Toutes nos réflexions tiendront évidemment compte de ce que nous avons entendu dans les États membres. Ce que M. Macron nous dit ou ce que les représentants à Athènes nous expliquent est important. Nous avons entendu les ministres des affaires étrangères des États membres et les ambassadeurs afin de dégager une vision globale de la situation.
S'agissant du choc asymétrique, des contributions des pays structurellement les plus faibles, et du mécanisme de stabilisation, nous mettons en place des instruments nouveaux qui s'intégreront au prochain cadre financier pluriannuel. Une budgétisation est prévue mais les discussions se poursuivent sur les montants.
Le document de réflexion des sociaux-démocrates élaboré avec les chrétiens-démocrates, qui sert de base aux discussions sur la future coalition de gouvernement en Allemagne, comporte un premier chapitre consacré à l'Europe. On y trouve un engagement très clair de l'Allemagne concernant les nouvelles missions de l'Union à mener au niveau européen et le comblement du déficit consécutif au Brexit grâce à une contribution supplémentaire apportée par le budget allemand.
Lorsqu'il sera constitué, très prochainement, le prochain gouvernement allemand répondra aux propositions de réformes du président Juncker, que l'on retrouve dans le discours du président Macron et, également, dans les propos de M. Borissov – ce dernier devra également réagir sur ces sujets.
Il faut utiliser la période qui s'écoule avant les élections européennes, entre Pâques 2018 et Pâques 2019, pour gérer l'agenda de l'Union européenne concernant le marché des capitaux, le cadre budgétaire, le droit d'asile, la stratégie commune en matière de migration… Tous ces sujets importants doivent faire l'objet de débats et de décisions durant cette période-clé.
La protection et la lutte contre le changement climatique sont importantes pour nous : l'objectif de consacrer 20 % des dépenses totales à des actions dans ce domaine est horizontal. La Cour des comptes européenne doit nous indiquer si cette proportion est suffisante. Il faudra très certainement prévoir un objectif horizontal similaire dans le prochain cadre financier pluriannuel. Nos moyens sont limités, mais, en matière de recherche, nous faisons plus que nous n'avons jamais fait, s'agissant en particulier d'efficacité énergétique, que ce soit pour les bâtiments, l'industrie, ou la mobilité. Connecting Europe doit permettre d'optimiser nos infrastructures énergétiques électriques et gazières, et d'intégrer les énergies renouvelables dans les réseaux. Par ailleurs, les mécanismes d'aides aux agriculteurs font une part de plus en plus grande à la compatibilité entre agriculture, élevage et protection du climat.
Les questions posées concernant la durée du cadre financier pluriannuel sont parfaitement justifiées. Pourquoi une planification sur sept ans, exercice auquel même les Soviétiques ne se livraient pas ? Il faut comprendre, par exemple, que les agriculteurs, ont besoin de planifier des investissements très lourds en toute sécurité. L'achat de grosses machines agricoles et d'équipements divers, en particulier numériques, qui peut se chiffrer en millions d'euros, n'est possible que si l'aide à l'hectare est stabilisée sur la durée. L'agriculteur emprunte pour acheter des biens qui s'amortissent sur cinq à dix ans, mais la banque ne lui prête que si elle a la garantie, que lui apporte une politique européenne stable, que l'agriculteur disposera demain des revenus nécessaires pour rembourser.
Dans mes fonctions précédentes, comme commissaire européen chargé de l'économie et de la société numériques, j'ai lancé des partenariats public-privé en matière de microélectronique, de nanoélectronique, de technologies quantiques, d'ordinateurs haute performance, de robotique… Nos partenaires industriels avancent sur ces projets en y consacrant des montants trois ou cinq fois supérieurs à ceux des investissements européens. Ils ne s'engagent toutefois que s'ils peuvent compter sur la stabilité de ces financements. Le cadre financier sur sept ans leur convient donc aussi parfaitement, qu'il s'agisse d'Airbus ou des PME tournées vers la recherche.
