Intervention de Geneviève Levy

Séance en hémicycle du mercredi 23 février 2022 à 15h00
Renforcement du droit à l'avortement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeneviève Levy :

La loi de modernisation de notre système de santé de 2016 autorise les IVG instrumentales hors établissements de santé. Les centres de santé et les centres de planification et d'éducation familiale peuvent accueillir la pratique de tels actes. Pourtant, ces structures n'existent pas ; très peu d'entre elles ont été ouvertes, et elles n'ont pas pallié la désertification médicale. Nous aurions dû mettre à profit le temps du débat pour trouver des solutions. La victoire aurait consisté à engager un travail plus sérieux sur la diminution des déserts médicaux. En vingt ans, 50 % des maternités ont fermé – or l'accès effectif à l'IVG dépend principalement de la carte hospitalière. Alors que les IVG sont pratiquées à 80 % dans les hôpitaux, quarante départements souffrent d'une pénurie de gynécologues, et treize n'ont plus un seul gynécologue médical. En France, en 2022, des femmes doivent encore se rendre dans un autre département pour consulter un gynécologue. À cela, votre proposition de loi n'apporte pas de solution. Combien de femmes renoncent à un suivi annuel et mettent leur santé en danger ?

La fracture sanitaire est une fracture sociale – vous le savez –, et les difficultés d'accès à l'IVG concernent avant tout les populations les plus fragiles économiquement. L'adoption de la proposition de loi n'y changera rien. Les deux semaines supplémentaires sont-elles une victoire, et éviteront-elles aux femmes d'aller avorter à l'étranger ? La réponse est non. Dans 70 % des cas, la cause d'un avortement tardif, en dehors du délai légal, réside dans la méconnaissance des femmes de leur état de grossesse. Les structures étrangères les prennent en charge à un délai médian de dix-huit semaines de grossesse. Le premier contact s'opère trois semaines plus tôt, c'est-à-dire aux alentours de quinze semaines. L'allongement de deux semaines du délai de recours à l'IVG, pour le porter à quatorze semaines, n'aura donc aucun impact pour ces femmes.

Alors que la législature arrive à son terme, je prononce aujourd'hui mon dernier discours dans l'hémicycle. En vingt ans, j'ai eu l'occasion de défendre des causes qui me sont chères, comme la dépendance, la prise en charge du handicap et les violences faites aux femmes. C'est avec émotion que je tourne cette page de ma vie parlementaire, à l'occasion de la lecture définitive d'un texte relatif à l'interruption volontaire de grossesse. Je vous le dis avec sincérité : vous faites fausse route. Je crois vos convictions sincères, je reconnais même certaines avancées à votre proposition de loi, mais écoutez la sagesse d'une ancienne : vous aurez beau voter ce texte, vous découvrirez malheureusement que les femmes, qui attendent tant de nous, n'y trouveront pas de solutions pour disposer librement de leur corps. Une fois encore, le groupe Les Républicains laissera une totale liberté de vote à ses membres ; pour ma part, je voterai contre la proposition de loi, car je crains que celles et ceux qui siégeront dans l'hémicycle dans quelques semaines ne veuillent encore allonger le délai de recours à l'IVG.

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