Au terme de ce riche débat, que dire, sinon rappeler les quatre principes qui guident notre action ?
Premièrement, nous sommes engagés au Sahel depuis 2013, par la volonté expresse de la communauté internationale, des États africains de la CEDEAO et du gouvernement du Mali, alors menacé par une entreprise de subversion, destinée à installer dans son territoire un califat islamique.
Notre seul objectif était et demeure d'aider les États concernés à faire face aux tentatives de déstabilisation terroriste, à conforter les institutions et les procédures démocratiques dont ils ont choisi de se doter, et à assurer le respect de l'état de droit dans cette zone si proche de l'Europe.
Nos partenaires européens et nous sommes présents militairement et civilement au Sahel, parce que la communauté internationale et les gouvernements africains et européens ont un intérêt commun à lutter contre toutes les violences et contre tous les trafics de personnes, d'armes et de drogues. Ce n'est pas la France seule, mais la France, l'Europe et l'Afrique qui mènent ensemble ce combat, qui est d'abord un combat pour l'homme.
Deuxièmement, il ne saurait être question pour nous de continuer à mener notre action dans un État qui ne veut plus de nous, cet État fût-il conduit par un gouvernement issu d'un double putsch et bien décidé à se soustraire pour une durée indéfinie à tout contrôle démocratique.
Le gouvernement autoproclamé du Mali a décidé de rejeter notre aide et a préféré faire alliance avec une compagnie de mercenaires dotés d'une solide réputation de pilleurs et de prédateurs. Cette ingratitude suscite une grande déception et, je me permets de le dire, une immense amertume pour ma famille, celle de ma femme, qui a perdu un petit-neveu aux côtés du lieutenant Bockel. Et comment ne pas être affligés de voir les ressources du Mali arrachées à son peuple ? Nous devons, hélas, prendre acte de cette situation inédite, car une puissance européenne n'a pas le pouvoir de faire le bonheur d'un peuple africain contre ceux qui le dirigent. C'est triste, mais c'est ainsi.
Troisièmement, nous ne devons pas abandonner nos amis africains, ceux qui nous font confiance et qui déclarent, comme le président Bazoum du Niger, avoir besoin de nous et ne pas pouvoir lutter seuls contre le terrorisme.
Le Mali ne doit pas nous dissimuler que le théâtre de la confrontation avec le terrorisme est autrement plus vaste : elle se joue dans la zone immense de l'ouest africain. Non seulement la France n'y est pas isolée, mais elle est, et l'Europe avec elle, demandée, attendue, par tous ceux qui ne s'accommodent ni d'un possible retour de l'Afrique aux dictatures d'hier, ni d'une plongée progressive du golfe de Guinée dans le désordre et le chaos, tel qu'on l'observe à l'est du continent. Quitter le Mali n'est pas, ne doit pas être, quitter le Sahel. La France n'est pas isolée des États africains ; c'est le gouvernement autoproclamé du Mali qui est isolé de ses partenaires.
Quatrièmement, notre dispositif civil et militaire sur zone doit s'adapter à une situation inédite. Le temps n'est plus des années Serval, quand il s'agissait d'empêcher des guerriers venus du nord de s'emparer de Bamako. La menace terroriste s'est faite progressivement plus diffuse, plus urbaine, plus proche des grands pays du Golfe. La dissémination de la menace nous lance un défi inédit. Elle nous oblige à plus de souplesse, plus de vitesse, plus d'agilité.
Par-dessus tout, notre action doit se faire plus civile, plus économique et plus sociale. C'est en civilisant nos efforts que nous répondrons plus durablement aux attentes de nos amis africains et que nous mobiliserons, dans la durée, nos partenaires européens.
La vraie bataille à livrer sera finalement celle de l'investissement, du développement, de la démocratie et de la solidarité. Nous comptons sur le Gouvernement pour relever ce grand défi.