Intervention de Jean-Philippe Vachia

Réunion du mardi 6 février 2018 à 16h20
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Jean-Philippe Vachia, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes :

La loi du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes a explicitement prévu que la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées ne s'appliquait pas aux AAI. Si l'on veut changer ce régime, il faudra donc modifier la loi.

Je vous ferai grâce d'une discussion sur les articles de la loi 10 août 1922 encore applicables : compte tenu du vote de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), il y aurait de quoi nourrir de longs débats, voire un colloque...

Faut-il un contrôle budgétaire a priori ou a posteriori de ces autorités ? Le contrôle budgétaire n'a pas de finalité juridique : les contrôleurs budgétaires auprès des ministères doivent simplement s'assurer de la soutenabilité budgétaire des principales catégories de dépenses, des grands marchés ou des actes de recrutement par rapport au budget alloué.

Vous avez raison : pour le moment, hormis celui que nous opérons de manière épisodique, le contrôle des AAI est inexistant. Pour autant, un contrôle budgétaire a priori représenterait peut-être un marteau pour écraser une fourmi… Certaines formules allégées de contrôle a posteriori sont prévues par le décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

Certains sujets ne sont pas traités dans ce rapport – qui ne pouvait tous les traiter. Mais nous avons opéré un contrôle de chacune des douze autorités administratives indépendantes : nous tenons l'ensemble des rapports détaillés à la disposition des commissaires.

Les emplois hors plafond sont effectivement problématiques car un certain nombre ne se retrouve pas sur le titre 2, mais sur le titre 3, qui recouvre les dépenses de fonctionnement ; ils échappent donc aux radars. Cela étant, il ne s'agit pas de dépenses colossales : ainsi, les délégués du Contrôleur général des lieux de privation de liberté touchent de petites vacations pour faire des visites de prison. Malgré tout, cela devrait être suivi.

Madame Dalloz, vous avez raison concernant la création des AAI et les transferts d'activité : l'étude d'impact de la loi qui crée chaque autorité administrative indépendante devrait chiffrer et justifier précisément les conséquences en termes de suppressions d'emplois dans l'administration d'origine. Ce n'est pas toujours le cas.

Il faut bien différencier détachements et mises à disposition. On se demande parfois qui paie quoi. En cas de détachement, l'intéressé est payé par l'organisme d'accueil. Vous vous interrogiez également sur le niveau des rémunérations, qui peut être très important. Vous évoquiez le Contrôleur général des lieux de privation de liberté – j'en profite pour répondre à M. de Courson sur l'absence de base réglementaire. Le secrétaire général du Gouvernement s'est engagé par écrit à traiter rapidement le problème. M. de Courson est suffisamment informé des procédures de la Cour pour savoir que je ne peux pas lui répondre sur la mise éventuelle en débet du comptable, car cela posera ensuite des problèmes à la Cour pour statuer en formation juridictionnelle. Il en est de même pour l'ACNUSA. Mais sachez que nous avons demandé les régularisations nécessaires.

Effectivement, même si son loyer est très modeste, le CGLPL n'est pas logé avec d'autres autorités administratives alors qu'une mutualisation est envisageable.

Le cadre de gestion est un sujet important qui avait fait l'objet d'une proposition de MM. Dosière et Vanneste. Il recouvre deux problématiques : le cadre de rémunération des hauts dirigeants et le cadre de gestion des fonctionnaires. Pour ce dernier, il peut y en avoir un par autorité, mais il en faudrait un partout. Ces dispositions sont de niveau infraréglementaire : il suffit de définir un cadre de référence au niveau de la direction générale de l'administration et de la fonction publique et de la direction du budget. Pour la rémunération des dirigeants, le Parlement a décidé il y a un peu plus d'un an de ne pas le prévoir dans la loi et de renvoyer à un décret la fixation d'une grille de rémunération.

Nous nous sommes interrogés sur le niveau des rémunérations au sein de chaque autorité. Ce n'est pas un jardin à la française... On retrouve assez souvent des rémunérations de niveau hors échelle G et de substantielles indemnités de fonction. Par ailleurs, les rémunérations des personnels des grandes autorités de régulation économique sont plus élevées que celles des autorités compétentes en matière des droits et libertés.

Est-ce justifié ? C'est une question de nature politique – presque philosophique. Le secrétaire général du Gouvernement nous a rappelé qu'il y a quelques années, il avait tenté de mettre en place un cadre de référence. On peut donc à nouveau l'envisager.

Vous avez raison, madame Dalloz, il est possible de mutualiser des services. Mais on peut aller plus loin. Je dirais même que l'on n'est pas encore allé assez loin : l'ensemble immobilier Ségur-Fontenoy permettrait une mutualisation de toute la gestion des ressources humaines. Il faut y insister.

Nous avons tous des idées sur les autorités qui pourraient être regroupées ou fusionnées avec profit. Durant cette enquête, nous sommes retournés voir le Défenseur des droits et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, que nous avions vus il n'y a pas très longtemps. Les recoupements sont réels entre les deux autorités et ils interrogent. Il en est de même pour la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) et la CNIL : avec le numérique et l'open data, les sujets sont de plus en plus similaires... La CNIL est favorable à ce rapprochement, mais pas la CADA. Pourtant, à un moment, il faudra le faire.

Pour répondre à la question de M. le président, nous avons fait notre travail habituel de contrôle sur les ordres de missions et n'avons rien constaté d'exorbitant. Nous nous sommes effectivement posé la grande question du cumul emploi-retraite. Elle peut s'envisager sous deux angles. Du point de vue du code des pensions, il existe un certain nombre d'incompatibilités et de règle de non-cumul, finalement assez souples. Les personnes ayant cessé de travailler et qui ont liquidé leur retraite à taux plein peuvent retravailler et cumuler dans certaines conditions. Mais une autre disposition du code des pensions est spécifique à ces catégories : les personnes reprenant une activité dans une instance juridictionnelle consultative ont droit à un cumul « entier ». Ces situations sont donc fondées en droit. Sur notre échantillon, nous avons constaté quatre situations de ce type sur douze. Il s'agit de personnalités nommées à la tête d'une autorité alors qu'elles étaient retraitées ou d'autres qui le sont devenues pendant cette période.

Vous avez très bien posé la question, monsieur le président : il n'est certes pas question de toucher à la pension, mais qu'en est-il de la rémunération d'activité et de l'indemnité ? Deux cas, d'ailleurs différents, ont retenu notre attention : dans le premier, le président de la HATVP a demandé un écrêtement – je n'avais encore jamais constaté cela, c'est tout à son honneur ; dans le second, l'indemnité de fonction a été partiellement écrêtée, mais pas à la demande de l'intéressé. La question se trouve donc posée en termes d'équité. Ces personnes bénéficient d'une pension au terme d'une longue carrière : est-il normal – ou non – qu'elles cumulent ? C'est également un problème de principe. En tout cas, dans leur rédaction actuelle, les textes nous permettent de jouer sur l'indemnité de fonction.

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