Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mardi 6 février 2018 à 16h20

Résumé de la réunion

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La réunion

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La commission entend M Jean-Philippe Vachia, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes, sur le rapport d'enquête réalisé par la Cour, en application du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, sur les politiques et pratiques de rémunération des autorités administratives et publiques indépendantes (2011-2016).

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Mes chers collègues, nous recevons aujourd'hui M. Jean-Philippe Vachia, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes, accompagné de M. Olivier Ortiz, rapporteur général, et de M. Roch-Olivier Maistre, contre-rapporteur. En vertu du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, notre commission dispose d'une sorte de « droit de tirage » sur des enquêtes dont les thèmes sont discutés avec la Cour des comptes, qui présente ses travaux dans les huit mois suivant la demande.

Je vous rappelle que dans ce cadre, nous avons ainsi pu entendre en décembre 2017 la présentation du rapport portant sur le service de traitement des déclarations rectificatives (STDR). Puis, le 17 janvier dernier, nous avons reçu le Premier président de la Cour, M. Didier Migaud, qui nous a présenté un rapport sur la Société du Grand Paris.

Fin 2016, la commission avait demandé deux autres enquêtes : la première, relative à la formation des demandeurs d'emploi, nous sera communiquée en avril ; la seconde, portant sur les maisons de services au public, sera traitée dans le cadre de l'évaluation qu'effectue la Cour des comptes pour notre Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) sur l'accès aux services publics dans les territoires ruraux.

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Jean-Philippe Vachia, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes

Répondant à la demande de la commission des finances, la Cour a réalisé en 2017 une enquête que nous avons intitulée « Autorités administratives et publiques indépendantes : politiques et pratiques de rémunération ». L'objet et le périmètre de cette enquête ont été arrêtés après échange avec Mme Dalloz, qui est à l'origine de cette demande, au début de l'année 2017. Nous avons travaillé à partir d'un échantillon de douze autorités administratives indépendantes (AAI) assez représentatives et dont vous trouverez l'énumération en annexe à notre rapport.

Nos travaux ont été conduits à la lumière de l'adoption de la loi organique du 20 janvier 2017 relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes et de la loi ordinaire du même jour portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, qui fixent un nouveau cadre juridique. Pour la réalisation de notre enquête, nous avons retenu la période 2011-2016 tout en ayant présentes à l'esprit les mesures déterminées par le cadre législatif de 2017, qui sont de nature à répondre à certaines questions que nous pouvions nous poser.

Nous avons examiné six problématiques : le statut sous lequel les agents sont employés ; la croissance des effectifs et de la masse salariale ; le temps de travail ; l'adéquation des moyens humains aux besoins ; le contrôle applicable à la gestion de ces autorités ; enfin, les leviers mobilisables pour une meilleure maîtrise des effectifs.

Après nos investigations, nous avons constaté en premier lieu, ce qui n'est pas surprenant, une très grande diversité de situations entre ces autorités administratives, même après l'entrée en vigueur des deux lois de 2017.

En second lieu, l'examen de la masse salariale et de l'évolution des rémunérations, tant des membres des autorités collégiales que des personnels, montre un haut niveau et un rythme assez dynamique de progression.

Face à ces constats, nous nous sommes efforcés de formuler des propositions, avec à l'esprit l'idée qu'il ne s'agissait pas de proposer une révolution eu égard à la loi qui vient d'être adoptée. Il faut en effet lui laisser le temps de sa mise en oeuvre. Elle prévoit notamment la présentation d'un rapport annuel très précis, et la production de nouveaux documents dans le cadre du projet de loi de finances.

Le premier constat de cette enquête est donc la grande diversité des situations. Au regard de notre sujet, l'évolution des effectifs et des rémunérations, une distinction peut être établie entre des autorités « matures », parce qu'assez anciennes, et des autorités beaucoup plus récentes, qui connaissent une forte croissance de leurs effectifs, telle la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Toutefois, même les autorités dont on peut considérer qu'elles sont matures, comme la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), sont très affectées par les évolutions incessantes de la réglementation communautaire, singulièrement dans le domaine du droit et de la régulation du numérique. Il en est ainsi également de la Commission de régulation de l'énergie (CRE).

Nous nous sommes néanmoins efforcés de repousser ces autorités dans leurs retranchements en leur demandant de mieux justifier les demandes de création d'emplois au titre de l'attribution de nouvelles compétences – justifiées au moins sur le papier. Une objectivation plus exigeante comportant des indicateurs de performance est nécessaire.

En second lieu, et cela rejoint l'actualité la plus brûlante, nous nous sommes interrogés sur le statut des personnels – des personnels de direction jusqu'aux personnels d'exécution. Une analyse juridique, dont je vous fais grâce dans cet exposé oral, montre que, depuis longtemps, ces autorités bénéficiaient de dérogations pour recruter, assez libéralement, des contractuels. La loi de 2017 conforte cette possibilité sans réserve, au point qu'elles pourraient ne recruter aucun fonctionnaire. En réalité la situation est mixte. On constate cependant, en outre, un phénomène, qui pose question au regard du droit de la fonction publique, de détachements de fonctionnaires sur contrat, qui permet d'accorder aux intéressés une rémunération supérieure à ce qu'ils auraient perçu s'ils étaient restés dans ce que, de façon curieuse, on nomme une « position normale d'activité ». Au demeurant, la préférence donnée à la formule du détachement sous contrat sur la position normale d'activité n'est pas irrégulière en soi, et fait d'ailleurs l'objet d'un nombre non négligeable de dispositions législatives et réglementaires.

Le deuxième point que nous avons retenu, et qui rejoint évidemment vos préoccupations, porte sur l'évolution de la masse salariale et des rémunérations. Certes, nous ne sommes pas dans les grands chiffres, puisqu'il s'agit de quelques centaines de millions d'euros, mais rien ne justifie que ces autorités indépendantes échappent à l'exigence la plus rigoureuse possible quant à leurs crédits dans une période où l'on tente de maîtriser l'évolution des dépenses de fonctionnement.

