a plus de califat, est loin d'avoir été neutralisé. Une vague récente de coups d'État a secoué la zone : au Tchad et en Guinée, en avril 2021, au Mali en 2020 et en 2021, au Burkina Faso en janvier dernier. C'est un fait, la zone est déstabilisée, et la France doit revoir son rôle en Afrique, surtout à l'heure où la junte entend repousser de cinq ans la transition démocratique.
Alors quel était le sens de cette intervention ? À quoi a-t-elle servi in fine ? Dans le meilleur des cas, elle a pu être utile à court terme, quand les Maliens nous l'ont demandé, mais le maintien de nos forces a été parasité par le sentiment anti-Français alimenté par la junte. Et c'est en ce sens que notre présence est rejetée : oui, l'action de la France a été rejetée brutalement par la junte militaire, qui a expulsé notre ambassadeur du pays, ce qui constitue, quand on parle le langage diplomatique, un affront à nos forces.
Je suis, moi aussi, favorable à ce retrait parce que je crois dans la croissance d'une Afrique émancipée, et plus que postcoloniale, une Afrique libre. Si la France part du Mali, elle ne doit pas oublier ses responsabilités. Je refuse de croire qu'en 2022 la France ait adopté une position condescendante voire infantilisante à l'égard de l'Afrique de l'Ouest, d'autant que les liens entre la France et le Mali sont étroits. En 2019, celui-ci était le premier bénéficiaire des subventions versées par l'Agence française de développement (AFD), avec un total de 96,5 millions d'euros. La France est également le premier employeur direct privé sur le territoire malien. Et c'est pour cette raison qu'en 2013, à la demande du Mali, la France s'est investie dans la lutte contre le terrorisme dans ce pays.
Alors quel engagement pour la France au Mali ? Cela fait un an, depuis le G5 Sahel, que le Président de la République nous dit qu'il souhaite concentrer les efforts de la France sur un sursaut de la société civile, mais rien ne bouge, alors que les civils souffrent. À ce titre, je souhaite, comme mon collègue Nadot à l'instant, avoir une pensée pour les dix-neuf civils décédés en janvier 2021 dans les frappes de Bounti. Nous avons pris des vies qui n'auraient pas dû être prises, nous devons donc rendre des comptes.
Sur le plan humanitaire, la France ne doit pas reproduire les erreurs que nous avons commises par le passé. Nous avons envoyé des armes en Libye, lesquelles servent aux groupes de l'État islamique pour attaquer des civils et des ressortissants ; je ne parle même pas du Yémen, qui connaît l'une des plus graves crises humanitaires du siècle, causée par les multiples attaques que l'Arabie Saoudite mène avec nos armes. Est-ce ce que nous voulons pour le Mali, à l'heure où la junte s'éloigne explicitement de la démocratie ?
Il est grand temps que la France et l'Europe traitent en égaux les pays d'Afrique. Seuls 48 % des besoins humanitaires du Mali sont financés, alors que 15 millions de ses habitants dépendent de l'aide humanitaire, que 2,5 millions d'entre eux ont dû fuir leur maison et que 700 000 enfants manquent de nourriture. La France a consacré 28 millions d'euros à l'aide humanitaire au Sahel en 2020 ; la même année, 880 millions d'euros, soit presque trente fois plus, étaient consacrés aux dépenses militaires. Le contraste est frappant. Nous ne mettrons pas fin à cette instabilité par les armes, les obus et les Gazelle. Maintenant que notre action militaire va être redéployée, ne pourrait-on pas rediriger certains de ces crédits vers l'aide humanitaire ?
S'il était évident que notre combat militaire devait cesser, notre action doit être plus politique, plus diplomatique et, surtout, plus humanitaire. Nous avons la responsabilité d'aider les Maliens à s'émanciper, et la meilleure arme pour cela, c'est l'éducation comme le dit Malala Yousafzai. Comme vous l'avez expliqué, monsieur le Premier ministre, la guerre contre le terrorisme en Afrique ne sera gagnée que par les Africains eux-mêmes. Il revient aux Maliens de décider de leur avenir et à la France d'assumer ses responsabilités. Je ne suis pas malien, je suis français et européen, et j'estime que la France a déjà fait assez de mal en Afrique dans un passé pas si lointain pour qu'elle ne se dispense pas de rendre des comptes ni de participer à la réparation des fautes qu'elle y a commises aux dépens des civils.
Vous l'aurez compris, chers collègues, je suis favorable à ce retrait mais pas à une fuite de nos responsabilités face à notre désastreux bilan militaire au Sahel.
Une génération entière de soldats français a foulé les sables sahéliens pour traquer les groupes djihadistes affiliés à Al-Qaïda et au groupe État islamique dans un territoire vaste comme l'Europe.
Nos pensées vont d'abord aux cinquante-neuf militaires français, à leurs familles et à leurs frères d'armes qui sont morts au Sahel en se battant contre le terrorisme. Leur nom restera à jamais gravé dans la mémoire collective de notre pays et dans le marbre du monument aux militaires morts pour la France en opérations extérieures (OPEX) inauguré par le Président de la République et par Geneviève Darrieussecq le 11 novembre 2019.
Il est important de rappeler les raisons initiales de notre engagement au Sahel, car elles démontrent clairement que le redéploiement en cours ne constitue en rien un échec. Le rapport d'information sur l'opération Barkhane que j'ai rédigé avec Nathalie Serre a démontré la succession d'adaptations du format d'engagement de nos forces ; néanmoins, il est vite devenu obsolète – six jours après son dépôt, un coup d'État avait lieu au Tchad puis un autre, un mois plus tard, au Mali –, ce qui nous a infligé une petite leçon de modestie. Le monde bouge, les événements de ces dernières vingt-quatre heures à l'Est le prouvent encore une fois ; cela nous invite à aborder les questions internationales avec prudence tant le contexte change rapidement. Les événements obligent à réviser en permanence nos actions dans les fameux trois piliers : la diplomatie, le développement et le militaire.
Reprenons ensemble quelques moments clefs de notre action militaire au Sahel. Au début de l'année 2013, la République du Mali était menacée ; le gouvernement malien a demandé à la France d'intervenir : l'opération Serval a arrêté l'avancée des terroristes qui menaçaient de prendre Bamako. Le 1er août 2014, l'opération Barkhane prenait le relais : elle a consisté à régionaliser l'action des forces militaires à l'échelle des cinq pays du Sahel – la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad.
