Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du mardi 1er février 2022 à 17h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à dix-sept heures trente-cinq.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous poursuivons nos auditions sur la militarité de la gendarmerie. Nous recevons le général de brigade Christophe Daniel, chargé de mission auprès du directeur des opérations et de l'emploi, ainsi que le général de brigade Laurent Haas, commandant de la gendarmerie prévôtale. Le général Haas a été élevé à ce grade aujourd'hui. Je tiens à la féliciter pour cette promotion largement méritée. Il restera pour moi mon colonel de gendarmerie.

Nous avons beaucoup à entendre sur la richesse de vos métiers et de vos responsabilités. Général, vous êtes chargé de mission auprès du directeur des opérations et de l'emploi, le général Hubert Bonneau, que nous avons auditionné la semaine dernière. Nous vous recevons cet après-midi pour évoquer la gendarmerie mobile. Née en 1921, la gendarmerie mobile fêtait l'an dernier son centenaire. En 1930 était publiée l'instruction sur le maintien de l'ordre de la gendarmerie, texte fondateur du maintien de l'ordre à la française. On y trouve des principes, des modes d'action et une vision de ce que doit être l'ordre public dans une démocratie, puisque selon ce texte : « Les gendarmes et les gardes doivent bien se pénétrer de cette idée que leur intervention n'a d'autre but que d'assurer la liberté et la tranquillité des citoyens ». Le texte souligne les qualités propres aux gendarmes mobiles : « Beaucoup de fermeté tempérée par le doigté acquis au cours des contacts fréquents avec la foule, une exacte et calme discipline, un haut sentiment du devoir et des responsabilités ». En 1954, la garde républicaine mobile prend le nom de gendarmerie mobile. En 1969 est créé le centre d'entraînement de Saint-Astier si cher à notre collègue Jean-Pierre Cubertafon. Général, le maintien de l'ordre public se situe au cœur du débat public depuis plusieurs années, du fait de la multiplication des crises en métropole comme en outre-mer, des mouvements sociaux comme celui des gilets jaunes et des événements de type zone à défendre (ZAD) à Notre-Dame des Landes, par exemple.

En septembre 2020, le ministère de l'Intérieur publiait un nouveau schéma national du maintien de l'ordre. La discussion de la loi sur la sécurité globale a également donné lieu à d'intenses débats, notamment au sujet des caméras-piéton et des drones. Nous serons heureux de vous entendre évoquer la formation des gendarmes mobiles et l'éthique de leurs actions. Il me paraît tout aussi important que vous nous rappeliez en quoi la militarité du gendarme mobile constitue un atout dans le cadre de ses missions. Comment vous adaptez-vous à l'évolution des modes d'action de l'adversaire ?

La gendarmerie mobile joue également un rôle capital outre-mer. Pourriez-vous revenir sur cette présence, les missions et l'action de la gendarmerie mobile dans ce contexte ? Alors que la loi de finances pour 2022 prévoit un renouvellement majeur du parc des blindés de la gendarmerie, et que la généralisation des caméras-piéton a été confirmée, il serait intéressant que vous nous expliquiez à quoi ressemblera, selon vous, la gendarmerie mobile du futur.

Monsieur le général Laurent Haas, commandant de la gendarmerie prévôtale, j'ai le plaisir de bien vous connaître puisque vous avez servi cinq années dans mon département. Vous avez pu m'exprimer la richesse et l'ampleur des métiers de la gendarmerie et récemment de la gendarmerie prévôtale. Je souhaitais que mes collègues disposent d'une idée plus précise de vos responsabilités. Les racines juridiques de la gendarmerie prévôtale remontent à l'édit de 1373 du roi Charles V. La prévôté est aujourd'hui régie par le code de justice militaire. La gendarmerie prévôtale, ou prévôté, a pour mission principale la police judiciaire militaire auprès des forces armées françaises stationnées hors du territoire. Son emploi a été profondément rénové en 2013 avec la création du commandement de la gendarmerie prévôtale et de la brigade de recherche prévôtale, unité de police judiciaire à compétence nationale. La prévôté exerce également à l'étranger des missions de police générale, d'appui à la force et de renseignement dans le cadre d'interventions militaires françaises. Longtemps rattachée au commandement de la gendarmerie outre-mer, puis à la direction générale de la gendarmerie nationale, la prévôté se trouve à nouveau rattachée au commandement de la gendarmerie de l'outre-mer depuis le 1er août dernier. Nous souhaiterions que vous nous expliquiez les particularités de la gendarmerie prévôtale qui est, selon moi, insuffisamment connue. Plus que jamais, au regard de l'évolution des conflits et des différentes zones dans lesquelles vous intervenez, votre regard et votre rôle sont particulièrement précieux. Vous pourrez également nous préciser vos relations avec les armées et le parquet de Paris, ainsi que les enjeux actuels de vos engagements et de vos déploiements à l'étranger qui sont nombreux.

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le général de brigade Christophe Daniel, chargé de mission auprès du directeur des opérations et de l'emploi

Merci Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, c'est un honneur pour nous de nous exprimer devant la représentation nationale. Il m'est demandé de vous présenter la gendarmerie mobile. De nombreux éléments ont d'ores et déjà été présentés par notre directeur général et mon supérieur direct, le directeur des opérations et de l'emploi, lors de leurs auditions la semaine passée. J'essayerai de vous apporter quelques précisions sur notre approche de l'ordre public. Comme évoqué, nous devons faire face à un enchaînement de crises de nature différente. Nous vivons une époque de grands bouleversements : pandémie mondiale, menaces terroristes, catastrophes écologiques, crises économiques et sociales, cycles d'affrontements réguliers lors des mouvements de contestation ou d'ordre public ou lors de grands rassemblements même festifs (événements sportifs). Il s'agit pour nous de proposer les moyens pour gérer les problématiques d'ordre public, de manière quasi continue et en tous points du pays, parfois pendant de longues périodes. Vous avez évoqué la longue séquence des gilets jaunes. Par son engagement quotidien dans les opérations de maintien et de rétablissement de l'ordre, la gendarmerie mobile constitue un acteur majeur de la gestion de crise au cœur des territoires et des agglomérations, en métropole comme en outre-mer. Mon propos s'articulera en quatre points : une présentation sommaire de la gendarmerie mobile ; un éclairage sur son rythme d'emploi ; sa formation et quelques perspectives.

En 2021, nous avons fêté le centenaire de la gendarmerie mobile créée en 1921. Nous disposons d'une longue inscription dans la gestion de l'ordre public. La décision, qui fut alors prise de confier la mission de gérer l'ordre public à une autre force que l'armée, est importante. En effet, elle marque une rupture et la prise en compte de l'ordre public par le pouvoir politique. Ce dernier entrevoit clairement le bénéfice de disposer d'unités spécialisées pour conduire les opérations d'ordre public. L'expression d'unité spécialisée est toujours évoquée et rappelée dans le schéma national du maintien de l'ordre (SNMO). Nous n'avons eu ensuite de cesse de nous adapter, de faire évoluer notre organisation, de fournir des capacités en mesure de répondre aux enjeux fixés et aux contextes d'engagement de nos forces.

La gendarmerie nationale comprend 100 000 hommes et femmes. La gendarmerie mobile compte 13 790 hommes et femmes répartis au sein de 109 escadrons de gendarmerie mobile. Il s'agit de notre pion de manœuvre. Ces 109 escadrons sont répartis sur l'intégralité du territoire. Ils sont encadrés par 17 groupements de gendarmeries mobiles. Il existe un groupement particulier, le groupement blindé de la gendarmerie mobile (GBGM) qui se trouve à Versailles-Satory. Ces escadrons sont organisés en quatre pelotons de marche. Un cinquième peloton organise le commandement, le soutien et la vie courante. Ils sont engagés sur le terrain à trois ou quatre pelotons selon l'appréciation de la situation et les contraintes du commandant d'unité. Quelques-uns de ces escadrons sont spécialisés : le groupement blindé de la gendarmerie mobile (GBGM) ; les escadrons dits « montagne » avec des formations et des qualifications adaptées pour les gendarmes qui y servent.