Pour chacune de ces AAI comme de façon globale, nous avons analysé les causes classiques de l'évolution de ces effectifs et des rémunérations. Toutefois, dans un certain nombre de cas, nous aurions besoin d'explications plus précises. Car si une partie est imputable à la croissance des effectifs, ce qui est parfaitement transparent, une autre part est due à des régimes de rémunération assez généreux et connaissant plutôt une dynamique de croissance.

Après avoir dépeint la situation générale, je souhaiterais distinguer deux catégories de sujets.

La première concerne le régime de rémunération et d'indemnité des présidents ou des membres des autorités collégiales, qui peut être le Défenseur des droits ou le président de telle ou telle autorité.

Lors de l'examen de la loi du 20 janvier 2017, un amendement prévoyant qu'un décret définirait le niveau général de ces rémunérations a été rejeté. C'est donc le décret statutaire portant création de chaque autorité administrative, en général complété par un arrêté, qui en fonde la base juridique. Ainsi, à deux exceptions près, chaque régime de rémunération est-il propre.

La question qui se pose par ailleurs est celle du niveau élevé de ces rémunérations, qui fait l'objet d'un tableau figurant dans le rapport, mais que vous connaissez puisque ces informations sont désormais données en annexe du projet de loi de finances. Quelles sont les raisons d'objectivation de ces niveaux de rémunération ? Ce peut être le secteur régulé, dans le domaine économique et financier par exemple, ou l'importance des fonctions à l'égard des enjeux. Mais nous ne disposons pas pour l'instant de critères d'objectivation dans l'absolu. Pour l'avenir, on peut considérer qu'il ne serait pas absurde de disposer de tels critères. Ce qui ne relève probablement pas de la loi sauf si la représentation nationale souhaitait revenir sur le texte de 2017 en prévoyant de donner un cadre à ces rémunérations.

Nous avons par ailleurs relevé une série de situations particulières mal prises en compte par la loi : il s'agit du cumul des pensions de fonctionnaire avec les rémunérations de président d'activité, qui peut être intégral. Le code des pensions de la fonction publique étant assez complexe, nous avons vérifié chaque situation sans cependant constater d'irrégularité ; ce qui n'interdit pas à chacun d'avoir une opinion sur l'étendue de ce cumul.

Nous avons enfin constaté que dans la fixation de ces rémunérations, eu égard au régime de pension de tel ou tel dirigeant, les situations arrêtées par le Gouvernement étaient différentes. Ainsi le niveau de prime du président de la HATVP n'est-il en rien comparable avec celui des autres dirigeants d'autorités de régulation.

La seconde catégorie de sujets concerne la rémunération des personnels.

Cette rémunération est en général supérieure à celle observée dans la fonction publique, pour des raisons assez simples qui tiennent au recrutement massif de contractuels et au détachement de fonctionnaires sur contrat, avec des gains supérieurs de 5 %, 10 %, 15 %, ou parfois plus.

Cette situation pose-t-elle problème ? Certes, cela coûte de l'argent mais certaines de ces autorités, notamment les plus techniques comme l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) ou la CRE ont besoin de profils de très haut niveau, de même que la CNIL ou l'Autorité de la concurrence ont besoin de spécialistes du numérique ou de juristes très pointus qu'il faut rémunérer.

S'agissant du détachement de fonctionnaires sur contrat, s'il se justifie pour des profils très spécifiques à haut niveau de rémunération, il serait en revanche préférable de rester au niveau qui était le leur pour des fonctions support, qui ne sont guère différentes selon que l'on exerce dans une administration ou dans une autorité administrative.

C'est pourquoi, lorsque cela n'existe pas déjà, nous recommandons l'adoption d'un cadre de gestion pour chaque autorité. Mais, là encore, une telle mesure relève davantage du domaine réglementaire.

Que peut-on faire pour parvenir à une meilleure maîtrise des effectifs et des dépenses de rémunération ?

L'article 23 de la loi ordinaire du 20 janvier 2017, qui prévoit la publication d'un rapport spécifique à ces autorités, en annexe au projet de loi de finances, permet d'ores et déjà d'obtenir la transparence maximale, puisque cette mesure permettra de suivre d'une année sur l'autre l'évolution des effectifs et des rémunérations.

S'agissant de l'architecture budgétaire, nous n'avons pas jugé opportun la création d'un programme budgétaire propre aux autorités administratives indépendantes, qui aurait mélangé des choux et des raves. De fait, certaines AAI plutôt généralistes dans le domaine de la régulation de la liberté et du droit se trouvent rattachées au programme 308, qui relève des services du Premier ministre, alors que d'autres sont rattachées au programme plus sectoriel avec lequel elles ont le plus d'affinités. À tout le moins, la commission des finances peut prévoir une action susceptible d'être suivie en loi de finances.

Par ailleurs, les AAI sont exemptées du contrôle financier de par la loi que vous avez votée qui prévoit que la loi de 1922 ne s'applique pas à elles. Faut-il en rétablir un ? Avec quel objet ? Pour nous la question reste ouverte. Il faut à tout le moins, selon nous, renforcer considérablement le dialogue de gestion entre le responsable de l'autorité et le haut fonctionnaire qui gère le programme afin que les demandes de crédits complémentaires soient mieux justifiées. Cet exercice pourrait être formalisé dans une charte de gestion, toutes ces mesures relevant, elles aussi, du domaine réglementaire.

Enfin, nous nous sommes interrogés sur la démarche de mutualisation entre les diverses AAI, qui est balbutiante, car débutante. On peut sans doute aller beaucoup plus loin. D'abord en matière de mutualisation immobilière, avec les promesses de regroupement d'un certain nombre d'autorités sur le site de Ségur-Fontenoy, qui justifierait la concentration de l'ensemble des fonctions support. Nous considérons en effet qu'un gros effort reste à fournir en matière de gestion des ressources humaines. D'autres perspectives de mutualisation existent par ailleurs dans le domaine des agences du secteur sanitaire et médico-social.

