Intervention de Sira Sylla

Réunion du mercredi 19 juillet 2017 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSira Sylla, rapporteure :

L'accord dont il nous est proposé d'autoriser la ratification aujourd'hui porte sur la coopération judiciaire en matière pénale avec l'Algérie. Accord technique et néanmoins fondamental pour nos deux pays, car il est déterminant pour la bonne administration de la justice dans toutes les affaires criminelles, notamment la lutte contre le terrorisme.

Sur le plan bilatéral, la France et l'Algérie sont liés par le protocole judiciaire entre le Gouvernement de la République française et l'Exécutif provisoire algérien du 28 août 1962 et la convention entre la France et l'Algérie relative à l'exequatur et l'extradition du 27 août 1964.

Nos deux pays ont récemment estimé qu'il était temps de moderniser ce cadre. Les deux parties sont parvenues à un consensus sur un nouveau texte en mai 2016, et l'accord a été signé en octobre 2016 par les gardes des Sceaux français et algériens.

Ce n'est d'ailleurs pas le seul domaine qui témoigne de la dynamique inédite de nos relations bilatérales depuis quelques années. On ne peut que s'en féliciter. Je ne m'étends pas sur ce point, vous trouverez des éléments détaillés dans mon rapport, sur le regain de nos relations économiques, ou le caractère incontournable de notre partenaire algérien dans la résolution de la crise libyenne ou la sécurisation du Sahel.

Nos échanges en matière judiciaire sont à la hauteur de nos liens historiques et humains. Les flux constatés sont très importants et constants, l'Algérie étant de loin le premier pays de la zone africaine s'agissant des demandes d'entraide en matière judiciaire reçues par la France, le second s'agissant des demandes transmises par la France, dans des domaines aussi cruciaux que les infractions relatives aux atteintes volontaires à la vie, les infractions à caractère sexuel, les questions intrafamiliales ou encore le terrorisme international.

Cette coopération est dans l'ensemble jugée efficace. Elle est notamment facilitée par la présence d'un magistrat de liaison à Alger depuis 2009. Cependant le caractère trop général de la rédaction du texte de 1962 pouvait faire obstacle au bon fonctionnement de notre coopération en matière judiciaire et ne tenait pas compte des moyens modernes de lutte contre la criminalité.

C'est la raison pour laquelle ce nouveau texte a été élaboré. Sa rédaction se rapproche des conventions signées par la France avec d'autres pays de la zone, tout en comportant quelques innovations. Que propose le texte en quelques mots ?

– tout d'abord, élargir le champ de l'entraide judiciaire : l'article 1er pose le principe de « l'entraide pénale la plus large possible », consacré par l'ensemble des instruments récents de coopération judiciaire pénale auxquels la France est partie. Il ne sera plus possible à l'autorité judiciaire requise de refuser d'exécuter une demande d'entraide au motif que celle-ci ne serait pas de sa compétence. Il ne sera plus non plus possible de se prévaloir du secret bancaire ou du caractère fiscal de l'infraction pour rejeter une demande d'entraide

– ensuite, il est proposé de renforcer les échanges entre les parties afin d'assurer une meilleure exécution des demandes d'entraide : le texte prévoit des mécanismes de consultation entre les parties à différentes moments de la procédure ; il ouvre la possibilité, qui n'existait pas, d'échanges spontanés d'information ; il précise enfin les conditions d'exercice, par l'une des parties d'une compétence extraterritoriale. Le texte pose une obligation de célérité dans l'exécution des demandes. Enfin, il permet à l'autorité requérante d'assister à l'exécution d'une demande d'entraide, sur place, ce qui peut considérablement faciliter le travail des juges ;

– enfin ce texte devrait permettre d'exploiter les techniques modernes de lutte contre la criminalité : le texte ouvre ainsi des possibilités très larges d'obtention d'informations en matière bancaire pour lutter contre le blanchiment. Il ouvre aussi le droit de réaliser des auditions de témoins, d'experts ou de parties civiles par vidéoconférence, celui de procéder à des livraisons surveillées, ou encore à des gels d'avoir, ce qui n'était auparavant pas possible.

Je vous renvoie au rapport pour l'analyse détaillée de ces dispositions.

Elles marquent dans l'ensemble une véritable avancée, au moins sur trois points :

– Les termes de notre coopération judiciaire en matière pénale seront désormais plus précis, et pour certains innovants et inspirés des instruments en vigueur entre les Etats membres de l'Union européenne ;

– Ce nouveau texte devrait offrir plus de sécurité juridique aux praticiens en encadrant les demandes d'entraide et en limitant les conflits de compétence

– S'agissant plus spécifiquement de la coopération en matière de terrorisme, la convention permettra de mieux appréhender les situations d'urgence en permettant la transmission des demandes dans la langue de la partie requérante par tout moyen permettant d'en obtenir une trace écrite. Pour le reste, les demandes devront être traduites, ce qui correspondait à la demande de la partie algérienne

Au final, ce texte se conçoit comme un acte de confiance dans la capacité des institutions judiciaires de nos deux pays à coopérer en bonne intelligence, au service d'une meilleure administration de la justice.

La ratification du texte par la Partie française est très attendue par nos partenaires algériens, qui ont fait savoir que leur ministère des Affaires étrangères avait été saisi pour la préparation du décret présidentiel portant ratification de cette convention bilatérale d'entraide judiciaire.

Au bénéfice de ces remarques, je vous recommande l'adoption de ce projet de loi par notre commission.

Je vous remercie.

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