Je tiens aussi à vous rendre hommage, ainsi qu'à toute votre équipe, monsieur l'ambassadeur. Vous avez su protéger les Français et garder des liens très forts avec le gouvernement ukrainien pour préserver le niveau de nos relations diplomatiques et apporter le soutien important et pertinent que vous avez décrit.
Vous avez parlé d'anticipation et de préparation du côté français. Il me semble que cela dépend un peu de ce que l'on entend par ces termes. Le départ des Français a certainement été anticipé et préparé – d'ailleurs, vos propos me font penser à ce que nous avait dit l'ambassadeur de France en Afghanistan. En revanche, ce qui s'est passé a surpris tout le monde ici. Le fait que le patron du renseignement militaire français ait été récemment remercié ne signifie pas, me semble-t-il, qu'on ait été ravis de l'anticipation réalisée. Par ailleurs, le Président de la République, qui a tout essayé jusqu'au dernier moment, a lui-même dit qu'il pensait s'être fait avoir. Hormis s'agissant de votre propre travail sur place, parler de préparation et d'anticipation paraît donc un peu surprenant.
Cette guerre change beaucoup de choses sur le plan géopolitique, c'est évident. Certaines relations se sont un peu transformées. Celle avec la Turquie est assez différente maintenant – les Turcs avaient déjà livré du matériel avant le déclenchement du conflit et deux de leurs avions sont restés à Kiev – et il en est de même avec l'Azerbaïdjan. Qu'en est-il concernant la Chine ? Nous devrions prendre conscience que si nous sommes très dépendants de la Russie – même si c'est peut-être dans une moindre proportion que d'autres pays – nous le sommes encore davantage de la Chine, qui entend exporter, sur le plan planétaire, un modèle également très inquiétant.
Par ailleurs, je reprends à mon compte les questions du président Bourlanges sur ce qui se passe à l'intérieur de la société ukrainienne.
Enfin, pour ce que j'en sais, il me semble que les buts de guerre ont un peu évolué. La Russie n'a certes pas réussi à faire tout ce qu'elle voulait, mais elle aurait également décidé, puisque nous aidons l'Ukraine, d'aller un peu plus loin que prévu au départ en envahissant tout le sud-est de l'Ukraine, pour pouvoir relier toutes les populations russophones, y compris en Transnistrie. Le confirmez-vous ? La guerre pourrait dès lors durer beaucoup plus longtemps qu'on le pensait – on parle désormais de quatre ans.