Le rapport n'évoque pas la question sous-tendue par toutes ces remarques, qui est celle du regroupement des autorités administratives indépendantes. Peut-être pourrons-nous avoir un échange à ce sujet.

Pour conclure, s'il est normal que ces autorités disposent d'une indépendance fonctionnelle et d'une autonomie de gestion, il est tout aussi normal que celles-ci soient encadrées et, surtout, justifiées. Avec un encadrement plus précis des rémunérations, il est sans doute possible de veiller à une évolution raisonnable. Quant aux créations d'emplois supplémentaires, s'il n'est certes pas question de les refuser par principe, elles doivent être très sérieusement justifiées par des indicateurs précis. Nous avons ainsi demandé à la CNIL d'objectiver ses demandes au regard des attributions qui lui sont confiées.

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Monsieur le président Vachia, je vous remercie d'autant plus pour vos propos qu'ils donnent envie à tous ceux qui vous écoutent de devenir membres d'une autorité indépendante !

Vous avez indiqué que seule la loi pourrait fonder la mise en place d'un contrôle budgétaire a priori des autorités indépendantes. Pourriez-vous nous en dire davantage ? Ce contrôle budgétaire a priori vous semble-t-il indispensable ? Sa mise en oeuvre implique-t-elle une modification de la loi de janvier de 2017, et quels en seraient les avantages ?

Vous avez en second lieu évoqué le cas des emplois « hors plafond » des AAI, qui ont beaucoup augmenté et constituent, selon vos propres termes, « un important point de fuite du dispositif de pilotage de leur masse salariale ». Quels mécanismes pourrait-on donc imaginer pour améliorer l'encadrement et le contrôle de ces emplois, afin de mieux maîtriser les effectifs de ces autorités, dont on pourrait presque souhaiter qu'elles soient moins indépendantes en la matière ?

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C'est en tant que rapporteure spéciale sur la direction de l'action du Gouvernement que j'ai souhaité que la Cour nous remette ce rapport, puisque certaines autorités administratives indépendantes sont incluses dans le périmètre du budget des services du Premier ministre. Je vous remercie donc pour ce travail de qualité, qui va grandement nous éclairer. J'ai tout particulièrement goûté votre manière de mettre en exergue « un haut niveau de rémunération » et « un rythme assez dynamique de progression », ce qui correspond exactement à mon propre sentiment !

Cela étant, l'idée n'est pas d'être critique pour le principe mais de mettre en lumière un certain nombre de constats, au premier rang desquels le fait que, suivant l'évolution législative et réglementaire, une autorité peut se voir dans l'obligation d'assumer des missions qui ne faisaient auparavant pas partie de son champ de compétences. Elle va donc exiger de nouveaux collaborateurs sans que l'on examine très précisément dans quelle mesure ces nouvelles missions s'articulent à celles qu'elle assumait précédemment, si elles les complètent ou s'y substituent. À l'exception de la période budgétaire pendant laquelle l'État doit se livrer à certains arbitrages, il gère, le reste du temps, cette problématique des emplois avec une relative distance.

Se pose également la question du salaire des fonctionnaires en détachement, qui demeure relativement opaque. En effet, si l'on a facilement accès à la rémunération servie par l'autorité qui emploie le fonctionnaire détaché, il n'en est pas de même pour celle qu'il percevait dans son ministère d'origine. D'où un manque de lisibilité. C'est notamment le cas pour les personnels de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) ou pour le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).

Il existe par ailleurs de fortes disparités entre les autorités administratives, et il n'y a par exemple pas grand-chose de commun entre les activités de la CNIL et celles du Défenseur des droits. Reste que, dans le cadre de l'installation sur le site Ségur-Fontenoy, les fonctions supports ont été mutualisées. En revanche, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) reste une autorité administrative complètement à part, dont j'ignore d'ailleurs pourquoi elle est rattachée au Premier ministre alors qu'elle devrait dépendre du ministère de la justice. Cela fait partie des raisons pour laquelle j'ai souhaité la remise de votre rapport.

En ce qui concerne plus précisément les rémunérations, vous avez parlé de « cadre de gestion ». Cela rejoint une proposition qu'avaient faite en 2010 deux de nos collègues, René Dosière et Christian Vanneste, qui suggéraient la mise en place d'une grille de rémunérations dans les autorités administratives. C'est sans doute un dispositif contraignant, qui relève davantage du domaine réglementaire que de la loi, mais il me semble que le Gouvernement devrait mettre en place une telle grille, si l'on veut mettre un terme à des disparités qui, quand je les ai découvertes, m'ont proprement stupéfiée.

Enfin, vous avez, sans la traiter au fond puisque cela n'était pas dans la commande, abordé la question de la mutualisation des moyens pour permettre des économies. Selon moi, il faut aller plus loin encore : certaines autorités administratives n'ont plus nécessairement vocation à le rester, a fortiori lorsqu'il s'en crée de nouvelles régulièrement. Il me paraît donc nécessaire de rationaliser et de mieux organiser le paysage de ces autorités administratives indépendantes.

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Vous n'avez pas abordé les facilités attachées aux postes : je pense aux frais de mission, aux véhicules, voire aux logements de fonction. Peut-être ce point n'entrait-il pas dans le cadre de votre enquête, mais il n'est pas sans lien avec la question des rémunérations.

Par ailleurs, pensez-vous qu'il faille modifier le dispositif du cumul emploi-retraite, qui, en l'occurrence, me semble problématique ?

