Intervention de élie Cohen

Réunion du jeudi 18 janvier 2018 à 9h35
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

élie Cohen, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) :

J'aime bien votre expression de « tentation colbertiste ». J'ai essayé d'expliquer pour quelles raisons structurelles le colbertisme à la française avait buté sur des difficultés politico-institutionnelles majeures et sur les trajectoires d'entreprises devenues suffisamment grandes pour ne plus accepter cette intervention. Les acteurs français en ont été tellement conscients qu'il y a eu au début des années 2000 une tentative de colbertisme à l'européenne. Souvenons-nous de l'insistance de Jean-Louis Beffa sur la nécessité de développer un Google européen ou des grands projets visés par l'Agence de l'innovation industrielle (AII) qui se sont heurtés aux règles relatives aux aides d'État.

Le plus bel exemple de colbertisme à l'oeuvre aujourd'hui se situe en Chine et c'est un succès. Il a permis l'émergence de Tencent, Alibaba, Baidu face aux GAFA américains. Pour passer d'un statut de sous-traitant au statut de leader mondial du secteur des télécoms, Huawei a bénéficié de la combinaison des commandes publiques, de la protection nationale, d'un certain usage de la propriété intellectuelle, de financements sur fonds publics, de la mise à disposition de terrains gratuits. Cela m'a rappelé les développements d'Alcatel du temps de ma jeunesse.

Une solution colbertiste au niveau européen serait-elle possible ? La tentation se fait jour à nouveau avec le numérique : s'il n'y a aucune grande entreprise européenne pour faire face aux Baidu, Alibaba, Tencent d'un côté et aux GAFA de l'autre, peut-être y a-t-il quelque chose à faire ? Le président d'ATOS cherche un soutien politique pour développer un cloud européen. Le moins que l'on puisse dire est que pour le moment, il n'y a aucune espèce de débouchés. Certains de nos partenaires européens, je pense notamment aux Hollandais, nous regarde de travers lorsque nous évoquons ce genre d'idées. Il n'y a pas de base en Europe pour développer des stratégies de ce type.

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