Intervention de Ugo Bernalicis

Réunion du mercredi 31 janvier 2018 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Nous entendons beaucoup parler, ces deniers temps, de « pluralisme politique », de « débats d'opinion »… Quelle mélodie enchanteresse sur la démocratie !

Mais n'est-ce pas finalement le mouvement politique dont est issu le Gouvernement qui est à l'origine de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dont tout le monde prétend aujourd'hui ne faire qu'appliquer le résultat ? Il est pourtant aisé de voir que le contenu de cette QPC du 24 mai 2017, qu'il s'agisse des motifs ou du dispositif, n'a que peu à voir avec ce texte. La décision du Conseil constitutionnel vise avant tout à ce que la répartition du temps de parole ne soit pas un frein à l'émergence de nouvelles voix politiques, par exemple en créant, du fait de la traduction électorale, des distorsions dans la représentativité des forces politiques, à rebours de la résonance grandissante d'un mouvement politique dans l'opinion publique.

Mais l'inverse est également vrai. Certains partis dont l'influence décline dans l'opinion maintiennent à l'Assemblée nationale une représentation d'habitude ou de coutume, le temps sans doute d'une dernière législature un peu mélancolique…

Pour le Conseil constitutionnel, il s'agit de prendre en compte à la fois des messages électoraux et la réalité plus changeante des mouvances politiques décisives à un instant démocratique donné. Ce fut le cas pour la majorité actuelle, qui n'existait pas sous ce nom à l'Assemblée nationale, même si quelques anciens parlementaires se sont recyclés en son sein.

Il est donc difficile de croire que le Gouvernement veuille prendre acte de la décision du Conseil constitutionnel, alors que cette loi fait en réalité tout l'inverse. On ne s'attardera pas sur le fait que les dispositions censurées par les juges ne sont pas comparables à celles qu'il s'agit aujourd'hui de modifier. Plus parlant, cette loi n'a aujourd'hui qu'un effet : faire en quelque sorte de l'audiovisuel public et de la radio des mégaphones de La République en Marche et de ses alliés. Cette loi va en effet avoir pour conséquence d'octroyer à la majorité 50 % du temps de parole, qui était auparavant réparti de manière égalitaire entre les partis et groupements représentés au Parlement. Ce n'est tout de même pas rien, 50 % du temps de parole !

Ce nouveau mode de répartition du temps de parole musèle en réalité les groupes parlementaires qui sont nouveaux à siéger dans l'opposition, ce qui étouffe le pluralisme des idées et empêche le débat démocratique. Il crée donc exactement la « disproportion dans la représentativité » qu'en mai dernier le Conseil constitutionnel jugeait être en violation avec la Constitution. C'est d'autant plus vrai qu'en appliquant ces nouvelles règles aux groupes et partis représentés au Parlement, la loi exclut que ces groupements puissent avoir une importance plus grande encore dans la société, où les choses sont mouvantes.

Ce texte fait également preuve d'un anti-européanisme primaire en excluant de ce décompte les élus du Parlement européen. Cela conduit donc au résultat que les groupes parlementaires petits en nombre, et dont la popularité dans l'opinion est grandissante, voient leur temps de parole drastiquement réduit par cette réforme. Au lieu de permettre l'émergence de nouvelles voix, elle les réprime.

Pour ce qui nous concerne, nous ne nous aventurons pas à nous demander pourquoi la majorité a tant peur du débat d'idées sur l'Union européenne. Mais nous voterons de manière décidée contre ce projet de loi qui, à s'en tenir à ce seul aspect, se révèle déjà mesquin – même si, sur la question des listes nationales et transnationales, nous sommes en revanche plutôt d'accord.

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