La préparation militaire opérationnelle des forces armées des pays du G5 Sahel est l'un des piliers de l'action de Barkhane. Neuf ans après, les résultats sont visibles : prenons l'exemple de l'armée malienne, qui ne comptait que 7 000 hommes dotés d'équipements obsolètes, et qui en compte actuellement près de 40 000. Mieux formée, cette armée est désormais capable d'une plus grande opérabilité. Nos marsouins et nos légionnaires ont été intensément impliqués sur le terrain en participant aux formations techniques et tactiques des forces armées maliennes ; des actions d'appui, dans le cadre d'opérations de terrain conjointes, ont été menées en situation réelle grâce à la surveillance de drones aériens. Ces soldats exemplaires de l'armée française, qui font notre fierté par leurs qualités militaires, se sont enrichis au contact des Maliens, notamment lors des missions menées avec les unités légères de reconnaissance et d'intervention (ULRI), ce qui a profondément modifié la perception et l'acceptabilité de la population à l'égard de ces soldats.
Depuis le début de l'engagement au Sahel, la France a fait la démonstration de ses capacités de renseignement et d'opérations ciblées en neutralisant d'importants chefs terroristes sévissant dans la région. Barkhane est une opération exigeante, un défi logistique permanent ; les conditions climatiques sont éprouvantes pour les hommes et pour le matériel, ce qui conduit à des évolutions essentielles – je pense ici au surblindage des véhicules blindés légers (VBL). Barkhane est le théâtre d'une guerre moderne ; la logistique a pu compter sur la modernité du système d'information du combat Scorpion (SICS) et des nouveaux blindés Griffon pour sécuriser les routes à l'automne dernier ; c'est un signal fort envoyé à nos jeunes soldats et à nos compatriotes soucieux de leur sécurité et de la visibilité de la loi de programmation militaire.
Cependant, la junte au pouvoir a entrepris une politique de rupture, qui ne respecte pas la transition démocratique, qui menace l'ensemble des acquis obtenus et qui fait douter de la priorité accordée au combat contre l'islamisme. Les annonces du Président de la République, le 17 février dernier, induisent une énorme opération de transfert de matériels : nous savons que nous pouvons compter sur le haut niveau d'implication des chefs militaires et de leur centre de planification, qui mènent le travail de préparation et d'anticipation destiné à s'adapter à tous les scénarios. Dans cette perspective, il faut saluer tous les services de soutien, dont l'engagement opérationnel aux côtés de leurs frères d'armes va s'intensifier. Sous un préavis d'une semaine, 400 maintenanciers – renforts des bases du matériel – sont déjà à pied d'œuvre.
Parlons d'avenir : de nouvelles coopérations internationales associant nos armées ont vu le jour ; je pense notamment à la mise en place de l'Académie internationale de lutte contre le terrorisme en Côte d'Ivoire, qui forme et qui accompagne les forces d'élite locales. Le chef d'état-major des armées, Thierry Burkhard, porte une vision stratégique qui intègre tous les pays de la région. C'est un nouveau défi à relever aux côtés de nos partenaires africains ; il convient de mener une réflexion interministérielle sur la lutte contre la corruption et sur l'identification des causes du terrorisme.
Nous pourrions nous inspirer de l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN), dont je salue les quelques membres présents, invités par notre collègue Florence Morlighem.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
« Retrouver l'intégrité territoriale de tout le Mali. Aucune ville, aucun village ne doit être occupé par les terroristes et échapper à la souveraineté du Mali », tel était l'objectif de l'opération Serval, selon les termes du discours du 2 février 2013 prononcé par le Président de la République François Hollande à Bamako, devant une foule qui brandissait des drapeaux français. Neuf ans plus tard, les manifestations à Bamako sont ponctuées de slogans anti-Français devant des drapeaux russes – une attitude encouragée par la junte militaire qui cherche un bouc émissaire à ses propres échecs.
Le moment venu, nous tirerons les leçons de nos erreurs au Mali. Aujourd'hui, évitons les raccourcis simplistes qui tendent à qualifier l'opération Barkhane d'échec. Réaffirmons ici que l'intervention au Sahel de notre armée, qui, au cours de la dernière décennie, a perdu cinquante-neuf de ses soldats, auxquels je rends hommage, a permis d'empêcher la désintégration de l'État malien et l'expansion de groupes terroristes dans le Grand Sahara.
Dès le début de l'opération Barkhane, il y a sept ans, nous pressentions que le format de celle-ci devait évoluer ; le recentrage de nos forces dans le Sud-Est du pays a confirmé cette intuition. Le choix des autorités maliennes – regrettable sur le fond, et détestable sur la forme – de mettre fin à notre collaboration n'a fait que précipiter cette évolution prévisible.
La première victime de cette décision sera malheureusement la population civile malienne. Si des exactions ne sont pas commises par les djihadistes, qui se repositionneront sur les territoires dont ils ont été chassés, elles risquent de l'être par les mercenaires du groupe russe Wagner, déjà accusés de tels crimes en République centrafricaine.
En prenant acte de ce revirement malien, le Président de la République a détaillé la semaine dernière les orientations qu'il souhaitait donner à notre engagement au Sahel – plutôt que d'orientations, je devrais parler de contours, car ceux-ci sont encore imprécis. Bien que la complexité de la situation et le nombre des partenaires à consulter y soient pour quelque chose, un certain manque d'anticipation est à déplorer, puisque cette situation couvait depuis déjà quelques années. Je mesure les efforts importants actuellement consentis par le Gouvernement pour se retirer du Mali, néanmoins, et nous sommes réunis ici pour en débattre, de nombreuses interrogations subsistent autour de notre politique au Sahel.
Dans un premier temps, j'évoquerai l'urgence de la situation. En tant que rapporteur pour avis des budgets relatifs au soutien et à la logistique interarmées durant ce quinquennat, je m'interroge sur le délai de quatre à six mois qu'a annoncé le Président de la République, pour rendre effectif notre retrait du territoire malien. La priorité réside dans la sécurité de nos troupes, qui s'exposeront à des embuscades et à des explosifs improvisés, sur les routes qu'emprunteront leurs convois. De plus, la saison des pluies risque de compliquer la tâche durant les mois d'été. Nous devons être fermes avec les autorités maliennes : leurs exigences de retrait seront bien entendu respectées, mais cela doit se faire sans la moindre perte française.