La féminisation des escadrons est récente et désormais, tous les postes sont désormais ouverts aux femmes. Auparavant, seuls les postes d'officier leur étaient accessibles. Depuis 2016, les femmes peuvent également servir en tant que sous-officiers. C'est cette ouverture tardive qui explique un très faible taux de féminisation dans nos unités : 5,77 %. Ce taux atteint 20 % en ce qui concerne la gendarmerie nationale. 679 femmes servent dans la gendarmerie mobile parmi lesquelles 20 officiers commandants de peloton ou commandants d'unité. Ce chiffre ne pourra qu'augmenter. À ce jour, un seul escadron sur les 109 n'est pas féminisé. Par ailleurs, la gendarmerie mobile connaît un turn over assez important. Le rythme d'emploi des escadrons et les missions imposent un certain roulement et la nécessité de maintenir des capacités de robustesse. La gendarmerie mobile est idéale pour un jeune gendarme en sortie d'école, en début de carrière. Ils y sont affectés massivement. Entre 2017 et 2021, nous dénombrons 6 543 affectations d'élèves gendarmes en gendarmerie mobile. La durée moyenne de présence d'un gendarme en escadron est de cinq ans, trois mois et onze jours. La subdivision de la gendarmerie mobile est relativement jeune, la moyenne d'âge étant de 28-29 ans. Il s'agit essentiellement des sous-officiers (95 %).

La gendarmerie mobile est une force spécialisée dans le maintien de l'ordre. Néanmoins, sa polyvalence lui permet d'assurer de nombreuses missions. Ainsi, elle peut être appelée à renforcer les unités de sécurité publique pour des missions de sécurisation ou en appui aux opérations de police judiciaire ; elle assure des missions de protection sensibles (les gardes, les escortes, les transports nucléaires) ; elle participe aux opérations définies dans le cadre de plans gouvernementaux (Vigipirate, lutte contre l'immigration irrégulière et contrôle des flux). Nous l'utilisons comme capacité d'appui et de renfort aux unités territoriales lors des grands épisodes de bascule de la population, en période estivale ou hivernale, au travers de dispositifs spécifiques. Nous l'employons également comme force pour faire face à des enjeux particuliers. C'est le cas actuellement avec le déroulement du procès des attentats du 13 novembre 2015, trois escadrons étant déployés pour assurer la sécurisation du palais de l'île de la Cité. Vous trouverez des gendarmes mobiles sur tous les territoires, engagés dans de nombreuses missions. Ils se trouvent également aux abords des ambassades des États-Unis, de Grande-Bretagne ou encore d'Israël. Ils participent à des missions de sécurisation dans les gares parisiennes et à chaque maintien de l'ordre.

En outre-mer, une vingtaine d'escadrons sont engagés et déployés en permanence. Les missions durent trois mois en moyenne. Cette mission outre-mer revient tous les douze à quinze mois pour chaque escadron. L'année 2021 a été l'occasion d'un engagement massif dans les outre-mer avec un renfort conséquent en Nouvelle-Calédonie pour assurer la sécurisation du référendum ; et un déploiement en urgence dans les Antilles, en Guadeloupe et en Martinique en fin d'année dernière.

L'emploi des unités se caractérise par la notion de déplacement sur le territoire métropolitain, outre-mer et sur des terrains étrangers, lorsque nous sommes engagés dans le cadre d'une opération extérieure. Il en résulte un régime d'emploi spécifique selon les missions dévolues. Au quotidien, nous engageons environ 68 escadrons dans différentes missions. Un escadron se déplace environ 175 jours par an. Lors des pics, tels que les séquences des gilets jaunes ou bien au début de la pandémie, nous avons dépassé ce seuil puisque nous avons engagé quotidiennement à l'emploi jusqu'à plus de 100 escadrons, dont 80 en mission de maintien de l'ordre. Ces situations sont difficilement tenables sur le temps long, car cela a des conséquences sur les droits aux repos et aux permissions de nos gendarmes.

Pour répondre aux demandes urgentes, nous disposons d'un dispositif d'alerte dédié, nommé PUMA pour l'alerte métropole ou SERVAL pour les outre-mer. En 24 heures, après une décision politique prise un vendredi, nous projetions des renforts en Guadeloupe avec des escadrons et une partie du GIGN. Les réserves disponibles au quotidien sont très faibles, au regard du taux d'emploi conséquent. Cela nous pose des difficultés lors d'événements impromptus ou de fortes sollicitations. Nous effectuons alors, après validation du cabinet du ministre de l'Intérieur, des bascules de mission. Il s'agit de supprimer une mission pour pouvoir réaliser du maintien de l'ordre. Nous pouvons également rapidement rappeler nos unités. Nos escadrons sont logés en caserne. Ce mode de vie permet de regrouper rapidement une unité et de la déployer sur une mission donnée.

Nous disposons de 109 escadrons, dont 108 manœuvrables. L'escadron de Brest est fixé pour la protection de l'île Longue. Nous disposons de 60 CRS, soit la réserve générale du Gouvernement. La doctrine d'emploi, commune, date du 29 décembre 2015. Ce texte réaffirme le rôle de l'unité de coordination des forces mobiles chargée de prendre les commandes de tous les préfets de zone, puis de ventiler les forces. Cette unité de coordination est placée sous l'autorité des deux directeurs généraux. Elle doit tempérer certaines demandes et équilibrer la ventilation, pour que nous puissions répondre à toutes les expressions de besoin. En cas de difficultés, une procédure d'arbitrage est mise en place par le directeur de cabinet du ministre de l'Intérieur ou le directeur de cabinet adjoint qui tranche en dernier lieu. En 2021, 8 628 unités de force mobile (UFM) ont été demandées, 5 324 ont été allouées par l'unité de coordination des forces mobiles (UCFM) soit un taux de satisfaction de 61 % des demandes. Le rôle de l'UCFM est majeur, car il permet de répartir les moyens, chaque zone souhaitant bénéficier du maximum d'unités pendant les situations de crise. Le maintien de l'ordre est également assuré par des unités non spécialisées, notamment pour soutenir la police nationale. Ainsi, la direction centrale de la sécurité publique (DCSP) dispose d'unités de maintien de l'ordre en bas de spectre ou en situation plus tendue.

En 2019, la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), la direction générale de la police nationale (DGPN) et la préfecture de police de Paris se sont réunies au cabinet du ministre de l'Intérieur pour collaborer à l'élaboration du SNMO, notamment suite au retour d'expérience après les mouvements des gilets jaunes. Une première parution a eu lieu en octobre 2020, une seconde l'année dernière suite aux décisions du Conseil d'État. Nous avons participé activement à son élaboration autour des points clés suivants : la place confirmée des journalistes, la communication avec les manifestants, la rénovation des sommations, un travail sur une plus grande réactivité de nos unités, enfin a été réaffirmée la priorité de l'intervention face aux auteurs de violences. Ce document constitue une référence pour l'exercice du maintien de l'ordre dans notre pays. Il permet de concilier les deux objectifs prioritaires : permettre à chacun de s'exprimer librement dans les formes prévues par la loi et d'empêcher tout acte violent contre les personnes et les biens, à l'occasion des manifestations.

