Intervention de Françoise Nyssen

Réunion du mardi 18 juillet 2017 à 15h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Françoise Nyssen, ministre de la Culture :

La question budgétaire regroupe plusieurs aspects : la place du budget de la culture dans le budget de la Nation, les économies de 50 millions d'euros que le ministère doit consentir, les perspectives pour l'année prochaine alors que nous ne connaissons pas encore les arbitrages, et, enfin, le contexte contraint dans lequel évoluent la France et de nombreux pays du monde.

Je commencerai par ces fameuses économies de 50 millions d'euros. Elles n'affecteront en aucune façon, je le répète, les engagements concernant la création et le soutien aux artistes. Elles concernent des lignes budgétaires non utilisées ou des reports de crédits d'années antérieures, également non utilisés. Nous ne faisons qu'anticiper des ajustements qui interviennent chaque année.

S'agissant du budget pour 2018, je vous renvoie au magnifique discours que Victor Hugo a prononcé devant l'Assemblée nationale en 1848. Il dit bien l'esprit dans lequel nous travaillons. Une réalité économique globale s'impose aux pays de par le monde et chacun joue sa partie. Même si je m'éloigne un peu du budget, je tiens à vous citer ici la légende du colibri, si importante aux yeux de Pierre Rabhi, dont je vous ai dit être proche.

Un jour, un immense incendie ravage la forêt. Tous les animaux fuient et se rassemblent dans un coin, impuissants. Seul, un petit colibri se démène : il va chercher au puits quelques gouttes d'eau dans son bec pour les jeter sur le feu, revient et recommence sans relâche. Un animal se moque de lui en lui disant que cela ne sert à rien. Il lui répond : « Je le sais bien ; mais je fais ma part. » Très jolie histoire qui peut nous nourrir en chaque circonstance…

L'accès de tous à la culture est au coeur des priorités de ce quinquennat. Au récent sommet franco-allemand, lors de la conférence de presse, le Président de la République a rappelé devant la Chancelière Angela Merkel l'importance de la culture, qui alimente de manière transversale les diverses politiques.

Revenons sur quelques chiffres. À l'intérieur du budget du ministère, 3,6 milliards d'euros sont consacrés à la culture et 4 milliards d'euros à l'audiovisuel public. Les crédits d'impôt, tels le crédit d'impôt cinéma, qui permettent de soutenir notre modèle de création représentent 1,5 milliard d'euros. Les taxes affectées qui financent des établissements comme le CNC ou le Centre national du livre (CNL) représentent 1 milliard d'euros. Quant aux crédits interministériels, leur montant est de 3 à 4 milliards d'euros. Au total, l'effort public pour la culture se situe entre 13 et 14 milliards d'euros en 2017.

Nul ne peut nier par ailleurs que nos finances publiques sont dégradées : la dette est équivalente au produit intérieur brut, ce qui nous place dans la situation la pire en Europe.

Nous travaillons de façon intense, avec le discours d'Hugo pour boussole, discours qui encourage à faire des économies là où elles ont du sens. Comme le colibri avec sa petite goutte d'eau, nous faisons notre part dans l'effort de redressement des finances publiques. Il faut être solidaire d'une manière ou d'une autre. Cela ne nous empêchera pas de travailler pour que le budget de l'année prochaine soit cohérent avec les engagements pris.

En 2017 comme en 2018, notre ambition sera de mettre au coeur de notre politique culturelle la création, le soutien aux artistes, le patrimoine et l'éducation artistique.

Il existe entre l'État et les collectivités locales un lien fondateur. Et je vous remercie, madame Genevard, d'avoir évoqué la réunion que j'ai organisée à mon ministère avec des représentants d'associations d'élus membres du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC), avant que celui-ci ne se réunisse officiellement. Cette réunion, j'en ai pris l'initiative non parce qu'il fallait la faire, mais parce que j'avais envie de la faire. C'est l'esprit de la méthode que je souhaite développer. Depuis que je suis entrée en fonction, je me suis rendue à tous les niveaux du ministère et dans les autres ministères pour essayer de développer une approche transversale. Les collectivités locales sont au coeur de cette réflexion. C'est au niveau local – d'où l'importance de travailler avec les DRAC – que l'on peut connaître les besoins. Nous travaillerons à une contractualisation intelligente, marquée notamment par une simplification des démarches aux guichets – je peux témoigner du fait qu'il y a parfois des choses incompréhensibles.

