Des questions reviennent sur la place de la gendarmerie dans ce qui était autrefois appelé le continuum paix-crise-guerre. En effet, les armées ont évolué en matière de doctrine sur les items évoqués aujourd'hui. Il ne s'agissait pas pour moi de dire que nous adoptions désormais cette formulation. Cependant, nous nous inscrivons pleinement dans ce que définit le chef d'état-major des armées. Des actions menées par des mafias ou des groupes criminels sur le territoire national peuvent aujourd'hui déstabiliser l'État ou la société. Nous devons par conséquent apporter des réponses d'un point de vue juridique. Il faut être capable de détecter et de traiter ces actions par des opérations judiciaires.
La gendarmerie représente une présence territoriale, de proximité, auprès des citoyens dans la profondeur des territoires. La gendarmerie compte 3 100 brigades d'hommes et de femmes qui œuvrent comme capteurs. L'axe prioritaire des gendarmes porte aujourd'hui sur la proximité vis-à-vis des élus, notamment des maires. Nous apportons des réponses de proximité. J'en profite pour répondre à la question de M. Batut sur le renseignement : nous contribuons au renseignement par cette captation tous azimuts. Le service central de renseignement territorial mène une analyse, en liaison avec la gendarmerie. Au sein du service central de renseignement territorial (SCRT), des gendarmes sont présents. Ils œuvrent donc comme une force d'analyse au niveau local pour des services de renseignement qui mènent l'analyse au niveau national, départemental, régional et national. Nous en assurons la continuité.
S'agissant de nos opérations, j'ai fait référence à un système otanien. Les J2 sont les femmes et les hommes sur le terrain qui contribuent à capter l'information et le renseignement dans le cadre de nos missions et de nos actions. Ainsi, dans les opérations récentes de maintien de l'ordre en Nouvelle-Calédonie, un J2 était présent pour contribuer à l'anticipation opérationnelle au profit des forces de gendarmerie, sous l'autorité du préfet, en liaison avec le service départemental de renseignement territorial. La Gendarmerie, aujourd'hui, est une force de contact, une force de proximité dans la profondeur des territoires. L'axe principal de notre action, c'est la proximité, le contact, la continuité et la présence de terrain. J'ai rappelé dans mon propos introductif que nous percevons une certaine fragilisation de la société. Le rôle essentiel du gendarme réside dans cette présence rassurante de contact.
Je remercie M. Chassaigne pour ses propos sur la réalité à laquelle nous sommes confrontés. Il ne s'agit pas de dire qu'il est bien ou mal de posséder des armes. Disposer d'une meilleure visibilité sur la circulation des armes est en revanche important. Vous évoquez des problématiques sur les fichiers et l'accès à Agrippa. Il est nécessaire que nous nous attachions à la comptabilisation et au recensement des armes. Il faut également développer les systèmes d'interconnexion, y compris au niveau européen.
Au quotidien, les gendarmes prennent en compte des problématiques locales pour les traiter. En tant que capteurs permanents de ce qui se passe sur le territoire, nous sommes en mesure de détecter des signaux faibles, ensuite traités par des services mieux armés que nous pour le faire.
Nous évoquions la présence de groupes étrangers sur le territoire national et la déstabilisation qu'ils peuvent entraîner. Il ne revient pas à la gendarmerie de traiter cette problématique mais à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Nous y contribuons par l'interconnexion avec les différents services. La place de la gendarmerie est reconnue et nous travaillons en parfaite complémentarité avec tous les grands services de renseignement et les services judiciaires. La DGGN, avec sa sous-direction de la police judiciaire, et la direction de la police judiciaire de la police nationale, travaillent ensemble sur les mêmes dossiers en co-saisine. La gendarmerie assure une présence sur 96 % du territoire pour un peu plus de 52 % de la population. Plus d'un Français sur deux est rattaché à une zone gendarmerie. Nous menons chaque jour un effort de proximité et de contact rassurant vis-à-vis de la population.