La formation de nos escadrons se décline à travers un parcours long, de la formation initiale jusqu'aux formations continues qu'elles soient individuelles ou collectives. Elle est centralisée au centre de Saint-Astier ou effectuée au sein même des unités. Chacun de nos militaires est préparé à la gestion de l'ordre public, en école de formation pour les élèves gendarmes et officiers et également au centre national d'entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG) de Saint-Astier en Dordogne. Ce processus permet de délivrer un bloc de formations et une doctrine homogène afin que tous s'approprient les mêmes process d'analyse et des modes tactiques identiques. Un gendarme mobile, qui souhaite rester au sein de la gendarmerie mobile et effectuer une carrière de gradé, suivra une formation de plus de quatorze mois sur les fondamentaux militaires, le combat à l'école de commandement et la tactique au maintien de l'ordre. Le CNEFG a été créé à l'issue des événements de 1968. Il concentre la recherche indispensable qui assure l'adaptation de la formation de nos unités. Ce centre s'étend sur plus de 140 hectares. Il possède un village de maintien de l'ordre et plusieurs pôles d'instruction. La formation délivrée se situe au plus près de nos engagements. Les escadrons y passent environ tous les trois ans et sont soumis à une préparation opérationnelle d'une semaine en amont. La préparation au centre constitue également une certification. Nous y disposons de formateurs permanents qui regardent les cadres et décident de leur niveau. Certains doivent passer à nouveau leur examen si des lacunes sont décelées. Les stages sont effectués à six escadrons. Les commandants d'unité et les pelotons d'intervention y sont certifiés. Ces stages durent quinze jours. Nous y accueillons plusieurs visites : préfecture, magistrats, et dernièrement une délégation du défenseur des droits. Nous y utilisons les gaz lacrymogènes, nous effectuons des exercices nocturnes, nous utilisons nos blindés avec une ambiance sonore. Un escadron prend le rôle de l'adversaire.

Dans le cadre du SNMO, il est demandé de favoriser les échanges avec les membres des autres forces. Des unités de la police nationale sont venues au centre en 2021. Et nous-mêmes avons participé à des exercices avec la préfecture de police. Cette formation CNEFG est importante. Toutefois, depuis plus de quatre ans, nous éprouvons des difficultés à en respecter la planification, au regard du taux d'emploi. J'évoquais les stages à six escadrons, il s'avère souvent difficile de tenir ce volume et de respecter le nombre de stages sur l'année.

En tant que militaires, nous cultivons certaines valeurs. Ces dernières sont inculquées à nos élèves gendarmes et officiers, dès la formation initiale. Il s'agit de l'esprit d'engagement, du culte de la mission, de la gradation et de la proportionnalité dans l'emploi de la force. Certains items nous semblent primordiaux pour la réussite des missions de maintien de l'ordre ou de rétablissement de l'ordre et la confrontation à la haute intensité. La maîtrise de soi s'avère essentielle. De même, une capacité d'auto contrainte est nécessaire lorsque vous êtes engagés en escadrons face à des comportements compliqués (insultes, agressions, jets de projectiles). En outre, la discipline, la place du chef, la capacité d'analyse, la robustesse (engagement dans des situations difficiles), l'intégration à un environnement interarmées constituent des points essentiels, tout autant que la capacité à être projetable en Afghanistan ou en Côte d'Ivoire pour six mois dans les mêmes conditions que nos camarades des armées.

La vie en gendarmerie mobile permet à des unités de plus de cent militaires de favoriser l'esprit de cohésion. On vit en déplacement ensemble pendant un à trois mois. Cela permet de connaître les capacités et les forces de chacun, et de pouvoir compter les uns sur les autres en situation de crise. Pour les cadres et les officiers, des capacités d'analyse et de planification sont développées. Beaucoup d'officiers disposent de cette culture fournie par le biais de leur recrutement, pour ceux qui viennent de Saint-Cyr Coëtquidant, ou l'acquièrent lors des phases de formation commune avec des officiers supérieurs des armées, notamment lors du cursus à l'école de guerre ou au centre des hautes études militaires. La formation initiale à l'école des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN) traite de la planification. Cette notion s'avère importante. Ainsi, la projection en Nouvelle-Calédonie avec plus de dix escadrons et de nombreux moyens a demandé près d'un an de planification avec nos camarades de l'état-major des armées. Un gendarme mobile doit être capable d'être projeté sous un préavis court, parfois dans des conditions rustiques voire sommaires.

Dans le domaine des équipements, nous vivons une phase particulière et rare avec le renouvellement de notre parc mobilité (renouvellement de véhicules, des blindés, des vêtements, des moyens de communication). Nous allons acquérir 90 blindés sur trois ans et 972 véhicules de maintien de l'ordre sur plusieurs années. La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur (LOPMI), qui sera déposée d'ici peu, évoque une augmentation des effectifs des UFM. La création de onze UFM a été mentionnée, mais n'a pas encore été entérinée. Nous travaillons actuellement sur ce dossier.

La gendarmerie travaille à l'adaptation régulière de son organisation et de son concept d'emploi. La parution du SNMO est concrétisée, amplifiée et accélérée dans le champ de compétence de la gestion de l'ordre public. Le directeur général et le directeur des opérations et de l'emploi (DOE) ont évoqué la création du centre national des opérations à la DGGN avec ses déclinaisons zonales. Ces organismes renforcent le besoin de synergie de nos capacités et des structures de commandement. Au centre national des opérations (CNO), nous disposons de renforts en moyens rares : blindés, hélicoptères, interventions spécialisées et GIGN lors des traques du printemps dernier. Le dispositif d'intervention augmenté de la gendarmerie (DIAG) permet de coupler diverses capacités : la gendarmerie mobile, l'intervention spécialisée, les moyens 3D, la police judiciaire (PJ), la composante blindée pour traiter des situations génératrices de tensions (traques, violences urbaines).

Je ne suis pas en mesure de vous préciser quels sujets nous engageront à la fin de l'année. Au printemps 2021, nous avons effectué trois traques successives. Les années 2023 et 2024 seront marquées par un engagement de la gendarmerie mobile dans le cadre de la coupe du monde de rugby et des jeux olympiques 2024 qui s'étaleront sur plusieurs mois, avec le relais de la flamme qui parcourra tous les départements. La sécurisation des sites, notamment parisiens, représente un tour de force à mettre en œuvre. Nous sommes engagés dans le cycle de préparation au sein de la coordination nationale pour la sécurité des jeux olympiques (CNSJ). Vous connaissez les menaces à prendre en compte pour ces événements majeurs : le risque terroriste et le risque cyber. Nous ne pouvons pas savoir dans quel contexte social cela se déroulera. L'été dernier, nous avons eu la surprise de constater un cycle de manifestations chaque week-end, alors qu'habituellement la période estivale demeure une saison calme, ce qui nous permet de nous déployer dans les stations balnéaires.

La gendarmerie mobile du futur sera connectée et équipée. Les gendarmes seront augmentés, les efforts seront portés sur la connectivité, les retransmissions rapides des données, l'utilisation des drones, des moyens satellites, la géolocalisation et la transmission des ordres. La visualisation des données pourra peut-être s'effectuer sur des lunettes ou des casques. Les gendarmes mobiles disposeront d'exosquelettes pour diminuer le port des charges. À ce jour, un gendarme mobile engagé pour le maintien de l'ordre peut porter plus de vingt kilogrammes de charge pendant plusieurs heures. La gendarmerie mobile du futur reposera sur les hommes et femmes dont les qualités ne changent pas. Il s'agira d'être aguerri, robuste et capable de mettre en œuvre des moyens tactiques. Nos hommes et nos femmes constituent notre richesse et notre savoir-faire. Les moyens technologiques représentent des éléments d'aide à la décision.

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le général de brigade Laurent Haas, commandant de la gendarmerie prévôtale

La prévôté est apparue au Moyen Âge avec l'exercice de la justice dans l'environnement des armées. Sa mission fondatrice est exclusivement confiée à la gendarmerie nationale. Elle en constitue l'ancrage militaire le plus ancien. Le champ de compétence et l'organisation de la prévôté ont évolué régulièrement au cours des siècles. Depuis une dizaine d'années, la volonté du législateur de voir appliquée aux armées une judiciarisation adaptée à l'évolution de leur cadre d'action a conduit à l'évolution de la justice militaire et corrélativement de la fonction prévôtale. Placées sous l'autorité organique du commandement de la gendarmerie prévôtale, les unités prévôtales, actuellement déployées sur treize théâtres, relèvent de trois autorités distinctes. Les missions, qui y sont exercées par les prévôts, relèvent prioritairement de la police judiciaire aux armées. Elles s'étendent également à la police générale, à l'appui des forces et aux renseignements intéressant leur sécurité.

