Intervention de Valérie Bazin-Malgras

Séance en hémicycle du mercredi 31 janvier 2018 à 21h30
Adaptation au droit de l'union européenne dans le domaine de la sécurité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Bazin-Malgras :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, j'aimerais appeler votre attention sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur, celui de l'acquisition et de la détention de matériels et armes historiques et de collection. Une suspicion grandissante semble en effet peser sur le transport de tels matériels ainsi que sur le déplacement de véhicules de collection, notamment dans le cadre de commémorations. C'est ce que semble confirmer une des deux directives que le projet de loi tend à transposer dans notre droit, qui vise à mieux encadrer les régimes légaux d'acquisition et de détention des armes à feu.

La loi du 6 mars 2012 avait créé la carte du collectionneur et donné la possibilité aux collectionneurs de posséder des matériels et des armes des différentes catégories, allant de la catégorie A, pour les plus dangereuses, à la catégorie D, pour les armes en détention libre, ainsi que leurs reproductions. Rompant avec la loi de 2012, au nom de la dangerosité potentielle des armes de collection, le projet de loi soumis à cette assemblée ne mentionne la détention libre des matériels et armes historiques et renvoie à un décret à venir les conditions d'application de la loi.

La commission des lois du Sénat avait modifié l'article 16 du projet de loi afin de prévoir que les armes historiques et leurs reproductions relèveraient, par défaut, de la catégorie D, et seraient, à ce titre, libres d'acquisition et de détention, à l'exception des armes à la dangerosité avérée dont la liste serait établie par un décret en Conseil d'État : il faut entériner cette position mesurée et sage. Alors que la commission des lois de notre assemblée a supprimé ces modifications, je souhaite que nous tirions pleinement profit du principe de co-construction parlementaire en retrouvant la version du Sénat. Car le projet de loi, dans sa version actuelle, risque d'avoir un impact négatif : en introduisant un véritable flou autour de la classification des différentes armes, qu'il laisse au libre choix de l'exécutif, il tend à mettre les collectionneurs dans l'incertitude sur leur avenir.

En outre, les tentatives d'acquisition, de cession et de détention des catégories A, B et C seraient assorties de peines très lourdes, l'État pouvant même ordonner la saisie et la destruction sans indemnisation des pièces collectionnées. Le projet de loi tend à faire remonter en catégorie C les armes neutralisées et les reproductions d'armes anciennes, qui ne présentent pourtant aucune dangerosité. Il supprime la possibilité de neutraliser les armes anciennes qui ne l'auraient pas été auparavant.

Toutes ces dispositions tendent à construire un régime de la détention des pièces de collection confiscatoire. Alors que le considérant numéro 17 de la directive précise qu'« il convient que les États membres puissent décider d'accorder aux musées et aux collectionneurs reconnus l'autorisation d'acquérir et de détenir des armes à feu, des parties essentielles et des munitions de la catégorie A si nécessaire, à des fins historiques, culturelles, scientifiques, techniques, éducatives ou de préservation du patrimoine », on assiste, une fois de plus, à une véritable surtransposition d'une norme européenne. Or le Gouvernement et la majorité parlementaire s'étaient engagés solennellement à ne plus le faire. Vous devez tenir votre engagement ! Cela est d'autant plus nécessaire que ce texte augmenterait davantage la suspicion qui pèse déjà sur le transport et les déplacements des armes et des véhicules de collection, notamment pour les commémorations.

Cela n'est pas acceptable pour les collectionneurs, les professionnels et les associations de la mémoire, qui font vivre le témoignage vibrant d'événements fondateurs de notre histoire – cette histoire vivante qui participe au devoir de mémoire, mais aussi à la transmission du savoir et à la connaissance de notre passé. L'ensemble des professionnels du cinéma seraient également affectés par cette mesure qui, pour la réalisation de films historiques, ajouterait de la complexité à la complexité.

Seule la mise en place de la carte du collectionneur, en partenariat avec les fédérations et les associations de passionnés, à l'image de ce qui existe pour les chasseurs et tireurs sportifs, est susceptible de résoudre le problème.

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