La réunion débute à 9 heures 35.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, Présidente.
La Commission examine le projet de loi relatif à l'élection des représentants au Parlement européen (n° 539) (M. Alain Touret, rapporteur).
Je vous rappelle que nous avons auditionné, le 17 février dernier, sur ce projet de loi, conjointement avec la commission des Affaires européennes, la ministre auprès du ministre de l'Intérieur, Mme Jacqueline Gourault. Nous avons, lors de cette audition, déjà procédé à une discussion générale.
Le projet de loi que nous examinons ce matin est un texte politiquement important et techniquement délicat, et je tiens à remercier, en premier lieu, Typhanie Degois ainsi que Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur pour observation de la commission des Affaires européennes, pour leur contribution à nos travaux.
Après s'être déroulées dans le cadre d'une circonscription nationale unique, à la suite du vote de la loi de 1977, à partir de 2004, les élections européennes ont été organisées dans notre pays dans le cadre de huit circonscriptions, dont la logique administrative n'a rien d'évident.
C'est la raison pour laquelle, dès 2013, j'avais, suite à son dépôt par le groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) du Sénat, rapporté une proposition de loi visant à rétablir une circonscription unique.
Cette proposition de loi était en premier lieu motivée par le fait que les idées européennes méritent incontestablement d'être discutées dans un cadre national et non dans le cadre de circonscriptions où le risque est de voir le débat brouillé par des considérations régionales.
Elle est ensuite née du fait que, contrairement aux promesses selon lesquelles ce découpage régional contribuerait à rapprocher les électeurs de leurs représentants européens, il n'en a rien été.
Sachant par ailleurs que dans l'essentiel des États membres l'élection se déroule à la proportionnelle dans le cadre d'une circonscription unique, rien ne plaidait en faveur de la réforme électorale votée en 2003.
Nous avons aujourd'hui un Président de la République qui a fait de l'Europe l'un de ses principaux combats, et les élections européennes seront, dans un an et demi environ, les premières élections importantes depuis les élections législatives : je me félicite donc que le Gouvernement ait fait le choix de revenir à une circonscription unique.
Outre la question des seuils autorisant les listes à disposer d'élus, il nous faudra statuer sur la question des temps d'antenne de la campagne électorale, pour tirer les conséquences de la décision récente du Conseil constitutionnel sur le sujet. Nous aurons également à nous prononcer sur le montant de dépenses autorisé ainsi que sur certaines dispositions techniques.
Je vous proposerai par ailleurs que, en cas d'égalité, ce soit la liste la plus jeune, et non la plus âgée, qui soit retenue. Cela n'a rien d'anecdotique, et j'y vois un symbole de cette Europe dont nous voulons qu'elle soit l'Europe de la jeunesse et non l'Europe des anciens combattants.
Enfin, le projet de loi ouvre la possibilité d'élire, le cas échéant, nos candidats sur des listes transnationales, idée à laquelle le Président de la République est très attaché et que Bruxelles étudie actuellement, notamment pour la réattribution des sièges abandonnés par les Anglais à cause du Brexit. Cela ne pourrait que contribuer à renforcer cette citoyenneté européenne à laquelle je crois tant.
Pour débuter mon propos, je souhaite souligner les délais restreints dont nous disposons : en effet, les prochaines élections européennes devraient se dérouler au printemps 2019, et il est important d'en fixer les modalités juridiques au moins un an à l'avance, afin de ne pas porter atteinte à l'exercice du droit de suffrage, garanti par l'article 3 de la Constitution. Notre temps est donc compté.
Le temps nous est également compté du fait de l'urgence à faire évoluer l'Europe. L'Union européenne est aujourd'hui dans une impasse ; elle ne parvient plus à incarner les peuples qui la composent, et la moindre action nécessite plusieurs mois pour sa mise en oeuvre.
Revenir à une circonscription nationale, c'est tout d'abord donner une tribune à l'Europe et s'interroger sur ce que nous voulons en faire, et comment ; c'est aussi favoriser, grâce au scrutin proportionnel, le pluralisme politique, en donnant la possibilité aux petits partis ou groupements d'être représentés et de défendre leurs idées.
Le projet de loi aborde par ailleurs plusieurs points relatifs aux modalités de l'élection, tels la répartition du temps de parole, la diminution du plafond maximal des dépenses, la constitution des listes et la possibilité de bâtir des listes transnationales.
Vous l'aurez compris, ce qui pousse le groupe REM à soutenir ce projet de loi, c'est la volonté de permettre aux Français de voter pour un projet cohérent et lisible aux prochaines élections européennes.
Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, dont l'engagement en faveur de l'Europe est connu de tous, se félicite que ce projet de loi concrétise l'une des promesses du candidat Emmanuel Macron, qui porte aujourd'hui, comme Président de la République, une grande ambition pour l'Europe.
Nous soutenons bien entendu la création d'une circonscription unique, tout en espérant également que la composition de ces listes tiendra compte de la diversité des territoires et qu'elle assurera en particulier la représentation des outre-mer.
La constitution de listes transnationales a la faveur de notre groupe, même si la décision finale appartient au Conseil européen, lequel statue à l'unanimité, ce qui rendra sans doute difficile l'adoption de ce principe.
Enfin, notre groupe défendra éventuellement en séance un amendement de Jean-Louis Bourlanges ayant pour objectif de mieux établir le lien entre les listes et les forces politiques qu'elles représentent, non pas au plan national mais au plan européen.
Le groupe Les Républicains est totalement opposé à cette réforme du mode d'élection des députés européens. Rien ne permet en effet au rapporteur d'affirmer que le découpage régional n'a pas permis aux députés européens de se rapprocher de leurs électeurs, pas plus qu'il ne peut affirmer que le scrutin à liste unique est la règle dans l'Union européenne : si les pays les plus petits ont opté pour une circonscription nationale, les plus grands d'entre eux ont établi, comme nous, des circonscriptions régionales, et la logique voudrait plutôt que nous fassions évoluer les circonscriptions actuelles pour les faire correspondre à nos nouvelles régions, ce qui permettrait de rapprocher encore davantage les élus européens de leurs électeurs.
Je le dis avec gravité : si on nous soumet – j'allais dire impose – cette réforme électorale, c'est uniquement à des fins politiciennes. La nouvelle majorité présidentielle ne dispose pas encore de personnalités susceptibles de l'incarner au plan local dans les régions, et un scrutin régional constituerait pour elle un véritable handicap. D'où ce projet de loi, qui impose dans l'urgence une « nationalisation » du scrutin. On aurait pu penser que ce genre de tripatouillage électoral appartenait à l'ancien monde, mais j'ai coutume de dire que le nouveau monde, c'est l'ancien monde en pire : nous en avons une nouvelle preuve aujourd'hui.
C'est peu dire que ce texte, qui fait d'ailleurs la quasi-unanimité des groupes de l'opposition – de FI à LR – et des non-inscrits contre lui, ne nous convient pas. Mon mouvement, la Ligue du Sud, est résolument localiste ; aussi comprendrez-vous que le retour à la circonscription nationale est pour moi un déni de démocratie, qui s'ajoute d'ailleurs au déni de démocratie que constitue la prime aux partis plutôt qu'à l'enracinement et au talent individuels.
Je ne résiste pas au plaisir de citer l'avis du Conseil d'État, qui « estime que l'annonce de l'éventuelle création de listes transnationales pour l'élection de représentants au Parlement européen, qui est dépourvue de portée normative, a plus sa place dans l'exposé des motifs que dans le texte du projet de loi. Il propose en conséquence de supprimer cette mention dans le dernier article relatif à l'entrée en vigueur de la loi. » Quant à la répartition des temps de parole, l'expression utilisée par le Conseil constitutionnel est éloquente, puisqu'elle est considérée « manifestement hors de proportion ». Cela devrait vous inquiéter.
Si les représentants de La République en Marche ont jugé bon de déposer une QPC parce qu'ils se considéraient lésés dans leur temps d'antenne par rapport au parti socialiste, il est une France qui pourrait bien renchérir qu'elle est lésée non seulement en termes d'accès aux médias mais en termes de représentation politique : celle qui refuse obstinément de participer aux scrutins, parce qu'elle considère que nous ne lui proposons rien de viable.
J'aurai donc deux questions. Entendez-vous maintenir l'actuelle répartition des temps d'antenne, qui, même s'il s'agissait à l'origine de réparer une injustice, fleure bon la revanche et ne saurait être durablement supportée par les députés non inscrits ?
Croyez-vous vraiment par ailleurs, comme le laisse entendre l'étude d'impact, que l'agrandissement permanent des circonscriptions contribuera à renforcer la participation électorale, alors que nous savons que ce qui concerne nos concitoyens, ce sont les scrutins et les élus de proximité ?
Permettez-moi en préambule de remercier Alain Tourret pour la qualité de son travail et la nuance de ses propos.
Ne nous le cachons pas, ce projet de loi a été validé par l'ensemble des appareils politiques, qui ont tous « fait marcher la calculette » pour savoir quelle était l'option la plus rentable en termes de sièges.
Alain Tourret a rappelé que le découpage en huit circonscriptions avait pour objet de rapprocher nos concitoyens de leurs représentants et de renforcer leur adhésion à l'idée d'Europe. Je le rejoins sur le constat que cela n'a pas marché – les chiffres le démontrent. J'apporterais néanmoins un bémol à ce constat en soulignant que les députés européens ne jouent pas toujours le jeu de la proximité et que le manque de pédagogie et l'absence de clarté dans le discours contribuent souvent à l'affaiblissement de la participation citoyenne. Si nous adoptons une circonscription nationale, encore faudra-t-il que les députés européens changent de méthode et se rapprochent de leurs électeurs.
Puisque le scrutin de liste à l'échelle nationale semble majoritaire en Europe, auriez-vous des éléments à nous fournir sur ses répercussions en termes d'abstention dans les autres pays ?
L'harmonisation des scrutins au plan européen peut être un premier pas vers une Europe ambitieuse, s'il s'agit de favoriser, grâce à ce modèle, un discours commun cohérent. Le groupe Nouvelle Gauche souscrit donc à ce dispositif et à l'éventuelle mise en place de listes transnationales.
C'est une disposition essentielle, et nous regrettons qu'elle n'ait pas de valeur normative. C'est en tout cas une innovation majeure, et nous espérons que les États membres seront bientôt incités à s'en emparer.
Nous avons cependant une grande inquiétude pour ce qui concerne les outre-mer, dont les enjeux tout à fait particuliers risquent de ne pas être nécessairement défendus comme il le faudrait par des députés issus d'un scrutin national.