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Le métier des AAI évolue, et ces dernières ont tendance à assurer de plus en plus des fonctions de conseil plutôt que de contrôle et de régulation. C'est une évolution souhaitable, à l'échelle d'ailleurs de l'ensemble de l'administration. Au regard de cette évolution, pensez-vous qu'il faille repenser les moyens alloués aux autorités administratives indépendantes ?

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Le statut des autorités administratives indépendantes garantit leur indépendance, ce qui n'exclut pas une grande diversité dans leur organisation, censée permettre à chacune de s'adapter à ses missions spécifiques. Reste qu'il est difficile de comprendre pourquoi les politiques salariales y sont aussi hétérogènes.

Considérez-vous que le fait que le contrôle de ces rémunérations par le Gouvernement serait contraire au principe d'autonomie et d'indépendance des AAI ou est-ce envisageable ? Comment, selon-vous, concilier l'indépendance de ces autorités et une politique de contrôle budgétaire qui inclue les rémunérations ?

Vous suggérez dans votre rapport d'augmenter la fréquence et l'efficacité des autocontrôles, afin de préserver l'indépendance des AAI : comment cela devrait-il se traduire concrètement ?

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À la page 61 de votre rapport, vous faites état de deux situations anormales : celle de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté et de l' l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA), pour lesquelles vous avez constaté l'absence de base légale des rémunérations. Comment se fait-il, dans ce cas, que le comptable ait payé, et la Cour envisage-t-elle de le mettre en débet ?

Il semble d'autre part que l'on ait inventé pour les membres du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) un nouveau système d'indemnisation du chômage, puisqu'ils bénéficient du maintien intégral de leur rémunération pendant un an après la fin de leur mandat. Cette disposition s'est appliquée pour l'un des membres en 2013 et pour deux d'entre eux en 2014. Pourriez-vous nous préciser le fondement juridique de cette mesure et la nature de ces sommes ?

Avez-vous pu comparer les rémunérations allouées pour chaque fonction exercée au sein des AAI avec ce qui se pratique sur le marché ? Vous indiquez que la rémunération des fonctionnaires en détachement augmente en gros, selon les autorités, de 10 à 15 % par rapport à leur rémunération d'origine, mais savez-vous si ces rémunérations sont inférieures ou supérieures à celles qui se pratiquent dans le privé ? Est-on en dessous ou au-dessus ? Qu'en est-il notamment pour le président de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), qui a la rémunération la plus élevée ?

Reste enfin le problème du cumul emploi-retraite. Il semble que certains présidents cumulent intégralement leur pension et la rémunération de leur activité, tandis que, pour d'autres, il a été tenu compte, dans le calcul de cette dernière, du montant de leur pension. Ne faudrait-il pas uniformiser les différents régimes ?

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Si j'ai bien compris, on tient compte de la pension pour fixer le montant de l'indemnité mais pas pour le traitement, qui est versé dans son intégralité. Ce n'est pas vraiment l'idée dans laquelle a été instauré à l'origine le cumul emploi-retraite, qui était surtout destiné aux salariés du privé.

Par ailleurs, je crois me souvenir que le Gouvernement adresse une lettre de mission aux présidents des autorités, et que le respect de cette lettre de mission et des indicateurs qu'elle comporte détermine le niveau de la rémunération variable. En d'autres termes, l'indemnité de fonction dépendrait de la manière dont les objectifs ont été atteints. Or à lire votre rapport, je n'ai pas l'impression que le fait d'atteindre ou non ces objectifs soit déterminant pour le montant des rémunérations.

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Le cumul emploi-retraite me choque particulièrement, même si j'ai bien compris que l'indemnité pouvait varier. Il n'empêche qu'aujourd'hui certains présidents d'autorité cumulent leur pension et le traitement qui leur est versé par l'autorité. Combien sont-ils dans ce cas ?

Pouvez-vous, en deuxième lieu, nous en dire davantage sur les missions de ces présidents. Certains le sont à temps plein, d'autres à temps partiel : auriez-vous l'équivalent de « fiches de poste » les concernant, et sauriez-vous déterminer, pour chaque autorité, la répartition des tâches par emploi ?

Enfin, le détachement est-il possible pour toutes les catégories d'emploi, et ne faudrait-il pas, si c'est le cas, le limiter à certaines catégories uniquement ?

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Jean-Philippe Vachia, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes

La loi du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes a explicitement prévu que la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées ne s'appliquait pas aux AAI. Si l'on veut changer ce régime, il faudra donc modifier la loi.

Je vous ferai grâce d'une discussion sur les articles de la loi 10 août 1922 encore applicables : compte tenu du vote de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), il y aurait de quoi nourrir de longs débats, voire un colloque...

Faut-il un contrôle budgétaire a priori ou a posteriori de ces autorités ? Le contrôle budgétaire n'a pas de finalité juridique : les contrôleurs budgétaires auprès des ministères doivent simplement s'assurer de la soutenabilité budgétaire des principales catégories de dépenses, des grands marchés ou des actes de recrutement par rapport au budget alloué.

Vous avez raison : pour le moment, hormis celui que nous opérons de manière épisodique, le contrôle des AAI est inexistant. Pour autant, un contrôle budgétaire a priori représenterait peut-être un marteau pour écraser une fourmi… Certaines formules allégées de contrôle a posteriori sont prévues par le décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

Certains sujets ne sont pas traités dans ce rapport – qui ne pouvait tous les traiter. Mais nous avons opéré un contrôle de chacune des douze autorités administratives indépendantes : nous tenons l'ensemble des rapports détaillés à la disposition des commissaires.

Les emplois hors plafond sont effectivement problématiques car un certain nombre ne se retrouve pas sur le titre 2, mais sur le titre 3, qui recouvre les dépenses de fonctionnement ; ils échappent donc aux radars. Cela étant, il ne s'agit pas de dépenses colossales : ainsi, les délégués du Contrôleur général des lieux de privation de liberté touchent de petites vacations pour faire des visites de prison. Malgré tout, cela devrait être suivi.

