C'est l'élu de Dunkerque qui le relève, le transport maritime est au coeur de notre économie. Il repose sur la liberté des mers. La sécurité de la navigation en est une condition.
Le terrorisme maritime n'a jamais atteint le niveau des menaces contre le transport aérien, qui, au cours des années 1970 et 1980, a marqué l'opinion publique. Il a cependant aussi provoqué des drames, avec notamment, en octobre 1985, le détournement d'un navire de croisière italien, l'Achille Lauro, par des membres du Front de libération de la Palestine.
En 1986, l'Organisation maritime internationale (OMI) a été saisie d'une demande en vue d'une convention similaire à celle déjà en vigueur pour le transport aérien.
En effet, en application du principe de la liberté de la haute mer, seule une règle de droit international public permet à un État d'interférer avec la navigation d'un navire qui ne bat pas son pavillon.
A ainsi été adoptée en 1988, lors d'une conférence à Rome, la convention pour la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, dite convention SUA (Suppression of Unlawful Acts).
Les États qui y sont parties s'engagent à prendre les mesures répressives appropriées, de nature pénale, contre les auteurs de tels actes illicites. Sont notamment visés la capture d'un navire par la force, les violences et voies de fait, y compris le meurtre, contre les personnes à bord, passagers ou membres d'équipage, et l'embarquement d'équipements et dispositifs destinés à endommager ou à détruire un navire, ou bien son système de navigation.
La coopération entre les États est organisée. L'État du pavillon doit veiller ce que le capitaine du navire coopère. Il a aussi l'obligation de motiver tout refus de remettre l'auteur d'une infraction à un pays qui le demande.
Les États sont également tenus de s'accorder l'entraide judiciaire. L'objectif est que l'auteur d'une infraction se trouvant sur le territoire de l'un d'entre eux y soit jugé, ou bien en soit extradé vers un pays qui a établi sa compétence, notamment, lorsque l'un de ses ressortissants est l'une des victimes ou l'un des auteurs.
Les États doivent aussi se coordonner, y compris par l'échange de renseignements, pour prévenir la préparation sur leur territoire des infractions visées par la convention.
Un protocole spécifique aux plates-formes d'exploration et de production d'hydrocarbures fixées sur le plateau continental, dit protocole SUA 1988, a aussi été établi. Ces plates-formes présentent des vulnérabilités similaires à celles des navires. L'essentiel des différences vient de ce que celles-ci relèvent du droit de l'État côtier, auquel la convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 donne juridiction exclusive, y compris en matière de sécurité.
Après les attentats du 11 septembre 2001, il est apparu nécessaire de compléter ce dispositif.
Des négociations ont ainsi été engagées dès le mois de mars 2002, dans le cadre de l'OMI. Une conférence spécifique a été réunie, à Londres, en septembre 2005.
Celle-ci a adopté les deux protocoles, celui relatif à la navigation maritime et celui relatif aux plates-formes, dont il est aujourd'hui demandé à notre commission d'autoriser la ratification. Adoptées par consensus, ces dispositions ont donc été validées par la France.
On relève certain nombre d'avancées.
En premier lieu, le terrorisme est incriminé. Les nouveaux textes mentionnent les actes qui, par leur nature ou leur contexte, visent à intimider une population ou à contraindre un État, ou une organisation internationale, à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte. Le dispositif est large. Sont visés non seulement les moyens « classiques » de la terreur tels que l'utilisation d'explosifs, les atteintes à l'environnement par déversement de substances dangereuses ou nocives, ou le détournement d'un navire de manière à provoquer la mort ou des dommages corporels ou matériels graves, mais aussi les risques de prolifération, à savoir l'utilisation de matières radioactives ou d'armes bactériologiques, chimiques ou nucléaires (BCN). La clause de dépolitisation interdit à un pays de recourir à l'argument du mobile politique pour refuser d'exécuter ses obligations.
Ensuite, le protocole sur la navigation maritime cible la prolifération par voie de mer, c'est-à-dire le « simple » transport illégal par mer d'armes BCN. Cette disposition n'appelle pas de réserve. Une clause de sauvegarde confirme la légalité des transports qui ne sont pas contraires au traité de 1968 sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP).
Il faut aussi mentionner la création d'une nouvelle infraction, celle de recel de fugitif impliqué dans l'une des atteintes à la sécurité maritime, ce que le droit pénal français qualifie de recel de malfaiteur.