Nous avons constaté que, dans l'étude d'impact et l'exposé des motifs, vous avez réfléchi à la question de l'outre-mer, pour écarter des dispositifs qui n'étaient pas satisfaisants. Nous n'en avons pas non plus à vous proposer à ce stade de la discussion. Nous notons toutefois que l'Allemagne dispose, quant à elle, d'un scrutin mixte. Ne peut-on s'en inspirer pour attirer l'outre-mer, malgré sa grande particularité, dans un dispositif commun ? Il vaudrait aussi pour les terrains de vie sur lesquels nous vivons.
Comment faire pour rassurer les députés ultramarins, qui sont très inquiets ? Les territoires ultramarins sont partie intégrante de la France ; ils doivent être représentés et défendus en Europe au même titre que tous les territoires de l'Hexagone.
Le groupe GDR est favorable à une circonscription nationale, car ce type de scrutin nous semble plus respectueux d'une Europe des nations. À ce stade, nous n'avons qu'un bémol à faire entendre sur le projet de loi : sur le seuil de représentativité et sur la répartition du temps de parole.
Nous souhaiterions qu'il n'y ait pas de seuil de représentativité. Il s'agit en effet d'une élection à la proportionnelle définie sur un périmètre où des blocages à la formation de majorité ne peuvent survenir, ce qui est parfois l'inconvénient de ce genre de scrutin. Nous pensons que l'absence de seuil est possible et permettrait, pour une élection qui fait l'objet de beaucoup d'abstentions, en France et dans les autres pays européens, d'obtenir une meilleure représentativité. Mais, s'il devait tout de même y en avoir un – car, dans le cadre de la discussion d'un projet de loi, nous ne pouvons pas toujours aller aussi loin que nous le souhaiterions les uns et les autres –, nous proposons qu'il soit le même que le seuil retenu pour le remboursement des dépenses électorales, c'est-à-dire 3 %. Nous avons déposé un amendement en ce sens.
J'ajoute que le seuil de représentativité en vigueur en France est l'un des plus élevés d'Europe. Un certain nombre de pays, au nombre desquels l'Allemagne, n'en ont tout simplement pas. J'ai perçu une certaine ouverture sur ce sujet de la part de la ministre, du rapporteur et des orateurs de groupe. Le texte évoluerait dans le bon sens si une telle disposition était adoptée.
Sur la répartition du temps de parole, nous n'avons pas déposé d'amendement en commission, mais nous le ferons probablement en séance. Nous nous efforcerons de formuler une proposition qui permette un meilleur équilibre du temps de parole, tout en tenant compte de l'émergence de forces politiques nouvelles dans notre pays, et en particulier dans notre assemblée. Il faut en effet qu'elles soient intégrées à leur juste valeur et à leur juste niveau dans le processus du débat électoral.
Nous entendons beaucoup parler, ces deniers temps, de « pluralisme politique », de « débats d'opinion »… Quelle mélodie enchanteresse sur la démocratie !
Mais n'est-ce pas finalement le mouvement politique dont est issu le Gouvernement qui est à l'origine de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dont tout le monde prétend aujourd'hui ne faire qu'appliquer le résultat ? Il est pourtant aisé de voir que le contenu de cette QPC du 24 mai 2017, qu'il s'agisse des motifs ou du dispositif, n'a que peu à voir avec ce texte. La décision du Conseil constitutionnel vise avant tout à ce que la répartition du temps de parole ne soit pas un frein à l'émergence de nouvelles voix politiques, par exemple en créant, du fait de la traduction électorale, des distorsions dans la représentativité des forces politiques, à rebours de la résonance grandissante d'un mouvement politique dans l'opinion publique.
Mais l'inverse est également vrai. Certains partis dont l'influence décline dans l'opinion maintiennent à l'Assemblée nationale une représentation d'habitude ou de coutume, le temps sans doute d'une dernière législature un peu mélancolique…
Pour le Conseil constitutionnel, il s'agit de prendre en compte à la fois des messages électoraux et la réalité plus changeante des mouvances politiques décisives à un instant démocratique donné. Ce fut le cas pour la majorité actuelle, qui n'existait pas sous ce nom à l'Assemblée nationale, même si quelques anciens parlementaires se sont recyclés en son sein.
Il est donc difficile de croire que le Gouvernement veuille prendre acte de la décision du Conseil constitutionnel, alors que cette loi fait en réalité tout l'inverse. On ne s'attardera pas sur le fait que les dispositions censurées par les juges ne sont pas comparables à celles qu'il s'agit aujourd'hui de modifier. Plus parlant, cette loi n'a aujourd'hui qu'un effet : faire en quelque sorte de l'audiovisuel public et de la radio des mégaphones de La République en Marche et de ses alliés. Cette loi va en effet avoir pour conséquence d'octroyer à la majorité 50 % du temps de parole, qui était auparavant réparti de manière égalitaire entre les partis et groupements représentés au Parlement. Ce n'est tout de même pas rien, 50 % du temps de parole !
Ce nouveau mode de répartition du temps de parole musèle en réalité les groupes parlementaires qui sont nouveaux à siéger dans l'opposition, ce qui étouffe le pluralisme des idées et empêche le débat démocratique. Il crée donc exactement la « disproportion dans la représentativité » qu'en mai dernier le Conseil constitutionnel jugeait être en violation avec la Constitution. C'est d'autant plus vrai qu'en appliquant ces nouvelles règles aux groupes et partis représentés au Parlement, la loi exclut que ces groupements puissent avoir une importance plus grande encore dans la société, où les choses sont mouvantes.
Ce texte fait également preuve d'un anti-européanisme primaire en excluant de ce décompte les élus du Parlement européen. Cela conduit donc au résultat que les groupes parlementaires petits en nombre, et dont la popularité dans l'opinion est grandissante, voient leur temps de parole drastiquement réduit par cette réforme. Au lieu de permettre l'émergence de nouvelles voix, elle les réprime.
Pour ce qui nous concerne, nous ne nous aventurons pas à nous demander pourquoi la majorité a tant peur du débat d'idées sur l'Union européenne. Mais nous voterons de manière décidée contre ce projet de loi qui, à s'en tenir à ce seul aspect, se révèle déjà mesquin – même si, sur la question des listes nationales et transnationales, nous sommes en revanche plutôt d'accord.
Mon collègue Alain Tourret a déjà tout dit et je souscris, dans les grandes lignes, à toutes ses propositions.
Je rappellerai simplement que les élections européennes, traditionnellement considérées – à tort – comme une échéance électorale de second rang, sont un enjeu majeur pour notre pays. Les partis politiques nationaux ont longtemps considéré le Parlement européen comme la seconde division de la vie politique nationale. En 2019, il faudra changer de paradigme.
Je soutiens naturellement le retour à une circonscription nationale unique. La régionalisation du scrutin a échoué ; les circonscriptions étaient beaucoup trop grandes et illisibles. Cela n'a pas rapproché des citoyens français le parlementaire européen. Il a été question de bidouillage électoral : la réforme de 2004 servait plutôt aux grands partis politiques à noyer leurs divergences sur les questions européennes dans des sous-débats régionaux. Le retour à une circonscription nationale unique permettra au contraire de mener un vrai débat européen, et je m'en réjouis.
Je salue la disposition de l'article 7 qui permet la mise en oeuvre de listes transnationales. Cet outil, qui peut paraître symbolique, revêt une grande importance politique, car il permettra de créer un embryon de démocratie européenne.
Enfin, dans mon rapport, j'incite l'audiovisuel public, à se saisir de l'élection européenne de 2019. En 2014, France Télévisions n'avait pas diffusé le débat entre les candidats têtes de listes, autrement appelés Spitzenkandidaten. En 2019, il faudra changer de paradigme sur ce point aussi.
S'agissant du temps de parole, je rappellerai seulement que les clips électoraux ne font pas une campagne. En 2014, le Front national a remporté l'élection européenne. Pourtant, les clips de campagne du parti socialiste étaient deux fois plus longs. Cela n'a pas empêché le Front national de recueillir plus de deux millions de voix que lui. Sortons donc d'une vision étriquée et erronée. La conduite d'une campagne comporte beaucoup d'autres aspects que la simple diffusion de clips électoraux.
Pour le reste, je soutiens évidemment les orientations du rapporteur et je vous remercie de votre accueil ce matin.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propositions formulées par l'ensemble des groupes.
L'opposition frontale du groupe Les Républicains s'exprimait déjà il y a cinq ans. Nous sommes d'accord pour constater qu'ils ne changent pas d'avis. Ils admettront également que je ne change en rien : j'étais déjà le rapporteur d'une proposition de loi allant dans le même sens que celle que nous examinons aujourd'hui.
Non, Messieurs, je n'ai pas changé de parti ni d'idées ! Je reste fidèle aux idées que j'ai toujours soutenues. Je suis un européen de toujours.
Si vous faites référence à Edgar Faure, il fut en effet, pendant une période, membre du parti gaulliste. C'est donc plutôt vous qui êtes la girouette épousant le vent, monsieur Diard.
S'agissant de l'outre-mer, plusieurs problèmes se posaient. Une circonscription unique, forte de trois sièges, regroupait l'ensemble de ces territoires. L'idée était de rapprocher les élus de ces territoires éparpillés sur l'ensemble de la planète. Mais l'échec a été patent : le taux de participation n'a pas atteint les 17 %. C'est pourquoi je peine à croire que c'est une solution qui puisse donner satisfaction à l'outre-mer.
Quant aux éventuelles obligations à prévoir, je pense qu'il reviendra plutôt à chaque parti de prendre en compte la nécessaire représentation de l'outre-mer sur la liste qu'il présentera. En ce qui concerne le montant des dépenses susceptibles d'être prises en considération, le texte fait référence à la possibilité de prendre en charge, à hauteur de 2 % des dépenses totales, les « frais de transport aérien, maritime et fluvial » exposés par chaque liste de candidats, au départ et à destination des collectivités d'outre-mer.
En ce qui concerne le temps de parole et l'article 2 du projet de loi, nous nous sommes calés sur la décision du Conseil constitutionnel et sur la pratique du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Cela nous apporte, me semble-t-il, les meilleures garanties d'objectivité.
La Commission en vient à l'examen des articles du projet de loi.
Article 1er (art. 4 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen) : Retour à une circonscription unique pour l'élection en France des représentants au Parlement européen
La Commission est saisie des amendements identiques CL2 de Mme Marie-France Lorho, CL10 de M. Thibault Bazin, CL13 de M. Xavier Breton et CL21 de M. Jean-Louis Masson.
Je pense que la mise en oeuvre d'une circonscription nationale est une triple erreur.
C'est une erreur parce qu'elle reflète un centralisme auquel La République en Marche ne nous avait pas habitué. Il est pourtant évident que l'on ne possède pas le même rapport à l'Union européenne si l'on habite à Brest ou à Strasbourg. C'est la vieille erreur jacobine qui pèche par idéalisme, plutôt que de s'inscrire dans la diversité du rapport aux institutions qui est une richesse démocratique.