Si les choses devaient évoluer de façon dramatique sur le territoire national, nous reviendrions aux concepts de paix, crise, guerre. Nous sommes en mesure de basculer par la force armée vers des approches beaucoup plus militarisées dans l'action. Nous revenons par exemple aujourd'hui sur les problématiques de défense opérationnelle du territoire (DOT) en lien avec les armées. Le modèle de la gendarmerie n'est pas remis en cause. Nous nous donnons des moyens d'action novateurs au contact de la population, avec une réforme de notre gestion de crise au niveau national, qui se répercute à l'échelle des zones et des départements.
Permettez-moi de revenir rapidement sur deux grands thèmes.
Nous avons abordé la réaction aux menaces cyber et numériques. Vous auditionnerez la semaine prochaine le général Marc Boget, qui dirige le COMCyberGend. Le commandement du cyber de la gendarmerie n'est pas destiné à bloquer des actions étrangères d'influence sur le territoire national. C'est là le rôle de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), qui travaille en lien avec la DGSI. Le commandement du cyber à la gendarmerie mène des actions dans le cyber, notamment des actions préventives. Vers qui se tourne aujourd'hui un citoyen victime d'hameçonnage ? L'ANSSI est une agence remarquable, mais elle travaille à la défense des intérêts majeurs de l'État. Nous travaillons quant à nous au profit du citoyen, des entreprises et nous consacrons à un effort de pédagogie afin de sensibiliser les entreprises sur les risques de hacking par rançongiciels. L'action du COMCyberGEND se situe donc dans la prévention et la pédagogie. Le traitement judiciaire de ces affaires relève d'un travail effectué au sein du ministère de l'Intérieur, avec les forces de police nationales qui s'organisent à leur niveau. Nous devons, en outre, prendre en compte les mutations de la cybercriminalité. Aujourd'hui, l'espace numérique est utilisé par la criminalité organisée. Le cyber offre par exemple des services aux groupes criminels. Leurs données sont hébergées dans le cyber ; des moyens leur sont fournis, comme la crypto. Le cyber est un outil formidable, mais il peut être mal utilisé, notamment pour la fourniture de moyens particuliers. Il existe une réelle complémentarité entre l'ANSSI, la gendarmerie et la police nationale sur ces sujets. Il y a de la place pour tout le monde sur ce sujet.
Concernant le renforcement de nos capacités d'action, la gendarmerie mobile compte aujourd'hui 109 escadrons employés au rythme de 68 escadrons par jour. Entre 21 et 23 escadrons sont chaque jour déployés sur les problématiques liées aux outremers. À Mayotte, en Guyane, aux Antilles, une présence quasi permanente de gendarmes mobiles est nécessaire. Dans le cadre du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur, il est envisagé le renforcement des unités de force mobiles. Le Président de la République l'a d'ailleurs annoncé. Nous verrons le nombre d'escadrons de gendarmerie mobiles qui pourront être recréés au sein de la gendarmerie nationale. La Gendarmerie nationale et les préfets peuvent aujourd'hui compter sur une réserve nationale, qui est la gendarmerie mobile. Les gendarmes mobiles interviennent au quotidien sur des problématiques de maintien de l'ordre mais également de sécurisation des espaces.
S'agissant du retour d'expérience mentionné par M. Chassaigne, le travail d'information et de renseignement est fourni par les gendarmes.
J'ai abordé les problématiques liées aux actions et fichiers. Les interconnexions constituent quant à elles un sujet majeur aujourd'hui, notamment pour le travail en mobilité. Pour être efficaces, les gendarmes s'appuient sur des outils afin de travailler en mobilité et de s'affranchir d'un retour à la brigade pour y consulter les fichiers. Ces mesures se mettent actuellement en place. La gendarmerie travaillera complétement en mobilité. La gendarmerie sera de plus en plus hors les murs, selon une logique de pas de porte, en allant vers les personnes. Demain, nous serons en mesure de recueillir les plaintes au domicile. Nous envisageons des brigades totalement mobiles, avec des systèmes qui restent à imaginer. Celles-ci pourraient par exemple s'appuyer sur des véhicules de type camping-cars, qui feraient le tour de toutes les communes d'un canton dans la journée pour prendre les plaintes et iraient au contact des élus sans avoir à revenir à la brigade. Il ne s'agit pas d'un avenir lointain. Ces outils sont en effet en cours de production au sein de la gendarmerie. Des expérimentations arriveront prochainement dans vos territoires.
Monsieur Chassaigne, le retour d'expérience nous permet aussi de nous regarder. Sur l'affaire de Saint-Just, qui est comme vous l'avez rappelé un véritable drame, ce retour d'expérience consiste à faire l'état d'une gendarmerie face à des individus qui, selon les termes du directeur général, peuvent complètement « dégoupiller », et se retrouver dans des situations extrêmes par rapport aux gendarmes. Y sommes-nous véritablement préparés ? La gendarmerie applique-t-elle réellement tous les moyens pour le faire ? Ce sont les questions que nous nous posons. Le gendarme doit être capable de faire face partout. À Saint-Just, la compagnie d'Ambert était confrontée à très peu de faits criminels. Pourtant, c'est là que le drame s'est produit. Nos gendarmes doivent donc être aguerris face à de telles situations.
Les hommes et les femmes de notre gendarmerie sont des hommes et des femmes de notre société et de notre temps. Aujourd'hui, nos jeunes ignorent ce qu'est la mort. Parfois, les gendarmes découvrent leur premier mort dans le cadre de leur travail dans les brigades. Qui plus est, ils y sont confrontés de façon très violente. Leur expérience se construit sur le terrain en permanence. Pour aguerrir les femmes et les hommes à ces situations, la gendarmerie doit les épauler. Elle doit assurer leur soutien psychologique. Des efforts de soutien en direction des familles et des gendarmes sur le terrain sont ainsi poursuivis. Enfin, le retour d'expérience implique de s'interroger sur les équipements, les matériels, ou la professionnalisation des PSIG. Ce que nous mettons en place n'est pas une transformation de la gendarmerie pour redéfinir un nouveau modèle. Le modèle reste celui de la proximité, de la maîtrise des territoires, du contact avec la population, du lien renforcé avec les élus. Les processus et les dispositifs sont cependant évolutifs afin de s'adapter aux menaces actuelles.
La gendarmerie est très impliquée dans les dispositifs liés aux menaces qui peuvent porter sur la coupe du monde de rugby et les jeux olympiques. Le ministère de l'Intérieur est à la manœuvre sur ces sujets. Un service national de sécurité des Jeux olympiques, la coordination nationale pour la sécurité des jeux olympiques (CNSJ), prend en compte la sécurité des jeux de 2024. La CNSJ a déjà commencé à travailler sur ces sujets avec comme préfiguration la coupe du monde 2023 de rugby, sous l'égide du préfet Ziad Khoury. Nous contribuons à la réflexion et à l'analyse des risques potentiels pour ces grands événements. Le risque terroriste, le risque NRBC et le risque cyber sont pris en compte. Un centre de renseignement sera mis en place au sein de la CNSJ pour ces événements particuliers.
À ce sujet, nous disposons au sein du GBGM à Satory d'une force nationale NRBC permanente avec 15 ETP, 15 militaires dans cette force, pouvant bénéficier de 800 formateurs relais sur le terrain au niveau national. Au niveau de l'ordre public et de la protection, nous pouvons compter sur un groupement tactique de deux escadrons par zone de défense, pour intervenir en cas de crise sur des problématiques NRBC. En matière de contre-terrorisme, le GIGN dispose d'une cellule NRBC lui permettant d'intervenir dans tous les milieux, du nucléaire au chimique, en totale autonomie, pendant des durées relativement longues. Le GIGN est aujourd'hui la seule unité au monde capable de travailler plus de quarante minutes en milieu vicié.
Au niveau de la police judiciaire, nos offices centraux travaillent sur les problématiques NRBC, notamment l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP), mais aussi l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN). Le COMCyberGEND travaille à la détection de certains trafics dans le cyber, par exemple afin d'identifier les stockages de corps contaminés revendus sur internet. La sous-direction de l'anticipation opérationnelle (SDAO) collecte également des informations sur les sujets NRBC pour le SCRT.
Le dispositif est donc très étoffé, il est capable de travailler en interopérabilité avec le DCI-IT du ministère de l'Intérieur et les armées.