Deuxièmement, la nouvelle forme que prendra notre présence au Sahel doit être précisée le plus rapidement possible. Un redéploiement en nombre plus limité au Niger permettra de disposer d'un rayon d'opération pertinent, mais les institutions de ce pays sont-elles réellement plus stables que celles de ses voisins malien et burkinabé, qui ont récemment connu des putschs ? Le sentiment anti-Français n'y est-il pas également présent, comme en témoignent les blocages de convois français en décembre dernier ?
Plus important encore, les partenariats tant vantés durant ce quinquennat, au sein du G5 Sahel et de la task force Takuba, ont-ils encore un avenir ? La survie du G5 Sahel est subordonnée à un appui logistique important des forces françaises, et celle de Takuba ne sera assurée que si nos partenaires européens sont convaincus par le nouveau format de l'opération.
Ce nouveau format devra également donner lieu à une réévaluation des projets de développement de la région financés par la communauté internationale et la France. Ces moyens ne doivent en aucun cas être détournés par les factions armées présentes sur place.
Enfin, nous devons réitérer la stratégie de la France au Sahel, pour que nos alliés et nos concitoyens en comprennent la nécessité. Nous ne devons pas nous résigner à une simple mise en quarantaine du Mali, en actant la déliquescence de ses institutions et en misant sur une impossible fermeture de ses frontières, aux côtés des armées des pays limitrophes.
Monsieur le Premier ministre, les Français attendent de ce débat de la clarté. Pouvez-vous me confirmer que la France est et restera présente au Sahel pour y empêcher la création d'un califat islamique, en poursuivant notamment la politique de neutralisation des chefs djihadistes, qui a fonctionné jusqu'à présent ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Alors que notre engagement au Sahel connaît une importante réorganisation, il importe de rappeler que notre action dans la région passe aussi par des opérations européennes et internationales. N'ayons pas peur de le répéter : la France n'est pas seule dans la lutte contre le terrorisme qui touche l'Afrique subsaharienne. La task force Takuba, l'EUTM Mali, la MINUSMA sont autant de missions où nous sommes présents et engagés avec nos partenaires, non seulement africains, mais aussi européens et mondiaux.
Ainsi, dès 2013, à la demande du gouvernement malien et sur la base de la résolution 2085 du Conseil de sécurité de l'ONU, les États membres de l'Union européenne s'étaient entendus sur le lancement d'une mission de formation au profit des forces armées maliennes : l'EUTM Mali. En tant que nation-cadre, la France joue un rôle de premier plan dans cette mission composée de près de 700 soldats issus de vingt-cinq États européens. Malheureusement, les récentes tensions avec la junte au pouvoir à Bamako et les dernières déclarations des autorités maliennes laissent craindre pour l'avenir de cette mission de formation qui est primordiale pour accompagner nos partenaires maliens.
Surtout, à travers la task force Takuba, nous avons atteint un niveau inédit de cohésion européenne dans une opération militaire. Créée à l'issue du sommet de Pau en 2020 et placée sous le commandement de l'opération Barkhane, la task force Takuba – mot qui signifie « sabre » en langue touareg – fut engagée pour former, conseiller, assister et accompagner au combat les forces armées maliennes dans la zone du Liptako.
Composée de 900 militaires des forces spéciales issus d'une douzaine de nations européennes, cette task force constitue une avancée majeure pour l'Union européenne, car elle est la preuve de notre capacité à coopérer étroitement entre Européens, afin de nous projeter hors de nos frontières lorsque cela se révèle nécessaire. Ainsi, cette task force est une traduction concrète de l'Initiative européenne d'intervention (IEI), promue dès 2017 par le Président de la République dans son discours de la Sorbonne.
Rappelons-le, le renforcement de l'autonomie stratégique de l'Union européenne et le développement d'une culture stratégique commune sont le fer de lance de notre ambition pour l'Europe, comme cela sera bientôt démontré par l'adoption prochaine de la boussole stratégique, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne.
Alors qu'il a été annoncé que la task force Takuba serait réorganisée au cours des prochains mois, à la suite du départ des forces occidentales du Mali, ici ou là, nous entendons parler d'échec. Nous ne pouvons laisser dire cela : ce serait passer sous silence non seulement les indéniables succès stratégiques remportés sur le terrain, grâce à la mise en commun de nos compétences militaires, mais surtout la profonde cohésion et la grande solidarité que nous avons réussi à créer entre partenaires à travers cette opération. Or cet esprit européen, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit, qui s'est concrétisé avec succès au Sahel, représente une réussite indéniable pour créer une véritable Europe de la défense. On le voit, cette force ne représente en rien un échec.
Comme la très grande majorité des Français et comme vous tous ici, je ne doute pas que nous ne parvenions à préserver cet esprit de coopération si précieux, qui permet à des militaires venant de tous les pays européens de participer à des travaux de renseignement, de planification et de soutien cruciaux pour notre action militaire sur place. Je ne doute pas non plus un instant de la capacité de la France, après les nécessaires réarticulations liées à la nouvelle situation politique de la région, à organiser le redéploiement des soldats français et européens afin de continuer à coopérer toujours plus étroitement dans la lutte contre le terrorisme.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Les orateurs qui m'ont précédée l'ont rappelé : l'action de la France au Sahel est à la croisée des chemins. Notre retrait du Mali nous amène à la redéfinir en profondeur. Je m'associe aux hommages à nos soldats morts au combat. Leur sacrifice n'est pas vain. Notre dispositif militaire dans la région, aux côtés de nos alliés du G5 Sahel et de nos partenaires européens, a porté un coup sérieux aux mouvements extrémistes.
Ces opérations militaires ne doivent pas faire oublier que notre action repose sur un volet « développement » extrêmement important. En effet, il s'agit non pas simplement de lutter contre les djihadistes mais d'empêcher, par le développement social et économique, que les populations locales affectées par l'absence d'État et la pauvreté ne soient tentées de rejoindre ou de soutenir ces mouvements. Je rappelle que 80 % de la population de ces pays vivent avec moins de 2 euros par jour. Cet aspect de notre action est assurément méconnu de nos concitoyens et – je le regrette particulièrement – trop peu visible dans la bande sahélo-saharienne.