C'est une erreur, car elle rendra la campagne encore plus caricaturale, dominée par la seule expression télévisuelle, propice à des feuilletons et autres provocations qui divisent le corps social et le personnel politique. Vous ne manquerez pas d'ailleurs, avec ces circonscriptions uniques, d'avoir le retour des listes monothématiques qui pourraient tendre les opinions dans une France fracturée.
Enfin, c'est une erreur car les Français continueront à percevoir les élus comme des esprits lointains, déjà privés de l'enracinement local par l'absurde interdiction du cumul des mandats, et désormais représentants sans racines auprès d'un Parlement européen sans prise directe avec les peuples.
Par cet amendement, je propose de supprimer l'article 1er. En effet, j'ai la conviction profonde qu'un scrutin national pour ces élections européennes va aggraver la crise de confiance et la crise de la démocratie représentative entre les citoyens et l'Union européenne.
Au lieu de les en éloigner, il faudrait rapprocher du terrain les députés européens. Prenez l'exemple de la directive européenne relative au plomb. Vu de Paris, elle semble bonne. Quand on connaît la manufacture de Baccarat, forte de 500 salariés, dont une vingtaine sont reconnus « Meilleur ouvrier de France », on n'ose imaginer la bêtise d'une directive élaborée par une bureaucratie bruxelloise qui crée le problème de la mise en décharge de lustres de Baccarat. Vous admettrez que cela n'a pas de sens.
Pour que l'Europe soit une Europe de bon sens, il faut des élus enracinés et bien connectés aux réalités locales. Le mode de scrutin national va éloigner des électeurs les élus au Parlement européen. La vitalité européenne a besoin de s'appuyer sur des élus libres et tirant leur légitimité du terrain, et non d'un engagement d'apparatchik.
Mes chers collègues, pour l'Europe, supprimons l'article 1er.
Mon amendement propose lui aussi la suppression de la circonscription nationale. Nous pouvons certes être d'accord pour faire évoluer les circonscriptions existantes. Encore faut-il s'interroger sur les raisons de l'abstention constatée aux derniers scrutins : les circonscriptions interrégionales en vigueur aujourd'hui ne disent rien à nos concitoyens.
Ce constat fait, deux choix s'offrent à nous.
Soit on organise le scrutin au niveau national, ce qui a l'avantage d'une lisibilité accrue, mais présente deux inconvénients, et non des moindres : on s'éloigne encore plus du terrain ; on donne beaucoup de poids – trop – aux partis politiques.
Soit nous nous rapprochons du terrain, en suivant la proposition de notre collègue Guillaume Larrivé et en adoptant des circonscriptions correspondant aux nouvelles régions. Elles auraient l'intérêt d'une forte visibilité pour nos concitoyens. En plus, nous nous rapprocherions d'eux.
Finalement, la renationalisation du scrutin européen trahit une méfiance par rapport aux territoires, et particulièrement par rapport aux régions.
Sur quels éléments concrets, monsieur le rapporteur, vous fondez-vous pour prétendre que les grandes régions ne conservent pas une forme de proximité avec les électeurs ? Pour obtenir plus de proximité, vous auriez pu proposer, à l'inverse, de confondre les nouvelles circonscriptions électorales avec les grandes régions administratives récemment créées.
La vérité est que le parti majoritaire pense qu'une circonscription nationale unique lui sera plus favorable. Voilà de la politique à l'ancienne : vous êtes bien placé pour la défendre, monsieur le rapporteur ! Souvent, ce genre de tripatouillage se retourne contre celui qui l'initie. Enfin, je trouve que, plus on éloigne les électeurs de leurs élus, plus leur taux de participation sera faible.
Madame la présidente, je trouve par ailleurs dommage qu'on ne puisse pas débattre des amendements. On peut raccourcir le temps de parole sans le supprimer tout à fait. Ce n'est pas un bon fonctionnement pour cette commission.
J'imagine que c'est une plaisanterie ? Après avoir déjà tenu il y a quinze jours une première discussion générale, à l'occasion de l'audition de la ministre auprès du ministre de l'Intérieur, nous venons d'en tenir une seconde, avant que chacun des auteurs d'amendements identiques de suppression de l'article 1er s'exprime sur son propre amendement. Je ne pense pas avoir raccourci la discussion de ce matin de quelque manière que ce soit. Alors que nous n'en sommes qu'au début de l'examen du texte, ce procès est quelque peu prématuré.
Permettez-moi tout d'abord une observation ironique. En 1958, lorsque le général de Gaulle a présenté la Constitution de la Ve République, il avait prévu que les scrutins seraient organisés à la proportionnelle. Ce n'est qu'à la suite des réflexions de Michel Debré qu'il a abandonné cette proposition. Qui est donc ici le plus gaulliste aujourd'hui ?
Nous commençons donc l'examen de ce texte par une demande de suppression de l'article 1er. La loi du 11 avril 2003 a organisé le scrutin européen au niveau de huit circonscriptions territoriales, alors qu'il s'était pratiqué jusque-là, et depuis 1979, au niveau d'une circonscription nationale unique.
Cette réforme importante, qui était prévue en 2003, visait à renforcer l'ancrage de l'élu européen dans la vie politique nationale. Son bilan apparaît négatif ou au mieux mitigé.
Les circonscriptions interrégionales n'ont pas permis de renforcer la proximité des électeurs avec leurs élus. Un grand nombre de citoyens ignorent le nom de leurs représentants au Parlement européen : si je demandais aux députés présents les noms des députés européens de leurs circonscriptions, je pense que les réponses me feraient sourire. (Exclamations.)
En outre, alors que l'abstention atteignait déjà des niveaux préoccupants et tandis que, parallèlement, les pouvoirs du Parlement européen se sont renforcés, la participation a reculé de 46,8 % en 1999 à 42,4 % en 2014.
La division en huit circonscriptions n'a pas favorisé le pluralisme de la représentation. La multiplication des circonscriptions a eu pour effet de favoriser les plus grands partis au détriment des petites formations politiques, car il fallait atteindre 8, 9 ou 10 % pour avoir un représentant. Le découpage du territoire en huit circonscriptions conduit ainsi à limiter les effets du scrutin proportionnel pour la répartition des sièges.
Le découpage actuel n'est pas cohérent avec la nouvelle délimitation des collectivités régionales, instituée par la loi du 16 janvier 2015.
Enfin, loin de favoriser l'émergence d'une « procédure uniforme » ou de « principes communs à tous les États membres », le choix d'un scrutin à circonscriptions multiples éloigne la France du modèle majoritaire dans l'Union européenne, celui d'une circonscription nationale unique, adopté par vingt-deux des vingt-sept États membres.
Je demande donc le rejet de ces amendements de suppression.
Après la mise en cause des femmes, c'est le tour des aînés : les attaques ad hominem, ça suffit !
Cette élection, comme l'a dit Mme Untermaier, ce sera d'abord ce qu'ensemble nous en ferons. Pendant des années, elle a surtout été l'occasion de donner des bâtons de maréchal à un certain nombre de personnes dans les différents partis, qui n'étaient pas forcément très impliquées dans les fonctions qu'elles occupaient. La tentative de rapprocher les élus du terrain n'a rien changé. En portant l'élection au niveau national, on peut espérer une médiatisation plus forte et surtout une volonté d'en faire véritablement un enjeu politique, avec un débat de fond sur l'avenir européen, et des représentants qui devront tenir leur siège et faire vivre l'idée européenne.
J'ai le sentiment de revoir le match sur la réserve parlementaire, avec le thème de l'élu qui serait coupé du territoire... Mais il n'est pas facile de s'exprimer dans le bruit… Monsieur Pradier pouvez-vous m'écouter s'il vous plaît ?
Quand M. Pradier aura fini de considérer qu'il se trouve dans une cour de récréation, nous pourrons poursuivre nos débats. Il a le droit de ne pas être d'accord avec moi mais il doit attendre son tour comme tout le monde pour prendre la parole.
Mes chers collègues, je suspends nos travaux pour cinq minutes, le temps que tout le monde se calme.
La séance, suspendue à dix heures quinze, reprend à dix heures vingt.
Nous sommes convenus de poursuivre l'examen du texte dans un climat plus serein où chacun s'écoute et évite les invectives personnelles.
J'ai entendu le souhait de laisser le temps au débat et je le laisserai au maximum, mais merci de faire silence quand un orateur s'exprime.
Il est bon de rappeler que la quasi-totalité des partis politiques se sont dits favorables à la circonscription nationale, dans le souci du pluralisme politique. Compte tenu de la nouvelle délimitation des régions, il aurait fallu modifier la loi de 2003, qui est une source de complexité et de confusion. En outre, la plupart des autres États sont déjà passés à une circonscription nationale, sauf ceux qui sont très régionalistes. Les circonscriptions régionales peuvent être une bonne chose, selon l'argument de la proximité, mais la loi de 2003 ne prévoit aucun critère de résidence dans la région où le candidat pourrait se présenter : elle n'assure donc aucune proximité et je n'ai noté aucun changement à cet égard.
Merci, madame la présidente, d'avoir remis un peu de calme dans ces débats.
Comme l'a dit M. Rebeyrotte, l'élu fait du mandat ce qu'il décide d'en faire. Aujourd'hui, le mandat de député européen est passionnant et demande en effet une écoute du territoire, mais cette relation ne s'inscrit pas nécessairement dans une circonscription. Pour parler des problèmes de la pêche, il n'est pas nécessaire d'être un élu breton. De même que nous sommes tous des élus de la Nation.
S'agissant des prétendus tripatouillages et en réponse à notre collègue du groupe Les Républicains qui expliquait que la majorité présidentielle n'aurait pas de leaders régionaux et que c'était pour cela qu'elle avait choisi un schéma national, je dirai qu'il vaut mieux avoir des députés qui font bien leur travail que des leaders régionaux que ne siègent jamais sur les bancs du Parlement européen. Retourner à la circonscription nationale est une bonne solution.
Je n'ai pas du tout envie de verser dans le ton polémique de cette commission, que je commence à déplorer, ni dans les arguments sur les petits calculs politiciens. C'est de la portée de cette mesure sur ce que l'on veut faire de l'Europe et la perception qu'en auront nos concitoyens que nous devons débattre. Ma certitude, c'est que la démocratie fonctionne bien lorsqu'elle est aux mains d'élus qui sont à la fois des représentants d'une partie du territoire et aussi des représentants nationaux ou européens. Si l'on poussait l'argument de M. Balanant jusqu'au bout, il faudrait proposer une circonscription européenne ; le syllogisme a donc ses limites.
