En réponse à Madame Guion-Firmin, on peut souligner qu'Irma, qui a frappé Saint-Martin et Saint-Barthélemy, était un événement hors norme – vraiment exceptionnel. C'est l'ouragan le plus puissant jamais enregistré sur le bassin atlantique à l'est de l'arc antillais. Dans l'histoire moderne, c'est-à-dire pour nous depuis la fin des années soixante-dix – date à partir de laquelle on dispose de mesures à partir de satellites en fin de période –, c'est le premier ouragan qui a touché les petites Antilles alors qu'il était déjà en catégorie 5, avec des vents maximaux de 295 kmh en moyenne sur une minute – la catégorie 5 commence à 249 kmh… Les rafales étaient donc probablement beaucoup plus importantes.
Il figure parmi les cinq ouragans les plus puissants au monde ayant traversé une terre habitée. Il est resté soixante-douze heures d'affilée en catégorie 5, ce qui constitue également un record sur le bassin atlantique depuis le début de l'ère satellitaire. Avant, nous n'étions pas capables de disposer de ces statistiques.
Évidemment, Irma a engendré des pertes en vies humaines et des dégâts considérables, ce que tout le monde déplore. Ce qui frappe, au-delà d'Irma, c'est la succession de trois ouragans majeurs : Irma, José, puis Maria qui a touché la Guadeloupe, mais également la Dominique en catégorie 5, avec des vents de 160 kmh. C'est cette succession d'événements exceptionnels qui interroge à la fois le citoyen et les scientifiques. La recherche estime que les conditions terribles de ce mois de septembre étaient favorables à la formation de ces événements. Elles étaient favorables pour Irma et le sont restées pour José et pour Maria, ce qui explique cet enchaînement. Sans vouloir faire de parallèle abusif sous nos latitudes, pour des phénomènes intéressants l'Hexagone – et pour répondre à M. Bouyx – on se souvient de l'enchaînement des tempêtes Lothar et Martin en 1999. Ces tempêtes extrêmement intenses – qualifiées de bombes météorologiques – ont frappé successivement le nord et le sud de la France, avec une intensification extrêmement rapide.
Mais rien ne permet d'affirmer que l'on assiste à une augmentation de la fréquence des tempêtes. En hiver, la zone de prédilection – le rail – de ces tempêtes se situe actuellement dans la Manche. Sachant que ces événements résultent de la confrontation de masses d'air froid et de masses d'air chaud, dans la mesure où le réchauffement climatique actuel réchauffe davantage l'Arctique que les latitudes moyennes de nos régions, la différence de température entre l'Arctique – où réside l'air froid – et nos latitudes a tendance à diminuer. En théorie, cela devrait donc plutôt défavoriser la formation des tempêtes. Malgré tout, des tempêtes pourront continuer à se former dans le futur, même si elles se forment plus difficilement. Comme en 1999, on assistera aussi probablement encore à ces phénomènes d'intensification rapide, résultant de l'interaction d'une tempête – donc d'une dépression qui se forme – avec le fameux courant-jet – des vents très intenses, soufflant entre 8 et 12 kilomètres d'altitude, à des vitesses pouvant aller jusqu'à 400 kmh. Les avions l'utilisent pour aller plus vite entre l'Amérique et l'Europe.
Je compléterai en répondant à une question précédemment posée concernant les interactions entre El Niño et les cyclones.
On le sait, malheureusement, en Polynésie, des cyclones se produisent plus fréquemment quand un événement El Niño en cours. Qu'est-ce qu'El Niño ? C'est une anomalie de réchauffement au large des côtes péruviennes, dans le Pacifique tropical est, qui se produit de manière irrégulière – tous les deux à sept ans. La dernière a été observée en 2015-2016. Ces événements réchauffent la température de la surface océanique. Certaines régions, d'habitude plus concernées par les houles cycloniques, doivent alors gérer des phénomènes de cyclone. Cela a été observé en Polynésie, mais également dans des régions où cela n'avait pratiquement jamais été observé auparavant, au large des côtes pacifiques mexicaines par exemple, où un événement très intense s'est produit en 2015.
Quel est le futur d'El Niño ? Pour l'instant, la recherche n'est pas en mesure de se prononcer sur l'augmentation ou la diminution de sa fréquence. Nous restons très prudents à ce stade. Valérie Masson-Delmotte pourra éventuellement compléter mes propos avec d'autres éléments.