Intervention de Audrey Dufeu

Séance en hémicycle du jeudi 1er février 2018 à 21h30
Euthanasie et suicide assisté pour une fin de vie digne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAudrey Dufeu :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le débat sur une proposition de loi visant à légaliser l'euthanasie et l'assistance au suicide pour les personnes atteintes de maladies graves ou incurables nous oblige, en tant que législateurs, à nous interroger sur la nécessité de légiférer et sur les contours et les conséquences d'un tel texte.

L'offre proposée par notre système de santé en matière de soins palliatifs a considérablement évolué au cours des dernières années. L'objectif des soins palliatifs est de soulager les douleurs physiques et les autres symptômes, mais aussi de prendre en compte la souffrance psychique, sociale et spirituelle. Une maison de santé canadienne, nommée Victor-Gadbois et située à Montréal, affiche que : « Soigner les gens, ce n'est pas seulement rechercher les causes de leur souffrance, c'est leur donner l'espoir que demain sera mieux qu'hier ». Je rejoins ces principes. Notre société et notre République doivent permettre à tout un chacun d'être soigné dans la dignité.

Cependant, je dois aussi constater que, dans certaines situations complexes, l'espoir que demain soit mieux qu'hier n'existe plus, et plus rien n'est envisageable. Alors, l'éthique du dernier soin, l'éthique du juste soin doit être posée avec tempérance et lucidité. Nous devons entendre les attentes de nos concitoyens. Nous devons également entendre les professionnels de santé, les médecins, les infirmières et aides-soignants ; nous devons entendre les bénévoles qui, investis au quotidien dans les structures de santé ou au domicile des patients, accompagnent les personnes confrontées à la maladie.

Je ne saurais, à ce jour, en tant que législateur, prendre position sur ce sujet de société qui requiert la plus grande prudence de notre part. Molière disait : « On ne meurt qu'une fois ; et c'est pour si longtemps ! ». Alors, prenons simplement le temps, pendant quelques mois, de mener un débat de bioéthique – un débat qui nous éclairera sur les attentes de nos concitoyens, lesquels semblent souhaiter que l'accompagnement de la fin de vie soit mieux encadré, un débat qui nous éclairera sur d'autres offres et d'autres possibilités que ce qui est autorisé aujourd'hui.

Une loi de bioéthique doit être la plus juste possible ; ce doit être un texte idoine, réaliste et concret. En la matière, la loi ne saurait l'être sans prendre connaissance du rapport de l'inspection générale des affaires sociales ou du Comité consultatif national d'éthique, ou sans une évaluation de l'application et de l'appropriation des lois Leonetti de 2005 et Claeys-Leonetti de 2016. Lorsque nous légiférons, lorsque nous rédigeons des textes, des articles de loi, des amendements, nous devons avoir un objectif d'efficacité et l'assurance que la traduction et l'appropriation de la loi sur le terrain seront optimales et partagées par tous les acteurs.

Nous ne saurions légiférer sur l'euthanasie sans nous assurer que la genèse des motivations de la loi ne provient pas d'un déficit d'offre ou d'accès aux soins palliatifs. La formation de nos soignants en soins palliatifs est-elle identique dans chaque établissement, dans chaque service, dans chaque école de formation des professionnels du secteur paramédical ? Le nombre d'équipes mobiles en soins palliatifs est-il suffisant pour garantir une prise en charge adaptée ? Nous devons pour cela évaluer le plan national pour le développement des soins palliatifs et l'accompagnement en fin de vie, couvrant les années 2015 à 2018.

Alors, identifier en amont d'un texte les freins au déploiement d'une précédente loi sur la fin de vie permettrait d'élaborer une meilleure loi, si les débats de bioéthique à venir concluaient au besoin d'un nouveau texte. Une loi sur la fin de vie et sur une assistance à mourir ne peut se concevoir sans une partie réservée au développement des soins palliatifs dans notre système de soins. Cela doit être complémentaire et aucun aspect ne doit prévaloir sur l'autre. Seules les volontés des personnes souffrantes doivent être entendues, ce qui nécessite une équité d'accès aux différentes offres de soins. Le docteur Thérèse Vanier disait que les soins palliatifs étaient « tout ce qui reste à faire quand il n'y a plus rien à faire ». Alors, ce soir, mes chers collègues, dans cet hémicycle, je vous dirai que tout ce qu'il reste à faire, c'est justement de reconnaître que tout reste à faire.

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