Alors que notre engagement au Sahel connaît une importante réorganisation, il importe de rappeler que notre action dans la région passe aussi par des opérations européennes et internationales. N'ayons pas peur de le répéter : la France n'est pas seule dans la lutte contre le terrorisme qui touche l'Afrique subsaharienne. La task force Takuba, l'EUTM Mali, la MINUSMA sont autant de missions où nous sommes présents et engagés avec nos partenaires, non seulement africains, mais aussi européens et mondiaux.
Ainsi, dès 2013, à la demande du gouvernement malien et sur la base de la résolution 2085 du Conseil de sécurité de l'ONU, les États membres de l'Union européenne s'étaient entendus sur le lancement d'une mission de formation au profit des forces armées maliennes : l'EUTM Mali. En tant que nation-cadre, la France joue un rôle de premier plan dans cette mission composée de près de 700 soldats issus de vingt-cinq États européens. Malheureusement, les récentes tensions avec la junte au pouvoir à Bamako et les dernières déclarations des autorités maliennes laissent craindre pour l'avenir de cette mission de formation qui est primordiale pour accompagner nos partenaires maliens.
Surtout, à travers la task force Takuba, nous avons atteint un niveau inédit de cohésion européenne dans une opération militaire. Créée à l'issue du sommet de Pau en 2020 et placée sous le commandement de l'opération Barkhane, la task force Takuba – mot qui signifie « sabre » en langue touareg – fut engagée pour former, conseiller, assister et accompagner au combat les forces armées maliennes dans la zone du Liptako.
Composée de 900 militaires des forces spéciales issus d'une douzaine de nations européennes, cette task force constitue une avancée majeure pour l'Union européenne, car elle est la preuve de notre capacité à coopérer étroitement entre Européens, afin de nous projeter hors de nos frontières lorsque cela se révèle nécessaire. Ainsi, cette task force est une traduction concrète de l'Initiative européenne d'intervention (IEI), promue dès 2017 par le Président de la République dans son discours de la Sorbonne.
Rappelons-le, le renforcement de l'autonomie stratégique de l'Union européenne et le développement d'une culture stratégique commune sont le fer de lance de notre ambition pour l'Europe, comme cela sera bientôt démontré par l'adoption prochaine de la boussole stratégique, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne.
Alors qu'il a été annoncé que la task force Takuba serait réorganisée au cours des prochains mois, à la suite du départ des forces occidentales du Mali, ici ou là, nous entendons parler d'échec. Nous ne pouvons laisser dire cela : ce serait passer sous silence non seulement les indéniables succès stratégiques remportés sur le terrain, grâce à la mise en commun de nos compétences militaires, mais surtout la profonde cohésion et la grande solidarité que nous avons réussi à créer entre partenaires à travers cette opération. Or cet esprit européen, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit, qui s'est concrétisé avec succès au Sahel, représente une réussite indéniable pour créer une véritable Europe de la défense. On le voit, cette force ne représente en rien un échec.
Comme la très grande majorité des Français et comme vous tous ici, je ne doute pas que nous ne parvenions à préserver cet esprit de coopération si précieux, qui permet à des militaires venant de tous les pays européens de participer à des travaux de renseignement, de planification et de soutien cruciaux pour notre action militaire sur place. Je ne doute pas non plus un instant de la capacité de la France, après les nécessaires réarticulations liées à la nouvelle situation politique de la région, à organiser le redéploiement des soldats français et européens afin de continuer à coopérer toujours plus étroitement dans la lutte contre le terrorisme.