L'idée est de communautariser et de fédéraliser cette politique pour ce qui concerne les enjeux européens. Des seuils de montants d'investissements seraient définis et, comme en matière concurrentielle, ce serait la Commission européenne qui serait saisie et non pas les gouvernements nationaux.
Les États-Unis ont une interprétation extensive de la sécurité et de la défense nationales. Elle intègre par exemple les ports comme on l'a vu lorsque des investisseurs des Émirats ont voulu racheter plusieurs grands ports américains.
La percée politique n'a pas encore été faite en Europe mais il y a des petits progrès. Les Allemands commencent à s'inquiéter du rachat par des investisseurs chinois de certaines de leurs pépites dans le domaine de la robotique. Comme tout ce qui concerne les affaires européennes, cela prend beaucoup de temps. Il faut que la prise de conscience soit largement partagée, que la question soit inscrite à l'agenda politique et que des propositions concrètes soient faites.
La France, qui a déjà des dispositifs protecteurs, veut aller encore plus loin. Le Gouvernement actuel réfléchit à étendre la protection aux start-up, dont l'actif essentiel est le capital humain et la recherche. Il s'agit de préserver non pas des capitaux mais des maillons d'une longue chaîne que l'on voudrait conserver sur le territoire national. Aller dans cette voie est intéressant mais passer à l'échelon européen nous serait plus utile.
Enfin, s'agissant des entreprises en difficulté, le problème n'est pas tellement la détection car il existe encore des systèmes d'alerte. Depuis 1989, date à laquelle j'ai écrit L'État brancardier : politiques du déclin industriel, ce n'est pas tant la capacité à identifier les difficultés que nous avons perdue que la capacité de l'État à tordre les bras des banques et des créanciers pour les obliger à rester dans des entreprises alors qu'ils voulaient s'en retirer, à fabriquer des faux-nez capitalistiques en obligeant certaines personnes à remettre des capitaux au pot. La direction du Trésor avait une puissance à laquelle nul n'osait résister. Ce système d'intervention a totalement disparu.
Nous pourrions essayer de mettre en place un dispositif qui permette d'être à l'écoute des besoins de croissance des quelque 4 000 ETI que compte notre pays. Nous avons su par le passé créer des administrations de mission au service des stratégies d'expansion des entreprises.