Intervention de Olivier Marleix

Réunion du jeudi 18 janvier 2018 à 9h35
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Marleix, président :

Mes chers collègues, nous recevons aujourd'hui MM Élie Cohen et Pierre Veltz, deux personnalités appréciées et remarquées pour la pertinence de leur regard sur les questions économiques et industrielles. Au cours de cette audition, qui sera un peu plus informelle que les précédentes, nous aurons un échange de vues sur les sujets que traite notre commission d'enquête.

M. Élie Cohen est directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Auteur de plusieurs ouvrages, il a notamment écrit Le Décrochage industriel, paru en 2014. Avec Philippe Aghion et Gilbert Cette, il a aussi écrit en 2015 un livre sur les réformes nécessaires en France – vaste programme ! – qui est intitulé Changer de modèle.

M. Pierre Veltz a aussi une expérience riche et nourrie. Urbaniste de profession, titulaire d'un doctorat en sociologie, il a été président de l'établissement public Paris-Saclay, de 2010 à 2015. Il est aussi l'auteur d'ouvrages parmi lesquels on peut citer Le Nouveau monde industriel, paru en 2008, et La Société hyper-industrielle, le nouveau capitalisme productif, publié en 2017.

Avec le rapporteur, nous avons essayé d'organiser les thèmes que traite notre commission autour de deux volets.

L'un consiste, en quelque sorte, à faire de l'archéologie et à pratiquer l'autopsie de certaines décisions prises par l'État, notamment au moment de la cession d'Alstom Power, en 2014. Concentrée de diverses choses, cette opération vient de très loin : l'abandon d'un conglomérat à partir de l'éclatement d'Alstom-Alcatel et de la vente des chantiers navals en 1995. Elle intervient dans un contexte de mondialisation et d'une guerre économique qui utilise tous les moyens. Nous avons vu que l'extraterritorialité du droit américain n'était pas sans effets et qu'elle avait pu fragiliser certaines entreprises, notamment au moment de la cession d'Alstom Power. Nous serons très heureux d'avoir vos analyses sur ces sujets. Vous avez eu l'occasion, monsieur Cohen, de vous exprimer publiquement sur la cession d'Alstom Power à General Electric (GE).

Le deuxième volet, extrêmement vaste, est beaucoup plus prospectif. La première question, celle que pose régulièrement notre rapporteur aux personnes que nous auditionnons, est la suivante : qu'est-ce qu'un secteur stratégique justifiant une intervention de l'État pour protéger nos intérêts dans une économie mondialisée ?

La deuxième question est celle des outils utilisés pour assurer cette défense de nos intérêts. Notre législation est assez aboutie. Le décret Montebourg, dont on parle souvent, s'appuie sur un texte aussi ancien que la liberté de circulation des capitaux dans notre droit, qui date de 1966 et n'a jamais été remis en cause par l'Europe. Pourtant, tout cela n'est pas une évidence puisque, par exemple, le jour où M. Patrick Kron a décidé d'aller négocier la vente d'une entreprise aussi importante et stratégique qu'Alstom, il ne lui est pas venu à l'esprit que l'État pourrait avoir un droit de regard sur cette vente et pourrait s'y opposer. C'est dire le peu de cas qui est fait de notre droit en la matière dans notre pays ! Nos outils sont-ils performants ? Les Américains ont des systèmes beaucoup plus performants, sans parler des Chinois.

Tout cela conduit à d'autres interrogations sur l'organisation de nos entreprises – activité unique ou conglomérat – et sur la recherche. Les entreprises dont nous parlons sont généralement issues d'une collaboration fructueuse avec la recherche publique. On a changé de modèle. Est-on totalement adapté aux nouveaux défis en matière de recherche, si l'on compare la France aux pays avec lesquels elle est en compétition ?

Se pose aussi la question de la gouvernance de certaines entreprises comme Areva. L'effondrement d'Areva laisse perplexe. Y avait-il un conseil d'administration dans cette entreprise ? Le mode de désignation des présidents de ces entreprises – qui relève essentiellement du fait du Prince, même si les commissions parlementaires sont désormais censées avoir un mot à dire – peut laisser songeur. Est-ce vraiment adapté aux défis que doivent relever les entreprises dans la compétition mondiale.

Nous aimerions aussi avoir vos lumières sur une autre question, à la fois très importante, très ancienne et très rebattue dans notre pays : l'insuffisance du capital. Des personnes auditionnées ont utilisé l'expression « capitalisme sans capital » à l'égard de l'économie française. Comment diriger l'épargne vers les entreprises ? Peut-on imaginer que nous arriverons un jour à aller au-delà des tentatives faites au travers du Fonds stratégique d'investissement (FSI) puis de la Banque publique d'investissement (Bpifrance) ? Parviendra-t-on à mobiliser une part plus significative de l'épargne en faveur de l'économie donc d'entreprises dont la rentabilité ne sera assurée qu'à plus long terme ?

Voilà quelques-uns des très nombreux sujets de réflexion sur lesquels nous aimerions vous entendre. Vous serez certainement capables de relever ce défi consistant à nous fournir des idées intéressantes en très peu de temps. Je vous donne la parole pour un exposé liminaire d'une quinzaine de minutes chacun, puis nous passerons aux échanges avec les membres de la commission d'enquête.

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