C'est l'allégorie de l'Union européenne qui, face aux désastres sociaux, démocratiques, environnementaux, se répète sans cesse : « Jusqu'ici, tout va bien, jusqu'ici, tout va bien », convaincue que l'accroissement du libéralisme économique, de la dérégulation et de la technocratie est le seul remède.
Le CETA – Comprehensive Economic and Trade Agreement, accord économique et commercial global – , est l'un des principaux éléments de cette fuite en avant. Ce traité de libre-échange de nouvelle génération entre l'Union européenne et le Canada contient des mesures qui auront un effet majeur sur notre vie quotidienne. Elles touchent par exemple à la santé, à l'alimentation, à l'agriculture, aux services publics et à l'environnement. C'est une somme, une rupture, mais une rupture à bas bruit : c'est dans le plus grand secret que se sont tenues, entre 2009 et 2014, les négociations, avant que le traité soit ratifié par le Parlement européen le 15 février 2017 dans un silence assourdissant.
Le candidat Emmanuel Macron s'était engagé à renégocier le CETA en cas de risques avérés. Élu Président, il a mis en place une commission qui a remis un rapport – le rapport Schubert – dont les conclusions mettent clairement en évidence les dangers du CETA, notamment pour le climat.
Pourtant, le 21 septembre dernier, quelques jours après la remise de ce rapport, le CETA est tranquillement entré en application provisoire. Près de 90 % des mesures de ce traité sont donc d'ores et déjà appliquées, sans que les Français en aient entendu parler, et sans l'aval des Parlements nationaux !
Mais « jusqu'ici tout va bien », à tel point que cet impressionnant déni de démocratie ne semble pas déranger les artisans de ce genre de traité. Lors de son audition par la commission des affaires étrangères, j'ai demandé au commissaire européen Pierre Moscovici ce qui se passerait si le Parlement d'un État membre de l'Union européenne n'adoptait pas le CETA. Il nous a répondu sans fard que, dans ce cas, le CETA continuerait de s'appliquer. Oui, l'application provisoire se poursuivrait en dépit de ce refus !
Faut-il comprendre que, même en le rejetant, notre pays ne pourrait remettre en cause l'application de ce traité ? Mes chers collègues, je vous pose franchement la question : dans ces conditions, à quoi servons-nous ? Où est la souveraineté ? Comment accepter un tel déni de démocratie, un tel coup d'État démocratique !