Le rejet de la France que l'on entend parfois s'exprimer dans la région se nourrit de cette mauvaise appréhension de notre action visant à améliorer le niveau de vie des populations locales. Elle se nourrit aussi d'influences externes à ces pays – nous les connaissons tous.
Je voudrais donc ici rappeler notre activité considérable en matière de développement, après avoir rendu hommage aux personnels des agences de l'AFD, de nos ambassades, des entreprises françaises, avec leurs fondations, et des ONG – organisations non gouvernementales – présentes sur le terrain, qui mènent les projets que nous soutenons dans des contextes difficiles.
Le montant total des engagements de l'AFD dans les pays du G5 Sahel depuis 2009 s'élève à 3,8 milliards d'euros, avec une priorité opérationnelle accordée à la zone des trois frontières. Rien qu'en 2021, 340 millions d'euros ont été versés et 170 projets sont en cours.
À mon initiative, aux termes de la dernière loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, un tiers de l'aide-projet destinée par l'État aux bénéficiaires prioritaires de notre aide au développement est directement fléché vers les pays du G5 Sahel. Les réalisations sont très concrètes. Nous parlons en effet, entre autres, de réhabilitation d'écoles, d'installation d'infrastructures pour l'accès à l'eau et à l'électricité, de programmes en faveur de l'éducation des filles ou de l'emploi des jeunes.
Par ailleurs, la France est pleinement engagée aux côtés des autres bailleurs dans le cadre de l'Alliance Sahel, partenariat lancé par la France, l'Allemagne et l'Union européenne avec le soutien de la Banque africaine de développement, de la Banque mondiale et du PNUD – Programme des Nations unies pour le développement. Actuellement, plus de 1 100 projets, pour un montant total de 17,8 milliards d'euros, sont en cours de réalisation. Je souligne que l'importance des fonds réunis est essentiellement due à la mobilisation de la France et du président Emmanuel Macron. Le chef de l'État a justement plaidé la semaine dernière pour placer les populations civiles au cœur de notre stratégie.
Les projets labellisés Alliance Sahel ont eu des résultats concrets. Ainsi, plus de 5 millions de personnes ont bénéficié d'un accès à l'eau potable ; près de 3 millions de personnes ont reçu une assistance alimentaire ; 554 000 personnes ont obtenu un accès à l'électricité ; plus de 660 000 femmes ont eu accès à une méthode de planification familiale et plus de 900 000 adolescentes et adolescents maliens ont pu y être sensibilisés.
Bien entendu, nous ne pouvons pas remplacer l'action des États ; ce n'est pas notre rôle. Mais nous essayons de les accompagner au mieux, au bénéfice de leur population. Il nous faut toutefois mieux communiquer et mieux faire connaître notre action auprès des habitants de ces pays, qui doivent par ailleurs être pleinement associés à l'élaboration de ces politiques. En tant qu'administratrice de l'AFD, je plaide et continuerai à plaider pour que nos réalisations sur le terrain soient visibles, qu'un pont ou un hôpital réhabilité par la France avec l'AFD soit identifié comme tel par les populations locales au moyen d'une signalisation claire.
J'engage notre pays à poursuivre ses actions de développement dans les pays du Sahel mais aussi à prendre en compte cette recommandation afin que les habitants de cette région ne nous voient pas uniquement comme une puissance militaire alors que notre présence dans leur pays est loin de se limiter aux combats.
Pour finir, j'exprime toute ma reconnaissance aux militaires, qui continuent de risquer leur vie sur le terrain. J'ai eu la chance et l'honneur – je les en remercie – de visiter les bases militaires de la force Barkhane à Abéché et à Faya-Largeau au Tchad. Sous quarante-cinq degrés, dans des conditions plus que difficiles, avec plus de 30 kilos de matériel sur le dos, ces militaires se rendent dans les villages pour faire des visites médicales et sauver des vies – parfois celles de bébés victimes d'accidents domestiques. Alors oui, je le sais pour avoir eu de nombreux échanges avec elles, les populations de ces villages reculés en proie aux djihadistes ne souhaitent absolument pas nous voir partir.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Ce débat, nous le devons aux cinquante-neuf soldats français morts au combat et à tous les morts civils et militaires du conflit. Ce débat est nécessaire. Il éclaire une page de la longue histoire qui unit nos deux peuples. Il éclaire une lutte commune contre le terrorisme, car le Mali a fait appel à la France au nom de l'état de droit, d'un accord entre nos deux pays et d'une démocratie menacée.
C'est donc un combat juste, pour préserver une culture séculaire, celle des manuscrits mythiques de Tombouctou, Djenné, Gao, Kayes ou Ségou, celle que nous a transmise Amadou Hampâté Bâ, dans la belle langue française. C'est enfin le combat pour un islam africain ouvert. Tout cela était menacé.
L'heure est au bilan. C'est une évidence, mais qui mérite d'être répétée à chaque fois : nous avons sauvé le Mali d'un destin de califat. Pour être juste, lucide, notre bilan doit être dressé dans une démarche d'humilité.
Dès 2013, nous avons libéré les villes, réduit Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) avec nos alliés tchadiens, puis rendu possible l'élection régulière d'un président de la République. D'autres l'ont dit, dans ce combat pour les valeurs, nous avons obtenu de nombreux succès : la reprise des villes en 2013, l'élimination du chef d'Al-Qaïda en 2020, celle du chef de Daech en 2021.
Durant cette période, les sommets de Pau et de N'Djamena ont été l'occasion d'ajuster notre dispositif, en concertation avec nos partenaires. Oui, il y a des résultats : nous avons permis à la Mauritanie, au Tchad et au Niger de résister et de renforcer leurs capacités. Mais les faits sont là : nous devons quitter un Mali à terre.
C'est pourquoi, monsieur le Premier ministre, vous avez emprunté avec nos alliés, le 17 février, un tournant nécessaire. Nous le soutenons pleinement.
Cependant, j'ai deux questions. D'abord, les succès que j'évoquais à l'instant auraient-ils pu permettre d'amorcer un retrait de Barkhane plus tôt ?
Deuxièmement, le rapport d'information de la commission de la défense sur l'opération Barkhane, justement cité par Sereine Mauborgne, corapporteure, souligne que la discussion avec les terroristes est inéluctable. En effet, les populations et les gouvernements du Sahel la souhaitent, et la pratiquent. Que devons-nous faire vis-à-vis des terroristes ? Détourner la tête ? Poser nos conditions ?