Madame Dalloz, vous avez raison concernant la création des AAI et les transferts d'activité : l'étude d'impact de la loi qui crée chaque autorité administrative indépendante devrait chiffrer et justifier précisément les conséquences en termes de suppressions d'emplois dans l'administration d'origine. Ce n'est pas toujours le cas.

Il faut bien différencier détachements et mises à disposition. On se demande parfois qui paie quoi. En cas de détachement, l'intéressé est payé par l'organisme d'accueil. Vous vous interrogiez également sur le niveau des rémunérations, qui peut être très important. Vous évoquiez le Contrôleur général des lieux de privation de liberté – j'en profite pour répondre à M. de Courson sur l'absence de base réglementaire. Le secrétaire général du Gouvernement s'est engagé par écrit à traiter rapidement le problème. M. de Courson est suffisamment informé des procédures de la Cour pour savoir que je ne peux pas lui répondre sur la mise éventuelle en débet du comptable, car cela posera ensuite des problèmes à la Cour pour statuer en formation juridictionnelle. Il en est de même pour l'ACNUSA. Mais sachez que nous avons demandé les régularisations nécessaires.

Effectivement, même si son loyer est très modeste, le CGLPL n'est pas logé avec d'autres autorités administratives alors qu'une mutualisation est envisageable.

Le cadre de gestion est un sujet important qui avait fait l'objet d'une proposition de MM. Dosière et Vanneste. Il recouvre deux problématiques : le cadre de rémunération des hauts dirigeants et le cadre de gestion des fonctionnaires. Pour ce dernier, il peut y en avoir un par autorité, mais il en faudrait un partout. Ces dispositions sont de niveau infraréglementaire : il suffit de définir un cadre de référence au niveau de la direction générale de l'administration et de la fonction publique et de la direction du budget. Pour la rémunération des dirigeants, le Parlement a décidé il y a un peu plus d'un an de ne pas le prévoir dans la loi et de renvoyer à un décret la fixation d'une grille de rémunération.

Nous nous sommes interrogés sur le niveau des rémunérations au sein de chaque autorité. Ce n'est pas un jardin à la française... On retrouve assez souvent des rémunérations de niveau hors échelle G et de substantielles indemnités de fonction. Par ailleurs, les rémunérations des personnels des grandes autorités de régulation économique sont plus élevées que celles des autorités compétentes en matière des droits et libertés.

Est-ce justifié ? C'est une question de nature politique – presque philosophique. Le secrétaire général du Gouvernement nous a rappelé qu'il y a quelques années, il avait tenté de mettre en place un cadre de référence. On peut donc à nouveau l'envisager.

Vous avez raison, madame Dalloz, il est possible de mutualiser des services. Mais on peut aller plus loin. Je dirais même que l'on n'est pas encore allé assez loin : l'ensemble immobilier Ségur-Fontenoy permettrait une mutualisation de toute la gestion des ressources humaines. Il faut y insister.

Nous avons tous des idées sur les autorités qui pourraient être regroupées ou fusionnées avec profit. Durant cette enquête, nous sommes retournés voir le Défenseur des droits et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, que nous avions vus il n'y a pas très longtemps. Les recoupements sont réels entre les deux autorités et ils interrogent. Il en est de même pour la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) et la CNIL : avec le numérique et l'open data, les sujets sont de plus en plus similaires... La CNIL est favorable à ce rapprochement, mais pas la CADA. Pourtant, à un moment, il faudra le faire.

Pour répondre à la question de M. le président, nous avons fait notre travail habituel de contrôle sur les ordres de missions et n'avons rien constaté d'exorbitant. Nous nous sommes effectivement posé la grande question du cumul emploi-retraite. Elle peut s'envisager sous deux angles. Du point de vue du code des pensions, il existe un certain nombre d'incompatibilités et de règle de non-cumul, finalement assez souples. Les personnes ayant cessé de travailler et qui ont liquidé leur retraite à taux plein peuvent retravailler et cumuler dans certaines conditions. Mais une autre disposition du code des pensions est spécifique à ces catégories : les personnes reprenant une activité dans une instance juridictionnelle consultative ont droit à un cumul « entier ». Ces situations sont donc fondées en droit. Sur notre échantillon, nous avons constaté quatre situations de ce type sur douze. Il s'agit de personnalités nommées à la tête d'une autorité alors qu'elles étaient retraitées ou d'autres qui le sont devenues pendant cette période.

Vous avez très bien posé la question, monsieur le président : il n'est certes pas question de toucher à la pension, mais qu'en est-il de la rémunération d'activité et de l'indemnité ? Deux cas, d'ailleurs différents, ont retenu notre attention : dans le premier, le président de la HATVP a demandé un écrêtement – je n'avais encore jamais constaté cela, c'est tout à son honneur ; dans le second, l'indemnité de fonction a été partiellement écrêtée, mais pas à la demande de l'intéressé. La question se trouve donc posée en termes d'équité. Ces personnes bénéficient d'une pension au terme d'une longue carrière : est-il normal – ou non – qu'elles cumulent ? C'est également un problème de principe. En tout cas, dans leur rédaction actuelle, les textes nous permettent de jouer sur l'indemnité de fonction.

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Roch-Olivier Maistre, conseiller maître à la Cour des comptes, contre-rapporteur

Les dispositions relatives à la CRE prévoient déjà que l'indemnité du président est ajustée s'il bascule en régime de retraite. Son indemnité est alors « toisée » pour éviter les situations précédemment évoquées.

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Jean-Philippe Vachia, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes

Le rôle des autorités administratives évolue-t-il plutôt vers le conseil que les sanctions ? En réalité, les situations sont très diverses. Ce qui est vrai pour la CNIL ne l'est pas forcément pour d'autres autorités qui continuent à sanctionner. Il ne me semble pas qu'il s'agisse d'un critère fondamental pour déterminer les moyens d'une AAI.

