Intervention de Meyer Habib

Réunion du mercredi 19 juillet 2017 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMeyer Habib, rapporteur :

Il me revient de vous présenter le protocole additionnel à la convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme, que le Gouvernement demande à notre assemblée de ratifier.

Je précise que ce texte a été approuvé par le Sénat en février dernier, après avoir été adopté au sein du Conseil de l'Europe en mai 2015.

Le protocole vient compléter la convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme conclue en 2005. Cette convention constituait alors le premier instrument international à aborder la lutte anti-terroriste sous l'angle de la prévention, en incriminant des comportements susceptibles de constituer des actes préparatoires à une infraction terroriste.

En réalité, le protocole porte sur un sujet dont nous avons, hélas, beaucoup débattu au sein de cette assemblée lors des dernières années, par la force des choses. Il s'agit des « combattants terroristes étrangers », ces hommes et femmes qui quittent leur pays pour s'entraîner et commettre des actes terroristes sur un théâtre de crise étranger.

Ce phénomène a pris une ampleur inédite depuis 2014. La proclamation du « Califat » en Irak et en Syrie avait alors provoqué l'afflux de milliers de combattants venus du monde entier. On estime que le total des combattants terroristes étrangers dans cette zone a plafonné autour de 15 000 en 2015, avant de redescendre à environ 12 000 au début de l'année 2017, en raison des défaites militaires de Daech et du tarissement de ses flux de financement.

La France est malheureusement concernée au premier chef : environ 700 Français ou résidents de France combattaient aux côtés des organisations terroristes au Levant au début de l'année 2017. A cela, il faut ajouter les près de 460 combattants terroristes étrangers issus de la Belgique, notre voisine. C'est évidemment une menace très forte pour notre pays et, plus généralement, pour la sécurité internationale.

Il est très vite apparu que les législations nationales et les instruments juridiques internationaux ne permettaient pas de prévenir efficacement ce phénomène.

C'est dans ce contexte qu'a été adoptée, en septembre 2014, la résolution 2178 du Conseil de sécurité de l'ONU, qui impose aux Etats de « s'attaquer à la menace que représentent les combattants terroristes étrangers » en accélérant les échanges d'informations opérationnelles entre Etats et en pénalisant le fait de se rendre dans un Etat étranger pour commettre des actes terroristes ou s'entraîner.

Cette résolution est à l'origine du protocole que nous examinons aujourd'hui, qui en reprend les principales exigences. En particulier, le protocole impose de pénaliser la participation à un groupe terroriste, le fait de recevoir un entraînement à des fins terroristes, le fait de se rendre à l'étranger dans ce but, et aussi d'organiser, de faciliter ou de financer ces voyages.

Ces incriminations sont subordonnées au respect des droits de l'homme et d'un principe de proportionnalité.

Par ailleurs, le protocole impose aux Etats de désigner un « point de contact » pouvant être joint en permanence par ses homologues étrangers pour échanger des informations opérationnelles sur des combattants terroristes potentiels.

Quelles sont les conséquences de ces règles pour la France ? Elles sont en réalité faibles. La France a beaucoup étoffé sa législation anti-terroriste au cours des dernières années et satisfait déjà les exigences posées par le protocole.

En particulier, l'infraction d'« association de malfaiteurs terroristes » permet d'incriminer la plupart des comportements visés par le protocole, qui s'observent souvent dans le cadre d'un groupement ou d'une entente : entraînement, recrutement, organisation de voyages, etc.

Pour le cas où un individu isolé déciderait de partir combattre au Levant après s'être auto-radicalisé sur Internet par exemple, la France a créé une infraction d'« entreprise terroriste individuelle » qui permet de réprimer ces individus.

En fait, la principale « innovation » du protocole pour la France est la désignation du point de contact, dont le Gouvernement a précisé qu'il se situerait au niveau de l'Unité centrale de lutte contre le terrorisme (UCLT).

Ces conséquences de faible ampleur ne doivent pas nous laisser penser que le protocole n'a pas d'intérêt. En le ratifiant rapidement, la France incite ses partenaires à en faire autant. Parmi les 47 Etats du Conseil de l'Europe, beaucoup doivent encore faire progresser leur législation pour la mettre en conformité avec les obligations internationales.

Par ailleurs, en ratifiant le protocole, la France réitère son engagement dans la lutte contre le terrorisme.

Tout au long du quinquennat précédent, le Gouvernement a été dans une attitude de réaction plus que d'anticipation face au terrorisme. On peut en dire autant sur la prévention des flux de combattants terroristes étrangers. Le danger réside aujourd'hui principalement dans les retours sur le sol français de combattants terroristes étrangers aguerris, mus par la haine de la France et par l'obsession de porter le djihad sur le sol français. J'ai défendu devant l'Assemblée nationale la déchéance de nationalité pour les djihadistes, qu'ils soient mono-, bi- ou trinationaux. Ces personnes qui vomissent la France n'ont pas leur place dans la communauté nationale dont ils ont violé tous les principes.

Je pense que nous devrions nous inspirer de la rétention administrative pratiquée en Israël. Ce système, mis en oeuvre dans le strict respect du droit, a permis d'éviter de nombreux attentats et de diviser par dix le nombre de victimes. Ne laissons pas quelques terroristes profiter des failles de notre droit et durcissons notre législation à titre préventif.

Poursuivons aussi nos efforts pour impliquer nos partenaires européens ; ils commencent à payer. L'Union européenne est de plus en plus mobilisée sur ces questions. Après de multiples péripéties, elle a finalement adopté, en 2016, une directive sur la transmission entre Etats des données des dossiers passagers des transporteurs aériens (passenger name record, PNR). C'était une évolution indispensable pour pouvoir suivre les déplacements des terroristes dans l'espace Schengen ; la France en avait fait l'un de ses chevaux de bataille et a finalement eu gain de cause.

Et en mars 2017, l'Union européenne a adopté une directive sur la lutte anti-terroriste qui reprend les exigences du protocole en allant plus loin.

Je pense que cette dynamique est la bonne et qu'elle doit impérativement être soutenue. Les défaites militaires de Daech au Moyen-Orient ne doivent pas nous démobiliser.

C'est pourquoi je vous encourage à voter sans réserve en faveur de la ratification de ce protocole. Je vous remercie.

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