La nouvelle stratégie comporte de multiples défis. Il faut d'abord mettre fin à une certaine incompréhension. Au Sahel, nous luttons contre le terrorisme international. Nous n'avons jamais dit que nous assurerions la sécurité publique à la place des États. Pourtant, les Maliens l'ont cru, en écoutant leur propre gouvernement. C'est faux, et il est dangereux de le laisser croire. D'abord, assurer la sécurité publique sur 5 millions de kilomètres carrés à l'aide de 5 000 hommes est au-dessus des capacités de quiconque. Ensuite, le Mali s'est défaussé de toute responsabilité et les Maliens, déçus, ont pensé que nous leur avions menti.
Le Président de la République a donc raison d'en appeler à une présence militaire discrète, sans agenda caché, pour soutenir les forces nationales. Nous, députés de la majorité, avons également joué notre rôle, en faisant régulièrement visiter Barkhane à nos homologues sahéliens.
Il faut aussi clarifier nos objectifs. Nous souhaitons naturellement l'unité du Mali. Mais il revient aux Maliens de décider de leur avenir national et de l'organisation du pays. Confronté aux mercenaires sanglants de la Russie, j'espère qu'il retrouvera vite le chemin de sa souveraineté.
Le Mali représente d'autres défis, pour la MINUSMA, qui pourrait y rester seule, et pour ses alliés : ses frontières de 7 500 kilomètres ne constituent pas une ligne Maginot contre le terrorisme.
Nous restons aussi pour protéger la France contre Daech et Al-Qaïda, pour protéger nos ressortissants, ainsi que les intérêts français au Sahel. Mais nous ne sommes pas là pour mettre la main sur l'or ou sur l'uranium de ces pays. La France n'en a pas besoin…
…et respecte ses partenaires.
Nous sommes là pour éviter que le terrorisme ne se propage au reste de l'Afrique de l'Ouest. Et c'est toute la région qui s'engage : le Niger de M. Bazoum, avec la force Takuba, et les pays du golfe de Guinée, qui se mobilisent dans le cadre de l'initiative d'Accra.
L'Europe s'engage également, en déployant des moyens financiers. Le principal défi est d'instaurer la bonne gouvernance. D'un côté, la pauvreté pousse les jeunes désœuvrés dans les bras des djihadistes ; de l'autre, la corruption désespère les populations et les jette dans les bras des régimes militaires. Les régimes élus ont fait défaut. La bonne gouvernance sera la condition de notre réussite ou de notre échec.
Elle devra s'appuyer sur des parlements qui exercent leur mission de contrôle. Avec les parlements sahéliens, nous avons participé à la création du comité interparlementaire du G5 Sahel. Nous y poursuivons ensemble un même objectif : mieux contrôler la coopération civile et militaire entre l'Europe et ces pays. Les coups d'État ne doivent pas ralentir cet effort.
Ensuite, la bonne gouvernance doit impliquer la société civile, en premier lieu les organisations de femmes, de jeunes et de militants des droits de l'homme.
Pour conclure, si nos militaires se retirent du Mali, nous n'abandonnons pas les Maliens. La France, l'Europe et l'Afrique partagent un avenir commun. Et cela ne changera pas car, comme on dit à Bamako : « Le mariage n'est pas un fagot de bois dont on peut se débarrasser à tout moment. »
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Nous en avons fini avec les interventions des députés désignés par leur groupe.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
Au terme de ce riche débat, que dire, sinon rappeler les quatre principes qui guident notre action ?
Premièrement, nous sommes engagés au Sahel depuis 2013, par la volonté expresse de la communauté internationale, des États africains de la CEDEAO et du gouvernement du Mali, alors menacé par une entreprise de subversion, destinée à installer dans son territoire un califat islamique.
Notre seul objectif était et demeure d'aider les États concernés à faire face aux tentatives de déstabilisation terroriste, à conforter les institutions et les procédures démocratiques dont ils ont choisi de se doter, et à assurer le respect de l'état de droit dans cette zone si proche de l'Europe.
Nos partenaires européens et nous sommes présents militairement et civilement au Sahel, parce que la communauté internationale et les gouvernements africains et européens ont un intérêt commun à lutter contre toutes les violences et contre tous les trafics de personnes, d'armes et de drogues. Ce n'est pas la France seule, mais la France, l'Europe et l'Afrique qui mènent ensemble ce combat, qui est d'abord un combat pour l'homme.
Deuxièmement, il ne saurait être question pour nous de continuer à mener notre action dans un État qui ne veut plus de nous, cet État fût-il conduit par un gouvernement issu d'un double putsch et bien décidé à se soustraire pour une durée indéfinie à tout contrôle démocratique.
Le gouvernement autoproclamé du Mali a décidé de rejeter notre aide et a préféré faire alliance avec une compagnie de mercenaires dotés d'une solide réputation de pilleurs et de prédateurs. Cette ingratitude suscite une grande déception et, je me permets de le dire, une immense amertume pour ma famille, celle de ma femme, qui a perdu un petit-neveu aux côtés du lieutenant Bockel. Et comment ne pas être affligés de voir les ressources du Mali arrachées à son peuple ? Nous devons, hélas, prendre acte de cette situation inédite, car une puissance européenne n'a pas le pouvoir de faire le bonheur d'un peuple africain contre ceux qui le dirigent. C'est triste, mais c'est ainsi.
Troisièmement, nous ne devons pas abandonner nos amis africains, ceux qui nous font confiance et qui déclarent, comme le président Bazoum du Niger, avoir besoin de nous et ne pas pouvoir lutter seuls contre le terrorisme.
Le Mali ne doit pas nous dissimuler que le théâtre de la confrontation avec le terrorisme est autrement plus vaste : elle se joue dans la zone immense de l'ouest africain. Non seulement la France n'y est pas isolée, mais elle est, et l'Europe avec elle, demandée, attendue, par tous ceux qui ne s'accommodent ni d'un possible retour de l'Afrique aux dictatures d'hier, ni d'une plongée progressive du golfe de Guinée dans le désordre et le chaos, tel qu'on l'observe à l'est du continent. Quitter le Mali n'est pas, ne doit pas être, quitter le Sahel. La France n'est pas isolée des États africains ; c'est le gouvernement autoproclamé du Mali qui est isolé de ses partenaires.