J'ajoute que les négociations sont à ce point difficiles que je ne voudrais pas imposer à mon successeur d'avoir à les mener tous les trois ans. Après tout, le pape n'est pas élu pour deux ans ! Votre propre gouvernement et tous les autres sont d'ailleurs favorables à ce qu'un cadre financier soit établi pour sept ans : ils sont trop heureux de s'être mis d'accord et de ne pas avoir à engager immédiatement une nouvelle négociation. La Commission actuelle fera une proposition qui sera mise en oeuvre par celle qui lui succédera. Nous proposons de nous en tenir pour l'instant aux sept années avant de passer à cinq ans – ce pourrait aussi être deux fois cinq ans. Ce rythme permettra d'assurer une cohérence entre le nouveau Parlement et la nouvelle Commission.
Je veux faire une proposition qui ne comporte pas de rabais. Réussirai-je à l'imposer ? Tout dépendra de l'approbation du Premier ministre néerlandais, M. Mark Rutte, du Premier ministre danois, du soutien des Allemands, et de celui du chancelier fédéral autrichien, M. Sebastian Kurz. En tout état de cause, je compte sur un cadre financier qui comportera beaucoup moins de rabais qu'aujourd'hui.
Vous faites remarquer que les trois quarts des dépenses sont engagés d'emblée. Le même phénomène existe au niveau des budgets nationaux en raison des dépenses destinées à financer les traitements des enseignants ou des policiers, et la retraite de ceux qui exerçaient ces métiers. Ces montants sont fixes ; il s'agit en quelque sorte de dépenses bloquées. L'Union ne consacre que 6 % de son budget à ses frais de personnel ; vous êtes plus proches ou même au-delà des 40 % dans les budgets nationaux. La seule flexibilité possible avec les centaines de milliers de fonctionnaires concerne l'augmentation de leurs traitements.
S'agissant de la cohésion, nous devons aussi envisager les efforts nécessaires pour financer les nouvelles missions. La question est de savoir quelle flexibilité les États membres accorderont. Malheureusement, en la matière, les fonds sont déjà bloqués. Les États membres considèrent qu'ils ont besoin de tel et tel montant pour la première année, pour la deuxième et la troisième. On pourrait envisager d'introduire de la souplesse dans l'utilisation des crédits de la rubrique 1b : « Cohésion économique, sociale et territoriale ». Si nous devons faire face à une crise agricole ou migratoire, il faut pouvoir adopter des correctifs, mais les États membres n'y sont pas prêts. Lors des dernières discussions, ils ont proposé des réductions de crédits lorsqu'ils pouvaient jouer sur la flexibilité, par exemple pour la recherche ou Connecting Europe ; ils ne l'ont pas fait pour la politique agricole ou les fonds de cohésion, pour lesquels ils savent que l'argent arrivera. Ma requête est simple : tentez donc de convaincre votre Gouvernement de pratiquer autrement ! Je vous souhaite bonne chance !
Je suis optimiste sur l'Union de la défense. Les chefs d'État et de gouvernement veulent qu'elle se fasse, comme les ministres des affaires étrangères. Les ministres de la défense ont pris leur décision. J'estime que les évolutions les plus fortes du cadre financier pluriannuel dans les dix prochaines années concerneront les migrations et la défense.
Vous m'avez parlé de taxe écologique et de droits d'accises. Selon les traités européens, il n'est que trois domaines pour lesquels la règle de la majorité ne s'applique pas. L'unanimité est requise en matière de politique extérieure, de cadre financier, et de politique fiscale. Il est donc très difficile de lever des impôts européens car les intérêts en jeu sont très différents. Bien sûr, ce serait formidable que l'Union vote et lève ses propres impôts : ce serait miraculeux. Cependant, je suis réaliste : je ne crois pas que les vingt-sept États membres et leurs parlements nous l'accorderont. Ils ne veulent pas nous donner le pouvoir de prendre nos propres décisions en la matière.