Les prévôtés sont armées par des officiers et des sous-officiers majoritairement issus de la gendarmerie départementale. Rigoureusement sélectionnés dans ce vivier, les prévôts reçoivent une formation complémentaire qui les prépare à l'exercice de l'ensemble de leur mission, dans des conditions souvent très rustiques comme c'est le cas actuellement dans la bande sahélo-saharienne.

Chaque année, 140 officiers et sous-officiers, formés à l'exercice de la mission prévôtale sont envoyés à l'étranger pour une durée moyenne de quatre mois. Ils acquièrent ainsi, aux côtés de nos armées, une expérience précieuse du temps de guerre ou, tout du moins, de conditions extrêmement dégradées qui renforcent leur aptitude à aborder les situations les plus critiques sur le territoire national. Parallèlement aux récentes évolutions de la justice militaire, le concept d'emploi et l'organisation de la prévôté ont été rénovés pour répondre aux exigences d'une judiciarisation adaptée au contexte et aux modalités des opérations extérieures.

Organisé dès le Moyen Âge autour du triptyque connétables, maréchaux, prévôts, l'exercice de la justice dans l'environnement des armées a toujours été prégnant. Vous évoquiez, Madame la présidente, un édit de 1373 dans lequel le roi Charles V mentionnait la fonction du prévôt des connétables qui était de connaître : « les crimes et les maléfices qui se commettent dans les armées par les gens de guerre ». Pour autant, la prévôté a vu évoluer cette mission prioritaire au fil des siècles ainsi que les conditions dans lesquelles elle l'exerce. Aujourd'hui, les prévôts sont chargés de constater les infractions commises par ou contre les forces armées françaises et les personnes placées à leur suite, ou à l'encontre de leurs établissements et de leurs matériels, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs. Dans ce cadre, en qualité d'officiers de police judiciaire des forces armées, ils ont vocation à connaître l'initiative et à signaler aux autorités militaires, les infractions de droit commun rattachables ou non au service ; les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation ; et les violations du droit international humanitaire susceptibles d'engager la responsabilité individuelle d'un militaire, de sa hiérarchie ou d'entacher l'image des armées et de la France.

Dans son message aux armées du 19 mai 2012, le Président de la République rappelait que « nos militaires qui assurent la protection de la nation méritent en retour que la nation les protège, notamment d'une judiciarisation inutile de leur action ». Prolongeant les orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013, la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013 comporte ainsi des dispositions significatives pour l'évolution du traitement pénal des affaires militaires.

Placées sous le commandement opérationnel du chef d'état-major des armées, lorsqu'elles sont déployées sur les théâtres, les unités prévôtales relèvent de trois autorités distinctes. Il coexiste ainsi une chaîne organique avec le commandement de la gendarmerie prévôtale qui sélectionne la ressource, la forme et la projette. Ce dernier, en liaison avec les armées, supervise et contrôle l'activité des brigades, centralise et exploite les remontées d'information, coordonne l'action des capacités judiciaires, en lien étroit avec les magistrats spécialisés du tribunal judiciaire de Paris, dans le cadre du traitement des dossiers les plus complexes et les plus sensibles.

On distingue également une chaîne d'emploi opérationnelle avec le commandant militaire des forces dans lesquelles sont insérées les unités prévôtales. Ainsi, comme tout soldat employé sur le théâtre, le prévôt est soumis aux règles d'engagement et aux mesures particulières de comportement et de protection édictées par l'autorité militaire dont il dépend. Par ailleurs, il existe une chaîne fonctionnelle avec les magistrats spécialisés pour l'exercice de la police judiciaire aux armées, en l'occurrence la section AC3.

Il existe deux types d'unités élémentaires : les prévôtés permanentes adossées aux forces militaires françaises de présence à l'étranger (Djibouti, Gabon, Sénégal, Côte d'Ivoire, en Allemagne et aux Émirats arabes unis), et les prévôtés de circonstances, déployées dans le cadre d'opérations extérieures comme c'est le cas au Mali, au Tchad, au Niger, en Jordanie, au Liban, en Centre-Afrique et en Lituanie. Dans ces deux types d'unités, les prévôts exercent leur mission de police aux armées, articulée autour d'activités de police judiciaire, administrative et militaire. L'éventail des missions dévolues aux prévôts sur les théâtres en fait de véritables couteaux suisses. Les prévôts, outre leur mission prioritaire de police militaire, exercent en effet des missions diversifiées et singulières à l'étranger au profit des forces armées qu'ils accompagnent. Il s'agit principalement de l'exécution d'actes de police générale, de l'appui administratif aux forces armées et d'une contribution à la recherche de renseignements auprès des forces de sécurité locales. Le maintien de l'ordre, le contrôle de foule, la circulation de défense ou la gestion de personnes retenues par la force ne relèvent pas de la prévôté a priori. Toutefois, les prévôts peuvent apporter leurs concours en termes de conseils, d'expertises, d'appoints ponctuels aux militaires auxquels ces missions sont confiées prioritairement. S'agissant de la police judiciaire aux armées, lorsque des actes délictuels ou criminels sont susceptibles d'avoir été commis par des militaires français et dont la portée nuirait grandement aux valeurs nationales ou internationales, la présence des prévôts officiers de police judiciaire aux armées permet de conduire des investigations judiciaires adaptées au contexte sous la direction d'un magistrat spécialisé. Dès lors qu'ils agissent en qualité d'enquêteurs judiciaires, ils deviennent indépendants de l'autorité militaire qui doit pour autant les appuyer. Cette mission prend alors le pas sur toutes les autres.

À la demande de l'autorité militaire, la prévôté peut également être sollicitée pour des missions de police générale qui ont pour finalité de prévenir les incidents et les troubles à l'ordre public impliquant des militaires. Dans ce cadre, elle intervient à l'occasion d'incidents pour lesquels la responsabilité de l'État français ou de soldats pourrait être engagée. Elle peut également participer au contrôle des lieux publics et au respect des consignes de sécurité imposées par les règlements militaires. Enfin, elle appuie la force à travers différents types d'action : des constatations de contentieux divers ; l'appui à l'officier d'état civil dans le cadre du traitement des affaires mortuaires ; des actions de formation au profit des forces locales de la sécurité intérieure ; et la participation à des escortes sensibles.

S'agissant du renseignement, l'autorité militaire peut confier à la prévôté la mission d'entretenir des relations régulières avec les autorités et les forces de sécurité intérieure locales. En effet, ces relations sont parfois susceptibles de prévenir des atteintes à la sécurité des militaires et de leurs emprises. Les informations collectées dans le cadre de ces échanges, ainsi que par les contacts entretenus avec les élus et la population locale dans la zone de déploiement de la force sont transmises à l'autorité militaire. Comme sur le territoire national, où la gendarmerie nationale contribue en permanence à la mission de renseignement en tant que service généraliste, les prévôts complètent de la même manière la mission des services spécialisés déployés sur les théâtres et vis-à-vis desquels elle n'a pas vocation à entrer en concurrence.

Les prévôts reçoivent une formation spécifique centrée sur des savoir-faire et des savoir-être propres à l'environnement militaire et aux opérations extérieures. Cette formation ainsi que l'expérience consécutive aux missions prévôtales contribuent au renforcement de la compétence et de l'état d'esprit militaire des unités de la gendarmerie dans lesquelles ils retourneront par la suite. Le stage de perfectionnement prévôtal constitue le socle de cette formation. Il garantit l'employabilité immédiate des prévôts sur les théâtres d'opérations et au sein des forces de présence. Les armées complètent la formation par une préparation spécifique destinée à tous les contingents avant projection. Elle a généralement lieu dans les grands camps nationaux. Pour autant, la formation socle confère déjà la maîtrise rigoureuse des attendus et particularismes de la procédure pénale ; des procédures de renseignement militaire ; des affaires prévôtales (notamment les procédures afférentes aux affaires mortuaires) ; la maîtrise de l'emploi des armes et des actes élémentaires du combattant (instruction sur le tir et le combat des personnels de l'armée de Terre) ; le savoir-faire des gestes de secourisme au combat et la manœuvre élémentaire sous le feu ; l'assimilation d'éléments de contexte et de culture garantissant l'intégration au sein des unités dans lesquelles ils seront déployés et la cohésion des prévôts au sein d'un même mandat. Enfin cette formation comprend une préparation mentale et physique adaptée.

