En cette journée dramatique pour la paix en Europe, où nos travaux pourraient paraître plutôt anodins, permettez-moi d'avoir une pensée émue et solidaire pour le peuple ukrainien. En continuant à vivre sous les bombes, il nous donne la mesure de son courage. En continuant à faire fonctionner notre démocratie, ici, c'est à la leur, menacée, que nous pensons.
Un nom, c'est une histoire personnelle et familiale résumée en un seul mot. Chaque Française, chaque Français porte un nom. C'est en vérité l'une des rares choses universelles. À une époque, on utilisait des adjectifs, des métiers, des lieux de vie ou le prénom du père. Au fil des siècles, ces appellations se sont pérennisées. Les noms reflètent la grande histoire de France, son influence, son expansion, sa diversité.
Le nom est présent à chaque instant de notre vie, à chaque étape de notre existence. Il est cette ombre fidèle qui nous suit partout mais nous enveloppe aussi parfois de sa part plus sombre, celle que l'on aimerait oublier. En effet, le nom peut être une forme d'injustice, une inégalité cruelle du destin, conséquence d'un droit trop indifférent aux histoires familiales les plus tragiques. Il nous revient à nous, législateurs, de répondre à cette injustice.
La présente proposition de loi s'inscrit pleinement dans cette direction et vise à promouvoir un nouvel équilibre sans détricoter les règles directrices du code civil. Aussi, je tiens à saluer le travail de notre rapporteur. J'en profite pour vous remercier, monsieur le ministre, pour votre esprit d'écoute, que vos équipes partagent. Vous avez démontré que faire de la politique, ce n'est pas seulement savoir convaincre, mais aussi savoir écouter.
Si certains ont la chance de porter leur nom comme une fierté, d'autres le traînent comme un fardeau. Le nom est un héritage et pour certains, c'est un héritage maudit, dont on ne peut se défaire qu'après avoir entamé des démarches éprouvantes.
Comme vous, j'ai entendu de nombreux témoignages, parfois de personnes qui me sont très proches – je pense à ma mère. J'ai écouté et ressenti la souffrance et l'incompréhension que beaucoup éprouvent ou ont éprouvé au plus profond de leur âme. Elles ne peuvent être passées sous silence. Derrière chaque nom se cache une histoire avec, pour certains, ses pages douloureuses. Or, porter le nom d'un père violent, absent ou qui n'en a jamais été un ne devrait pas être une fatalité. Ces situations sont suffisamment dramatiques ; comment, en plus, infliger une double peine aux enfants concernés, en les contraignant à garder le nom de celui qui n'a pas su être un père ?
Je le rappelle, cette proposition de loi n'a pas vocation à transformer les règles de dévolution du nom de famille. Au cours de nombreux débats tant en commission que dans cet hémicycle, Gouvernement et parlementaires ont toujours eu à cœur de répondre à l'enjeu de stabilité. Il ne s'agit pas ici de s'inventer un nom et donc une vie, ni de détruire ce qui relie les familles. Au nom de la défense des principes actuels de dévolution du nom de famille, nous avons assisté parfois à quelques récupérations politiciennes ; je le regrette.
Nous l'avons vu, le nom est ce qui nous relie à notre famille. Historiquement, il reliait chacun à la seule branche paternelle, mais c'était à une époque où les femmes n'étaient pas considérées légalement comme les égales des hommes. Nos débats ont fait ressortir chez certains une telle conception de la famille, que je ne partage pas. Il est légitime que les changements suscitent des inquiétudes sur le plan juridique et il est de notre devoir d'y répondre, mais il est incompréhensible de remettre en cause ce texte par pure idéologie.
Dans cette maison des citoyens, où nous avons l'honneur de siéger depuis cinq ans – et siégerons encore pour quelques jours –, j'aimerais citer une ultime fois Portalis : « Les lois civiles sont faites pour les hommes, et non les hommes pour les lois ». Ces mots sont forts et, des siècles après avoir été écrits, prennent pleinement leur sens à la lecture de cette proposition de loi, car ils sont notre réalité : la vocation du code civil est de faciliter la vie de nos concitoyens et toute la vocation de notre travail de parlementaire est d'adapter les règles d'une société à son temps et non l'inverse. Nous avons la possibilité de corriger une inégalité de destin grâce à la loi. Saisissons-la ! Le code civil n'est pas un texte sacré. Oui, il faut le stabiliser, mais nous devons aussi l'adapter à la réalité de notre temps.
Aussi suis-je fière de m'engager sur ce texte de progrès qui en plus de simplifier la situation, offre de nouvelles libertés. Il constitue un progrès, d'abord parce qu'il simplifiera la procédure de changement de nom sans en dévoyer la portée symbolique. L'objectif n'est pas de permettre à chacun de se livrer à des fantaisies, mais simplement de lui permettre de prendre le nom de l'autre parent. Ce texte marque également un progrès parce qu'il permettra à l'enfant d'adjoindre le nom de la mère à celui du père, à titre d'usage. Par cette mesure, nous mettons fin à des situations insupportables.
Plus que jamais, le groupe Agir ensemble est fier des avancées permises par ce texte et des valeurs qu'il défend tant pour l'intérêt des familles que celui des enfants. Nous voterons donc en sa faveur.