Ministre recrutée « sur travaux pratiques », je sais parfaitement qu'il y a un besoin de moyens. Mais ces moyens doivent faire l'objet d'une réflexion. Dans la ville où je travaillais, certaines associations jouissaient de budgets énormes quand d'autres ne disposaient que de tout petits budgets sans faire forcément moins bien. Tout dépend de la manière de poser les problèmes. Et ce n'est pas nous qui déciderons de la façon dont il faut les poser ; ce sont les gens, sur le terrain, qui le feront, car ce sont eux qui savent, ce sont eux qui font.

Vous avez évoqué l'inquiétude des centres dramatiques nationaux (CDN). La lucidité qu'apporte l'inquiétude est fondamentale, mais il faut aussi savoir se mettre autour de la table pour voir comment avancer, c'est pour moi un principe essentiel. C'est ce que je vais m'appliquer à faire. Je n'ai pas de solution miracle. Il n'y a ni distance à marquer ni discours à asséner d'en haut. La seule solution, c'est de réfléchir ensemble.

Je regrette profondément que l'inquiétude des responsables de CDN se soit accrue après cet échange en Avignon et comprends leur sentiment d'incompréhension. Ce n'était pas du tout l'esprit de la démarche que j'ai entamée. Trois jours avant, j'avais pris du temps pour les rencontrer et réunir l'ensemble des syndicats du spectacle afin d'entendre ce qu'il y avait à entendre. Je souhaite établir un cadre de discussion constructif et transparent.

Trois sujets concentrent les préoccupations des directeurs et directrices de CDN : les moyens budgétaires dévolus à leurs structures dans un contexte d'érosion de leurs marges artistiques ; les relations entre théâtre privé et théâtre public ; l'éducation artistique et culturelle, pour laquelle les équipes de label effectuent un travail remarquable, intrinsèquement lié à la singularité de chaque projet artistique. À aucun moment, nous n'avons voulu remettre en cause cette spécificité. Nous voulons au contraire nous appuyer sur cet atout pour réfléchir encore mieux à cette politique de création.

Pour moi, se manifeste toujours la nécessité de partir des artistes, qui sont les créateurs de richesses aux avant-postes du rayonnement culturel de notre pays. Ils créent, interprètent, diffusent et contribuent par leur oeuvre à l'échange des idées et opinions, indispensable à une société démocratique.

Je souhaite inscrire mon action dans l'histoire vivante de la décentralisation du spectacle vivant. Nous allons bientôt fêter les soixante-dix ans des centres dramatiques nationaux. Avec leurs directeurs et leurs directrices, nous allons imaginer ensemble comment célébrer cet anniversaire et réfléchir à l'avenir de cette politique.

Quant aux bibliothèques, elles constituent elles aussi un axe fort de notre action. Depuis plus de vingt ans, elles ont connu de profondes transformations pour tenir compte de l'évolution des pratiques culturelles. Ce sont de véritables lieux de vie. Il est extraordinaire d'observer les divers usages qu'en font ceux qui les fréquentent. Elles constituent parfois de véritables maisons de quartier et sont de plus en plus ouvertes aux pratiques numériques.

La capacité de ces lieux à être largement ouverts au public est décisive. Malheureusement, nos bibliothèques n'ont pas d'horaires d'ouverture aussi larges que dans d'autres pays. Une priorité de notre programme sera de les étendre. Pour ce faire, nous avons confié à M. Érik Orsenna une mission d'ambassadeur de bonne volonté. Il effectuera un tour de France pour convaincre les maires d'aller dans ce sens. Je suis également en contact avec la sénatrice Sylvie Robert, très attachée à cet enjeu. Nous envisageons d'organiser un large débat national au mois de mars 2018. L'État accompagnera les collectivités en matière d'expertise et par un concours financier, dont les modalités seront définies ultérieurement. Le ministère de l'Intérieur et le ministère de l'Enseignement supérieur seront également associés à ce chantier.

Enfin, les changements dans les rythmes scolaires ne me paraissent pas devoir affecter l'éducation artistique et culturelle, qui est à mon sens constitutive de l'éducation au sens large. À ce titre, elle nourrit la journée scolaire. Elle n'est pas un « plus » culturel apporté après la fin des cours pendant les activités périscolaires.

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