Je ne vois pas comment on pourra restaurer la confiance des Français dans les institutions européennes si l'on éloigne davantage les élus de nos concitoyens. Notre débat est aujourd'hui très technocratique alors que nous devrions nous attacher davantage à des considérations de fond, car ce débat déterminera ce que nous ferons de l'Europe. C'est la proposition de M. Larrivé sur cet article qui me paraît être la bonne, à savoir faire coller la représentativité de nos élus européens aux grandes régions qui ont été constituées et qui ont même été présentées par la majorité précédente comme des « euro-régions ».
Il existe trois options. La première, c'est le statu quo, le mode de scrutin actuel, qui ne satisfait personne. Nous ne sommes pas favorables, ni les uns ni les autres, au maintien du mode de scrutin actuel dans les méga-circonscriptions régionales qui ne correspondent à rien ; ce mode de scrutin n'est ni national ni vraiment régional.
La deuxième option, c'est celle du Gouvernement et du groupe majoritaire : une circonscription nationale, comme cela a été le cas entre 1979 et le début des années 2000. Je reconnais que ce mode de scrutin a une vertu, c'est qu'il rationalise le débat national. Ce débat, je le dis au nom des Républicains, loin de le redouter, nous l'attendons, pour défendre devant les Français notre ligne euro-réaliste. Cela n'a pas que des désavantages : cela permettra d'avoir un vrai débat national sur la place et l'avenir de la France en Europe.
Mais il existe une troisième option, la nôtre, qui consiste à assumer un débat de fond sur les questions européennes tout en ayant des députés français au Parlement européen qui soient un minimum connus des citoyens français et donc élus dans un cadre territorial qui le permette. Le bon cadre, ce serait, dans un monde idéal, une circonscription comme la nôtre, mais ce n'est pas possible pour assurer la pluralité de l'expression. Cela ne peut pas non plus être le niveau départemental, pour la même raison, ni le niveau des méga-circonscriptions actuelles, trop éloignées. Nous proposons donc d'élire les députés européens dans le cadre de circonscriptions régionales correspondant à la nouvelle carte. Ce n'est pas un périmètre optimal, nous n'y étions pas très favorables, mais il commence à être approprié par les Français comme échelon de débat et de politique publique.
Je soutiens l'avis du rapporteur. Il faut tirer les leçons des grandes circonscriptions. Étant très favorable à la définition d'une Union européenne fédération d'États nations, pour reprendre la formule de Jacques Delors, je trouve normal que le débat se fasse dans un cadre national. Cependant, ce n'est pas le mode de scrutin qui fait la force d'une élection ni des élus vertueux. Nous avons un problème français : il y a d'excellents élus français au Parlement européen mais nos délégations sont fractionnées et ne défendent pas les intérêts stratégiques de notre pays, contrairement à d'autres, comme l'Allemagne ou l'Espagne. Donc cela pose bien, non pas le problème de la représentativité des territoires, mais de l'engagement des parlementaires européens.
Quant à l'abstention ou au désintérêt, l'enquête CEVIPOF parue hier dans Les Échos montre une fois de plus le rejet profond des Français vis-à-vis de leurs élus. C'est un problème de fond plus grave que le mode de scrutin.
Enfin, nous avons en France une forme de représentation, des modes de scrutin totalement différents selon les élections, ce qui ne facilite pas la lisibilité de l'action publique. Puisqu'il est question d'une réforme constitutionnelle – ou institutionnelle –, que l'on s'interroge sur le nombre de parlementaires, sur leur mode de scrutin, sur l'avenir des départements, le rôle de l'intercommunalité, il serait peut-être bon d'engager une réflexion sur ce point.
Il faudrait – est-ce un voeu pieux ? – s'interroger sur une rationalisation de ce système, car aucune des élections ne ressemble à une autre. Cela ne réglera sans doute pas le problème du lien entre les Français et les responsables publics mais je constate que dans les autres pays, les modes de scrutin se ressemblent. Nous, nous prenons beaucoup de plaisir à nous écharper sur ces questions, alors que nos voisins recherchent davantage le consensus, afin de stabiliser les modes de scrutin dans la durée.
D'ailleurs, si nous avons décidé lors du quinquennat précédent de ne pas toucher au mode de scrutin pour les élections européennes, c'est que nous estimions qu'il avait été suffisamment modifié au cours du temps. Je comprends la position du rapporteur et la rejoins. Pour autant, la réflexion sur la crise démocratique que nous traversons exige de prendre plus de temps, et suffisamment de recul, pour discuter des modes de scrutin et de la représentativité.
Le principal groupe d'opposition, celui de La France insoumise, est plutôt d'accord avec cette réforme qui apportera à ces élections une visibilité nationale. Le précédent découpage s'appuyait sur des circonscriptions sans réalité, dans une logique d'Europe des régions que nous réfutons.
Sur l'argument de proximité, avancé par M. Viala, je ferai remarquer que la question se pose pour n'importe quel élu : tentez de demander à un Français qui est le député de sa circonscription, il y a des chances qu'il soit incapable de citer son nom.
Ce n'est pas la nature du scrutin, mais la qualité et le contenu du débat politique qui feront que les citoyens et les citoyennes s'empareront de ces élections. Cela dépendra de la diversité des opinions, des différentes visions de l'Europe qui seront proposées, de notre capacité à ne pas réduire le débat aux caricatures des « bons » et des « mauvais » Européens, des « anti » ou des « pro ». Les débats technocratiques ont pris le dessus, ce qui explique sans doute le rejet des institutions européennes, du moins le scepticisme concernant leur fonctionnement. Les citoyens et les citoyennes doivent se sentir représentés lors de ces élections : c'est en ce sens que nous devrions orienter nos débats en commission et en séance publique.
Le problème ne tient pas à la taille des circonscriptions mais au choix des candidats. Souvent, les élus européens n'incarnent ni l'Europe ni les régions, et le débat national tourne à la caricature entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre l'Europe. Ainsi, les Bretons, qui sont concernés de très près par deux politiques européennes particulièrement importantes – celle de la pêche et la PAC – attendront de leurs députés qu'ils prennent en compte ces questions et agissent en fonction des réalités du terrain, pas selon les politiques, ou les postures, nationales.
Or les élections européennes sont souvent l'occasion de recycler les têtes de partis, qui font de la politique et pas forcément de l'action publique. Ce sont des personnes qui n'habitent pas la circonscription mais viennent s'y faire élire ; n'y étant jamais présentes, je ne vois pas ce qu'elles peuvent incarner.
Ces élus expriment au Parlement européen des positions idéologiques très tranchées, au point, parfois, qu'extrême droite et extrême gauche votent ensemble : Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont ainsi voté contre un rapport sur les langues régionales, madame Obono. Il est dommage que les députés européens se montrent aussi incapables de dépasser les querelles nationales. J'espère que leurs successeurs ne seront pas là pour faire de la politique nationale au niveau européen, mais pour faire avancer l'Europe, et, dans l'Europe, la France et ses régions.
La raison d'être de la précédente réforme était déjà de faire en sorte que les citoyens s'intéressent davantage au débat européen. En optant pour des méga-circonscriptions régionales, on a obtenu l'inverse : une abstention plus forte, des listes parfois pittoresques et un nomadisme électoral important, avec une proximité toute relative.
Peut-être ne faut-il pas chercher à répondre à trop de questions à la fois ? Ce que nous souhaitons aujourd'hui, c'est que les citoyens s'intéressent à la question européenne, participent plus au débat sur la place de la France en Europe et dans la construction européenne. Pour cela, la circonscription doit correspondre au débat. J'entends ce que disent Arnaud Viala et Guillaume Larrivé, et je suis assez d'accord avec leur argumentation, mais je ne vois pas comment ils parviennent à cette conclusion. La logique est celle d'une circonscription nationale, car le débat est bien celui de la France en Europe.
Tout ou presque a été dit. Je ne suis pas certaine que ce mode de scrutin, qui n'est pas nouveau, permettra de sensibiliser nos concitoyens aux enjeux européens, tant il est vrai que notre culture nous appelle à nous intéresser davantage à notre propre jardin. Les responsables politiques français, d'ailleurs, ne préfèrent-ils pas être élus au Parlement national plutôt qu'au Parlement européen ?
Moi qui ne suis pas toujours à la pointe des combats féministes, je vois un avantage à ce nouveau mode de scrutin : il assurera une parité hommes femmes parfaite.
Le fossé qui existe entre les peuples d'Europe et la gouvernance s'explique par le fait que l'Union européenne est un rouleau compresseur. Elle alimente cette terrible rupture en orientant tout vers l'ultralibéralisme. Cela prendrait trop de temps, mais je pourrais citer de nombreux exemples, comme les choix de la politique agricole ou la banque centrale européenne, qui verse des centaines de milliards d'euros aux banques sans plan de développement social, écologique ou économique. C'est là que résident les causes de la rupture !
Quels que soient le périmètre de la circonscription et le mode de scrutin – étant entendu que nous sommes favorables, comme nous l'avons toujours dit, à la proportionnelle – c'est la pratique politique de l'élu sur les territoires qui compte. Sans cette pratique citoyenne de proximité, la rupture sera toujours aussi forte. L'enjeu, aujourd'hui, est de développer une forme de démocratie active.
La logique qui soutient ce texte consiste à réduire le débat européen à une question simple : si vous êtes pour l'Europe, votez pour la formidable liste pro-européenne d'Emmanuel Macron ; si vous êtes contre l'Europe, choisissez l'une des autres listes. Mais le débat européen, ce n'est pas cela. Pour que les citoyens acceptent le rôle de l'Europe, le débat politique électoral doit être ancré dans des réalités.
Seul le périmètre régional est calqué sur des réalités régionales. Un tel scrutin permettrait au citoyen de mieux s'approprier le débat et les outils européens, d'autant que les collectivités territoriales jouent un rôle plus important en matière de gestion des fonds de l'Union.
Le mouvement que nous sommes en train d'organiser va en sens inverse de celui à l'oeuvre dans les autres pays européens. Ce n'est pas pour rien que la France apparaît beaucoup plus jacobine que ses voisins. Nous devons appliquer à notre mode de scrutin la subsidiarité, qui est le principe même de la construction européenne.
J'ai bien compris, chers collègues, que vous opterez pour la circonscription nationale. Je vous propose une clause de revoyure, en juillet 2019. J'espère me tromper, mais je pense que les élections européennes n'auront pas mobilisé les électeurs – bien au contraire !
Les circonscriptions sont aujourd'hui au nombre de huit. Certains nous proposent de passer à treize : cela ne fera que renforcer l'émiettement.
Je suis intimement persuadé que ce qu'il nous faut, c'est un discours national qui opposera les eurosceptiques aux euroréalistes ou encore aux amoureux de l'Europe. Certains veulent plus d'Europe, mieux d'Europe ; d'autres veulent moins d'Europe.