Quatrièmement, notre dispositif civil et militaire sur zone doit s'adapter à une situation inédite. Le temps n'est plus des années Serval, quand il s'agissait d'empêcher des guerriers venus du nord de s'emparer de Bamako. La menace terroriste s'est faite progressivement plus diffuse, plus urbaine, plus proche des grands pays du Golfe. La dissémination de la menace nous lance un défi inédit. Elle nous oblige à plus de souplesse, plus de vitesse, plus d'agilité.
Par-dessus tout, notre action doit se faire plus civile, plus économique et plus sociale. C'est en civilisant nos efforts que nous répondrons plus durablement aux attentes de nos amis africains et que nous mobiliserons, dans la durée, nos partenaires européens.
La vraie bataille à livrer sera finalement celle de l'investissement, du développement, de la démocratie et de la solidarité. Nous comptons sur le Gouvernement pour relever ce grand défi.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
La parole est à Mme la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Nous sommes en guerre au Sahel. Ce n'est pas une métaphore. Nous sommes en guerre au Sahel, concrètement, militairement, tragiquement. Depuis 2013, cinquante-neuf de nos militaires y sont morts pour la France ; des centaines y ont été blessés, dans leur chair, dans leur âme : ils nous obligent. Ces sacrifices, dont il faut cultiver la mémoire, comme il faut célébrer ceux qui les ont acceptés, nous en sommes solidairement responsables. Car les soldats français ne combattent pas seuls. La France tout entière combat, à commencer par les responsables politiques que vous êtes, monsieur le Premier ministre et madame la ministre des armées, que nous sommes – vous aussi mes chers collègues qui, à mes côtés, avez soutenu les décisions du Président de la République et du Gouvernement, voté les crédits nécessaires et appuyé nos forces.
Il nous revient aujourd'hui d'endosser à nouveau cette responsabilité, que nous assumons, tandis que les errements de la junte malienne, au pouvoir depuis l'été 2020, remettent en cause notre présence militaire au Mali.
Qui est notre ennemi ? Ce sont des groupes terroristes djihadistes qui cherchent en Afrique sahélienne à constituer un refuge qu'ils ont tenté de bâtir ailleurs, sans y parvenir durablement. La dynamique de ces groupes a des assises locales manifestes, mais ils puisent aussi leur force dans leur affiliation symbolique aux franchises terroristes que sont Al-Qaïda et Daech. Ils sont désormais actifs dans toute la bande sahélienne et poursuivent leur dissémination, d'une part vers le golfe de Guinée, d'autre part vers l'Afrique centrale. Ils prospèrent sur les tensions communautaires, la pauvreté, la corruption et la fragilité de nombreux États.
Sans aucune organisation centralisée, une nébuleuse terroriste court ainsi des confins du Sénégal au Mozambique, en passant par le bassin du lac Tchad et l'est de la République démocratique du Congo, où une organisation affiliée à Daech a commis son premier attentat suicide le 25 décembre.
Une partie de ces terroristes sont les héritiers de ceux qui ont ensanglanté la France en 1995, d'autres sont responsables de l'enlèvement de dizaines de ressortissants européens, d'autres encore rêvent de porter leur combat au cœur même de l'Europe. Tous sont responsables de plusieurs milliers de morts parmi la population civile, et de plus de 2,5 millions de déplacés.
Dans ce contexte, quel est le sens de notre combat ? Une partie de notre sécurité se joue dans la bande sahélo-saharienne. Serval puis Barkhane ont permis de détruire le sanctuaire que les affidés d'Al-Qaïda avaient constitué dans le nord du Mali, et à empêcher la territorialisation du groupe État islamique dans le Grand Sahara (EIGS), affilié à Daech, dans la zone des trois frontières, entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso.
Ce combat n'est malheureusement pas terminé. Les groupes armés se fragmentent et exploitent les interstices pour disséminer la haine dans toutes les lignes de fracture des sociétés africaines et tout le long des flux logistiques de l'économie criminelle.
Par ailleurs, la difficulté des États africains à offrir des perspectives alternatives positives à une jeunesse pleine de ressentiment crée autant de recrues terroristes potentielles.
Dans ce cadre, la rupture de la junte malienne avec tous les partenaires internationaux engagés auprès du Mali depuis 2013 nous afflige, mais elle n'est finalement qu'un épiphénomène à l'aune du défi réel que nous avons à affronter.
Le sens de notre combat est finalement toujours le même : ne pas laisser le Sahel devenir une zone chaotique, où la violence débridée serait l'unique stabilisateur social. Ce serait dramatique pour l'Afrique, dont l'émergence économique doit être le grand fait géopolitique du XXI
Alors, que devons-nous faire ? Vous l'aurez compris, je soutiens pleinement la vision du Gouvernement, que le Premier ministre nous a présentée. Nous ne pouvons plus rester au Mali, et le retrait coordonné qui se dessine est la meilleure solution possible. Cette évolution ne remet aucunement en cause la nécessité militaire de poursuivre le combat contre les métastases du cancer terroriste, qui se diffusent.
Au-delà du Niger et du Burkina Faso, l'urgence est de protéger les pays du golfe de Guinée, vers lesquels les groupes terroristes lorgnent, alors qu'ils sont déjà exposés à de nombreux enjeux sécuritaires, liés à la piraterie et à la hausse des trafics illicites.
Ces actions n'atteindront leur plénitude qu'inscrites dans une vision plus large. Celle que précisément, sous l'impulsion du Président de la République, l'Union européenne et l'Union africaine viennent de dessiner à Bruxelles. L'avenir de l'Europe et de l'Afrique repose sur un partenariat renouvelé où paix et sécurité se rencontrent, où transition écologique et développement économique se confortent. Telle est la tâche des militaires et des diplomates ; ils nous obligent.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Comme l'a très clairement expliqué le Premier ministre, de profonds bouleversements politiques et sécuritaires en Afrique de l'Ouest, au Sahel et tout particulièrement au Mali, ont conduit le Président de la République à prendre la décision d'entamer une nouvelle étape dans la transformation de l'opération Barkhane.
