Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du mardi 23 janvier 2018 à 21h35
État au service d'une société de confiance — Article 2

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Ce point est vraiment important. Comme la disposition est innovante, les gens vont s'intéresser à nos débats : nous devons tous être d'accord sur ce que nous mettons en place et soumettons à votre vote.

Il me semble vraiment que ce serait une erreur d'adopter votre amendement. Je tiens à le préciser parce que, M. le rapporteur a raison, il s'agit, entre les deux contrôles, de garantir la légalité du premier d'entre eux ; il n'y a donc pas de rétroactivité.

Je veux juste rappeler, avant que nous ne débattions de l'article 4, que nous sommes pour l'instant hors du champ fiscal. Même si l'opposabilité fiscale, autre question à laquelle nous nous intéresserons – le rapporteur a fait adopter un amendement à ce sujet – , répond à peu près à la même logique, les précisions que je veux apporter concerne le présent article 2.

Si je n'avais pas la responsabilité de diriger une administration, peut-être aurais-je pensé spontanément comme vous. Mais il arrive que l'on découvre un défaut légistique, un vice intrinsèque de la législation. Il est tout à fait possible que, après un premier contrôle à l'issue duquel l'administration a jugé inutile de chercher des poux dans la tête des gens et s'est contentée de préconiser une simple modification des pratiques, une fraude massive finisse par se faire jour.

C'est par exemple le cas des certificats d'économies d'énergie, dont nous nous sommes aperçus, suite à un signalement de Tracfin, qu'ils faisaient l'objet d'une fraude massive, assimilable à la fabrication de fausse monnaie. L'administration dont je suis responsable, avec l'appui de Nicolas Hulot, a donc donné des instructions pour renforcer les contrôles lors de la délivrance de ces certificats. Cette affaire nous a donc conduits à changer la doctrine administrative ou, du moins, à demander aux contrôleurs de contrôler différemment.

Je citerai un autre exemple pour illustrer mon propos, même s'il relève du droit fiscal et déborde donc le champ de l'article 2. Lors du débat sur le projet de loi de finances, nous avons examiné, à la demande du président Ferrand, la question de savoir si certaines transformations réalisées par un agriculteur dans son exploitation agricole devaient conduire à considérer celle-ci comme relevant davantage de l'industrie ou, du moins, de la logistique, et donc à la taxer en ce sens. Or l'interprétation de l'administration varie d'une situation à l'autre. Certes, le législateur devrait être plus précis – je m'y suis engagé lors du débat budgétaire – , mais le temps que l'administration réfléchit à la législation qu'elle souhaite proposer au Parlement ou à une nouvelle doctrine, il convient de se mettre sur pause.

Il peut donc arriver parfois, à droit constant, que la puissance publique change de position parce qu'elle veut lutter contre une fraude ou parce qu'elle considère qu'on est allé trop loin dans un certain sens. Cela ne retire rien aux arguments de M. le rapporteur : entre deux contrôles, il n'y a pas de remise en cause, mais nous ne pouvons pas nous engager à une opposabilité éternelle, parce que la vie change.

Nous avons pris le temps d'éclaircir les choses, mais il ne me semble vraiment pas souhaitable que ces amendements soient adoptés, car ils iraient à l'encontre de ce que nous souhaitons tous faire. Il est vrai que subsiste une part d'incertitude, parce qu'il s'agit d'un droit nouveau, mais il faut faire confiance aux acteurs concernés.

Vous avez raison, monsieur Brun, de dire que ce projet de loi revient à faire confiance aux entreprises. Mais il est aussi une façon de manifester de la confiance envers l'administration : si nous ne faisons pas confiance aux agents publics pour appliquer une innovation, si nous ne leur laissons pas une marge d'interprétation, nous ne pourrons jamais couvrir tous les cas ; or nous savons tous que certaines situations donner lieu des interprétations différentes. Moins les agents disposeront de la liberté individuelle de trancher selon le bon état d'esprit, plus nous risquons de laisser la place aux tracasseries administratives bêtes et méchantes que nous refusons tous. La vérité bureaucratique n'a jamais donné beaucoup de liberté.

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