L'Europe doit-elle se construire autour du transfert des compétences régaliennes ou, au contraire, se recentrer sur l'euro ? Voilà la question essentielle à laquelle il nous faut répondre. Or il me semble que, sur le plan politique, le débat sera plus fort au niveau national que dans des régions sans véritable existence. Je propose donc le rejet de ces amendements de suppression.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle examine l'amendement CL1 de M. Guillaume Larrivé.
J'ai défendu pour l'essentiel cet amendement, qui vise à instaurer un mode de scrutin proportionnel, respectant donc le pluralisme, dans un périmètre correspondant aux régions actuelles.
Permettez-moi de corriger ce qui me paraît être une erreur factuelle. Lorsque l'on compare notre mode de scrutin avec celui des autres pays européens, il convient de distinguer les « grands pays », dont le mode de scrutin est régionalisé – à l'exception, et l'on comprendra pourquoi, de l'Espagne – et les « petits pays », dont l'étendue géographique ne permet qu'un scrutin national.
J'ai déjà opposé mes arguments à un tel amendement. L'émiettement est contraire au débat que nous devons avoir sur le projet européen.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CL43 du rapporteur.
Il semble souhaitable de ne pas délimiter la circonscription unique par référence au « territoire de la République », car cela poserait problème pour les Français de l'étranger. Je propose de viser simplement « la République », répondant ainsi à une observation qu'ont faite les professeurs de droit auditionnés.
La Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte l'article 1er modifié.
Article 2 (art. 19 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen) : Règles d'organisation de la campagne officielle à la radio et à la télévision
La Commission examine les amendements de suppression CL5 de Mme Marie-France Lorho et CL22 de M. Jean-Louis Masson
Le Conseil d'État a estimé que la règle selon laquelle chaque parti ou groupement politique ne pouvait soutenir qu'une seule liste devait figurer dans la loi et a complété en ce sens la rédaction du projet de loi.
Voilà qui devrait nous inquiéter. Lorsque M. Mélenchon était encore au parti socialiste, j'imagine que ses avis européens divergeaient largement de ceux des libéraux. Et si l'on prend l'exemple de La République en Marche et de l'origine de ses soutiens, nous pouvons nous souvenir des lourds débats qui traversaient l'UDF à ce sujet. Cette remarque montre à elle seule le danger de cet article. Alors que de très nombreux partis amalgament pro et anti-européens, exiger par la loi qu'ils tranchent en un sens unique ne me semble pas faire honneur à la pensée complexe qui a été mise au coeur du pouvoir.
Vous proposez de maintenir le système actuel de répartition du temps d'antenne entre les listes.
Depuis une question prioritaire de constitutionnalité jugée au mois de mai, nous savons que le système actuel de campagne audiovisuelle officielle pour les élections européennes est affecté de deux vices de constitutionnalité. Le temps à disposition des forces politiques non représentées, une heure, est trop faible au regard du nombre de forces politiques qui peuvent se présenter à ce titre – 21 pour les élections européennes de 2014. Par ailleurs, la durée d'émission est égale pour chaque liste représentée par un groupe parlementaire ; le système ne prend donc pas en compte la représentativité réelle et différenciée des forces politiques et pourrait conduire certaines d'entre elles à disposer d'un temps de parole hors de proportion avec leur poids électoral. Il convient donc d'en tirer les conséquences.
En outre, du point de vue de la clarté du débat électoral – principe constitutionnel désormais protégé par le Conseil constitutionnel –, il serait intéressant de mettre fin à l'égalité entre toutes les listes aux élections européennes, en particulier les plus marginales. Avis défavorable.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle en vient à l'amendement CL14 de Mme Danièle Obono.
L'audition de la ministre avait illustré le décalage qui existe entre le discours, c'est-à-dire la volonté de favoriser une diversité, une pluralité de points de vue, un débat constructif et non caricatural, et la réalité des propositions très concrètes faites par la majorité. Ni elle, ni aucun membre de la majorité n'ont fourni à ce jour aucune explication rationnelle sur la disproportion assez flagrante proposée en matière de répartition du temps de campagne audiovisuelle. L'argument invoqué de la décision faisant suite à la QPC ne tient pas puisqu'il concerne les élections législatives où il y existe effectivement une disproportion très forte. Ce n'est pas le Conseil constitutionnel qui a déterminé la mesure que vous nous soumettez qui n'est ni claire ni lisible. Nous pensons qu'il s'agit là d'un véritable hold-up de la parole démocratique. Si vous voulez vraiment permettre un débat pluraliste, notre proposition devrait vous satisfaire puisque nous proposons que trois heures d'émission soient mises à la disposition de toutes les listes enregistrées, indépendamment de leur poids au niveau parlementaire. Il ne sera pas fait ainsi de différence entre les partis institutionnels et les initiatives citoyennes collectives. Puisque ces listes sont légitimes, nous favorisons le débat démocratique. Nous proposons également une heure corrective où il est tenu compte de la réalité parlementaire.
Notre amendement répond donc à l'argument qui avait été pointé par le Conseil constitutionnel, à savoir la disparité entre les forces institutionnelles parlementaires et les autres. Nous permettons la pluralité qui est effectivement nécessaire pour que les citoyens s'approprient le débat européen, loin d'une propagande digne de l'ORTF sur toutes les ondes.
Les nouvelles règles d'organisation de la campagne officielle à la radio et à la télévision pour les élections européennes prévoient trois enveloppes.
D'abord, une première durée d'émission de base de deux minutes est mise à la disposition de chacune des listes quelle qu'elle soit. Ensuite, une durée d'émission de deux heures pour les listes soutenues par les partis et groupements politiques représentés par des groupes parlementaires de l'Assemblée nationale ou du Sénat est répartie entre ces listes au prorata du nombre de députés et de sénateurs appartenant à ces groupes parlementaires, et non plus de façon égale. Enfin, à titre de correctif, une durée d'émission supplémentaire d'une heure est répartie par le CSA entre les listes afin que les durées respectives d'émission qui leur sont attribuées ne soient pas hors de proportion avec la participation à la vie démocratique de la nation des partis et groupements politiques qui les soutiennent.
Vous proposez de supprimer cette dernière composante, de passer à trois heures la deuxième enveloppe et de la répartir à égalité entre les listes. Votre solution ne permet donc pas de prendre en compte la représentativité réelle et différenciée des forces politiques et pourrait conduire certaines d'entre elles à disposer d'un temps de parole hors de proportion avec leur poids électoral. Elle pose donc les mêmes problèmes de constitutionnalité que le système actuel.
M. le rapporteur vient de nous rappeler quelle était la ventilation du temps de parole. Pour nous, c'est le principe d'égalité qui doit prévaloir : le même temps de parole pour chacun. Avec vous, on a le droit de se présenter à des élections, mais pas d'avoir le même temps de parole que les autres. De deux choses l'une : soit les gens peuvent se présenter et proposer des listes, auquel cas ils ont les mêmes droits devant les électeurs, soit allez au bout de votre logique, et dites à ceux qui n'ont pas de poids suffisant de ne pas se présenter.
Si vous pensez qu'il y aura trop de candidatures, et que ce sera alors trop compliqué de donner du temps de parole à tout le monde, prévoyez des filtres, par exemple un parrainage citoyen, obligeant à collecter un certain nombre de signatures pour pouvoir présenter une liste.
Je ne comprends pas votre argumentation que je trouve spécieuse.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CL30 de Mme Cécile Untermaier.
Mon groupe n'est pas non plus favorable à une stricte égalité, car nous avons pu voir ce qu'une telle mesure avait donné. Mais ce n'est pas avec le dispositif proposé dans ce texte que l'on gagnera la confiance des citoyens européens. Nous nous interrogeons, comme le Conseil d'État, sur le dispositif qui tire argument de groupes parlementaires à l'Assemblée nationale et au Sénat pour déterminer un temps de parole pour des députés européens. C'est pourquoi nous appelons à la prudence en présentant un amendement prévoyant une heure trente au lieu de deux heures, ce qui nous paraît moins violent.
Je comprends votre point de vue, mais plusieurs logiques s'opposent. À la limite, on pourrait prévoir un temps de trois heures pour chaque liste. Mais s'il y a cinquante listes, ce qui est parfaitement possible, vous voyez bien quelle pourrait être la dérive. Je rappelle qu'il ne s'agit que des spots, pas de la grande campagne électorale qui aura lieu.
Nous avons conçu trois enveloppes, dont un temps correctif. Or on ne peut pas donner à l'élément correctif plus de temps qu'à l'élément essentiel. Ce serait illogique. Le critère principal de représentativité demeure le nombre de parlementaires, comme c'est le cas pour les élections législatives. Voilà pourquoi je suis défavorable à l'amendement.
Nous souhaiterions un vrai débat de fond et une explication politique. Or la réponse du rapporteur est, permettez-moi de le dire, en dessous de tout et très caricaturale. On pourrait tout autant fixer une durée de cinq heures pour chaque liste ! Comme l'a dit Ugo Bernalicis, si vous considérez que la prolifération des listes va nuire au débat, prévoyez des filtres pour qu'il y ait un nombre raisonnable de listes sans empêcher l'initiative citoyenne. Mais si vous pensez qu'il faut que tout le monde puisse se présenter, il faut être cohérent et donner les mêmes droits à tout le monde.
Je le répète, pourrait-on obtenir une réponse sur le fond ? Le temps correctif réparti par le CSA n'est pas un détail, il ne concerne pas seulement les spots. Au final, ce qui fera la différence dans cette élection, c'est le contenu et la clarté des positionnements des uns et des autres. À cet égard, nous ne sommes pas du tout sur la défensive, au contraire. À la rigueur, ce serait un détail si ce n'était si révélateur d'un comportement qui nous paraît poser problème, et qui passe par le silence de la majorité. Nous y voyons un signe du rapport très problématique de La République en Marche avec les règles démocratiques, et notamment les droits de l'opposition.
Nous sommes d'accord pour dire que le système actuel ne convient pas. L'article 2 vise à représenter le plus justement possible le paysage politique et la vie démocratique de notre pays avec un organe impartial, le CSA – la durée d'émission fixée lui convient. Pour votre part, vous proposez quatre heures d'émission. Or cette mesure aurait un coût exorbitant alors que l'on demande à chaque Français de faire des efforts. Par ailleurs, s'il y a beaucoup de listes et si chacun a le même temps de parole, on risque d'aboutir à des temps très longs et, au final, personne ne regardera cette propagande officielle à la télévision. Or la clarté du débat électoral est un principe constitutionnel. Aujourd'hui, il s'agit simplement d'assurer une équité.