Je rappellerai à M. de Courson que le statut des dirigeants du CSA est le seul régi par la loi. Comme vous le savez, les membres du collège du CSA sont soumis à de très rigoureuses incompatibilités, ce qui explique peut-être que le législateur ait prévu ce régime de maintien de la rémunération après la sortie de fonction.

Avons-nous regardé les prix de marché en ce qui concerne les niveaux de rémunération ? On est souvent dans un entre-deux. Ainsi, les rémunérations de la CRE sont très supérieures à celles de l'administration, mais inférieures à celles du marché. Les autorités expliquent qu'elles doivent proposer des rémunérations élevées pour attirer des personnes qualifiées, et qu'elles sont concurrencées par le secteur privé. Il convient par ailleurs de prendre en compte une autre variable, également intéressante : si on rémunère « trop bien », les fonctionnaires en détachement que l'on recrute sur contrat, ils ne veulent pas retourner dans leur administration d'origine. La cristallisation et l'absence de mobilité peuvent alors devenir gênantes.

Monsieur le président, les lettres de mission sont destinées aux présidents d'établissements publics et aux opérateurs, pas aux présidents d'autorités administratives indépendantes.

Madame Pires Beaune, onze des douze présidents d'autorités administratives indépendantes disposent d'emplois à plein temps. Seul le président de la CADA – un conseiller d'État d'ailleurs désormais à la retraite – ne touche qu'une indemnité à temps partiel, d'ailleurs assez limitée. Il ne faut pas oublier que certains membres des collèges sont à temps partiel, ceux du CSA exerçant à plein temps.

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Chaque année, les autorités administratives ont l'obligation d'adresser un rapport d'activité au Gouvernement et au Parlement. Ce rapport rend compte des moyens de l'autorité et de l'exécution de ses missions. Il ne s'agit pas de disposer de rapports informatifs – destinés à meubler les étagères – mais plutôt de rapports débouchant sur un certain nombre d'obligations. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Par ailleurs, comment aller plus loin, et de façon « dynamique », dans le regroupement des autorités administratives indépendantes ?

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Vous avez évoqué avec beaucoup de prudence la possibilité d'opérer des rapprochements ou des fusions entre les autorités administratives indépendantes. Sans vous pousser à faire des recommandations excessives, quelles convergences seraient possibles entre certaines autorités ?

Vous avez rappelé que nous n'avons pas voté les dispositions visant à créer un modèle de rémunération homogène et unifié entre les AAI. Vous avez souligné que cette prudence était justifiée par la diversité des profils de personnels recrutés par différentes autorités, qui appelait sans doute des rémunérations de niveaux très différents. Pensez-vous qu'un cadre plus ou moins homogène soit envisageable sans inconvénients pour l'encadrement – présidents et membres du collège ? Les personnels techniques resteraient régis par des systèmes différents.

Enfin, avez-vous pu observer que les cumuls d'indemnités, de rémunérations – notamment venant du secteur privé – ou de retraites ont pu limiter d'une manière ou d'une autre l'indépendance de présidents ou de membres de collèges ? La situation est-elle claire à ce niveau ?

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Je vous remercie pour ce rapport et remercie par la même occasion ma collègue Marie-Christine Dalloz d'avoir fait cette demande. Vous avez évoqué la possibilité pour certaines autorités de fusionner ou de se regrouper. Serait-il envisageable en préalable, dans des délais raisonnables et de façon assez simple, d'harmoniser les statuts des présidents et des membres des collèges ? Les « nouveaux entrants » ne pourraient-ils pas bénéficier d'un statut quasi identique ?

On a beaucoup évoqué la rémunération, mais peu le temps de travail. J'ai bien compris que les dispositifs étaient divers, mais la mise en place d'un logiciel – qui peut par ailleurs être coûteuse – constitue-t-elle une des pistes envisageables ? Un meilleur contrôle du temps de travail permettrait-il de « gagner en productivité » et, de ce fait, de maîtriser assez significativement la progression des effectifs ?

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Je tiens à préciser que je n'étais pas là pour la première série de questions car je suis allé voter en séance publique. Depuis quelque temps, le Président de l'Assemblée nationale semble très à cheval sur cette question. Mais il est difficile de participer à des votes publics tout en siégeant au même moment en commission… Il me paraît important de le préciser alors que la presse s'interroge sur le rôle des parlementaires et leur disponibilité.

Dans le document très intéressant qui nous a été fourni – j'en remercie les rapporteurs –, on parle beaucoup de performance. Je reste perplexe sur cette notion dans les administrations et les services publics. Pourquoi pas, mais qu'entend-on par performance ? Soyons précis : est-ce la performance en tant que telle, celle de l'instance ? Ainsi, le délai de traitement des dossiers est un fait objectif, dont les rapporteurs regrettent d'ailleurs qu'il ait été supprimé. Propose-t-on que cet objectif soit rétabli ? Qu'inclut-on également dans cette notion ? On est encore plus flou sur la question de la performance individuelle des employés : on propose qu'une part de leur rémunération soit variable au regard de leur performance. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Qu'entendez-vous par « performance » dans le cadre de ces administrations de contrôle ?

Par ailleurs, si le rapport fait état d'éléments assez précis concernant les rémunérations, ce n'est pas le cas pour le temps de travail. Pourriez-vous nous fournir plus d'informations ?

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Comme cela a été rappelé, la loi de 2017 n'a pas encore produit ses effets, ce qui relativise la portée de nos propos.

J'ai trouvé ce rapport très pédagogique. Ma première impression à sa lecture a été que les AAI étaient des boîtes noires auxquelles on alloue un budget dont elles font ce qu'elles veulent. J'exagère à dessein. Certes, il y a le dialogue de gestion, mais toutes les AAI ne sont pas concernées. Quant au contrôle budgétaire, il ne s'applique que pour des dépenses particulières. Pensez-vous que le dialogue de gestion que vous prônez sera suffisant, notamment pour maîtriser les « dépenses dynamiques » liées aux postes de présidents d'AAI ?