Le niveau cible de préparation des stagiaires est le théâtre malien, il représente le théâtre le plus exigeant actuellement. La formation socle dont la mise en œuvre incombe au commandement de la gendarmerie prévôtale a été sensiblement durcie en ce sens. Elle continuera à évoluer pour préparer les prévôts à l'hypothèse d'un engagement majeur. Dans cette perspective, il convient de garder à l'esprit que l'effectif des prévôts au lendemain de la seconde Guerre mondiale était d'environ 9 000 hommes. Des réflexions sont en cours pour analyser les besoins quantitatifs et qualitatifs ainsi que les leviers de manœuvre d'une éventuelle montée en puissance.

La participation de la gendarmerie prévôtale aux exercices conçus pour la préparation à l'hypothèse d'engagement majeur contribue aux travaux doctrinaux en cours. Aujourd'hui, avec près de 900 candidats par an, dont 750 sous-officiers pour 140 retenus, le taux de sélection des prévôts est très élevé. L'exigence d'une pratique consolidée de la police judiciaire situe en outre leur moyenne d'âge à 46 ans. La communication interne, sur laquelle s'appuie le recrutement, est adaptée à l'objectif actuel : le déploiement permanent d'environ 65 prévôts. Pour autant, la place des gendarmes féminins dans les rangs de la prévôté avoisine environ 2 %. Ce phénomène appelle d'ores et déjà la mise en œuvre d'une stratégie de communication spécifique afin d'enrichir et d'élargir le vivier de recrutement. Avec le concours de l'établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD), un support de communication a été réalisé à cet effet. Il vous sera rendu accessible.

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En tant qu'orateur du groupe La République en marche et rapporteur du programme 152 dédié aux moyens de la gendarmerie nationale, je tiens à saluer l'augmentation budgétaire qui permettra le renouvellement des moyens de transport de la gendarmerie, notamment des blindés à roues actuels qui sont âgés de 45 ans. En effet, si les gendarmes s'avèrent désormais être des experts du rétrofitage, il était grand temps de renouveler ces engins. Différentes discussions se sont tenues sur le sujet et, à mon sens, nous avons pris la bonne décision. Le premier véhicule d'expérimentation sera livré au deuxième trimestre 2022. Une enveloppe de 25 millions d'euros est dédiée au renouvellement de ces véhicules. Nous avons pour objectif d'atteindre un parc de 90 blindés et de 972 véhicules de maintien de l'ordre dans les prochaines années.

Je me réjouis également de l'accélération de l'acquisition des caméras-piéton à la suite du Beauvau de la sécurité. J'espère que le nouveau matériel fourni sera plus performant que celui dont vous disposez actuellement.

Les escadrons de la gendarmerie mobile ont subi des déflations importantes d'effectifs qui amenuisent leur capacité opérationnelle. Il existait 123 pelotons en 2008, aujourd'hui il en reste 109, soit une suppression nette de 14 escadrons puisqu'un seul a été créé depuis cette date. Or les gendarmes mobiles sont extrêmement sollicités sur l'ensemble du territoire y compris en outre-mer. Les plans de renforcement ont permis d'augmenter les effectifs d'un certain nombre d'escadrons pour lesquels un cinquième peloton a été créé. Entre 2017 et 2021, les effectifs de la gendarmerie mobile ont augmenté. Dans le cadre de la LOPMI, pensez-vous qu'il serait souhaitable d'augmenter davantage les effectifs des escadrons ? Quel devrait être selon vous l'effectif idéal par escadron ? Quel devrait être selon vous le nombre idéal d'escadrons ?

Lors de mes déplacements, les difficultés majeures causées par la suppression de spécialistes automobile au sein des escadrons de la gendarmerie mobile m'ont été rapportées. À ma connaissance, ces spécialistes ont été regroupés au niveau départemental et ne sont plus déployés en opération. A contrario, le groupement de blindés de Satory a conservé son propre centre de soutien automobile. Que pensez-vous d'une réintégration des spécialités automobiles dans chaque escadron de gendarmerie mobile ?

L'intensité de l'engagement opérationnel des gendarmes mobiles s'inscrit dans la durée, de même que la demande croissante de disponibilité des unités de force mobiles. Quelles mesures la direction de la gendarmerie nationale a-t-elle prises pour permettre aux militaires de récupérer physiquement de leur engagement et de concilier vie professionnelle et vie familiale ?

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Je tiens à rendre hommage à l'exceptionnelle qualité du travail de la gendarmerie mobile, dans la proportionnalité de l'usage de la force, la gradation de la réponse et la qualité de l'encadrement notamment intermédiaire lors des missions de maintien ou de rétablissement de l'ordre. Lorsqu'il existe des difficultés et j'ai pu l'observer sur mon territoire, l'intervention de la gendarmerie est plébiscitée.

Nous travaillons avec mon excellente co-rapporteure, Patricia Mirallès, sur une mission d'information sur la préparation aux combats de haute intensité avec tous les impacts que cela pourrait engendrer. Ces impacts peuvent porter sur le territoire national. Comment la gendarmerie se prépare-t-elle à ces éventuelles répercussions ? Ces attaques pourraient résulter d'opérations d'ingérence de forces étrangères, de manipulation de communautés qui s'en prendraient aux intérêts nationaux ou tout simplement d'une guerre hybride massive qui engendrerait différents troubles sociaux (attaques cyber contre nos hôpitaux, nos banques et la panique qui pourrait en résulter). Existe-t-il au niveau de la gendarmerie mobile une réflexion sur cette situation ?

Vous évoquiez la volumétrie de la gendarmerie mobile. Je partage les interrogations de mon collègue en ce sens. Pensez-vous qu'une telle volumétrie face à ce type de périls soit suffisante ? Quel pourrait être le niveau souhaitable ? Quel usage faut-il faire des réserves, à la fois dans la gendarmerie mobile et la gendarmerie prévôtale ? Il me semble que dans la gendarmerie mobile il n'y a pas ou peu de réservistes. Faudrait-il envisager la présence de réserves avec toutes les difficultés d'entrainement ? Une remontée d'effectifs me semble nécessaire.

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À l'instar de mes collègues, j'ai visité le centre d'entraînement de Saint Astier et j'en conserve un excellent souvenir.

Depuis 2009, la compagnie républicaine de sécurité (CRS) et les gendarmes mobiles constituent deux forces mobiles appartenant au ministère de l'Intérieur. Afin d'accroître la mutualisation entre la police et la gendarmerie, le service de l'achat, de l'innovation et de la logistique du ministère de l'Intérieur assure entre les services et les établissements, la conception, l'achat et la livraison des équipements et moyens techniques. Je m'intéresse tout particulièrement à la formation au maintien de l'ordre avec les CRS. Lors du Beauvau de la sécurité, la volonté de faire évoluer cette pratique est ressortie. Existe-t-il des formes de mutualisation entre les CRS et la gendarmerie mobile lors de la formation au maintien de l'ordre ? Cet aspect doit-il être renforcé ?

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L'évolution professionnelle, la formation, ainsi que la réorientation professionnelle des gendarmes constituent un devoir de reconnaissance, mais également un véritable levier d'attractivité. S'agissant de la gendarmerie mobile, la semaine dernière, le général Christophe Rodriguez nous a fait part de réflexions en cours sur la densification de la gendarmerie mobile, à travers le durcissement de la formation et une meilleure prise en compte de l'instruction physique en gendarmerie départementale. Quel est votre avis sur ces orientations ? Quelles sont vos préconisations ? Quelles sont les évolutions en cours sur ces questions ?

