Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, lors de la signature des ordonnances, le Président de la République s'était félicité de la mise en place « en un temps record » de la réforme du code du travail.
Véritable curiosité législative que ces ordonnances qui sont entrées en vigueur avant d'être ratifiées par le Parlement. Cette procédure pourrait être comparée à un projet de loi à l'envers, puisque la mise en application précède le vote.
Conforté par les premiers effets concrets de ces textes, le groupe GDR persiste et signe : les ordonnances conduisent à une remise en cause fondamentale des acquis gagnés de haute lutte par les salariés et leurs syndicats. Avec une flexibilité encore accrue du code du travail, ce sont les libertés individuelles et collectives qui sont bafouées, comme l'a très bien montré mon cher collègue Pierre Dharréville il y a quelques instants.
Pourtant, votre logique paraissait implacable : faciliter les licenciements allait créer de l'emploi. Chaque jour qui passe nous prouve, évidemment et malheureusement, le contraire. Le résultat est aujourd'hui sans appel. Depuis un peu plus d'un mois, ce sont plus de 5 000 suppressions d'emploi qui ont été annoncées.
En promettant souplesse, rapidité et sécurisation aux employeurs, la rupture conventionnelle collective a de quoi plaire aux actionnaires et aux grands dirigeants. Il aura fallu seulement une semaine pour que les grandes enseignes frappent à la porte de ce nouveau dispositif – véritable moyen de s'exonérer des procédures de licenciement économique – , qui est le symbole de votre funeste projet.
Voici une liste non exhaustive des projets de ruptures ou, plus exactement, des ruptures récemment prescrites sur ordonnances. Dès le 8 janvier, la direction de Pimkie, chaîne textile appartenant au géant Mulliez qui réalise de nombreux bénéfices, a présenté son projet de suppression de 208 emplois, avant de faire volte-face sous la pression des organisations syndicales. Le lendemain, c'était au tour de PSA d'annoncer 2 200 suppressions d'emplois, dont 1 300 par le biais de la rupture conventionnelle collective.
La Société générale a récemment ouvert des négociations syndicales qui pourraient aisément aboutir à un projet d'accord collectif sur un dispositif de rupture conventionnelle. Le projet est nettement plus avancé chez Teleperformance, groupe de gestion d'appels, avec la suppression de 240 postes. Enfin, j'ai lu que les organes de presse Le Figaro et Les Inrocks y songeaient également.
À ce rythme-là, si nous n'y prenons pas garde, le recours aux ruptures conventionnelles collectives s'imposera rapidement comme la nouvelle norme de gestion des effectifs dans les entreprises.
Notre code du travail était déjà très largement flexible, mais ce n'était pas suffisant. Faire des salariés la variable d'ajustement des carnets de commandes, voilà votre projet ! Plafonnement des indemnités prud'homales, réduction du périmètre d'appréciation des difficultés économiques, mise en place de formulaires type de licenciement : c'est tout un arsenal juridique que vous mettez à la disposition des employeurs pour se séparer de leurs salariés.
L'autre logique à laquelle obéissent ces ordonnances, c'est la précarisation du monde du travail. Vous affaiblissez le CDI en facilitant le recours à des formes précaires d'emplois – les CDD mais aussi l'intérim dont la régulation sera confiée aux branches professionnelles. Vous créez le CDI à durée déterminée – le CDI de chantier – qui empêchera ses titulaires d'accéder au logement et au crédit, faute de disposer d'un vrai CDI.
Ces ordonnances marquent enfin l'affaiblissement du pouvoir collectif de résistance des travailleurs, à travers la confirmation de l'inversion de la hiérarchie des normes, et la fusion des instances de représentation du personnel.
Le groupe GDR a déjà, à de nombreuses reprises, fait part de sa plus ferme opposition à la philosophie de ces ordonnances comme à leur contenu. Nous arrivons au terme de la procédure législative, et les premiers éléments ne font que confirmer la brutalité avec laquelle ces ordonnances sont appliquées.
Nous avions bien raison : cette loi n'est pas destinée à la revalorisation du travail ni à l'amélioration des conditions de travail des salariés ; c'est un projet de dérégulation au bénéfice des entreprises et de la finance.
En passant en force, par le biais des ordonnances, vous avez de nouveau attaqué le code du travail, déjà bien malmené par la loi El Khomri. Je ne peux imaginer quelle sera la prochaine étape. En conséquence, notre groupe votera contre la ratification de ces funestes ordonnances.