J'ai apprécié votre proposition de mutualisation des fonctions ressources. Mais celles-ci ne portent pas sur l'objet même de l'AAI – elles peuvent d'ailleurs être externalisées. Pensez-vous que leur mutualisation permettrait de contourner l'absence de contrôle budgétaire ?

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Ce rapport va dans le droit fil du rapport sénatorial de M. Mézard, qui proposait de réduire de moitié le nombre des membres des AAI. Êtes-vous favorable à cette proposition ? Leur nombre actuel vous semble-t-il justifié par l'activité des AAI ? Leur composition est également marquée par une surreprésentation des grands corps d'État, qui concentrent deux tiers des postes.

Avez-vous analysé les suites données au rapport de M. Mézard ? A-t-il fait évoluer les pratiques ?

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Ce sujet est cher à notre groupe, et plus particulièrement à Émilie Cariou. Pensez-vous que l'ensemble des recommandations du rapport devraient faire l'objet d'un suivi dans chacune des autorités administratives indépendantes françaises, notamment dans leur prochain rapport annuel ?

Pour les dirigeants des AAI qui s'affranchiraient de ce travail minimal de bonne gestion, en particulier celles qui n'entrent pas dans le périmètre de votre étude, comme l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI), ou l'Autorité de sécurité nucléaire (ASN), quelles devraient être les conséquences, et quelles responsabilités devraient-ils encourir ?

En dehors de la possibilité laissée au Parlement de sanctionner dans la loi de finances les autorités concernées, quels seraient les leviers d'action pour les parlementaires évaluateurs que nous devons être ?

Enfin, ne convient-il pas de plafonner strictement les salaires pratiqués dans ces autorités administratives indépendantes ?

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Ma première question, d'ordre méthodologique, concerne les enquêtes réalisées en application du 2° de l'article 58 de la loi organique de manière générale. J'ai la chance d'en porter une, qui fait partie de celles que le président Woerth vient de demander à la Cour des comptes. Quelle était l'étroitesse de votre collaboration avec Mme Dalloz ? À la suite de la rencontre initiale qui fixe les orientations, peut-on envisager des points d'étapes réguliers entre la Cour, le rapporteur spécial et la commission des finances ?

Sur la question des rémunérations, l'égalité entre les hommes et les femmes constitue un point sensible. Les AAI n'appliquent pas les grilles figées de la fonction publique, la présence de contractuels et de fonctionnaires détachés autorise une certaine souplesse. L'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes est-elle maintenue au sein de ces AAI ?

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L'évolution de la masse salariale en fonction des responsabilités attribuées à chaque autorité a-t-elle été analysée ? Il serait intéressant de connaître le degré de corrélation.

Par ailleurs, je ne vois pas comment il est possible d'être membre d'une AAI en étant en position de détachement, ou de mise à disposition par un ministère. On est indépendant ou on ne l'est pas.

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On parle de la politique de rémunération de ces différentes autorités, mais j'aimerais savoir qui paie ? D'où viennent leurs ressources ? Dans le cas du Haut Conseil du commissariat aux comptes, que je connais bien, ce sont les contrôlés qui paient eux-mêmes.

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Jean-Philippe Vachia, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes

En réponse à la dernière question, l'immense majorité des AAI ont pour ressources des crédits budgétaires imputés sur différents programmes, dont le programme 308, de la mission des services du Premier ministre. Cependant, certaines autorités, notamment les autorités publiques indépendantes, qui ont la personnalité morale, peuvent avoir des ressources de toute nature, comme l'Autorité des marchés financiers (AMF) ou la CNIL.

S'agissant des activités et de la performance de ces AAI, il est vrai qu'il y a quelques années de cela, nous n'en savions pas grand-chose. Mais grâce à vous, grâce au Parlement, nous en savons maintenant beaucoup plus et les documents budgétaires fournissent beaucoup plus d'éléments. Il est tout à fait normal que ces AAI rendent compte de l'emploi de ces fonds publics – les douze qui composent notre échantillon représentent plus de 400 millions d'euros.

La notion de performance peut s'entendre de manière collective ou individuelle. Collectivement, l'AAI doit être en mesure de rendre compte de l'emploi des fonds par des indicateurs d'activité : les obligations sont remplies, les décisions sont rendues dans des délais fixés préalablement, l'ensemble des compétences confiées est exercé, et attesté par la production de décisions ou d'avis. Ce point est encore plus important à la suite de l'évolution du travail de certaines autorités, dont l'activité s'exerce moins par à-coups, mais plutôt par une régulation globale. Je pense par exemple à la CNIL.

S'agissant de la performance individuelle, de nombreux agents de ces autorités sont de catégorie A ou A+. Ils font des enquêtes, émettent des analyses juridiques ou des rapports scientifiques. Il est donc normal de veiller à ce que ces personnes, en général assez bien payées, justifient de leur salaire en permettant que leur production soit mesurée. Mon approche de la performance n'est pas la même pour un agent de catégorie A ou un agent de catégorie C. Il est également nécessaire de mener des entretiens annuels.

Monsieur Bourlanges, les rapprochements et les fusions n'entraient pas dans le cadre de notre saisine, mais il est vrai qu'un certain nombre d'autorités ont des frontières assez poreuses. La CNIL et la CADA vont finir par se marcher sur les pieds avec l'évolution vers le numérique. Le Défenseur des droits et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peuvent ainsi se trouver au même moment au même endroit à l'occasion d'une mission. Le cas du CSA et de l'ARCEP se pose aussi, mais je connais moins ce sujet qui relève plutôt de la troisième chambre de la Cour.