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Dans une interview récente du général Jean-Luc Villemeney sur Gend'info, ce dernier indique : « Il était plus facile sous certains aspects d'exercer des missions de maintien de l'ordre quand les manifestations étaient le fait de syndicats ou d'organisations structurées. Elles pouvaient dégénérer, mais globalement les interlocuteurs étaient identifiés et une capacité de dialogue existait donc. Certains mouvements sont aujourd'hui très spontanés et déstructurés ce qui les expose à être infiltrés par des provocateurs. Cette coexistence rend difficile la discrimination entre les différentes typologies d'adversaires. Nous avons besoin de réfléchir en matière de doctrine et de formation pour que les militaires de la gendarmerie puissent disposer d'outils intellectuels et matériels afin de mener des opérations dans le cadre légal qui garantit le caractère démocratique des manifestations ». En effet, à l'occasion des manifestations des gilets jaunes, la multiplication des violences atteste du bouleversement de l'équilibre du maintien de l'ordre. En six mois, nous dénombrons onze morts, des milliers de blessés, des blessures graves et des mutilations. Dans ces conditions d'extrêmes tensions, alors que les forces de maintien de l'ordre ont été débordées et épuisées, il a été décidé, dit-on, de militariser les forces de l'ordre et de rompre avec la doctrine française du maintien de l'ordre qui repose sur l'absolue nécessité de l'usage de la force et une réponse proportionnée à la menace. Partagez-vous cette impression de l'évolution de la doctrine ? Dans ce cas, quels ont été les changements ?

Les lanceurs de balles de défense sont par nature problématiques dans l'exercice du maintien de l'ordre, tant par leurs caractéristiques, que du fait de leurs conditions d'utilisation. Comme le souligne le défenseur des droits dans son rapport de décembre 2017 : « le lancement de balles de défense dans le cadre de manifestations sur la voie publique ne permet ni d'apprécier les distances de tir ni de prévenir les dommages collatéraux. Lors d'une manifestation, par définition les personnes visées sont généralement groupées et mobiles, le point visé ne sera probablement pas atteint. En outre, si le tireur respecte les prohibitions et la doctrine d'emploi technique, l'utilisation d'une telle arme lors d'une manifestation pourra provoquer de graves blessures et des risques d'infirmité ». Selon vous, la formation permet-elle vraiment de limiter au maximum ces risques ? Quelles sont les consignes actuelles sur leur utilisation ? À mon sens, il serait plus sage de les interdire. Cependant, je sais que ce n'est pas à vous d'en décider.

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le général de brigade Christophe Daniel, chargé de mission auprès du directeur des opérations et de l'emploi

Nous avons subi une forte baisse du nombre de nos unités. Une quinzaine d'escadrons ont été dissous. À l'heure actuelle, nos escadrons sont dimensionnés, calibrés sur un effectif de 116 militaires par unité. Il existe 109 unités. Nous avons testé une augmentation des effectifs en créant un cinquième peloton pour une vingtaine d'escadrons. Nous sommes revenus sur ce dispositif en rééquilibrant les effectifs, pour atteindre le format de 116 membres et disposer d'une homogénéité sur toutes nos unités. J'ai connu les escadrons à trois pelotons avec des effectifs plus importants. Plutôt que d'effectif idéal, je parlerai de rythme d'emploi et d'emploi idéal. Pour éviter les difficultés et les surchauffes de nos unités, il est nécessaire de les employer convenablement au regard de leur formation. Elles ne doivent pas être utilisées comme des variables d'ajustement et nous devons leur permettre de concilier correctement leurs missions avec le droit au repos et aux permissions. Bien optimiser l'emploi des forces territoriales permet de ne pas toujours demander des UFM pour des missions qui pourraient être effectuées par d'autres unités. L'année dernière, une mission de l'inspection générale de l'administration (IGA) a été mandatée pour analyser l'emploi des forces mobiles. Je n'ai pas connaissance de ses conclusions.

Sur la question du soutien, vous avez évoqué un dispositif de mécaniciens relativement ancien. Le mouvement d'organisation de rattachement des centres de soutien automobiles de la gendarmerie a été initié dans le cadre des mutualisations et de l'optimisation, à la suite de notre rattachement au ministère de l'Intérieur. Nous portons depuis peu, en lien avec le secrétaire général du ministère, un projet d'adaptation de ce parc de soutien automobile. Nous avons créé des sections d'appui mobilité (SAM) qui seront notamment spécialisées dans le soutien de la gendarmerie mobile. C'est important puisque nous renouvelons l'intégralité de notre parc. Certaines sections d'appui mobilité (17 groupements de gendarmeries mobiles) seront rattachées à ces groupements. Nous disposerons d'escadrons abonnés. Un soutien 24 heures sur 24, sept jours sur sept sera assuré avec des projections possibles de mécaniciens qui seront affectés et déployés dans ces nouvelles cellules de soutien mobilité. Ce sujet dépasse mon champ de compétence et le dossier n'est pas encore stabilisé. En revanche, les arbitrages du secrétaire général du ministère se montrent favorables et la mise en œuvre pourrait avoir lieu rapidement, sans doute d'ici à l'année prochaine.

Concernant la récupération des gendarmeries mobiles, le suivi de l'emploi des escadrons est assuré par la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN). Nous veillons à leur bon emploi et à une équité de la répartition des missions. Le bien-être et le respect des attentes de nos gendarmes mobiles passent par la connaissance au plus tôt des missions programmées qu'ils vont effectuer dans l'année pour qu'ils puissent concilier leur emploi avec la vie de famille. La DGGN essaye de fournir la programmation à A +1, notamment pour les missions en outre-mer (en septembre pour l'année d'après). Les missions permanentes et les déplacements à Paris ont lieu deux fois par an. Ils sont organisés en amont, afin de fournir un préavis de quelques mois à l'unité. Nous sanctuarisons les indisponibilités au retour de mission en outre-mer. Les gendarmes partent pendant plus de trois mois et bénéficient de leur période de repos à leur retour. Pour 2021, chaque gendarme mobile dispose en moyenne d'un reliquat de douze jours de congés à prendre. Ce chiffre dépend de nos déploiements au cours de l'année. En 2018 il était monté jusqu'à quinze voire dix-sept jours par gendarme mobile.

À propos de la haute intensité de combat, nous nous positionnons par rapport aux réflexions de nos camarades des armées et du premier d'entre eux, le chef d'état-major des armées (CEMA), face au nouveau triptyque : compétition, contestation, affrontement. À la demande du DGGN, nous essayons de densifier nos capacités. Au titre de la coopération avec les armées, notamment l'armée de Terre, nous remilitarisons nos formations. Au niveau local, nos pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG) s'entraînent avec les unités de l'armée de Terre. Concernant les menaces cyber, nous avons créé l'année dernière le commandement du cyber en gendarmerie. Dans le cadre de la LOPMI, une réflexion plus globale est engagée pour que le ministère de l'Intérieur prenne en compte et réorganise sa capacité de réponse face à cette menace. À l'heure actuelle, nous écartons l'emploi de réservistes pour le maintien ou le rétablissement de l'ordre, au regard des difficultés de disponibilité et de formation de ce profil de personnel. La majorité de nos réservistes sont jeunes. Il serait risqué d'employer des jeunes réservistes non formés sur des missions aussi sensibles. En revanche, en approche globale, la réserve de la gendarmerie atteindra 50 000 personnels au bout de la LOPMI. Une partie de ces réservistes pourra prendre des missions qui ne seraient pas dévolues aux gendarmes mobiles, notamment la sécurisation de sites, par exemple lors des Jeux olympiques.

