Intervention de Sereine Mauborgne

Séance en hémicycle du mardi 22 février 2022 à 15h00
Déclaration du gouvernement relative à l'engagement de la france au sahel

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSereine Mauborgne :

Une génération entière de soldats français a foulé les sables sahéliens pour traquer les groupes djihadistes affiliés à Al-Qaïda et au groupe État islamique dans un territoire vaste comme l'Europe.

Nos pensées vont d'abord aux cinquante-neuf militaires français, à leurs familles et à leurs frères d'armes qui sont morts au Sahel en se battant contre le terrorisme. Leur nom restera à jamais gravé dans la mémoire collective de notre pays et dans le marbre du monument aux militaires morts pour la France en opérations extérieures (OPEX) inauguré par le Président de la République et par Geneviève Darrieussecq le 11 novembre 2019.

Il est important de rappeler les raisons initiales de notre engagement au Sahel, car elles démontrent clairement que le redéploiement en cours ne constitue en rien un échec. Le rapport d'information sur l'opération Barkhane que j'ai rédigé avec Nathalie Serre a démontré la succession d'adaptations du format d'engagement de nos forces ; néanmoins, il est vite devenu obsolète – six jours après son dépôt, un coup d'État avait lieu au Tchad puis un autre, un mois plus tard, au Mali –, ce qui nous a infligé une petite leçon de modestie. Le monde bouge, les événements de ces dernières vingt-quatre heures à l'Est le prouvent encore une fois ; cela nous invite à aborder les questions internationales avec prudence tant le contexte change rapidement. Les événements obligent à réviser en permanence nos actions dans les fameux trois piliers : la diplomatie, le développement et le militaire.

Reprenons ensemble quelques moments clefs de notre action militaire au Sahel. Au début de l'année 2013, la République du Mali était menacée ; le gouvernement malien a demandé à la France d'intervenir : l'opération Serval a arrêté l'avancée des terroristes qui menaçaient de prendre Bamako. Le 1er août 2014, l'opération Barkhane prenait le relais : elle a consisté à régionaliser l'action des forces militaires à l'échelle des cinq pays du Sahel – la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad.

La préparation militaire opérationnelle des forces armées des pays du G5 Sahel est l'un des piliers de l'action de Barkhane. Neuf ans après, les résultats sont visibles : prenons l'exemple de l'armée malienne, qui ne comptait que 7 000 hommes dotés d'équipements obsolètes, et qui en compte actuellement près de 40 000. Mieux formée, cette armée est désormais capable d'une plus grande opérabilité. Nos marsouins et nos légionnaires ont été intensément impliqués sur le terrain en participant aux formations techniques et tactiques des forces armées maliennes ; des actions d'appui, dans le cadre d'opérations de terrain conjointes, ont été menées en situation réelle grâce à la surveillance de drones aériens. Ces soldats exemplaires de l'armée française, qui font notre fierté par leurs qualités militaires, se sont enrichis au contact des Maliens, notamment lors des missions menées avec les unités légères de reconnaissance et d'intervention (ULRI), ce qui a profondément modifié la perception et l'acceptabilité de la population à l'égard de ces soldats.

Depuis le début de l'engagement au Sahel, la France a fait la démonstration de ses capacités de renseignement et d'opérations ciblées en neutralisant d'importants chefs terroristes sévissant dans la région. Barkhane est une opération exigeante, un défi logistique permanent ; les conditions climatiques sont éprouvantes pour les hommes et pour le matériel, ce qui conduit à des évolutions essentielles – je pense ici au surblindage des véhicules blindés légers (VBL). Barkhane est le théâtre d'une guerre moderne ; la logistique a pu compter sur la modernité du système d'information du combat Scorpion (SICS) et des nouveaux blindés Griffon pour sécuriser les routes à l'automne dernier ; c'est un signal fort envoyé à nos jeunes soldats et à nos compatriotes soucieux de leur sécurité et de la visibilité de la loi de programmation militaire.

Cependant, la junte au pouvoir a entrepris une politique de rupture, qui ne respecte pas la transition démocratique, qui menace l'ensemble des acquis obtenus et qui fait douter de la priorité accordée au combat contre l'islamisme. Les annonces du Président de la République, le 17 février dernier, induisent une énorme opération de transfert de matériels : nous savons que nous pouvons compter sur le haut niveau d'implication des chefs militaires et de leur centre de planification, qui mènent le travail de préparation et d'anticipation destiné à s'adapter à tous les scénarios. Dans cette perspective, il faut saluer tous les services de soutien, dont l'engagement opérationnel aux côtés de leurs frères d'armes va s'intensifier. Sous un préavis d'une semaine, 400 maintenanciers – renforts des bases du matériel – sont déjà à pied d'œuvre.

Parlons d'avenir : de nouvelles coopérations internationales associant nos armées ont vu le jour ; je pense notamment à la mise en place de l'Académie internationale de lutte contre le terrorisme en Côte d'Ivoire, qui forme et qui accompagne les forces d'élite locales. Le chef d'état-major des armées, Thierry Burkhard, porte une vision stratégique qui intègre tous les pays de la région. C'est un nouveau défi à relever aux côtés de nos partenaires africains ; il convient de mener une réflexion interministérielle sur la lutte contre la corruption et sur l'identification des causes du terrorisme.

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