En fait, la clarté que vous proposez, c'est la moitié du temps de parole pour La République en Marche et les miettes pour les autres. Vous faites comme dans l'ancien monde : vous figez l'existant et tenez votre position pour acquise. Pourtant, certains collègues d'autres groupes parlementaires qui ont été un jour dans la majorité et qui se sont retrouvés ensuite minoritaires vous ont appelé à une certaine sagesse lors de l'examen du projet de loi pour un État au service d'une société de confiance.
Tout à l'heure, un de nos collègues a fait valoir que cette histoire de temps de parole n'avait pas grande importance car, lors des précédentes élections européennes, les résultats des uns et des autres n'avaient pas été proportionnels aux temps d'antenne. Encore heureux ! Sinon cela voudrait dire que vous prévoyez un score 50 % lors des prochaines élections, ce qui serait un peu problématique pour l'avenir de l'Europe et de nos concitoyennes et concitoyens. Si vous pensez que ces temps de parole sont si peu importants, garantissez au moins un principe simple, celui de l'égalité.
Lorsque vous parlez d'équité et de justice dans la répartition du temps de parole, vous vous placez du point de vue de celui qui décide et non de celui qui subit. Allez demander aux petites listes si elles trouvent cette mesure équitable. Bien évidemment, elles vous répondront que non. Les arguments peuvent se retourner dans un sens ou dans un autre. Le seul principe qui peut prévaloir est celui de l'égalité. En l'occurrence, l'amendement de nos collègues du groupe Nouvelle Gauche ne propose pas l'égalité, mais de faire moins pire. Essayons donc de faire moins pire !
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL16 de Mme Danièle Obono.
C'est un amendement de repli qui vise à mettre en oeuvre d'autres règles de répartition du temps de parole.
Nous proposons de préserver les règles en vigueur qui prévoient une égalité stricte entre les partis et groupements représentés par des groupes parlementaires. Au-delà de ces deux heures de temps télévisuel, une heure corrective permettra au CSA de moduler à la hausse ou à la baisse le reste des temps d'émission pour les partis et groupements qui auraient été sur ou sous-représentés.
Je ne reviendrai pas sur les explications que j'ai données précédemment. Je vous alerte, cependant : peut-être que, finalement, cela va vous desservir pendant la campagne de vous octroyer ainsi 50 % du temps de parole.
Vous proposez à présent de conserver la logique des trois enveloppes, mais de répartir les deux heures de la deuxième enveloppe à égalité entre les listes.
Comme les précédentes, cette solution ne permet pas de prendre en compte la représentativité réelle et différenciée des forces politiques et pourrait conduire certaines d'entre elles à disposer d'un temps de parole hors de proportion avec leur poids électoral. Elle pose donc les mêmes problèmes de constitutionnalité que le droit existant. J'émets un avis défavorable.
Quel thermomètre pouvons-nous prendre ? Comment déterminer le poids relatif de tel ou tel mouvement, de telle ou telle force politique ? Certes, les élections précédentes sont un indicateur. Mais de nos jours, les choses changent tellement vite ! Pourquoi ne pas prendre pour repère les sondages d'opinion ? Eh bien ceux-ci font apparaître que 35 à 37 % voire parfois 40 % des sondés considèrent que le premier parti d'opposition est La France insoumise, et quelque 20 % pensent que ce sont Les Républicains – c'est dommage pour eux. Choisit-on ce thermomètre pour répartir le temps de parole ? Avec le système que vous avez prévu, La France insoumise ne disposera pas en effet de 35 % de temps de parole.
Encore une fois, le seul principe dont on doit se prévaloir est celui de l'égalité. C'est pourquoi notre devise n'est pas « Liberté, Équité, Fraternité » mais bien « Liberté, Égalité, Fraternité ».
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle étudie l'amendement CL15 de M. Ugo Bernalicis.
Nous prévoyons là encore d'autres modalités car il nous semble que le système retenu par la majorité n'est en rien plus correctif que la règle précédente. Nous avons réfléchi à la manière de prendre en compte les observations du Conseil constitutionnel. Nous proposons donc de tenir compte des résultats obtenus précédemment aux élections européennes par les candidats. Comme cette règle n'avantage pas particulièrement La France insoumise, on ne pourra pas nous accuser d'être guidés par un électoralisme forcené. Il nous semble que notre amendement permettrait de donner à cette réforme un soupçon de cohérence, puisqu'il est question, à grand renfort d'autocongratulations et de déclarations, de l'importance du niveau européen, de la volonté de redonner de la visibilité au travail des députés européens et de les rapprocher du peuple. Certes, l'égalité ce serait mieux, mais notre proposition est au moins en cohérence idéologique avec vos déclarations.
En tout cas, j'espère que le rapporteur nous donnera une explication qui justifiera aux yeux des citoyens le fait que la majorité s'octroie une si large part du débat audiovisuel. Elle pense peut-être pouvoir ainsi marteler sa vision de l'Europe et convaincre. Mais je pense que les citoyens ne seront pas dupes.
Avis défavorable.
Comme la précédente, cette solution ne permet pas non plus de prendre en compte la représentativité réelle et différenciée des forces politiques et pourrait conduire certaines d'entre elles à disposer d'un temps de parole hors de proportion avec leur poids électoral véritable. Elle pose donc les mêmes problèmes de constitutionnalité que le droit existant.
Cet article est tout à fait cohérent avec notre proposition de circonscription nationale. Nous souhaitons prendre en compte les résultats nationaux en ce qui concerne la durée d'émission de deux heures, et les sondages s'agissant de l'heure supplémentaire. Monsieur Bernalicis, nous prenons ainsi en compte, d'une certaine façon, votre proposition. Il reste que c'est avant tout la Représentation nationale, qui reflète le choix des électeurs français lors des élections législatives, qui doit être respectée dans le cas d'un scrutin national.
Nos débats montrent qu'il manque dans l'étude d'impact une simulation des dispositifs. Lors de la discussion générale, le Gouvernement n'a pas été capable de nous éclairer sur ce point, ce que je regrette car nous aimons travailler en ayant connaissance des choses. Il vous manque, et il nous manque ces éléments. Je ne suis pas sur la ligne de l'égalité, car nous avons déjà fait ce choix que l'on nous a d'ailleurs reproché. La proposition d'une heure trente permettait peut-être d'apaiser les tensions sur ce point.
Ces débats datent vraiment de « l'ancien monde » audiovisuel. Le Gouvernement et le Parlement doivent comprendre, et c'est urgent, que nous ne sommes plus à l'heure où il n'y avait que les anciens canaux de télévision : la répartition des temps de parole et les campagnes officielles doivent être pensées dans le contexte des médias actuels.
La question est de savoir quel lien on établit avec les élections européennes précédentes. Je ne me souviens pas très bien quel score La République en Marche a obtenu la dernière fois (Sourires), mais ce critère me paraît au moins aussi convaincant que vos explications et vos sophismes de tout à l'heure. Néanmoins, je vois que nous n'avons pas réussi à toucher vos coeurs…
M. Larrivé a soulevé une question essentielle : les campagnes électorales ne sont plus seulement menées à la télévision. Cela dit, c'était déjà le cas auparavant, car on imprimait aussi des tracts, et nous sommes suffisamment mobilisés pour ne pas craindre la montée en puissance des réseaux sociaux.
Nous défendons un principe : celui de l'égalité. Je le répète : soit tout le monde peut se présenter aux élections si l'on respecte certaines conditions et alors il faut le même temps de parole pour tous, soit vous inventez un système de filtre, comme le parrainage citoyen – mais en garantissant tout de même l'égalité. Personne ne crie au scandale, au nom de je ne sais quel poids relatif, quand on applique une égalité stricte entre les candidats à l'élection présidentielle, pendant la période de la campagne officielle. Ce système est de bon aloi : les citoyens doivent avoir la possibilité de découvrir les différentes propositions politiques qui leur sont faites.
Je partage les propos de Guillaume Larrivé. Par ailleurs, j'ai une question technique à poser : le fait d'utiliser un hologramme multiplie-t-il par deux le temps de parole utilisé ? (Sourires.)
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL17 de M. Ugo Bernalicis.
Vous connaissez le coeur du programme électoral sur lequel nous avons été élus, de nos propositions, de nos convictions et de notre engagement : la démocratie réelle est un remède nécessaire – même s'il n'est pas suffisant – aux maux politiques actuels. L'amendement CL17 n'étonnera donc personne. En ce qui concerne l'heure d'émission répartie par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), nous proposons le critère d'appréciation suivant : la contribution à « la diversité des idées et à la qualité du débat public ». Au lieu de privilégier des structures de partis ou de groupements politiques, on favorisera ainsi le débat d'idées et l'émergence de nouvelles propositions sur la scène politique.
Avis défavorable. Vous proposez de prendre en compte la contribution à la diversité des idées et à la qualité du débat public au lieu de celle à « l'animation du débat électoral ». Or ce dernier critère est celui qu'utilise déjà le CSA pour le contrôle des temps d'antenne lors de l'élection présidentielle, conformément à la loi du 6 novembre 1962, modifiée sur ce point en 2016, et cette notion a été validée par le Conseil constitutionnel. Votre proposition créerait, au contraire, un fort risque juridique.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CL38 du rapporteur.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte ensuite l'amendement de précision CL29 de Mme Typhanie Degois.
Puis la Commission est saisie de l'amendement CL18 de M. Ugo Bernalicis.
Avec cet amendement, nous posons la question de la bonne foi. Quand nous critiquons le projet de loi en soulignant que les nouvelles règles avantageraient outrageusement la majorité et le Gouvernement, on nous promet qu'il s'agit d'un malentendu. Nous aimerions y croire et adhérer à la « société de confiance » que la majorité appelle de ses voeux et dont tout le monde rêve. Afin d'être convaincus, nous demandons que l'on laisse du temps au temps, en faisant entrer en vigueur les nouvelles règles en 2024. Compte tenu de la bonne foi et de la confiance qui nous animent toutes et tous, nous ne doutons pas que vous serez sensibles à cet amendement et que vous le voterez.
L'article 7 prévoit une entrée en vigueur globale du texte à compter des prochaines élections européennes, c'est-à-dire en mai ou en juin 2019, la date exacte n'étant pas encore connue. Vous proposez d'attendre 2024 pour les nouvelles modalités de répartition des temps d'antenne, mais je ne vois pas quelle logique conduirait à traiter cette question de manière spécifique. Par ailleurs, l'inconstitutionnalité du dispositif actuel risque d'être censurée d'ici à 2024. Je donne donc un avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 2 modifié.
Article 3 (art. 19-1 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen) : Règles du plafonnement des dépenses électorales
La Commission examine l'amendement CL23 de M. Jean-Louis Masson.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL4 de Mme Marie-France Lorho.
