Les aléas climatiques ont toujours été au cœur des préoccupations du monde agricole. Mais sous l'effet du réchauffement climatique, les phénomènes extrêmes – jusque-là ponctuels et supportables – sont désormais la norme. Chaque année charrie son lot de mauvaises nouvelles. Rien que pendant ce quinquennat, les exploitations ont dû faire face à trois vagues de sécheresse ainsi qu'à des intempéries, sans parler du gel qui a décimé une partie des cultures, des vignes et des vergers en 2017 et en 2021, à quoi s'ajoutent de nombreux épisodes de grêle.
Pour faire face à cette nouvelle donne, les pratiques agricoles et les territoires tentent de s'adapter. La mise en place d'équipements de protection face aux aléas climatiques, la sélection variétale, une meilleure gestion des eaux sont autant de tentatives de réponse aux changements climatiques. Malheureusement, cela se révèle souvent insuffisant et, dans ce contexte, l'assurance récolte devrait, théoriquement, prendre le relais. Seulement, le système actuel, fondé sur la concurrence entre deux régimes, est inadapté : moins de 30 % des agriculteurs sont assurés, aussi les intempéries restent-elles bien souvent synonymes de pertes économiques et, surtout, de drames humains.
Nous en avons tous conscience : il y avait urgence à faire évoluer ce système assurantiel. Mon principal regret est que ce projet de loi aura tardé à se concrétiser. Il avait été annoncé il y a deux ans et demi, déjà, par Didier Guillaume, votre prédécesseur, monsieur le ministre. Ce texte aurait ainsi pu être voté avant, dans l'intérêt des agriculteurs, et nous aurions ainsi pu évaluer son efficience.
Sur le fond, je suis favorable au texte proposé. Il tend à créer de la complémentarité entre un dispositif de couverture public et le système assurantiel, grâce à la création d'un mécanisme d'indemnisation à trois étages. Ce faisant, il clarifie les responsabilités en cas d'évènements climatiques. L'aléa courant sera pris en charge par l'agriculteur ; l'aléa significatif sera du ressort de l'assurance subventionnée ; en cas d'aléa exceptionnel enfin, les exploitants pourront compter sur le soutien de l'État. Le texte incite, en outre, les agriculteurs à s'assurer en prévoyant une modulation de l'indemnisation fondée sur la solidarité nationale. En bref, il cherche à assurer la viabilité financière du système assurantiel tout en garantissant son attractivité.
Les contours, qui étaient initialement trop flous, ont été considérablement clarifiés et sécurisés lors de l'examen du texte par le Sénat, puis par la commission mixte paritaire. La trajectoire financière permet de garantir un budget dédié de 600 millions d'euros. Quant au rapport annexé, il fixe les objectifs à atteindre en matière de surfaces agricoles assurées à l'horizon de 2030. Ensemble, le texte et le rapport introduisent de la visibilité et de la lisibilité pour nos agriculteurs.
Autre point positif, les primes d'assurance pourront être modulées si les exploitants ont investi dans des systèmes antigel ou des moyens de lutte contre la sécheresse. Étant convaincue de la nécessité d'inciter nos agriculteurs à investir dans ces dispositifs, j'y suis favorable.
La moyenne olympique restera l'étalon pour l'indemnisation des pertes de récolte. C'est regrettable puisque le réchauffement climatique remet en cause la pertinence de ce référentiel historique, ne permettant plus une couverture correcte des agriculteurs. Je souhaite que la présidence française de l'Union européenne soit l'occasion d'avancer dans les négociations sur sa révision.
J'ajouterai un mot sur la gouvernance du dispositif et tout particulièrement du pool d'entreprises d'assurance. Si le renvoi à une habilitation à légiférer par ordonnance ne nous permet pas d'en appréhender les contours exacts, nous en connaissons désormais les grandes lignes. Les assurances pourront partager leurs données de sinistralité, concevoir un tarif technique commun, voire mettre en commun leurs primes pour les réassurer. Cela devrait permettre de proposer des offres plus adaptées, recouvrant plus de territoires et de cultures. Cela risque aussi de favoriser les accords entre assurances et tirer les prix vers le haut. Aussi, je tiens à saluer les apports du Sénat qui a tenté de circonscrire les effets de bord et de garantir la compatibilité du dispositif avec le droit de la concurrence.
Convaincu qu'aucun agriculteur ne doit revivre les conséquences dramatiques de l'épisode de gelée noire d'avril dernier, le groupe Libertés et territoires votera en faveur de ce projet de loi. Notre accord porte sur les grandes orientations du texte : nous regarderons avec beaucoup d'intérêt les ordonnances et les décrets dont dépendra l'efficience de cette réforme.