Avant de répondre à quelques-unes de vos questions, j'aimerais me joindre à vos pensées et rendre hommage aux cinquante-neuf militaires français qui sont morts au Sahel depuis le début de l'opération Serval en 2013. Je veux aussi rendre hommage à ceux qui ont été blessés dans leur chair et dans leur esprit, en combattant farouchement le terrorisme. Leurs sacrifices n'ont pas été vains, de même que l'engagement tout aussi exemplaire de 125 000 soldats français qui se sont succédé, année après année, au Mali ; cet engagement n'a pas été vain. Les militaires ont fait un travail extraordinaire. Depuis 2013, au Mali, ils se sont relayés pour lutter contre le terrorisme. Sans leur professionnalisme, leur détermination et leur ardeur au combat, le Mali aurait peut-être connu le même sort et le même destin que l'Irak et la Syrie à partir de 2014, lorsqu'au fil de ses conquêtes territoriales, Daech bâtissait un véritable sanctuaire du terrorisme islamiste.
Aujourd'hui, le Mali n'est pas un sanctuaire terroriste. La situation, à commencer par la situation politique du Mali, a en effet beaucoup évolué depuis 2013. Le pays est désormais dirigé par une junte militaire qui a rompu ses engagements. La conséquence directe des choix effectués par cette junte, c'est que les conditions de notre engagement au Mali ne sont désormais plus réunies. C'est donc en pleine concertation avec nos partenaires européens et sahéliens que nous avons pris la décision de quitter le Mali. Cette décision acte un état de fait : nous ne pouvons pas continuer un combat militaire aux côtés d'autorités qui ont clairement signifié leur volonté de rupture avec les partenaires régionaux, qu'il s'agisse de la CEDEAO ou des partenaires européens, dont la France.
Nous quittons donc le Mali, mais nous disons les choses franchement. Nous aurions pu y rester plus longtemps si les circonstances avaient été différentes. Il faut bien comprendre que pendant ce temps, les seuls bénéficiaires de ces turpitudes politiques, ce sont les groupes terroristes eux-mêmes. C'est parce que nous en avons conscience que nous allons continuer de lutter contre le terrorisme dans la région, mais avec des moyens plus légers et plus agiles. Nous allons continuer à le faire avec nos partenaires africains et européens, dans le cadre d'une stratégie collective adaptée aux évolutions de la menace et qui prend en compte l'extension dangereuse de cette menace terroriste vers les pays de l'Afrique de l'Ouest. Nous allons donc intensifier notre coopération de défense avec les pays du golfe de Guinée.
Je voudrais maintenant revenir un peu plus en détail sur certaines questions qui ont été posées. J'en ai supprimé quelques-unes, compte tenu de l'heure tardive à laquelle nous sommes maintenant arrivés, mais je voudrais, d'un mot, dire pourquoi nous partons du Mali.
Cela a été très bien rappelé par certains d'entre vous : pour comprendre pourquoi nous partons, il faut se souvenir des raisons de notre arrivée. Depuis 2013, c'est à la demande des États de la région que les armées françaises sont présentes au Sahel. Pendant neuf ans, l'État malien, au même titre que ses voisins, a réclamé, soutenu et favorisé la présence militaire française sur son sol, pour lutter contre le terrorisme. Mais au cours de ces neuf années, la méthode a évolué et les résultats ont toujours été là.
Depuis quelques mois, il y a une rupture de la part de la junte malienne, qui a fait le choix à la fois de la rupture diplomatique et de la provocation politique. Nous ne pouvons donc plus mener les opérations de façon satisfaisante ; aujourd'hui, la junte entrave l'action des forces armées sur le terrain.
Il fallait donc prendre cette décision courageuse de partir. Est-ce que ce départ est le signe d'un échec ? Pas du tout, car en neuf ans de présence – M. le Premier ministre l'a fort bien rappelé –, nous avons neutralisé les principaux chefs des groupes terroristes, nous avons désorganisé leur structure, nous avons détruit leur ancrage territorial, nous les avons obligés à fuir et à se cacher. Où serait le Mali, ainsi que les pays de la région, si nous n'avions pas fait ce travail ? C'est surtout l'échec de la junte, qui n'a pas la volonté politique de mener avec détermination le combat contre les groupes armés terroristes et qui n'a pas obtenu de résultats sur le plan politique. S'il y a échec, c'est celui de la junte militaire.
Je ne reviendrai pas sur les chefs terroristes que nous avons éliminés ; cela correspondait à notre première mission : mener des actions contre les groupes terroristes. Notre deuxième mission était de mettre les groupes armés terroristes à la portée des armées sahéliennes. Nous avons formé des milliers de militaires sahéliens. Nous les avons entraînés, accompagnés sur le terrain et nous avons combattu à leurs côtés. Aujourd'hui, l'armée malienne est forte de 40 000 hommes, qui ont été formés et équipés, lorsqu'en 2013 ils n'étaient que 7 000, dotés d'équipements obsolètes. C'est donc une armée bien plus forte, qui a montré sur le terrain qu'elle était capable de faire face aux groupes armés terroristes, ce qui est une grande réussite.
Enfin, quels étaient nos objectifs politiques ? Permettre le retour de l'État partout où il avait disparu. Nous y sommes parvenus à certains endroits. Nous avons favorisé le retour des services publics, des écoles, des hôpitaux dans certaines zones parmi les plus reculées, qui étaient tombées aux mains des terroristes. La ville de Kidal a vu récemment flotter le drapeau malien, pour la première fois depuis des années.
Dans le domaine du développement, l'Alliance Sahel que nous avons lancée avec l'Allemagne en 2017 rassemble aujourd'hui vingt-cinq membres et finance plus de 1 000 projets, pour un montant total de près de 22 milliards. En cinq ans, elle a déjà permis à plus de 5 millions de Sahéliens de bénéficier d'un accès à l'eau potable ; elle a permis de vacciner 3 millions d'enfants, de raccorder plus de 500 000 foyers à l'électricité, de former plus de 2 000 magistrats et de fournir une assistance alimentaire à 3 millions de personnes. La France a donc joué un rôle clé dans le combat contre les fragilités, contre le sentiment d'abandon, contre le défaut de perspectives d'avenir qui, je tiens à le redire, fait partie intégrante du combat contre le terrorisme.
