Intervention de Étienne de Poncins

Réunion du mercredi 4 mai 2022 à 15h00
Commission des affaires étrangères

Étienne de Poncins, ambassadeur de France en Ukraine :

Non, aucun. Certains Français ont passé plusieurs jours dans des conditions difficiles sous les bombardements à Soumy ou Tchenihiv par exemple. Même si nous ne pouvions rien faire directement dans l'immédiat, nous restions en contact avec eux, ce qui était très précieux : ils savaient que nous ne les oubliions pas et que nous leur enverrions dès que possible un petit autobus pour les récupérer.

Notre troisième mission, toujours en cours, concerne l'aide humanitaire et le soutien militaire, auxquels s'ajoutera bientôt la reconstruction. Là encore, le fait d'être restés dans le pays est un gage d'efficacité pour le travail de l'ambassade. Du fait de l'élan de solidarité qui se manifeste dans le monde entier, les Ukrainiens sont submergés d'aides et ne vont donc chercher que celles dont ils ont vraiment besoin. En la matière, l'équipe de l'ambassade et moi-même nous chargeons en quelque sorte de la diplomatie du premier et du dernier kilomètre.

Ainsi, le transfert de l'ambassade à Lviv nous a permis d'être en contact journalier avec le service ukrainien de la sécurité civile (SESU), qui y avait été délocalisé. Dès le 7 mars – « diplomatie du premier kilomètre » –, j'ai rencontré mon interlocutrice habituelle, la vice-ministre chargée de ces questions, qui m'a dressé une liste très précise des équipements dont l'Ukraine avait besoin. Je pense par exemple à des échelles de 40 mètres – dans les années 1990, on a construit des immeubles plus élevés que les traditionnels bâtiments soviétiques à quatre étages bâtis à l'époque de Khrouchtchev, mais le parc de camions de pompiers n'a pas été adapté et la sécurité civile ne peut pas évacuer les occupants de ces immeubles s'ils sont bombardés – ou encore à des équipements de désincarcération. De ce fait, nous avons pu transmettre à Paris dès le 7 mars une liste très précise des besoins ukrainiens. Le centre de crise et de soutien du Quai d'Orsay alors rassemblé, avec les collectivités locales, les équipements demandés et a organisé des convois pour les acheminer en Ukraine. Et, dès le 18 mars – « diplomatie du dernier kilomètre » – j'ai pu réceptionner ces convois à Tchernivtsi dans le sud-ouest de l'Ukraine et communiquer autour de cet événement.

Nous avons toujours fonctionné ainsi. En l'occurrence, le goulet d'étranglement, pour les Ukrainiens, est qu'ils ont du mal à trouver les chauffeurs pour aller chercher ces camions de pompiers ou autres. Nous sommes en mesure d'acheminer ces véhicules jusqu'à la frontière roumaine mais, pour des raisons de sécurité, nos conducteurs ne la franchissent pas. Puisque les chauffeurs ukrainiens sont occupés à de nombreuses autres activités, notamment militaires, ils ne vont chercher que ce dont ils ont besoin – ils iront récupérer le reste, stocké dans des entrepôts en Pologne, lorsqu'ils en auront le temps. Aussi le fait d'être sur place, aux deux extrémités de la chaîne, a-t-il constitué un gage d'efficacité de notre action.

Nous avons apporté à l'Ukraine 100 millions d'euros d'aide humanitaire, 615 tonnes d'équipements, cinquante véhicules d'urgence, des ambulances et, en matière financière, 300 millions d'euros de prêts de l'Agence française de développement.

Vous comprendrez aisément que je parle moins de notre soutien militaire. Évidemment, à Lviv, le contact direct avec nos interlocuteurs constituait là encore un atout formidable.

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