La mutualisation avec les CRS n'est pas effective au sens strict de nos formations au maintien de l'ordre. Il existe des échanges et des exercices communs requis dans le SNMO. À l'issue du Beauvau de la sécurité, dans son discours, le Président de la République a évoqué la création d'un centre de maintien de l'ordre commun en région parisienne. Cette demande est portée par la préfecture de police. Je ne pense pas qu'il s'agira de formations communes. Notre centre de formation demeure à Saint-Astier. Notre schéma de formation est arrêté et s'effectue dans un centre mature, avec des formateurs permanents et selon notre propre doctrine. Ce centre est ouvert, nous accueillons des unités, nous effectuons du partage d'expériences et des échanges de bonnes pratiques. La formation de chaque maison est difficile à construire, elle comprend des problématiques qui lui sont propres. À titre d'exemple, il est probable que la préfecture de police ait des besoins de formation aux violences urbaines plus importants que la gendarmerie.

La densification et le durcissement de la formation sont des demandes du DGGN. Lors du drame de Saint-Just, des décisions ont été prises rapidement. Nos PSIG seront professionnalisés à compter de cette année. Nous effectuons par ailleurs un effort sur la capacité de protection avec des évolutions en termes de balistique et d'intervention.

Nous regrettons effectivement les grands rassemblements encadrés et déclarés par les syndicats, avec lesquels nous pouvions négocier et discuter. Désormais, les rassemblements se montrent davantage spontanés. Les cortèges comprennent des nébuleuses formées de personnes qui ont pour objectif de se confronter aux forces de l'ordre. Le SNMO analyse ce sujet en partie. Les grands principes du maintien de l'ordre reposaient sur le maintien à distance des forces de sécurité intérieure, la gradation dans l'emploi de la force et la proportionnalité de notre réponse. Néanmoins, dans le cadre du SNMO, il nous est demandé de faire preuve de davantage de réactivité, de mobilité et d'intervenir au plus vite contre les fauteurs de troubles les plus violents, les casseurs et les agresseurs. La théorie du désordre acceptable pose la question de nos interventions lors de mouvements de foule. Concernant le LBD, le débat a été fortement nourri pendant la séquence des gilets jaunes. Il a été tranché puisque le LBD est toujours en usage. Nous avons mis en place des superviseurs. S'agissant des saisines par rapport à l'usage du LBD, nous en comptons trois en 2019, aucune depuis. Sur un plan plus général, la gendarmerie mobile a fait l'objet en 2021 de vingt signalements, dont neuf conernent une mission de maintien de l'ordre malgré les nombreuses manifestations. Par rapport au nombre d'engagements que nous réalisons, nous éprouvons peu de difficultés. Le tireur de LBD doit avoir un superviseur. Il ne doit pas être autonome dans son tir. Ce processus est prévu dans le SNMO. Si nous doutons, nous ne tirons pas. Le maintien de l'ordre n'a pas vocation à blesser les individus. Le LBD doit permettre de neutraliser un individu qui a commis des infractions graves et qui sera après interpellé.

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le général de brigade Laurent Haas, commandant de la gendarmerie prévôtale

Concernant la haute intensité, je vais apporter quelques précisions. L'engagement de la prévôté, son organisation, ses missions et son service hors du territoire de la République en temps de paix sont encadrés par une instruction du 30 septembre 2021. Le code de justice militaire, auquel cette instruction fait référence, précise en outre l'exercice et l'organisation de la justice militaire hors du territoire en temps de guerre et sur le territoire. Cette organisation passe par la mise en œuvre de l'article 35 de la Constitution. Des réflexions quant à un engagement majeur sont en cours avec la direction des affaires pénales militaires. Compte tenu des enjeux volumétriques, nous ne pourrions pas faire l'économie d'appeler nos réservistes.

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J'ai pu constater la grande efficacité de la gendarmerie mobile sur mon territoire. Elle peut intervenir en renfort pour apaiser une situation. Une commune de ma circonscription a connu un été 2020 très agité. J'ai donc sollicité le ministre de l'Intérieur pour obtenir un peloton de gendarmerie mobile pour la saison estivale et ramener le calme à Palavas-les-Flots. Ce renfort a été déployé rapidement. Il a contribué à rassurer les habitants, les touristes et les commerçants.

Vous avez évoqué le déploiement conjoint avec l'armée. La situation au Mali nous inquiète. Quel est votre ressenti quant à cette situation ? Comment se portent nos soldats sur place ?

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Nous éprouvons une grande satisfaction face à la présence de gendarmes dans les départements ruraux. Je salue également la présence d'un escadron mobile 27/7 dans ma circonscription. En ce qui concerne la féminisation de la gendarmerie, la part de femme a été multipliée par trois sur les vingt dernières années. Les femmes représentent ainsi 20 % des effectifs de la gendarmerie. L'ouverture de la gendarmerie mobile au personnel féminin date de 2016. Comment cette intégration a-t-elle été réalisée ? Il existe désormais des femmes dans chaque escadron mobile et je salue cette avancée.

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Récemment, le colonel Philippe Cholous a publié une tribune dans la Voix du gendarme qui interroge l'avenir des pelotons d'intervention de la gendarmerie mobile (PIGM). Le colonel a rédigé cette tribune à la demande d'officiers et de sous-officiers. Il estime que l'ouverture du diplôme d'arme assorti du monitorat d'intervention professionnelle aux pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG) et aux pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie (PSPG) se fera au détriment de la gendarmerie mobile. La crainte exprimée se focalise sur le risque d'une mise à l'écart progressive des 109 PIGM sur des missions d'appui à la police judiciaire ou des arrestations à risque particulier. Les PIGM seraient alors restreints à leur seule mission de rétablissement de l'ordre. Le colonel ajoute que le retrait des fusils de précision TIKKA au profit du GIGN pourrait accroître ce sentiment de marginalisation des PIGM. Il exprime donc une inquiétude quant à l'évolution des PIGM. Quel est leur avenir dans les prochaines années ?

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La gendarmerie mobile s'est adaptée au cours des décennies, et ce, bien qu'une carrière dans cette unité soit courte (durée moyenne de 5 ans). Les nombreuses missions sont assurées, telles que la protection des transports nucléaires ou la sécurisation de grands événements, mais elles ne sont pas toujours connues de la population.

Le maillage territorial effectué par les gendarmes mobiles est de plus en plus large. Les effectifs des forces de l'ordre ont augmenté lors de ce quinquennat. Pourtant nombreux sont les élus qui souhaitent vous voir davantage sur leur commune. Quelles sont les relations entretenues avec les élus et la population ? Quels sont les moyens mis à votre disposition pour favoriser ces relations notamment en amont de grands événements ? Des événements de communication sont-ils prévus afin d'améliorer la connaissance de vos actions sur le terrain ?

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Je souhaite m'associer aux hommages et aux remerciements exprimés par mes collègues à l'égard de nos gendarmes. En février 2019, j'étais rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires étrangères, sur le projet de loi autorisant l'approbation du protocole entre la France et Djibouti sur les compétences de la prévôté sur ce territoire. Ces travaux ont été l'occasion pour moi de mieux connaître les compétences de la gendarmerie prévôtale, relais essentiel pour la France et son réseau global, notamment dans la région de l'océan Indien. Le protocole d'accord entre la France et Djibouti, signé en 2017 et approuvé en 2019, visait à conforter le partenariat franco-djiboutien autour de nos forces présentes sur place. Quelles appréciations portez-vous sur l'atteinte de cet objectif ? Estimez-vous que la coopération entre la prévôté et les autorités djiboutiennes s'est fluidifiée depuis 2019, alors que nous savons l'implication croissante de la Chine dans cet État ?

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Je souhaite évoquer la Martinique et les outre-mer. Vous avez évoqué le déploiement de moyens supplémentaires. Je souhaiterais connaître les effectifs prévus en matériel, sachant qu'en outre-mer, nous subissons des problèmes d'érosion et de vieillissement des véhicules. Quelle sera la proportion de matériel dévolu à nos différents départements ?

Une initiative a été mise en place par le commandant de gendarmerie William Vaquette en Martinique : la formation de 27 jeunes gendarmes adjoints volontaires (GAV). Il s'agit d'une initiative intéressante. Sera-t-elle poursuivie ? Ces GAV sont ensuite déployés sur le territoire. Cette initiative favorise l'emploi et un meilleur dialogue avec la population. Elle valorise le travail effectué à travers l'emploi local.