Je tiens à remercier le rapporteur pour l'intéressante audition qui a eu lieu sur la question des frais de campagne. Je m'en remets à la sagacité de mes collègues pour ce qui concerne plus particulièrement les déplacements ultramarins, mais il me semble que nous devrions aller beaucoup plus loin s'agissant des frais de campagne.
Certes, le projet de loi permettra de réaliser une économie : comme le rapporte l'étude d'impact, « si le plafond avait été porté à huit fois le montant fixé par la loi du 7 juillet 1977 majoré par le décret de 2009, applicable lors des dernières élections européennes, il se serait élevé à 10 120 000 euros ». Néanmoins, je constate que l'on se contente de multiplier le montant prévu en 2003 par le nombre de circonscriptions. Or les techniques ont largement évolué depuis cette date, avec les campagnes sur internet, la réduction des coûts d'impression, la possibilité de digitaliser la campagne « papier », ou encore les économies d'échelles pour certaines dépenses. Nous pourrions donc faire mieux.
Au demeurant, le drame des élections européennes tient à l'aspect médiatique de la campagne : on gagne ces élections à la télévision et tout dépend de l'orchestration médiatique plus ou moins réussie des propos que l'on tient – c'est malheureux, mais c'est ainsi.
Une circonscription nationale étant désormais créée, on aurait du mal à concevoir que des économies ne soient pas possibles – sans porter atteinte, pour autant, à l'exercice du droit de suffrage tel qu'il a été évoqué par le Conseil d'État dans son avis.
Conformément à l'article L. 52-11 du code électoral, les dépenses exposées par chaque candidat ou chaque liste de candidats en vue d'une élection sont plafonnées. Pour les élections européennes, l'article 19-1 de la loi du 7 juillet 1977 fixait ce plafond à 1 150 000 euros par liste, dans chacune des huit circonscriptions actuelles. Ce plafond ayant été majoré de 10 % par un décret du 1er avril 2009, il s'établit aujourd'hui à 1 265 000 euros par liste. Ce montant, comme l'ensemble des plafonds de dépenses électorales, est par ailleurs gelé en valeur depuis 2012.
De tels plafonds sont très largement théoriques : le montant maximal qui est effectivement remboursable par l'État est limité à 47,5 % du plafond des dépenses électorales et l'on observe, en pratique, que la quasi-totalité des candidats aux élections européennes, comme aux autres scrutins, limitent leurs dépenses à ce qui est remboursable, voire dépensent moins. Ce que le texte prévoit n'a donc rien d'excessif. Il s'agit uniquement de réunifier les huit plafonds actuels en n'intégrant pas la majoration de 10 %, dans un effort de maîtrise de la dépense publique.
Par conséquent, avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel CL39 du rapporteur.
Puis elle examine l'amendement CL36 de Mme Constance Le Grip.
La question du seuil de remboursement forfaitaire des dépenses et du seuil d'éligibilité est importante. Sur ce dernier point, le rapporteur a d'ailleurs déposé un amendement. Pour notre part, nous souhaitons rester à un seuil de 5 % des suffrages exprimés : oui au pluralisme, mais non à l'émiettement de la représentation française au Parlement européen. Nous sommes d'accord pour qu'il y ait un mode de scrutin proportionnel, car le pluralisme est nécessaire, mais il faut aussi une certaine homogénéité dans les représentations nationales au Parlement européen. Plus celle de la France est éclatée, en groupes multiples, moins sa voix se fait entendre dans les enceintes européennes.
Votre amendement propose d'aligner le seuil de remboursement des dépenses sur le seuil d'éligibilité, qui est de 5 % des suffrages exprimés.
Le versement du remboursement forfaitaire est subordonné au respect, par le candidat qui est tête de liste, des prescriptions légales relatives aux comptes de campagne. Par ailleurs, le remboursement n'est dû que si l'on a obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés, contre 5 % pour les autres élections, hormis celle du Président de la République. S'agissant des élections européennes, le seuil a en effet été ramené de 5 à 3 % par l'article 13 de la loi du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques. C'était une mesure favorable aux petites listes.
Comme je ne vois aucune nécessité d'aligner, par le haut, le seuil de remboursement des dépenses sur celui d'éligibilité, je donne un avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 3 modifié.
Après l'article 3
La Commission examine l'amendement CL46 du rapporteur.
J'ai déposé cet amendement après l'audition de M. François Logerot, qui préside la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). La particularité des élections européennes, à partir du moment où elles sont organisées dans une circonscription unique, est de ressembler davantage à l'élection présidentielle qu'à une élection législative ou locale du point de vue du contrôle des comptes de campagne.
En concertation avec la CNCCFP, je vous propose donc de reprendre certains mécanismes de contrôle issus de la loi organique de 2016 relative à l'élection présidentielle : la transparence des dépenses électorales engagées par un parti pour soutenir une liste de candidats sera garantie par la création d'une annexe spécifique au compte de campagne. Sur cette base, la CNCCFP pourra interroger les partis concernés pour obtenir tous les éclaircissements et justificatifs nécessaires.
La Commission adopte l'amendement.
Article 4 (art. 2, 3, 3-1, 9, 16, 20, 24-1 et 25 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen) : Règles de constitution des listes
La Commission est saisie de l'amendement CL24 de M. Jean-Louis Masson.
Par cohérence avec notre amendement CL21, qui tendait à supprimer l'article 1er, nous demandons aussi celle de l'article 4.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle examine les amendements identiques CL44 du rapporteur, CL19 de Mme Danièle Obono, CL31 de Mme Cécile Untermaier et CL35 de M. André Chassaigne.
Mon amendement CL44 concerne le seuil à partir duquel les sièges sont répartis entre les listes ayant participé à l'élection : ne faudrait-il pas passer de 5 à 3 % des suffrages exprimés ? J'ai toujours pensé qu'un certain nombre de formations politiques, qui sont certes de petite taille mais qui représentent quelque chose de fort sur le plan doctrinal, devraient avoir la possibilité de siéger au Parlement européen.
Sur le plan comparatif, il n'existe pas de seuil en Allemagne, la Cour fédérale ayant annulé des dispositions qui en fixaient un, il est de 5 % dans un certain nombre d'États, qui appartiennent en général à l'Europe de l'Est, et de 3 % ailleurs. Ce n'est pas neutre, car un seuil plus bas permet à un certain nombre de courants de pensée d'être représentés.
J'ai cependant écouté le Gouvernement, qui nous demande de faire attention : puisque le seuil est fixé à 5 % pour toutes les autres élections, pourquoi créer un seuil spécifique de 3 % ? Cet argument est d'importance et je dois reconnaître aussi que je n'avais pas retenu ce point dans ma proposition de loi de 2013.
Je suis en quelque sorte pris entre le marteau et l'enclume : je pense qu'il serait préférable de passer de 5 à 3 %, mais j'admets la pertinence des observations qui m'ont été faites. Étant avocat de profession, je m'en remets à la justice, c'est-à-dire à la sagesse de cette commission.
J'espère que cette sagesse ira dans le sens de la cohérence et que le rapporteur maintiendra son amendement en séance. Si le seuil de remboursement des frais est fixé à 3 % des suffrages exprimés, cela signifie que l'on a obtenu une légitimité : on devrait alors être représenté au Parlement européen à partir du même seuil. Il est vrai qu'il est fixé à 5 % dans certains pays, mais il arrive aussi qu'il n'y en ait pas du tout.
La logique du « en même temps » atteint ici une limite : on ne peut pas parler de la nécessité de promouvoir le pluralisme et la démocratie tout en maintenant des règles incohérentes avec cette volonté. Nous sommes quant à nous favorables à un abaissement du seuil par cohérence avec ce que nous défendons par ailleurs : une véritable démocratie, de la pluralité et donc le recours au scrutin proportionnel pour toutes les élections, y compris celle du Parlement européen.
M. Larrivé a estimé tout à l'heure que l'éparpillement serait un problème, mais ce n'est pas le cas au niveau européen, où de grands partis se constituent sur la base des courants d'idées et non des représentations nationales – avec des votes de la droite et des sociaux-démocrates que l'on pourrait considérer comme incohérents, mais il revient à chacun d'en répondre. Des ensembles idéologiques et politiques se forment sur le plan européen et donc transnational, ce qui devrait nous satisfaire puisque nous voulons toutes et tous faire exister une véritable démocratie européenne au-delà des barrières nationales.
Le groupe Nouvelle Gauche propose d'abaisser le seuil de 5 à 3 %, pour les raisons qui viennent d'être exposées : il s'agit de favoriser le pluralisme. Nous souhaitons qu'il y ait un souffle nouveau et ambitieux. Nous y parviendrons grâce aux listes transnationales dont il va bientôt être question, mais aussi en assurant le respect de la diversité et du pluralisme. Nous enverrons un bon signal aux autres États membres en montrant que la France a de l'intérêt pour la diversité. Comme il existe de grands partis au niveau européen, cela ne pose pas de problème. Et puisque la ministre a laissé entendre qu'elle avait un certain intérêt pour cette question lors de la discussion générale, nous avons bon espoir que notre amendement CL31 soit adopté.
Nous remercions le rapporteur d'avoir fait une ouverture sur ce sujet.
On nous oppose l'idée que le seuil de 5 % s'applique dans d'autres élections. Certes, mais il a alors un objet précis : permettre de dégager une majorité. Cette objection ne vaut donc pas s'agissant du Parlement européen au sein duquel les majorités se constituent à l'échelle européenne.
En revanche, si l'on compare avec d'autres scrutins, on constate que le seuil de remboursement de frais de campagne et celui de l'éligibilité sont toujours alignés. Pourquoi introduire une distorsion ? Nous proposons d'abaisser le seuil d'éligibilité à 3 % sachant que le remboursement forfaitaire est versé aux candidats qui ont obtenu 3 % et plus des suffrages exprimés.
De plus, comme le rapporteur l'a indiqué, si l'on examine le seuil d'éligibilité dans les pays européens qui en ont un, à l'aune de la maturité démocratique de ces nations, on constate qu'ils sont inversement proportionnels. Plus le seuil est élevé, plus nous avons affaire à des démocraties plutôt immatures et jeunes. Plus les démocraties sont anciennes et matures, plus les seuils sont bas – la représentation et l'expression des points de vue minoritaires inspirent alors moins de crainte.
L'abaissement du seuil que nous demandons correspond à la maturité de notre vieille démocratie. Elle s'impose d'autant plus qu'au sein du Parlement européen, la multiplicité des points de vue ne fait pas obstacle à la constitution de majorités.
Le groupe La République en Marche comprend l'objectif louable des amendements. Cependant, l'article 1er du projet de loi introduit déjà des dispositions au bénéfice des petits partis, et les dispositions proposées suscitent plusieurs inquiétudes.
