Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous avons commencé l'examen du projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour modifier le code du travail le 4 juillet dernier, lors de la première réunion de la commission des affaires sociales de cette législature.
Force est de constater aujourd'hui que, contrairement à ce que le Gouvernement et sa majorité ont prétendu, cette méthode n'a pas fait gagner de temps. Nous nous retrouvons aujourd'hui, et le Sénat le fera la semaine prochaine, pour examiner les conclusions de la CMP sur le projet de loi ratifiant ces ordonnances, plus de 215 jours après le début de la procédure.
Devons-nous rappeler que, lors de la précédente législature, l'Assemblée travaillait, sans contournement du débat parlementaire, dans un délai moyen de 149 jours ? D'urgence, la démonstration est faite qu'il n'y avait pas.
Mais il est vrai que le recours aux ordonnances vous aura permis, à défaut d'aller vite, de priver le Parlement de son rôle de législateur et ce faisant, les Françaises et les Français, d'un processus transparent – les travaux de nos rapporteurs et des commissions sont publics, contrairement à ceux du pouvoir exécutif – , démocratique et pluraliste. C'est inacceptable et très regrettable.
Nous devons admettre que, à la toute fin du parcours législatif, vous vous êtes rattrapés en étant non pas rapides, mais tout à fait expéditifs. En effet, une sixième ordonnance a été introduite par un amendement du Gouvernement en séance publique au Sénat. Les députés de la nation n'auront donc pas le loisir d'en débattre, puisqu'une alliance objective entre la majorité de l'Assemblée nationale et la droite sénatoriale aura permis l'adoption du projet de loi en CMP.
Et de quoi la représentation nationale sera-t-elle privée ? De quoi n'aura-t-elle pas à débattre ? Il nous a été dit qu'il s'agissait d'une ordonnance-balai. Votre balai emporte tout de même l'autorisation pour les signataires d'un accord de branche de prévoir les conditions dans lesquelles le délai de carence entre deux CDD n'est pas applicable ; mais aussi une nouvelle définition du groupe d'entreprises, afin d'englober les groupes étrangers en matière de reclassement des salariés inaptes à la suite d'un accident ou d'une maladie professionnelle, ainsi que pour préciser le périmètre d'appréciation de la cause des licenciements économiques et des reclassements ; ou encore la primauté de l'accord d'entreprise et d'établissement sur les accords de branche étendus.
Ainsi, votre sixième ordonnance, cette ordonnance cachée à l'Assemblée nationale, est-elle plutôt une ordonnance « du balai, il n'y a rien à délibérer ! », ou encore « dernier petit coup de balai sur les droits et protections ».
L' accord en CMP signe une dernière fois, s'il en était besoin, la nature de ces ordonnances : de droite et de droite – autrement dit, de nouvelles flexibilités partout, des sécurités nouvelles nulle part. Et l'avenir tel qu'il s'annonce ne nous porte pas à l'espérance : la négociation sur la réforme de la formation professionnelle est au point mort, la réforme de l'assurance chômage n'est porteuse d'aucune bonne nouvelle, et la réforme de l'apprentissage est faite, à ce stade, pour les grandes entreprises, et écrite par l'UIMM – Union des industries et métiers de la métallurgie – , ces entreprises qui n'embauchent même pas 10 % des apprentis en France. Vous prétendez être les héros des TPE et des PME, elles apprécieront.
Nous devons vous reconnaître de la constance et de la cohérence dans la méthode et dans votre rapport à la démocratie : affaiblissement du Parlement en faisant de votre majorité l'opposition de toutes les oppositions, en avalisant les projets du pouvoir exécutif sans discussion, en parant de toutes les vertus la procédure des ordonnances. Constance et cohérence également dans votre conception du dialogue social : le Gouvernement employeur, au travers de ses annonces récentes, démontre qu'il est en phase avec les ordonnances qu'il fait voter aujourd'hui, avec ce mot d'ordre : le dialogue social, en parler souvent, n'en faire jamais.
Alors, face à votre union des droites, non seulement le groupe Nouvelle Gauche ne votera pas ce texte, mais il sera bien évidemment à nouveau à l'oeuvre, avec tous les groupes parlementaires de gauche, pour déposer un recours devant le Conseil constitutionnel sur ce texte.