Intervention de Pierre Veltz

Réunion du jeudi 18 janvier 2018 à 9h35
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Pierre Veltz, sociologue et économiste :

Des évaluations ont été faites, mais l'exercice est extrêmement délicat. Certains éléments, comme l'impact sur l'emploi, ne peuvent être mesurés qu'à moyen terme, et de manière surtout qualitative. Il est difficile de savoir ce qui relève vraiment d'un pôle de compétitivité et ce qui relève d'autres logiques qui auraient pu se manifester même s'il n'y avait pas eu ce pôle de compétitivité.

Ensuite, les situations diffèrent beaucoup d'un pôle à l'autre. On le voit bien, certains pôles marchent très bien, d'autres marchent moins bien, d'autres encore ne marchent pas du tout. Mais nous sommes aujourd'hui dans un monde un peu darwinien. Lorsque quelque chose ne marche pas, il est très important de savoir le détecter, et aussi, parfois, de savoir l'arrêter. Or ce n'est pas notre fort. Nous avons plutôt tendance, en France, à laisser les situations se prolonger, à faire de l'acharnement thérapeutique plutôt qu'à trancher de façon radicale.

Cela étant, sur le plan qualitatif, je tire un bilan positif de ces pôles de compétitivité. Je parlerai d'un sujet que je connais particulièrement bien, Saclay, et je citerai le cas du pôle de compétitivité Systematic. Il s'agit d'un pôle un peu colbertiste, qui n'aurait jamais existé s'il n'y avait pas eu le CEA, Alcatel et Thales pour monter l'affaire. Je pense que cela a été extrêmement positif, car cela a permis de remettre en connexion des PME qui pouvaient apporter des solutions technologiques – des techno providers comme on dit dans notre jargon – à des ensembliers qui avaient tendance à s'enfermer dans leur coquille.

Je pense aussi que le contact avec le monde universitaire en général – et je ne parle pas seulement des grandes écoles, mais aussi des universités – s'est beaucoup amélioré. Il faut aller dans ce sens-là. Mais peut-être faudrait-il, et je reviens à ce que je disais tout à l'heure, aller parfois un cran plus loin, et mettre maintenant en place de vraies grandes expérimentations.

Cela m'amène à vous reparler de la voiture électrique. Les Américains ont fait un appel national à projets. Et ils ont choisi une seule ville, qui, si ma mémoire est bonne, est Columbus dans l'Ohio, où ils ont décidé de « mettre le paquet ». Ce sera un terrain d'apprentissage, où l'on apprendra à faire de la mobilité électrique, mais en système. Et tout le monde apprendra.

Je pense qu'il faudrait aujourd'hui capitaliser sur les pôles de compétitivité qui marchent bien, et peut-être essayer d'aller un cran plus loin. On ne l'a pas beaucoup évoquée, mais cette question des écosystèmes locaux annonce une mutation irréversible. Or la dimension territoriale était très absente de la pensée du colbertisme à l'ancienne qu'a décortiquée notre ami Élie Cohen.

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