« Retrouver l'intégrité territoriale de tout le Mali. Aucune ville, aucun village ne doit être occupé par les terroristes et échapper à la souveraineté du Mali », tel était l'objectif de l'opération Serval, selon les termes du discours du 2 février 2013 prononcé par le Président de la République François Hollande à Bamako, devant une foule qui brandissait des drapeaux français. Neuf ans plus tard, les manifestations à Bamako sont ponctuées de slogans anti-Français devant des drapeaux russes – une attitude encouragée par la junte militaire qui cherche un bouc émissaire à ses propres échecs.
Le moment venu, nous tirerons les leçons de nos erreurs au Mali. Aujourd'hui, évitons les raccourcis simplistes qui tendent à qualifier l'opération Barkhane d'échec. Réaffirmons ici que l'intervention au Sahel de notre armée, qui, au cours de la dernière décennie, a perdu cinquante-neuf de ses soldats, auxquels je rends hommage, a permis d'empêcher la désintégration de l'État malien et l'expansion de groupes terroristes dans le Grand Sahara.
Dès le début de l'opération Barkhane, il y a sept ans, nous pressentions que le format de celle-ci devait évoluer ; le recentrage de nos forces dans le Sud-Est du pays a confirmé cette intuition. Le choix des autorités maliennes – regrettable sur le fond, et détestable sur la forme – de mettre fin à notre collaboration n'a fait que précipiter cette évolution prévisible.
La première victime de cette décision sera malheureusement la population civile malienne. Si des exactions ne sont pas commises par les djihadistes, qui se repositionneront sur les territoires dont ils ont été chassés, elles risquent de l'être par les mercenaires du groupe russe Wagner, déjà accusés de tels crimes en République centrafricaine.
En prenant acte de ce revirement malien, le Président de la République a détaillé la semaine dernière les orientations qu'il souhaitait donner à notre engagement au Sahel – plutôt que d'orientations, je devrais parler de contours, car ceux-ci sont encore imprécis. Bien que la complexité de la situation et le nombre des partenaires à consulter y soient pour quelque chose, un certain manque d'anticipation est à déplorer, puisque cette situation couvait depuis déjà quelques années. Je mesure les efforts importants actuellement consentis par le Gouvernement pour se retirer du Mali, néanmoins, et nous sommes réunis ici pour en débattre, de nombreuses interrogations subsistent autour de notre politique au Sahel.
Dans un premier temps, j'évoquerai l'urgence de la situation. En tant que rapporteur pour avis des budgets relatifs au soutien et à la logistique interarmées durant ce quinquennat, je m'interroge sur le délai de quatre à six mois qu'a annoncé le Président de la République, pour rendre effectif notre retrait du territoire malien. La priorité réside dans la sécurité de nos troupes, qui s'exposeront à des embuscades et à des explosifs improvisés, sur les routes qu'emprunteront leurs convois. De plus, la saison des pluies risque de compliquer la tâche durant les mois d'été. Nous devons être fermes avec les autorités maliennes : leurs exigences de retrait seront bien entendu respectées, mais cela doit se faire sans la moindre perte française.
Deuxièmement, la nouvelle forme que prendra notre présence au Sahel doit être précisée le plus rapidement possible. Un redéploiement en nombre plus limité au Niger permettra de disposer d'un rayon d'opération pertinent, mais les institutions de ce pays sont-elles réellement plus stables que celles de ses voisins malien et burkinabé, qui ont récemment connu des putschs ? Le sentiment anti-Français n'y est-il pas également présent, comme en témoignent les blocages de convois français en décembre dernier ?
Plus important encore, les partenariats tant vantés durant ce quinquennat, au sein du G5 Sahel et de la task force Takuba, ont-ils encore un avenir ? La survie du G5 Sahel est subordonnée à un appui logistique important des forces françaises, et celle de Takuba ne sera assurée que si nos partenaires européens sont convaincus par le nouveau format de l'opération.
Ce nouveau format devra également donner lieu à une réévaluation des projets de développement de la région financés par la communauté internationale et la France. Ces moyens ne doivent en aucun cas être détournés par les factions armées présentes sur place.
Enfin, nous devons réitérer la stratégie de la France au Sahel, pour que nos alliés et nos concitoyens en comprennent la nécessité. Nous ne devons pas nous résigner à une simple mise en quarantaine du Mali, en actant la déliquescence de ses institutions et en misant sur une impossible fermeture de ses frontières, aux côtés des armées des pays limitrophes.
Monsieur le Premier ministre, les Français attendent de ce débat de la clarté. Pouvez-vous me confirmer que la France est et restera présente au Sahel pour y empêcher la création d'un califat islamique, en poursuivant notamment la politique de neutralisation des chefs djihadistes, qui a fonctionné jusqu'à présent ?