Enfin, un troisième ajout concerne l'amélioration de la coopération entre les États, avec la création d'une procédure d'arraisonnement. Il s'agit de permettre, sous certaines conditions, à un État d'arraisonner un navire qui ne bat pas son pavillon, lorsque celui-ci est soupçonné d'être impliqué dans l'une des infractions à la sécurité de la navigation maritime. Cela peut aller jusqu'à fouiller le navire, ainsi que sa cargaison, et à interroger les membres de son équipage, ainsi que les personnes à bord.
La mise en oeuvre de cette procédure reste par principe subordonnée à l'autorisation de l'État du pavillon, car c'est une question de souveraineté, mais deux modalités simplifiées sont prévues pour en faciliter l'exercice : d'une part, un mécanisme d'autorisation tacite après un silence de quatre heures ; d'autre part, un mécanisme d'accord général et préalable de l'État du pavillon pour l'ensemble de ses navires.
La France ne fera pas usage de ces dispositions, souhaitant garder sa pleine autonomie de décision, comme le lui permet la qualité de l'organisation de l'action de l'État en mer et du Secrétariat général de la mer, mis en place en 1995 par notre collègue Didier Quentin.
Le protocole de Londres de 2005 sur les plates-formes modifie celui de 1988, de manière similaire à ce qui est prévu pour les navires.
La ratification de ces deux protocoles de 2005 visant à renforcer la sécurité maritime est tout à fait justifiée du point de vue de la France.
D'abord, notre pays est une puissance maritime importante et doit protéger ses intérêts.
Même si sa flotte de commerce nationale reste assez limitée, avec, au 1er janvier 2016, 298 navires sous pavillon, dont 171 dans le cadre du Registre international français (R.I.F.), 850 navires environ étaient contrôlés par les armateurs français, sous d'autres pavillons, c'est-à-dire plus de 1 % des quelque 93 000 navires recensés dans le monde.
Ensuite, la France dispose de la deuxième superficie maritime au monde, à raison de 11 millions de kilomètres carrés, juste après les États-Unis. 97 % de cette superficie est située outre-mer, pour l'essentiel dans l'Océan pacifique et l'Océan indien. Le domaine sous-marin sous juridiction française est plus vaste grâce aux extensions du plateau continental déjà intervenues et celles encore à venir dans le cadre des instructions encore en cours devant la Commission des limites du plateau continental.
Enfin, une large partie des espaces maritimes sous juridiction de la France se trouve à des points stratégiques comme le Nord-Pas-de-Calais, mais aussi le Canal de Mozambique entre l'Afrique et Madagascar.
Les cas, détaillés dans le rapport, du navire de plaisance le Tanit et celui du pétrolier Limbourg, ou celui du navire de plaisance le Ponant, attaqués au large de la Corne de l'Afrique et du Yémen, montrent aussi que nos intérêts peuvent être très directement menacés.
Par ailleurs, les protocoles de Londres sont cohérents avec les engagements internationaux et européens de la France. Ils s'articulent ainsi très bien avec le droit international, grâce à la clause de non-dérogation vis-à-vis des autres corps de règles, et sont tout à fait compatibles avec le droit européen, lequel est assez développé en matière de lutte contre le terrorisme.
Enfin, peu d'adaptations au droit national sont à prévoir. En effet, celui-ci est déjà largement conforme. Une modification de loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative à la lutte contre la piraterie et aux modalités de l'exercice par l'État de ses pouvoirs de police en mer, est envisagée. Une réflexion est en cours pour faire évoluer la loi et le code de procédure pénale, de manière à prévoir la compétence des juridictions françaises dans le cas où l'État du pavillon abandonnerait sa compétence au profit de l'État français, ou encore dans le cas d'une infraction commise à bord d'un navire n'arborant aucun pavillon ou sans nationalité.Certaines déclarations et réserves sont par ailleurs prévues, pour préserver les principes du droit français en matière de menace de violences, ainsi qu'en matière de recel de fugitifs.
Les textes qu'il est demandé de ratifier ne soulèvent donc pas de difficulté.
Le seul point critique est le délai de onze ans entre la date du dépôt de projet de loi et la date de la signature des protocoles de Londres par la France, ce qui est particulièrement long, ainsi que le délai de sept ans depuis leur entrée en vigueur, le 28 juillet 2010. Cela n'est pas satisfaisant au regard des enjeux et des avancées que proposent ces textes qui auraient pu et dû être ratifiés il y a plusieurs années.
Comme la présidente en a déjà parlé en réunion de Bureau, notre commission peut améliorer les choses en la matière.