Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du jeudi 1er février 2018 à 9h30
Utilisation de la voie référendaire pour la ratification du traité de libre-échange entre l'union européenne et le canada — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette proposition de résolution a pour objet d'inviter le Gouvernement à envisager, en application de l'article 11 de la Constitution, de proposer au Président de la République d'organiser la procédure de ratification de l'accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne par voie de référendum.

Je rappelle que si, en février 2017, 408 députés du Parlement européen se sont prononcés en faveur de cet accord, 254 ont voté contre et 33 se sont abstenus. De plus, seuls 16 députés européens français, sur 74, ont voté pour le texte.

L'entrée en vigueur de ce traité pose des questions importantes qui n'ont pas trouvé de réponse significative ou à la hauteur des enjeux. J'en évoquerai deux. La première concerne le problème de la justice privée dans le cadre des tribunaux d'arbitrage privés inclus dans le CETA. Je rappelle que les très grandes sociétés transnationales ont généralement des filiales au Canada et pourront donc poursuivre les pays européens via ces sociétés.

La seconde question est celle de la protection de notre consommation, de notre environnement et de notre agriculture, puisque l'Europe n'aura pas la possibilité d'invoquer le principe de précaution lors de futurs litiges, ce principe n'étant pas mentionné de façon explicite dans le traité. L'inquiétude est donc réelle, quant à la possibilité, pour l'Union européenne et notre pays, de résister aux effets négatifs du CETA, notamment en faisant valoir de meilleures normes environnementales et sanitaires.

Sous la précédente législature, plusieurs députés, dont j'étais, ont fait valoir que la première version du traité mettait en avant le développement de l'agriculture industrielle sans que soient prévues parallèlement les mesures de nature à en réduire les effets sur le climat et la biodiversité. J'avais personnellement demandé une étude d'impact et des mesures d'accompagnement. Par la suite, une commission d'experts indépendants a été chargée par le Président de la République d'évaluer l'impact du CETA sur l'environnement, le climat et la santé.

Or les experts ont souligné une « incertitude » sur la possibilité pour l'Europe d'invoquer le principe de précaution lors de futurs litiges, faute de mention explicite dans le traité. Ils ont aussi indiqué que la libéralisation des échanges agricoles donnerait la primeur au moins-disant canadien en matière de normes sanitaires et environnementales, affaiblissant du même coup l'agriculture européenne. Ils ont de plus pointé les « exigences moindres » du Canada sur les pesticides, les OGM ou encore les activateurs de croissance. Ils ont enfin évoqué la possibilité de négocier un deuxième accord entre l'Union européenne et le Canada axé sur les questions climatiques, pour compenser les effets potentiellement négatifs du CETA sur le climat.

Le traité est, depuis, entré en vigueur pour une large part avant sa ratification par les parlements nationaux. Le groupe Nouvelle Gauche ayant émis d'importantes réserves sur la question des tribunaux d'arbitrage privés, qui représentent à ses yeux une menace pour la souveraineté des États, il a, en septembre, demandé au Gouvernement de suspendre l'entrée en vigueur provisoire du CETA jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne saisie par la Belgique.

Notre groupe a également demandé que le Parlement soit saisi et se prononce au plus vite sur cet accord en particulier et, plus généralement, sur les perspectives des accords commerciaux dits de nouvelle génération. Il s'agit notamment pour nous de vérifier la compatibilité du CETA avec les objectifs de l'Accord de Paris sur le climat conclu et ratifié par la France après le début des négociations avec le Canada.

Toutefois, en dépit de ces réserves de fond, nous restons dubitatifs sur un recours au référendum dans ce cas particulier. Le référendum n'est pas systématiquement l'instrument de la démocratie dans la mesure où il peut se révéler une votation d'acclamation : le peuple acclame une proposition d'acceptation ou de refus, sans que son vote ait été précédé d'une délibération de qualité, celle-là même que nous demandons clairement et explicitement au Gouvernement d'organiser.

De plus, le résultat d'un référendum peut figer une décision en amont ou en aval, sans qu'il soit plus possible de l'adapter au contexte ou de négocier de nouveau. L'exemple d'un référendum gagné en réaction à l'Europe chez un de nos voisins, sur la foi d'arguments relevant plus de l'émotion que de la réflexion, nous en offre une illustration. D'ailleurs, à la suite de celui-ci, de nombreux citoyens ont souhaité, en Europe, que les résultats des référendums sur les traités internationaux engageant l'avenir soient conditionnés à l'obtention d'une majorité qualifiée garantissant une vraie participation populaire et un niveau significatif d'engagement.

Or notre Constitution, dont la pratique du référendum est historiquement et essentiellement plébiscitaire, n'offre au demeurant aucune de ces garanties.

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