Cher Bruno Studer, ce ne sera pas ma dernière intervention puisque nous nous verrons, je crois, encore demain. Je tiens à vous remercier pour le travail que nous avons pu faire. Nous ne pouvons que répéter ce que chacun et chacune a dit précédemment : la consommation liée aux écrans a largement augmenté, et ce dès le plus jeune âge, puisque l'enquête menée par la CNIL démontre que l'accès au téléphone portable se fait désormais au CM1, alors que ces appareils étaient habituellement confiés aux enfants à l'entrée du collège. Nous constatons tous dans notre environnement quotidien que la consommation de temps d'écran et d'internet commence bien plus tôt chez les très jeunes enfants, parfois même dans la poussette. Cette mutation des modes de consommation, si elle appelle à une certaine vigilance compte tenu de ses potentiels effets néfastes comme l'exposition à la pornographie, le cyberharcèlement et l'accès à des contenus choquants et violents ou à des fausses nouvelles, doit aussi nous alerter car elle peut entraîner de graves conséquences sur le développement affectif, cognitif et relationnel de nos enfants. Quand nous sommes proches de nos enfants, nous le voyons vraiment tous les jours.
N'oublions pas que les médias sous toutes leurs formes sont aussi une source d'accès à la culture, aux services publics ou à l'éducation. Ils ne peuvent être systématiquement désignés comme responsables de tous les maux de notre société. Ils contribuent à une forme d'épanouissement pour les enfants, mais comme pour tous les outils, c'est de leur utilisation qu'il faut débattre afin que nos enfants puissent grandir dans un environnement sain et protecteur.
La crise sanitaire a été un révélateur des usages des outils numériques, notamment à travers la continuité pédagogique et la plateforme Ma classe à la maison. S'ils ont bien fonctionné lorsque les conditions matérielles, technologiques et humaines étaient réunies, ces outils ont soulevé de nombreuses questions parmi les enseignants, les parents et les élèves.
Ces remarques générales renvoient à plusieurs constats : la nécessité de protéger les mineurs face aux éventuels dangers associés au numérique, que des faits divers récents sont venus rappeler ; la nécessité d'étendre la formation au numérique aux adultes afin que ceux-ci, au lieu d'être de simples spectateurs des usages de leurs enfants, soient en mesure de les accompagner ; la nécessité d'étendre l'accès au numérique à toutes et tous, indépendamment des origines sociales ou de la localisation sur le territoire.
Votre proposition de loi telle qu'elle a été adoptée en CMP, monsieur le rapporteur, répond en partie à l'enjeu de la réduction des risques par un simple moyen technique. Elle entend aussi mettre au centre des problématiques de l'éducation la relation familiale, laquelle fait partie, à l'évidence, des leviers importants d'une politique qui émancipe et responsabilise – c'est là un point particulièrement important de ce texte. Vous proposez ainsi d'obliger les fabricants à préinstaller un système de contrôle parental et de rendre possible son activation gratuite dès la mise en service de l'appareil, tout en harmonisant les fonctionnalités du contrôle parental. Nous saluons cette mesure, premier pas vers un renforcement de la sécurité des usages que font les jeunes des outils numériques.
J'ai bien noté, et nous avons du reste évoqué ce point aux différents moments de l'examen de ce texte, que vous aviez choisi de ne pas imposer l'activation par défaut du contrôle parental, par souci matériel, préférant vous en tenir à une activation proposée lors de la première mise en service ; mais le fait que seuls 46 % des parents indiquent utiliser ce moyen pour suivre l'activité de leur enfant, par méconnaissance ou par lassitude, souligne l'urgence d'un meilleur encadrement des pratiques des mineurs. Il y a, là aussi, un véritable problème.
Pour ce qui concerne les fabricants et les FAI, nous aurions souhaité qu'ils participent à une meilleure information des usagers et offrent des contenus de formation et d'accompagnement sur le long terme, car ces outils ne sont pas toujours maîtrisés – Dieu sait pourtant s'ils sont au cœur de la consommation de tous nos concitoyens. Certains le font déjà par le biais de tutoriels, mais cela reste bien insuffisant au regard des difficultés techniques que nombre d'entre nous rencontrent au quotidien en interagissant avec toutes ces machines.
Je n'ai donc qu'un regret, monsieur le rapporteur : que cette proposition de loi ne prenne pas assez en considération les inégalités grandissantes dans l'accès à ces outils numériques, notamment la charge inégale des collectivités territoriales dans les efforts visant à doter les élèves en matériel et à faire face, parfois, aux manques de l'État.
Cela dit, le groupe Socialistes et apparentés salue votre engagement sur toutes ces questions et, je le redis, est favorable à cette proposition de loi. Nous souhaitons toutefois qu'une réponse plus complète soit apportée à cet enjeu de société majeur, et si possible à un échelon plus global, hors de nos frontières, afin que tous les enfants du monde puissent être protégés et ne plus être les cibles potentielles d'adultes prédateurs. Nous aimons, en effet, parler au nom de la République française, mais nous aimons aussi pouvoir nous adresser à l'ensemble des enfants du monde.