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le général de brigade Laurent Haas, commandant de la gendarmerie prévôtale

Au Mali, la situation s'avère particulièrement complexe. L'attaque récente de la base française à Gao en représente un des aspects. Une dizaine de prévôts sont présents au côté des armées. Ils maintiennent les contacts nécessaires à l'exercice de leurs missions avec les forces de sécurité intérieure locale et les magistrats maliens chargés des affaires militaires et des contentieux que les prévôts sont amenés à traiter avec eux. Ils le feront tant que cela sera nécessaire et souhaité.

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le général de brigade Christophe Daniel, chargé de mission auprès du directeur des opérations et de l'emploi

Concernant la tribune de colonel Philippe Cholous, je ne partage pas entièrement l'analyse d'une dégradation des possibilités d'emploi des pelotons d'intervention de nos escadrons. Je souhaite rappeler que le diplôme d'arme (DA) de nouvelle génération est une mesure prise postérieurement au drame de Saint-Just. Il s'agit d'un des enseignements tirés de cet événement pour monter en capacité, notamment sur le plan des savoir-faire tactiques de combat pour les PSIG. Cette mesure nous semble essentielle. Nous rencontrons parfois des difficultés à employer les pelotons d'intervention de la gendarmerie mobile car les escadrons ne sont pas toujours disponibles. Un peloton d'intervention est entraîné pour des actions de maintien et de rétablissement de l'ordre. C'est un appui aux unités territoriales lors des opérations de police judiciaire, un outil, une force de frappe. Il y a de la place pour beaucoup d'unités sur le spectre de la délinquance. Le fusil TIKKA n'existe plus dans nos unités mobiles depuis un certain temps. En revanche, les questions que nous nous posons sur nos capacités de protection ou d'intervention sont actuelles. En un mois, il y a eu deux blessés par balle lors de nos interventions aux Antilles. Quelle arme faut-il utiliser ? Doit-on modifier l'armement pour répondre à ce type de difficultés dramatiques ?

Concernant nos relations avec les élus, je n'ai pas saisi le cadrage de la question. Les gendarmeries mobiles ont du mal à vivre dans les territoires où ils sont affectés puisqu'ils sont en déplacement pendant 180 jours par an. En revanche, les gendarmes mobiles effectuent des missions en renforts estivaux et hivernaux où ils nouent les mêmes relations avec la population que les gendarmes locaux. En 2021, pour le centenaire de la gendarmerie mobile, nous avons organisé plusieurs événements, dont un colloque. À Saint-Astier, il existe un musée en hommage à la gendarmerie mobile.

En outre-mer, nous déployons une vingtaine d'escadrons en permanence. L'année dernière a été particulière puisque nous avions projeté dix escadrons supplémentaires en Nouvelle-Calédonie pour sécuriser le référendum. Dans les Antilles, en décembre 2021, nous avons projeté sept escadrons avec le renfort des unités d'intervention spécialisées, en l'occurrence le GIGN. Le volume de la gendarmerie mobile dans les outre-mer est de 1 525 personnels répartis de manière différenciée selon les territoires (en temps normal, trois escadrons en Guadeloupe, un en Martinique, sept en Guyane, un à la Réunion, 2,75 à Mayotte, un à Papeete, cinq en Nouvelle-Calédonie). L'escadron de gendarmerie mobile constitue l'outil privilégié pour réagir à la crise en moins de 24 heures.

Vous avez évoqué l'initiative de mon collègue le commandant William Vaquette. Malheureusement, je ne peux pas vous répondre, car cela ne relève pas de mon champ de compétence. Cependant, je vous transmettrai ces informations.

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le général de brigade Laurent Haas, commandant de la gendarmerie prévôtale

Sept prévôts sont actuellement à Djibouti. Concernant le protocole de coopération signé en 2019, la coopération sur ce théâtre est exemplaire. Les relations s'avèrent d'une grande fluidité, tandis que les échanges sont directs et très productifs.

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le général de brigade Christophe Daniel, chargé de mission auprès du directeur des opérations et de l'emploi

La féminisation de nos escadrons ne pose aucune difficulté. Depuis 2016, les femmes peuvent être sous-officiers dans les gendarmeries mobiles. Le taux de féminisation atteint 5,77 % dans nos escadrons. Les sous-officiers qui nous choisissent effectuent ce choix en sortie d'école. Il aura fallu bousculer quelques idées préconçues dans certaines unités. Désormais, cette féminisation ne pose aucun problème tant dans l'emploi que dans la vie en déplacement.

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Je souhaite rendre hommage au rôle de la gendarmerie prévôtale qui contribue par son action à la protection de la force, des militaires et de leurs familles.

La prévôté se doit d'être en capacité de suivre les armées sur leurs lieux d'engagement, de déploiement ou d'exercice aussi différents soient-ils, ce qui implique une grande capacité d'adaptation à l'intensité des missions.

Je souhaiterais que vous puissiez nous éclairer sur les candidatures à la prévôté et en particulier sur le nombre de femmes rejoignant les rangs de la gendarmerie prévôtale.

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le général de brigade Laurent Haas, commandant de la gendarmerie prévôtale

Le taux de féminisation de nos unités prévôtales est légèrement inférieur à 2 %, il est de 2,5 % s'agissant des candidats. Sur 750 réponses d'appel à volontaire, les femmes représentent une dizaine de candidatures. Nous disposons d'une importante marge de progrès dans ce domaine. Il est nécessaire de rassurer les officiers et sous-officiers féminins sur leur aptitude à remplir ces fonctions. J'ai pu constater que les personnels féminins réussissent très bien. Il s'agit d'une affaire de sensibilisation et de communication en interne.

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Je vous remercie pour vos apports sur la militarité dans la gendarmerie mobile et prévôtale. Vos interventions permettent de comprendre ce qu'est un soldat de la loi et non pas une militarisation de la loi. Il s'agit de militaires qui mettent leur compétence au service de l'État de droit et à la défense de la République dans ce qu'elle a de plus noble. Ils sont complémentaires à l'ensemble du déploiement des forces. Vous étiez à nos côtés aux Plantiers. J'en garderai un souvenir précieux, car lors de cette crise brutale et particulière, j'ai pu appréhender comment la gendarmerie mobile, c'est-à-dire l'ensemble de groupement départemental a pu se déployer, réagir, rassurer la population en quelques heures tout en étant efficace dans les recherches.

La séance est levée à dix-neuf heures quinze.

Membres présents ou excusés

Présents. - Mme Françoise Ballet-Blu, M. Xavier Batut, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Jean-Jacques Bridey, Mme Carole Bureau-Bonnard, M. André Chassaigne, M. Rémi Delatte, Mme Marianne Dubois, Mme Françoise Dumas, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Jean-Marie Fiévet, M. Claude de Ganay, Mme Séverine Gipson, M. Fabien Gouttefarde, M. Jean-Michel Jacques, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, M. Fabien Lainé, M. Didier Le Gac, M. Christophe Lejeune, M. Jacques Marilossian, M. Gérard Menuel, Mme Monica Michel-Brassart, Mme Patricia Mirallès, Mme Florence Morlighem, M. Joachim Son-Forget, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Laurence Trastour-Isnart, Mme Alexandra Valetta Ardisson, M. Stéphane Vojetta

Excusés. - M. Florian Bachelier, M. Olivier Becht, M. Christophe Castaner, M. François Cormier-Bouligeon, M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Olivier Faure, M. Richard Ferrand, M. Stanislas Guerini, M. David Habib, Mme Anissa Khedher, M. Jean-Christophe Lagarde, Mme Sereine Mauborgne, M. Philippe Meyer, M. Patrick Mignola, M. Gwendal Rouillard, Mme Isabelle Santiago, Mme Nathalie Serre, M. Aurélien Taché, M. Stéphane Trompille