Intervention de Étienne de Poncins

Réunion du mercredi 4 mai 2022 à 15h00
Commission des affaires étrangères

Étienne de Poncins, ambassadeur de France en Ukraine :

Certains nous ont suivi, presque heure par heure. Ainsi, mon collègue italien, lorsque nous avons décidé de nous relocaliser à Kiev, y est arrivé deux heures après moi. Les Britanniques et les Américains étaient partis bien avant nous en Pologne, de même que le délégué de l'Union européenne. En réalité, nous n'étions qu'un noyau dur présent à Lviv : seuls six États membres de l'Union – la Hongrie, deux États baltes, la Croatie, l'Italie et la France – étaient représentés à Lviv.

Après sept semaines à Lviv, nous avons considéré après analyse approfondie qu'il était possible de retourner dans la capitale, dès lors qu'il était avéré que les Ukrainiens avaient gagné la bataille de Kiev et que la ville n'était plus sous la menace de l'artillerie – la menace que représentent les tirs de missiles existe aussi bien à Lviv qu'à Kiev et nous avons considéré, avec Paris, qu'elle était acceptable. J'ai été très heureux de cette décision, qui nous a permis de revenir à Kiev le 15 avril et de rouvrir notre ambassade le lendemain. Là encore, nous avons servi de boussole à nos partenaires : beaucoup nous ont rejoints dans les jours qui ont suivi et trente-deux ambassades sont aujourd'hui ouvertes dans la capitale ukrainienne. Si nous sommes partis parmi les derniers de Kiev et revenus parmi les premiers, nous n'avons cependant pas été les plus présents : ainsi, mon collègue polonais n'a jamais quitté la ville, signe de l'attachement de la Pologne à l'Ukraine – à vrai dire, il est le seul représentant d'un État membre de l'Union européenne à n'être jamais parti.

Désormais, nous nous organisons autour d'un noyau dur de volontaires et nous menons à nouveau une activité soutenue à Kiev. À notre retour, le 15 avril, le contraste avec Lviv était assez fort car la capitale était déserte – par ailleurs nous avions dû passer par Irpin, un moment très impressionnant, avec tous ces chars détruits. Le centre névralgique de la ville, qui abrite les bâtiments de la présidence, la Rada et la rue Bankova, est très protégé : c'est une sorte de « zone verte », par analogie avec la situation en Irak, avec beaucoup de checkpoints. Mais lorsque je l'ai quittée la semaine dernière, la capitale avait déjà un peu repris son visage habituel : quelque 500 000 habitants y rentrent chaque jour et, malgré les menaces, la vie reprend doucement.

J'en viens aux missions que nous menons, pendant cette guerre, en tant qu'ambassade. Notre choix de rester dans le pays a été mis à notre crédit et nous avons poursuivi dans de bonnes conditions notre travail politique, diplomatique et de contact avec les autorités ukrainiennes, même si, logiquement, certains circuits sont devenus plus directs : le Président de la République n'a plus besoin de nous pour appeler le président Zelensky, avec lequel la relation est quasi quotidienne. En outre, le fait de mener sur place notre travail d'analyse politique est un atout considérable, puisque nous sommes au contact direct de nos interlocuteurs.

Notre deuxième mission, qui a été très prenante, était de permettre à la communauté française de quitter le pays. Alors que les listes consulaires comptaient 1 000 inscrits, nous nous sommes aperçus que les Français vivant en Ukraine étaient à peu près 1 700 : beaucoup d'entre eux se sont manifestés au début de la crise. Avec l'aide du centre de crise et de soutien du Quai d'Orsay, qui a pris le relais, nous avons fourni une aide au départ – en réalité, surtout des conseils, car c'est cela que nos compatriotes attendaient de nous. À mon grand étonnement, je me suis aperçu que les trains fonctionnaient très bien, y compris depuis Kharkiv ou Tchernihiv et dans les villes bombardées : nous avons donc conseillé à nos compatriotes de prendre le train et c'est par ce moyen que nombre d'entre eux ont quitté l'Ukraine – même si les gares étaient surchargées, il restait des places. Pour les situations plus difficiles, nous avons mis en place, par l'intermédiaire de prestataires ukrainiens toujours opérationnels sur le terrain, un système de bus et de navettes au profit de la communauté française et des ayants droit au sens large. De l'autre côté de la frontière, ces derniers étaient accueillis par des agents et collègues du ministère des affaires étrangères, venus sur place pour faciliter le passage. C'était un gros travail, assez compliqué, mais le Quai d'Orsay a de l'expérience en la matière.

Globalement, nos compatriotes ont pu quitter l'Ukraine, même si certaines situations étaient plus difficiles à gérer que d'autres. Cette mission est maintenant achevée.

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