Monsieur le président, permettez-moi d'expliciter un peu longuement la position du Gouvernement qui, sur ce point-là, ne rejoindra pas tout à fait la vôtre, madame la rapporteure, monsieur le député, même si je comprends parfaitement la logique qui vous anime.
Ces amendements, ainsi que les amendements nos 95 et 174 , tendent à supprimer l'alinéa 17, relatif à la saisine ou à l'autosaisine pour avis de l'Institut national des données de santé sur la finalité d'intérêt public des traitements de données de santé, et à déplacer cette disposition de la section 1 vers la section 2 du texte proposé pour le chapitre IX de la loi du 6 janvier 1978. De la sorte, ils restreignent le champ de compétences de l'INDS aux seuls cas de recherche, d'étude ou d'évaluation portant sur des données personnelles en matière de santé, ce qui correspond à la situation actuelle.
Dans le projet de loi présenté par le Gouvernement, l'INDS est chargé de définir la doctrine de la notion d'intérêt public, qui constituera désormais le critère permettant le traitement des données de santé au titre de l'ensemble du chapitre IX – c'est-à-dire au-delà des seuls cas de recherche, d'étude ou d'évaluation.
Je sais, madame la rapporteure, monsieur le député, que vous avez été alertés par l'INDS et par un grand nombre d'acteurs sur ce point – vous l'avez d'ailleurs rappelé. Leur crainte est que l'intervention élargie de l'INDS, avant celle de la CNIL, n'allonge les délais d'instruction et n'alourdisse la procédure, au risque d'en décourager certains. Nous avons là une différence d'appréciation. C'est d'ailleurs à peu près la seule divergence que nous ayons sur ce texte, et c'est la raison pour laquelle j'y insiste un peu – cette divergence, du reste, n'est pas fondamentale.
Pour éclairer notre discussion, j'aimerais préciser notre objectif et apporter quelques éléments de réponse factuels sur la question des délais.
Le critère de l'intérêt public sera le critère unique qui justifiera le traitement des données de santé au titre du nouveau chapitre IX. Or l'INDS est justement chargé de définir la doctrine en matière d'intérêt public pour le traitement des données de santé. Le Gouvernement a donc estimé logique que sa compétence soit étendue à l'ensemble du chapitre IX et qu'elle ne soit pas seulement limitée à la section 2. Il me semble qu'il y a là une logique et une cohérence d'ensemble. Il paraît en effet indispensable qu'une définition cohérente de l'intérêt public puisse être apportée, grâce à la compétence élargie de l'INDS, aussi bien dans la section 2 que dans le cadre des dispositions générales.
Je ne crois pas que l'on puisse affirmer que l'extension du champ dans lequel l'INDS donne un avis constitue un alourdissement de ces procédures, parce que la saisine de l'INDS ne sera pas automatique. Elle reste facultative, et l'INDS pourra d'ailleurs également s'autosaisir lorsqu'elle le jugera nécessaire.
Il faut par ailleurs insister, et j'en viens à l'aspect factuel, sur le fait que les traitements qui relèvent actuellement de l'autorisation prévue à l'article 25 de la loi de 1978, qui viendront donc s'ajouter au champ actuel du chapitre IX, ne sont pas très nombreux. Ce dispositif est en effet conçu pour que l'INDS n'intervienne que lorsqu'il est utile de préciser la définition de l'intérêt public, ce qui ne sera pas nécessairement le cas pour toutes les demandes.
S'agissant des délais, j'entends vos interrogations, mais je ne crois pas que l'argument qui consiste à dire que l'intervention de l'INDS va allonger le délai de la procédure soit véritablement fondé. C'est une crainte que le représentant de l'INDS a exprimée lors des auditions, mais un examen plus approfondi montre que cette crainte n'est pas justifiée. Je tiens à rappeler que la procédure actuelle d'accès aux données, qui a été introduite en 2017, avec l'intervention de l'INDS, ne pénalise pas les acteurs privés. À ma connaissance, environ vingt-cinq d'entre eux, à savoir quinze industriels de santé, sept bureaux d'études, un centre de lutte contre le cancer, une clinique, une école privée et une revue, ont déposé des dossiers depuis l'ouverture de la procédure INDS-CNIL de 2017.
L'INDS s'est saisi de cinq de ces dossiers pour examiner s'ils relevaient ou non de l'intérêt public. Il a rendu quatre avis favorables et, pour le cinquième, il a demandé la tenue d'une audition, afin de mieux comprendre le projet, ce qui a conduit le demandeur à revoir le périmètre des données demandées.
Les délais de traitement actuels, de bout en bout et après cinq mois de fonctionnement, sont donc largement inférieurs aux délais de délivrance des autorisations dans la procédure antérieure. Le délai moyen entre la complétude d'un dossier déposé à l'INDS et l'autorisation rendue par la CNIL est de cinquante-huit jours ouvrés. Le délai le plus court est de trente jours et le délai le plus long de soixante-seize jours.
Je conclurai en soulignant à nouveau qu'il semble utile au Gouvernement de permettre à l'INDS d'intervenir pour assurer la cohérence de la notion d'intérêt public sur un sujet aussi sensible que les données de santé, qui fait l'objet d'un chapitre particulier, à la demande du Conseil d'État. Je propose, en tout état de cause, que nous examinions avec soin la mise en oeuvre de ce dispositif, pour nous assurer que les délais en question seront tenus, car nous partageons le même objectif : pour reprendre les termes de M. Villani lors de la discussion générale, il ne s'agit pas de brider les initiatives. Les parlementaires pourront aussi exercer leur fonction d'évaluation de la loi pour s'en assurer. Une telle évaluation sera utile et nécessaire.
Je ne sais pas si ces arguments à la fois factuels et conceptuels – même si le terme est peut-être un peu ambitieux – vous auront convaincus, madame la rapporteure, monsieur le député, mais il me semblait en tout cas nécessaire de les livrer à votre réflexion.