Intervention de David Salas

Réunion du jeudi 18 janvier 2018 à 9h00
Mission d'information sur la gestion des évènements climatiques majeurs dans les zones littorales de l'hexagone et des outre-mer

David Salas, chef du groupe de météorologie de grande échelle et climat, du Centre national de recherche météorologique (CNRM) de Météo-France :

Je poursuivrai par l'évocation de considérations davantage liées au climat, mais qui comprendront un début de réponse aux questions que vous nous avez posées.

À Météo-France, les activités de modélisation du climat se trouvent en aval du travail de prévision numérique du temps : nous capitalisons sur l'effort de modélisation concernant l'atmosphère. À partir de ce modèle d'atmosphère, toute la connaissance évoquée par M. Pontaud, nous développons un modèle de climat qui reste très proche de la prévision du temps. Ce modèle de climat permet de mieux comprendre les évolutions passées du climat et d'anticiper ses évolutions futures sur des échelles de temps relativement longues : de l'ordre de quelques décennies ou, typiquement, jusqu'à la fin du XXIe siècle.

Mais nous menons également d'autres activités. Ainsi, lorsqu'on couple un modèle d'atmosphère de climat avec un modèle d'océan, on devient capable de faire de la prévision saisonnière climatique, c'est-à-dire qu'on est capable de définir les grandes tendances climatiques à l'horizon de plusieurs mois et jusqu'à un an dans certains cas, ce qui a des implications directes, par exemple en ce qui concerne les risques cycloniques. On est ainsi capable de dire si la saison à venir va être plus ou moins intense sans toutefois pouvoir affirmer qu'un cyclone va frapper telle région. Il s'agit bien d'une notion de risque.

Nous réalisons également des simulations plus fines que les simulations mondiales – lesquelles ont une résolution horizontale de l'ordre de 100 kilomètres, pour Météo-France comme pour les autres instituts dans le monde. Or 100 kilomètres pour représenter la finesse des climats des îles de la Polynésie ou la complexité du climat de La Réunion, avec un relief très marqué, ce n'est pas suffisant. C'est pourquoi nous réalisons des simulations plus fines, dites régionales, de l'ordre de 10 kilomètres pour les régions d'outre-mer. À titre exploratoire, nous commençons à faire des simulations avec une résolution de 2,5 kilomètres qui nous permet de résoudre explicitement les phénomènes météorologiques extrêmes. Notre objectif, pour 2021, est de réaliser de nouvelles simulations fines pour les différentes régions d'outre-mer afin de contribuer, en particulier, à la connaissance et à la décision.

Après cette brève introduction, je présenterai des phénomènes extrêmes concernant l'outre-mer, avec les cyclones, et l'hexagone, avec, entre autres, les tempêtes.

Les cyclones sont classés en différentes catégories de violence par le vent moyen soutenu sur une minute. Si le vent dépasse 118 kilomètres par heure, ce qui est déjà considérable, on peut dire qu'on a affaire à un cyclone. Les catégories de « Saffir-Simpson » vont de 1 à 5, du moins au plus intense, la catégorie 5 correspondant aux cyclones pour lesquels les vents, sur une minute, peuvent dépasser 249 kilomètres par heure – événement bien sûr très dangereux. Les cyclones ne se caractérisent pas seulement par le vent et ont, c'est bien connu, un oeil. Ce sont des phénomènes particuliers dits « à coeur chaud », à savoir des dépressions qui tournent dans le sens des aiguilles d'une montre dans l'hémisphère sud et dans le sens inverse dans l'hémisphère nord.

Parmi les dangers présentés par les cyclones on pense en général au vent mais il faut également ajouter les pluies extrêmes, sources d'inondations ou de glissements de terrain. On note également une surélévation du niveau des mers, liée à la dépression à cause de laquelle l'air pèse moins sur la mer. N'oublions pas la houle cyclonique qui provoque des vagues de 10 mètres voire 20 mètres si le cyclone est particulièrement intense et se déplace rapidement. On pense aux cyclones qui ont dramatiquement touché Saint-Martin, Saint-Barthélemy ou la Guadeloupe, à l'automne dernier. On a aussi à l'esprit différents événements qui ont affecté la Polynésie, la Nouvelle-Calédonie, La Réunion et toutes les régions d'outre-mer en général.

Les phénomènes de formation des tempêtes de moyennes latitudes des deux hémisphères, quant à eux, sont très différents par rapport aux phénomènes de formation des cyclones. Nous sommes ici face à des phénomènes qui se produisent, assez grossièrement, à la suite de conflits de masses d'air – dus aux différences de température importantes aux latitudes considérées.

On peut dire qu'on est confronté à une tempête lorsque le vent moyen soutenu sur dix minutes atteint ou dépasse 89 kilomètres par heure, à savoir 48 noeuds. Il s'agit d'une tempête de force 10. On peut aller jusqu'à une tempête de force 12 quand le vent dépasse 118 kilomètres par heure, et nous sommes ici au début de l'échelle de « Saffir-Simpson » relative aux cyclones : il y a un continuum. Un ouragan de force 12, et il y en a eu dans l'hexagone au cours du XXe siècle, comme celui d'octobre 1987 qui a frappé les côtes normandes et le Nord de la France, correspond à un cyclone de catégorie 1. Les pertes en vies humaines et les dégâts sont alors importants.

J'en viens aux pluies extrêmes, qui peuvent ne pas être associées à des tempêtes ou à des cyclones, comme les événements dits méditerranéens, connus également sous l'appellation un peu réductrice d'événements cévenols, et qui correspondent à des pluies pouvant représenter l'équivalent de plusieurs mois de précipitations en une seule journée, à savoir autour de 400 millimètres – voire beaucoup plus. Ce phénomène est dû au déplacement de masses d'air très humides du Sud vers le Nord, masses qui viennent buter sur le massif des Cévennes ou celui des Alpes. Les masses d'air remontent brutalement et la condensation qui s'ensuit provoque des orages et de fortes précipitations. Météo-France étudie le phénomène de près à la fois par l'observation – et plusieurs études récentes nous montrent que ces événements semblent devenir plus intenses depuis une trentaine d'années – et par la modélisation – notamment avec les modèles très fins évoqués précédemment.

Un phénomène moins connu affecte les zones côtières, couramment appelé Medicane, sorte de cyclone méditerranéen qui tiendrait le milieu entre un cyclone tropical et une tempête de moyenne latitude. Comme les cyclones tropicaux, les Medicanes ont un oeil – et une image satellite peut donner l'impression qu'il s'agit d'un cyclone ; en revanche, les processus de formation sont différents : les Medicanes se produisent en général en fin d'été ou en début d'automne lorsque les eaux de la Méditerranée sont encore très chaudes et lorsque, en altitude, de l'air froid arrive du continent, l'atmosphère devient alors instable et des mouvements verticaux de l'atmosphère provoquent des orages et de fortes précipitations. Il s'en est produit une centaine depuis 1947 ; l'un d'entre eux a affecté la Corse il y a quelques années.

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