Ce n'est pas parce qu'on se quitte en mauvais termes qu'il n'y a rien à en retenir. Que ceux qui osent parler d'échec regardent les résultats de l'opération Barkhane ; que ceux qui osent parler d'échec regardent l'état du Mali en 2013 ; que ceux qui osent parler d'échec m'expliquent comment faire pour atteindre une victoire totale. J'entends beaucoup de commentateurs – malheureusement aussi certains orateurs –, qui expliquent ce que nous aurions dû faire. Je voudrais simplement rappeler ce que nous avons fait : nous avons redonné espoir à une population qui vit sous la terreur terroriste, et nous avons traité directement et avec courage une menace très dangereuse. Nous assumons aujourd'hui nos actes et notre décision : nous ne pouvons pas rester au Mali, alors nous partons. La France et les soldats de la nation française ont empêché qu'un sanctuaire terroriste ne se forme au Mali.
Est-ce que la lutte contre le terrorisme s'arrête aujourd'hui ? Non, bien sûr que non. La France, ses partenaires africains et ses alliés européens restent engagés au Sahel contre le terrorisme. C'est la forme de notre présence qui évolue, parce qu'elle dépend de la volonté des États de la région et parce qu'elle s'adapte aussi à la réalité de la menace. Nous restons déterminés dans notre lutte contre le terrorisme ; d'ailleurs les opérations continuent. Au sommet de N'Djaména, le Président de la République a annoncé une première transformation de notre présence ; aujourd'hui, nous poursuivons ce mouvement. Notre dispositif sera donc à l'avenir plus léger, sans base militaire ou état-major sur place ; notre présence sera plus étendue et plus diffuse, comme d'ailleurs le sont nos ennemis.
Une autre question concerne Takuba : est-ce que c'est fini ? Takuba sous sa forme actuelle va devoir évoluer. Mais ce que je peux vous promettre, c'est que l'esprit de Takuba, lui, va demeurer. Parce que l'essentiel, c'est ce que nous avons réussi à faire en deux ans, c'est-à-dire ce que l'on attendait de l'Europe de la défense depuis cinquante ans : nous avons monté une coalition européenne avec dix États militairement capables et politiquement volontaires. Une coalition entre Européens, avec des soldats d'élite européens, qui sont allés au combat face à des groupes terroristes. Alors oui, Takuba va quitter le Mali, mais ce départ ne signe pas la fin de la task force. D'ailleurs, le 17 février, le président Bazoum s'est dit prêt à accueillir Takuba au Niger, car il estime que les capacités des forces spéciales européennes répondent à la menace des groupes armés terroristes ; j'en suis moi-même la première convaincue. Des échanges auront donc lieu dans les prochains jours avec nos partenaires à ce sujet.
Une autre question concerne Wagner : ce groupe n'est pas la cause de notre départ. Le groupe Wagner, c'est le symptôme de la volonté de la junte de se maintenir à tout prix au pouvoir et de s'isoler de la communauté internationale. Je ne reviens pas longuement sur ce que signifie la présence du groupe Wagner au Mali. C'est une société privée de mercenaires, qui fonctionne sur le régime de la prédation, qui exerce des violences vis-à-vis des populations civiles, qui commet des exactions qui ont été parfaitement documentées, notamment en Centrafrique. Wagner enfin, c'est le choix de l'isolement. C'est le choix, de la part de la junte, de s'assurer coûte que coûte de se maintenir au pouvoir.
En ce qui concerne Barkhane, nous prenons toutes les mesures pour éviter tout contact ou toute imbrication avec Wagner. Nous nous préparons également au pire. Ainsi, nous nous tenons prêts à réagir avec la plus grande fermeté en cas de menace sur la force Barkhane. Je veux être très claire devant vous : nous ne tolérerons aucune provocation et aucune entrave durant notre redéploiement.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Je voudrais partager avec vous quelques convictions qui guident au quotidien l'action du Gouvernement. Ce que chacun doit comprendre, c'est que nous sommes au XXI
De véritables partenariats, cela signifie d'abord et avant tout le respect des souverainetés africaines car toute autre attitude serait incompatible avec les valeurs que nous défendons.
De véritables partenariats, cela signifie même accompagner nos partenaires, quand il le faut, pour renforcer leur souveraineté, afin qu'ils aient les moyens concrets d'échapper au piège de la dépendance dans lequel les stratégies d'emprise ou de prédation de certaines puissances veulent les enfermer.
De véritables partenariats, cela signifie enfin agir ensemble, chacun des partenaires assumant pleinement les responsabilités et le rôle qui lui reviennent.
Mais par définition, ce modèle implique que tout ne dépende pas de nous, et cela, nous n'avons d'autres choix que de l'assumer. Nous ne pouvons ni nous ne voulons nous substituer à nos partenaires sahéliens.
Au cours de ce débat, nous avons pu constater qu'une forme de complotisme et de populisme diplomatique se banalisait. Une telle dérive, qui n'est pas l'apanage de la majorité des parlementaires, ne grandit pas notre débat démocratique. En effet, elle risque d'affaiblir la voix de notre pays sur la scène internationale et, surtout, elle fait clairement le jeu de ceux qui, parmi nos compétiteurs, créent un brouillard stratégique fait de confusion des esprits et de manipulation de l'information au Mali, comme sur d'autres théâtres.
C'est facile de lancer un anathème quand les députés ne sont plus là pour vous répondre !
Monsieur le député Nadot, vous vous êtes délecté de l'anaphore de la gifle s'agissant du Mali. La gifle, c'est à nos soldats que vous l'avez administrée en n'ayant pas eu un seul mot pour leur engagement sur le terrain ,
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem
pour les vies perdues et le sang versé.
C'est pourquoi, dans ce contexte de confusion des esprits, avec le Premier ministre et au nom du ministre de l'Europe et des affaires étrangères…
…qui ne pouvait être présent cet après-midi et qui le regrette, nous tenions à répondre aux interrogations légitimes de la représentation nationale et à rétablir un certain nombre de faits. Je tiens donc à remercier vivement celles et ceux d'entre vous qui, au cours de ce débat, ont exprimé leurs convictions avec force et parfois même avec passion, mais toujours avec rigueur et pondération ,
M. Sébastien Nadot proteste
ainsi que l'exigent toutes les questions qui engagent notre sécurité et notre capacité à faire face, avec nos partenaires, aux défis que nous avons en partage.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi visant à encourager l'usage du contrôle parental sur certains équipements et services vendus en France et permettant d'accéder à internet.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures trente-cinq.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra