La prévôté est apparue au Moyen Âge avec l'exercice de la justice dans l'environnement des armées. Sa mission fondatrice est exclusivement confiée à la gendarmerie nationale. Elle en constitue l'ancrage militaire le plus ancien. Le champ de compétence et l'organisation de la prévôté ont évolué régulièrement au cours des siècles. Depuis une dizaine d'années, la volonté du législateur de voir appliquée aux armées une judiciarisation adaptée à l'évolution de leur cadre d'action a conduit à l'évolution de la justice militaire et corrélativement de la fonction prévôtale. Placées sous l'autorité organique du commandement de la gendarmerie prévôtale, les unités prévôtales, actuellement déployées sur treize théâtres, relèvent de trois autorités distinctes. Les missions, qui y sont exercées par les prévôts, relèvent prioritairement de la police judiciaire aux armées. Elles s'étendent également à la police générale, à l'appui des forces et aux renseignements intéressant leur sécurité.
Les prévôtés sont armées par des officiers et des sous-officiers majoritairement issus de la gendarmerie départementale. Rigoureusement sélectionnés dans ce vivier, les prévôts reçoivent une formation complémentaire qui les prépare à l'exercice de l'ensemble de leur mission, dans des conditions souvent très rustiques comme c'est le cas actuellement dans la bande sahélo-saharienne.
Chaque année, 140 officiers et sous-officiers, formés à l'exercice de la mission prévôtale sont envoyés à l'étranger pour une durée moyenne de quatre mois. Ils acquièrent ainsi, aux côtés de nos armées, une expérience précieuse du temps de guerre ou, tout du moins, de conditions extrêmement dégradées qui renforcent leur aptitude à aborder les situations les plus critiques sur le territoire national. Parallèlement aux récentes évolutions de la justice militaire, le concept d'emploi et l'organisation de la prévôté ont été rénovés pour répondre aux exigences d'une judiciarisation adaptée au contexte et aux modalités des opérations extérieures.
Organisé dès le Moyen Âge autour du triptyque connétables, maréchaux, prévôts, l'exercice de la justice dans l'environnement des armées a toujours été prégnant. Vous évoquiez, Madame la présidente, un édit de 1373 dans lequel le roi Charles V mentionnait la fonction du prévôt des connétables qui était de connaître : « les crimes et les maléfices qui se commettent dans les armées par les gens de guerre ». Pour autant, la prévôté a vu évoluer cette mission prioritaire au fil des siècles ainsi que les conditions dans lesquelles elle l'exerce. Aujourd'hui, les prévôts sont chargés de constater les infractions commises par ou contre les forces armées françaises et les personnes placées à leur suite, ou à l'encontre de leurs établissements et de leurs matériels, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs. Dans ce cadre, en qualité d'officiers de police judiciaire des forces armées, ils ont vocation à connaître l'initiative et à signaler aux autorités militaires, les infractions de droit commun rattachables ou non au service ; les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation ; et les violations du droit international humanitaire susceptibles d'engager la responsabilité individuelle d'un militaire, de sa hiérarchie ou d'entacher l'image des armées et de la France.
Dans son message aux armées du 19 mai 2012, le Président de la République rappelait que « nos militaires qui assurent la protection de la nation méritent en retour que la nation les protège, notamment d'une judiciarisation inutile de leur action ». Prolongeant les orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013 comporte ainsi des dispositions significatives pour l'évolution du traitement pénal des affaires militaires.
Placées sous le commandement opérationnel du chef d'état-major des armées, lorsqu'elles sont déployées sur les théâtres, les unités prévôtales relèvent de trois autorités distinctes. Il coexiste ainsi une chaîne organique avec le commandement de la gendarmerie prévôtale qui sélectionne la ressource, la forme et la projette. Ce dernier, en liaison avec les armées, supervise et contrôle l'activité des brigades, centralise et exploite les remontées d'information, coordonne l'action des capacités judiciaires, en lien étroit avec les magistrats spécialisés du tribunal judiciaire de Paris, dans le cadre du traitement des dossiers les plus complexes et les plus sensibles.
On distingue également une chaîne d'emploi opérationnelle avec le commandant militaire des forces dans lesquelles sont insérées les unités prévôtales. Ainsi, comme tout soldat employé sur le théâtre, le prévôt est soumis aux règles d'engagement et aux mesures particulières de comportement et de protection édictées par l'autorité militaire dont il dépend. Par ailleurs, il existe une chaîne fonctionnelle avec les magistrats spécialisés pour l'exercice de la police judiciaire aux armées, en l'occurrence la section AC3.
Il existe deux types d'unités élémentaires : les prévôtés permanentes adossées aux forces militaires françaises de présence à l'étranger (Djibouti, Gabon, Sénégal, Côte d'Ivoire, en Allemagne et aux Émirats arabes unis), et les prévôtés de circonstances, déployées dans le cadre d'opérations extérieures comme c'est le cas au Mali, au Tchad, au Niger, en Jordanie, au Liban, en Centre-Afrique et en Lituanie. Dans ces deux types d'unités, les prévôts exercent leur mission de police aux armées, articulée autour d'activités de police judiciaire, administrative et militaire. L'éventail des missions dévolues aux prévôts sur les théâtres en fait de véritables couteaux suisses. Les prévôts, outre leur mission prioritaire de police militaire, exercent en effet des missions diversifiées et singulières à l'étranger au profit des forces armées qu'ils accompagnent. Il s'agit principalement de l'exécution d'actes de police générale, de l'appui administratif aux forces armées et d'une contribution à la recherche de renseignements auprès des forces de sécurité locales. Le maintien de l'ordre, le contrôle de foule, la circulation de défense ou la gestion de personnes retenues par la force ne relèvent pas de la prévôté a priori. Toutefois, les prévôts peuvent apporter leurs concours en termes de conseils, d'expertises, d'appoints ponctuels aux militaires auxquels ces missions sont confiées prioritairement. S'agissant de la police judiciaire aux armées, lorsque des actes délictuels ou criminels sont susceptibles d'avoir été commis par des militaires français et dont la portée nuirait grandement aux valeurs nationales ou internationales, la présence des prévôts officiers de police judiciaire aux armées permet de conduire des investigations judiciaires adaptées au contexte sous la direction d'un magistrat spécialisé. Dès lors qu'ils agissent en qualité d'enquêteurs judiciaires, ils deviennent indépendants de l'autorité militaire qui doit pour autant les appuyer. Cette mission prend alors le pas sur toutes les autres.
À la demande de l'autorité militaire, la prévôté peut également être sollicitée pour des missions de police générale qui ont pour finalité de prévenir les incidents et les troubles à l'ordre public impliquant des militaires. Dans ce cadre, elle intervient à l'occasion d'incidents pour lesquels la responsabilité de l'État français ou de soldats pourrait être engagée. Elle peut également participer au contrôle des lieux publics et au respect des consignes de sécurité imposées par les règlements militaires. Enfin, elle appuie la force à travers différents types d'action : des constatations de contentieux divers ; l'appui à l'officier d'état civil dans le cadre du traitement des affaires mortuaires ; des actions de formation au profit des forces locales de la sécurité intérieure ; et la participation à des escortes sensibles.
S'agissant du renseignement, l'autorité militaire peut confier à la prévôté la mission d'entretenir des relations régulières avec les autorités et les forces de sécurité intérieure locales. En effet, ces relations sont parfois susceptibles de prévenir des atteintes à la sécurité des militaires et de leurs emprises. Les informations collectées dans le cadre de ces échanges, ainsi que par les contacts entretenus avec les élus et la population locale dans la zone de déploiement de la force sont transmises à l'autorité militaire. Comme sur le territoire national, où la gendarmerie nationale contribue en permanence à la mission de renseignement en tant que service généraliste, les prévôts complètent de la même manière la mission des services spécialisés déployés sur les théâtres et vis-à-vis desquels elle n'a pas vocation à entrer en concurrence.
Les prévôts reçoivent une formation spécifique centrée sur des savoir-faire et des savoir-être propres à l'environnement militaire et aux opérations extérieures. Cette formation ainsi que l'expérience consécutive aux missions prévôtales contribuent au renforcement de la compétence et de l'état d'esprit militaire des unités de la gendarmerie dans lesquelles ils retourneront par la suite. Le stage de perfectionnement prévôtal constitue le socle de cette formation. Il garantit l'employabilité immédiate des prévôts sur les théâtres d'opérations et au sein des forces de présence. Les armées complètent la formation par une préparation spécifique destinée à tous les contingents avant projection. Elle a généralement lieu dans les grands camps nationaux. Pour autant, la formation socle confère déjà la maîtrise rigoureuse des attendus et particularismes de la procédure pénale ; des procédures de renseignement militaire ; des affaires prévôtales (notamment les procédures afférentes aux affaires mortuaires) ; la maîtrise de l'emploi des armes et des actes élémentaires du combattant (instruction sur le tir et le combat des personnels de l'armée de Terre) ; le savoir-faire des gestes de secourisme au combat et la manœuvre élémentaire sous le feu ; l'assimilation d'éléments de contexte et de culture garantissant l'intégration au sein des unités dans lesquelles ils seront déployés et la cohésion des prévôts au sein d'un même mandat. Enfin cette formation comprend une préparation mentale et physique adaptée.
Le niveau cible de préparation des stagiaires est le théâtre malien, il représente le théâtre le plus exigeant actuellement. La formation socle dont la mise en œuvre incombe au commandement de la gendarmerie prévôtale a été sensiblement durcie en ce sens. Elle continuera à évoluer pour préparer les prévôts à l'hypothèse d'un engagement majeur. Dans cette perspective, il convient de garder à l'esprit que l'effectif des prévôts au lendemain de la seconde Guerre mondiale était d'environ 9 000 hommes. Des réflexions sont en cours pour analyser les besoins quantitatifs et qualitatifs ainsi que les leviers de manœuvre d'une éventuelle montée en puissance.
La participation de la gendarmerie prévôtale aux exercices conçus pour la préparation à l'hypothèse d'engagement majeur contribue aux travaux doctrinaux en cours. Aujourd'hui, avec près de 900 candidats par an, dont 750 sous-officiers pour 140 retenus, le taux de sélection des prévôts est très élevé. L'exigence d'une pratique consolidée de la police judiciaire situe en outre leur moyenne d'âge à 46 ans. La communication interne, sur laquelle s'appuie le recrutement, est adaptée à l'objectif actuel : le déploiement permanent d'environ 65 prévôts. Pour autant, la place des gendarmes féminins dans les rangs de la prévôté avoisine environ 2 %. Ce phénomène appelle d'ores et déjà la mise en œuvre d'une stratégie de communication spécifique afin d'enrichir et d'élargir le vivier de recrutement. Avec le concours de l'établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD), un support de communication a été réalisé à cet effet. Il vous sera rendu accessible.