Au-delà du risque d'émiettement, nous nous interrogeons surtout sur celui qui pèserait sur l'homogénéité des scrutins. En effet, en France, la loi prévoit actuellement que le seuil pour accéder à la répartition des sièges est fixé à 5 %, que ce soit pour les élections régionales et municipales, ou celles des métropoles et de l'assemblée de Corse. Parce qu'il nous semble préférable de conserver ce seuil, nous voterons contre les amendements.
Le groupe MODEM et apparentés souhaitait maintenir les 5 %, mais après avoir entendu le rapporteur, M. Peu et nos autres collègues, nous nous abstiendrons, et nous réexaminerons ce point en réunion de groupe, d'ici à la séance publique, afin de tenir compte de leurs arguments.
La Commission rejette les amendements.
Elle en vient à l'amendement CL32 de Mme Cécile Untermaier.
Cet amendement vise à assurer la répartition des sièges selon la règle du plus fort reste et non plus suivant la règle de la plus forte moyenne. Avec une répartition au plus fort reste, les sièges non pourvus sont attribués à chaque liste selon l'ordre décroissant des suffrages inemployés après la première répartition.
Avis défavorable. Le droit électoral français prévoit normalement le recours à la répartition à la plus moyenne. C'est le cas, par exemple, pour les élections municipales ou régionales. Il me semble inopportun de changer de mode de répartition.
L'amendement est retiré.
La Commission est saisie des amendements identiques CL45 du rapporteur et CL33 de Mme Cécile Untermaier.
La modification proposée peut sembler anecdotique, mais elle ne l'est pas. Aujourd'hui, en cas d'égalité des suffrages, la liste dont la moyenne d'âge est la plus élevée est avantagée au détriment des listes plus jeunes. On nous parle suffisamment de « nouveau monde » pour que nous considérions qu'il doit être porté par la jeunesse et non par les vieux grognards.
Je propose en conséquence qu'en cas d'égalité des suffrages le siège soit attribué à la liste dont la moyenne d'âge est la moins élevée. Cette mesure constitue un symbole fort donné à notre jeunesse qui doit être la jeunesse de l'Europe. Certes, il s'agit d'une sorte de révolution au regard de notre droit électoral, mais pourquoi ne pas suivre le Président de la République qui a écrit un ouvrage intitulé Révolution ?
En toute impartialité, même s'il existe une tradition – et c'est bien que le siège soit attribué à la liste la plus âgée –, au nom du symbole que cela représente, le groupe La République en Marche votera pour ces amendements. Nous remercions le rapporteur et Mme Cécile Untermaier de les avoir présentés.
Nous soutenons cette initiative qui a le mérite de montrer que la jeunesse est l'avenir de l'Europe.
Nous la soutenons également – et si je peux vous faire partager mes états d'âme, je ne peux que regretter que cette logique n'ait pas prévalu au sein de notre propre commission. (Sourires.)
En effet, nous nous souvenons que vous n'avez pas été élu au bureau de la commission en raison de votre âge... Nous pourrons réfléchir à d'éventuelles modifications de notre règlement. J'en reviens aux amendements que nous nous apprêtions à adopter, sans doute à l'unanimité.
La Commission adopte les amendements.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel CL40 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 4 modifié.
Article 5 (art. 26 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen) : Application outre-mer
La Commission adopte l'amendement rédactionnel CL41 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 5 modifié.
Article 6 : Coordination avec les dispositions relatives aux incompatibilités
La Commission adopte l'amendement rédactionnel CL42 du rapporteur.
Puis elle adopte l'article 6 modifié.
Après l'article 6
La Commission examine l'amendement CL37 de Mme Constance Le Grip.
Cet amendement vise à corriger une anomalie de notre droit électoral. Les députés européens de France sont quasiment les seuls élus de notre pays à être exclus du collège électoral appelé à élire les sénateurs. Je propose que nous profitions du projet de loi pour corriger cette étrangeté.
Avis défavorable. En l'absence de sections départementales aux élections européennes, je vois mal comment accorder les circonscriptions départementales des élections sénatoriales et la circonscription unique des élections européennes. C'est seulement une réponse de bon sens.
Je soutiens l'amendement de mon collègue. Une fois n'est pas coutume, il me semble que cette disposition est de bon sens.
Monsieur le rapporteur, le problème que vous évoquez se règle parfaitement sur le plan technique. Évidemment, cet amendement est cohérent avec notre proposition de régionalisation du mode de scrutin, mais il s'appliquera aussi fort bien dans le cadre d'une circonscription nationale. Les députés européens élus en France sont des électeurs français inscrits sur des listes électorales en France : ils pourraient être grands électeurs dans leurs départements d'inscription respectifs. Cette question peut facilement être résolue dans la partie réglementaire du code électoral.
La rédaction de l'amendement doit au moins être précisée. Je propose en conséquence un rejet provisoire.
Je le retire. Je me rapprocherai du rapporteur pour trouver la bonne rédaction d'ici à la séance.
L'amendement est retiré.
Article 7 : Modalités d'entrée en vigueur
La Commission est saisie de l'amendement CL20 de Mme Danièle Obono.
Il s'agit d'un amendement de rattrapage au cas où vous auriez raté le vote tout à l'heure. (Sourires.) Il vise à retarder l'entrée en vigueur de l'article 2 jusqu'en 2024. Nous voulons vraiment éviter que l'on puisse vous reprocher d'utiliser la modification des règles électorales de la prochaine élection à votre avantage. C'est vraiment pour que vous ne soyez pas inquiétés sur ce sujet par nos concitoyennes et nos concitoyens. (Sourires.) Ce serait bien dommage ! Le cas échéant, nous nous chargerons d'en parler.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 7 sans modification.
Titre
La Commission en vient à l'amendement CL3 de Mme Marie-France Lorho.
Pourquoi avoir déposé cet amendement polémique qui propose de faire de ce texte le « projet de loi de pérennisation des avantages électoraux de la République en Marche » ? Certainement pas pour provoquer votre ire, monsieur le rapporteur : nous savons bien que l'excès est insignifiant. En revanche ce titre décrit exactement la manière dont ce texte est perçu.
Ce ressenti doit interroger notre commission et la majorité. Surréagir après ce qui fut effectivement une injustice lors des dernières élections législatives ne servira pas la restauration d'un lien de confiance entre le peuple et ses élus.
D'abord parce que dans l'opinion publique, la concentration du pouvoir médiatique et des messages qu'il véhicule est déjà un immense problème. Ensuite, parce que ces dispositions se mettront en place alors que l'opinion, déjà choquée, est sollicitée sur de nombreux sujets : débat sur les fake news, contrôle des publications et des partages pour les GAFA – pour Google, Amazon, Facebook et Apple… On pourrait croire que ces questions sont loin de notre sujet mais, bien au contraire, c'est toute la confiance entre les citoyens et les institutions qui est en jeu.
Que le Conseil constitutionnel vous donne raison à la suite d'une injustice, c'est un bien. Sans-doute, d'ailleurs, faut-il réformer l'article L. 167-1 du code électoral, mais si l'on considère les évolutions proposées dans le texte, comme la circonscription nationale, et la menace des circonscriptions transnationales, c'est trop !
L'étude d'impact évoque l'amélioration de l'intelligibilité du scrutin : je crains que vous n'obteniez exactement l'inverse de l'effet escompté.
Nous avons affaire à un amendement provocateur qui aurait pu être défendu avec plus de talent ! (Exclamations sur divers bancs.)
Je ne voterai pas l'amendement, car si l'auteur a parfaitement identifié les intentions du groupe majoritaire, nous pensons que son message est quelque peu pessimiste : nous voulons croire que, malgré ce tripatouillage du mode de scrutin, Les Républicains sortiront victorieux des élections.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'ensemble du projet de loi modifié.
La Commission examine le rapport de la mission d'information relative à la déontologie des fonctionnaires et l'encadrement des conflits d'intérêt (M. Fabien Matras, président et rapporteur, et M. Olivier Marleix, vice-président et co-rapporteur).
Cette réunion ne fait pas l'objet d'un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l'Assemblée nationale à l'adresse suivante :
Examen du rapport de la mision d'information relative à la déontologie des fonctionnaires et l'encadrement des conflits d'intérêt
Echange de vues
Vote
La réunion s'achève à 12 heures 30.
Informations relatives à la Commission
La Commission a :
– désigné les membres de la mission d'information commune avec les commissions des Affaires économiques et des Finances sur les chaînes de blocs (blockchains) : Mme Typhanie Degois, Mme Coralie Dubost, Mme Paula Forteza, M. Philippe Latombe, M. Jean-Michel Mis, M. Raphaël Schellenberger ;
– approuvé la création d'une mission d'information sur la gestion des fichiers de police. Cette mission sera constituée de dix-huit membres, son président-rapporteur devant être un député du groupe La République en marche, son vice-président co-rapporteur un député du groupe UDI, Agis et Indépendants. Les groupes seront sollicités pour indiquer les noms des députés qu'ils désigneront pour participer à cette mission.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Erwan Balanant, M. Florent Boudié, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Xavier Breton, M. Vincent Bru, Mme Émilie Chalas, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, Mme Typhanie Degois, M. Éric Diard, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Philippe Dunoyer, M. Jean-François Eliaou, M. Christophe Euzet, Mme Élise Fajgeles, M. Jean-Michel Fauvergue, Mme Isabelle Florennes, Mme Paula Forteza, M. Raphaël Gauvain, M. Philippe Gosselin, Mme Marie Guévenoux, M. David Habib, M. Dimitri Houbron, M. Sébastien Huyghe, Mme Élodie Jacquier-Laforge, Mme Catherine Kamowski, M. Guillaume Larrivé, M. Philippe Latombe, Mme Marie-France Lorho, Mme Alexandra Louis, M. Olivier Marleix, M. Jean-Louis Masson, M. Fabien Matras, M. Stéphane Mazars, M. Jean-Michel Mis, M. Paul Molac, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Naïma Moutchou, M. Stéphane Peu, M. Jean-Pierre Pont, M. Éric Poulliat, M. Aurélien Pradié, M. Bruno Questel, M. Rémy Rebeyrotte, M. Robin Reda, M. Thomas Rudigoz, M. Pacôme Rupin, Mme Maina Sage, M. Hervé Saulignac, M. Raphaël Schellenberger, M. Jean Terlier, M. Alain Tourret, Mme Cécile Untermaier, M. Manuel Valls, M. Arnaud Viala, Mme Laurence Vichnievsky, M. Guillaume Vuilletet, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Hélène Zannier, M. Michel Zumkeller
Excusés. - Mme Laetitia Avia, M. Mansour Kamardine, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Philippe Nilor, M. Didier Paris
Assistaient également à la réunion. - M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Thibault Bazin, M. Ugo Bernalicis, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, M. Pierre Cordier, Mme Danièle Obono, M. Philippe Vigier