Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous arrivons aujourd'hui au terme du processus de ratification des ordonnances portant réforme de notre code du travail.
S'agissant de la méthode, nous avons manifesté à plusieurs reprises notre désaccord concernant le choix des ordonnances, même si nous comprenons la nécessité pour le Gouvernement d'aller vite sur ce sujet essentiel.
Par ailleurs, je ne peux que m'étonner du fait que nous examinions aujourd'hui un texte issu d'une commission mixte paritaire qui comprend des dispositions nouvelles introduites par amendement par le Gouvernement – je veux bien sûr parler de la sixième ordonnance. Celle-ci ne sera même pas débattue à l'Assemblée nationale, alors qu'elle contient des dispositions de fond, relatives notamment aux attributions et au fonctionnement du comité social et économique.
Au moment où nous réfléchissons au fonctionnement de nos institutions, à la revalorisation de notre assemblée et essayons d'en renforcer l'aspect démocratique, cette anomalie devrait nous alerter.
Sur le fond, nous l'avons déjà souligné en première lecture, nous sommes favorables à la philosophie globale de ces ordonnances, qui visent à simplifier notre code du travail et à diminuer le poids des contraintes et des normes qui pèsent sur nos entreprises, tout en sécurisant davantage les parcours professionnels des salariés.
Ces ordonnances constituent un encouragement au dialogue social, avec des modalités plus souples de négociation et d'adoption des accords d'entreprise, y compris par référendum. La fusion des instances représentatives du personnel devrait en outre atténuer les effets de seuils, dont on connaît l'aspect dissuasif pour les entreprises de plus de cinquante salariés.
Nous aurions souhaité aller plus loin en ce sens, notamment en rehaussant le seuil de cinquante à soixante salariés, ou d'ailleurs de dix à vingt, comme je l'avais proposé. Ouvrir la possibilité d'une expérimentation en ce sens aurait été bienvenu. Le projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises, annoncé par le ministre de l'économie pour le mois d'avril prochain, devrait être l'occasion d'une nouvelle réflexion sur ce sujet. Nous jugerons sur pièces, mais nous nous réjouissons de la prise de conscience du Gouvernement sur ce sujet.
Néanmoins, nous regrettons l'aspect hâtif de certaines mesures, dont les effets secondaires ont été mal évalués. Ainsi, l'instauration d'un barème obligatoire dans le cadre de l'indemnisation en cas de licenciement abusif, avec la mise en place d'un plancher et d'un plafond, aura des effets pervers que vous n'avez pas anticipés : dans la mesure où ce plafond ne s'applique pas en cas d'atteinte aux libertés fondamentales ou en cas de harcèlement et de discrimination, il est clair – et les premiers retours du terrain le montrent – que les cabinets d'avocats vont multiplier les stratégies de contournement afin d'obtenir des indemnités plus importantes.
Dans la pratique, le barème sera contourné par des dommages et intérêts complémentaires indemnisant d'autres préjudices que l'ancienneté du salarié.
Votre dispositif est d'ailleurs, pour reprendre la formule du bâtonnier de Paris Frédéric Sicard, une « hérésie juridique » : en utilisant pour seul critère l'ancienneté, vous courez le risque d'une censure du Conseil constitutionnel dans le cadre d'une éventuelle question prioritaire de constitutionnalité, qui ne manquera pas d'arriver cette année.
En résumé, notre groupe se prononcera en faveur de ce texte, qui va dans le bon sens et replace le dialogue social au coeur de l'entreprise. Pour autant, beaucoup reste à faire pour lutter contre le chômage de masse, libérer la croissance et instaurer une véritable flexisécurité. C'est seulement à l'aune des prochaines réformes de l'assurance chômage ou de la formation professionnelle que nous pourrons juger des avancées réelles accomplies, ou non, par le Gouvernement en matière de droit du travail.