Intervention de Hélène Vainqueur-Christophe

Séance en hémicycle du jeudi 24 février 2022 à 15h00
Choix du nom issu de la filiation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHélène Vainqueur-Christophe :

Il est des lois qui changent les choses et ouvrent des perspectives. Il est des lois qui accompagnent le changement et répondent à des besoins exprimés et non encore assouvis. Assurément, ce texte relève de la deuxième catégorie. Il s'inscrit à cet égard dans le cours d'une évolution. Il vient parachever un travail législatif commencé au début des années 2000.

La loi du 4 mars 2002 relative au nom de famille, adoptée sous le gouvernement Jospin, a supprimé la transmission automatique et exclusive du nom du père à l'enfant. Elle a permis aux parents de choisir le nom de famille de l'enfant : soit le nom du père, soit celui de la mère, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux. Jusqu'à cette loi, l'enfant légitime portait obligatoirement le nom de son père dans seulement trois pays européens : la Belgique, la France et l'Italie.

Par la suite la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe a été un peu plus loin puisqu'en cas de désaccord entre les parents, l'enfant peut porter les noms des deux parents accolés par ordre alphabétique. Initialement, le projet de 2013 prévoyait que les deux noms de famille accolés soient la règle, non seulement en cas de désaccord entre les parents, mais aussi lorsque ceux-ci négligeraient d'indiquer expressément à l'officier de l'état civil leur volonté de ne transmettre que l'un des deux noms de famille.

L'évolution sociale passe aujourd'hui par le droit au respect de la vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, et par le principe de non-discrimination figurant dans son article 14. La Cour européenne des droits de l'homme a eu l'occasion d'affirmer que le nom était un élément d'identification de la personne et qu'à ce titre, il se rattachait bien à sa vie privée et familiale. Le fait que l'État soit en mesure d'en réglementer l'usage ne retire rien au fait que le nom patronymique est d'abord un élément essentiel de la relation de l'individu avec ses semblables. Il ne fait guère de doute que la liberté du choix du nom a progressé en Europe et peut encore le faire dans notre pays.

Le présent texte ne bouscule pas le cadre actuel, mais lui donne de la souplesse, permettant de concilier la possibilité d'une évolution personnelle avec la stabilité que requiert l'identité des personnes. En ce sens, il modifie la donne de façon raisonnable et équilibrée.

L'article 1er donne le droit à toute personne majeure de porter, à titre d'usage, le nom de famille du parent qui ne lui a pas transmis le sien, par substitution ou adjonction à son propre nom, dans l'ordre qu'elle choisit, dans la limite d'un nom de famille pour chacun des parents. Ce droit est ouvert pour les enfants mineurs, et sera exercé par les titulaires de l'autorité parentale.

L'article 2 prévoit que, par demande faite à l'officier de l'état civil dépositaire de son acte de naissance, toute personne majeure pourra changer de nom, par substitution ou adjonction à son propre nom du nom de famille du parent qui ne lui a pas transmis le sien, dans l'ordre choisi par elle, dans la limite d'un nom de famille pour chacun des parents. Quant à l'article 3, supprimé, il prévoyait les conditions d'exercice de cette faculté pour les majeurs protégés.

Le présent texte va dans le sens de la responsabilité et de la liberté des parents. Il facilitera le changement de nom des enfants, qui ne rencontreront pas de difficulté majeure et éviteront un parcours parfois long, amer ou humiliant, s'ils veulent faire correspondre leur identité patronymique avec celle des parents aimants. Le texte complète un mouvement législatif auquel les députés socialistes et apparentés ont contribué et souscrivent.

Heureusement, après les débats au Sénat, l'Assemblée a le dernier mot. Certains des amendements défendus par le groupe Socialistes et apparentés en première lecture ont été adoptés. Ce texte constitue donc pour nous un nouveau point d'équilibre.

Les membres de notre groupe le voteront car il répond à une évolution sociale – certains diraient sociétale –, règle des situations personnelles et familiales difficiles et garantit mieux un droit au nom patronymique, élément de la vie privée et familiale.

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