Intervention de Jacques Maire

Séance en hémicycle du mardi 22 février 2022 à 15h00
Déclaration du gouvernement relative à l'engagement de la france au sahel

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Maire :

Ce débat, nous le devons aux cinquante-neuf soldats français morts au combat et à tous les morts civils et militaires du conflit. Ce débat est nécessaire. Il éclaire une page de la longue histoire qui unit nos deux peuples. Il éclaire une lutte commune contre le terrorisme, car le Mali a fait appel à la France au nom de l'état de droit, d'un accord entre nos deux pays et d'une démocratie menacée.

C'est donc un combat juste, pour préserver une culture séculaire, celle des manuscrits mythiques de Tombouctou, Djenné, Gao, Kayes ou Ségou, celle que nous a transmise Amadou Hampâté Bâ, dans la belle langue française. C'est enfin le combat pour un islam africain ouvert. Tout cela était menacé.

L'heure est au bilan. C'est une évidence, mais qui mérite d'être répétée à chaque fois : nous avons sauvé le Mali d'un destin de califat. Pour être juste, lucide, notre bilan doit être dressé dans une démarche d'humilité.

Dès 2013, nous avons libéré les villes, réduit Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) avec nos alliés tchadiens, puis rendu possible l'élection régulière d'un président de la République. D'autres l'ont dit, dans ce combat pour les valeurs, nous avons obtenu de nombreux succès : la reprise des villes en 2013, l'élimination du chef d'Al-Qaïda en 2020, celle du chef de Daech en 2021.

Durant cette période, les sommets de Pau et de N'Djamena ont été l'occasion d'ajuster notre dispositif, en concertation avec nos partenaires. Oui, il y a des résultats : nous avons permis à la Mauritanie, au Tchad et au Niger de résister et de renforcer leurs capacités. Mais les faits sont là : nous devons quitter un Mali à terre.

C'est pourquoi, monsieur le Premier ministre, vous avez emprunté avec nos alliés, le 17 février, un tournant nécessaire. Nous le soutenons pleinement.

Cependant, j'ai deux questions. D'abord, les succès que j'évoquais à l'instant auraient-ils pu permettre d'amorcer un retrait de Barkhane plus tôt ?

Deuxièmement, le rapport d'information de la commission de la défense sur l'opération Barkhane, justement cité par Sereine Mauborgne, corapporteure, souligne que la discussion avec les terroristes est inéluctable. En effet, les populations et les gouvernements du Sahel la souhaitent, et la pratiquent. Que devons-nous faire vis-à-vis des terroristes ? Détourner la tête ? Poser nos conditions ?

La nouvelle stratégie comporte de multiples défis. Il faut d'abord mettre fin à une certaine incompréhension. Au Sahel, nous luttons contre le terrorisme international. Nous n'avons jamais dit que nous assurerions la sécurité publique à la place des États. Pourtant, les Maliens l'ont cru, en écoutant leur propre gouvernement. C'est faux, et il est dangereux de le laisser croire. D'abord, assurer la sécurité publique sur 5 millions de kilomètres carrés à l'aide de 5 000 hommes est au-dessus des capacités de quiconque. Ensuite, le Mali s'est défaussé de toute responsabilité et les Maliens, déçus, ont pensé que nous leur avions menti.

Le Président de la République a donc raison d'en appeler à une présence militaire discrète, sans agenda caché, pour soutenir les forces nationales. Nous, députés de la majorité, avons également joué notre rôle, en faisant régulièrement visiter Barkhane à nos homologues sahéliens.

Il faut aussi clarifier nos objectifs. Nous souhaitons naturellement l'unité du Mali. Mais il revient aux Maliens de décider de leur avenir national et de l'organisation du pays. Confronté aux mercenaires sanglants de la Russie, j'espère qu'il retrouvera vite le chemin de sa souveraineté.

Le Mali représente d'autres défis, pour la MINUSMA, qui pourrait y rester seule, et pour ses alliés : ses frontières de 7 500 kilomètres ne constituent pas une ligne Maginot contre le terrorisme.

Nous restons aussi pour protéger la France contre Daech et Al-Qaïda, pour protéger nos ressortissants, ainsi que les intérêts français au Sahel. Mais nous ne sommes pas là pour mettre la main sur l'or ou sur l'uranium de ces pays. La France n'en a pas besoin…

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