Sur la question de l'encadrement de la rémunération des dirigeants, soit la situation reste inchangée, soit vous estimez qu'il faut définir un cadre. Un article de loi pourrait prévoir une échelle de rémunération déterminée par décret. Mais il ne pourra s'agir selon nous d'une rémunération identique s'appliquant à toutes les autorités, aussi bien au président de l'AMF, qui doit avoir une immense compétence dans le domaine de la régulation des marchés, qu'au président de la CADA, par exemple. Certes, ce sont deux personnalités éminentes – je ne dis pas cela parce que le président de l'AMF était conseiller-maître à la Cour des comptes et le président de la CADA est un conseiller d'État... Mais ces postes ont des exigences différentes. Le cadre des rémunérations ne pourra donc être qu'une échelle. En tout état de cause, il faudra toujours être en mesure de payer des spécialistes à un bon niveau.

Vous m'avez interrogé sur le dialogue de gestion et la mutualisation. La mutualisation consiste à mettre en commun les ressources humaines, la gestion financière, et celle des moyens. C'est en effet une façon efficace d'améliorer la situation et de réduire les points de fuite du système, chacun arrangeant sa structure comme il le souhaite. C'est donc une bonne chose.

Je pourrai difficilement répondre sans être taxé de partialité sur la part des grands corps de l'État dans les effectifs de ces autorités administratives. La loi de 2017 fixe une règle nouvelle : il n'est pas possible qu'entre dans la composition un membre d'un grand corps de l'État autre que celui prévu ès qualités par les textes. Cela me semble un bon mode de régulation. Pour le reste, je vous ferai une réponse de Normand : il faut mixer, comme dans l'AMF, qui emploie des personnes issues du secteur privé.

Quant à savoir si l'on peut être indépendant en position de détachement, la question est plus générale. Une fois en détachement, un fonctionnaire relève de l'autorité auprès de laquelle il est situé. Ensuite, c'est une affaire de comportement individuel, c'est ainsi que notre administration fonctionne, et de manière générale, il n'y a pas de problèmes. Il y a de plus en plus de commissions de déontologie et d'éthique auprès de ces collectivités, qui s'assurent de l'absence de conflit d'intérêts, tant pour les membres des autorités que pour les agents. À la suite de la « loi Sauvadet », tous les textes imposant des déclarations d'intérêts sont mis en oeuvre. Des dizaines de milliers de déclarations d'intérêts sont remplies par des membres d'autorité et des fonctionnaires. Je viens de faire l'exercice au sein de la Cour des comptes ; pour la chambre que je préside, nous avons présenté quarante déclarations d'intérêts.

Monsieur Le Vigoureux, les enquêtes demandées à la Cour des comptes en application du 2° de l'article 58 de la LOLF commencent en général par une réunion qui permet de fixer le cadre général de l'enquête. Une réunion d'étape est organisée à mi-parcours – en l'occurrence, les élections nous ont empêchés de le faire – et nous essayons de coller au mieux à la commande.

Sur l'égalité entre les hommes et les femmes, il n'en est pas question dans ce rapport, mais nous nous y sommes intéressés lors de nos contrôles ponctuels. Comme pour la performance, le régime des agents de catégorie A est spécifique. Le temps de travail n'est pas mesuré à l'heure, avec une badgeuse ; c'est un forfait. C'est une raison supplémentaire de prévoir des indicateurs d'activité.

Nous avons fait des recommandations à chaque autorité administrative : nous nous intéresserons au suivi. Il sera effectivement intéressant de demander à ces autorités, au bout d'un an ou deux, ce qui a été fait pour améliorer tel ou tel point.

Je ne peux pas vous répondre concernant l'AFLD ou l'ASN.

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Permettez-moi une remarque qui sort du champ de l'enquête confiée par cette commission. Chaque année, lorsque je vais auditionner une autorité administrative indépendante, avant ou après avoir vu le secrétaire général du Gouvernement, je trouve que les indicateurs de performance ne sont pas d'une pertinence extraordinaire. J'ai essayé de le dire avec diplomatie, ce qui n'est pas mon habitude... Si nous voulons travailler sur un cadre réglementaire, il va falloir qu'ils soient probants pour permettre un débat et un regard sur l'activité.

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Jean-Philippe Vachia, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes

Nous partageons votre sentiment sur les indicateurs de performance ; il y a un énorme effort à faire.

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Je remercie la Cour pour la qualité de son travail.

Informations relatives à la commission

1. La commission a nommé :

– M. Patrick Hetzel et Mme Amélie de Montchalin rapporteurs de la mission d'évaluation et de contrôle sur L'évaluation du financement public de la recherche dans les universités.

– Mme Bénédicte Peyrol rapporteure pour la mission d'évaluation et de contrôle sur Les outils publics encourageant l'investissement privé dans la transition écologique.

– Mme Nadia Hai rapporteure pour la mission d'évaluation et de contrôle sur Le financement et le suivi de la mise en oeuvre des programmes de rénovation urbaine.

2. La commission a reçu en application de l'article 14 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) un projet de décret d'annulation de crédits d'un montant de 12 220 280 euros en autorisations d'engagement (AE) et 843 235 euros en crédits de paiement (CP), dont 44 371 euros en titre 2 portant sur onze programmes du budget général.

Ce mouvement, à caractère exclusivement technique, est destiné à régulariser, en fin de gestion 2017, les rattachements de crédits de fonds de concours et d'attributions de produits, afin d'assurer leur parfaite cohérence avec les recouvrements effectivement constatés.

Il vise également, dans le cas d'opérations d'investissement cofinancées ayant donné lieu à l'ouverture d'AE en application du décret n° 2007-44 du 11 janvier 2007 modifié, à annuler les AE excédentaires constatées à la suite de la réduction ou de l'annulation d'ordres de recouvrer.

Les annulations se répartissent de la façon suivante :

- 1 040 721 euros en AE sur le programme 113 ;

- 187 608 euros en AE et en CP sur le programme 144 ;

- 6 004 euros en AE sur le programme 150 ;

- 44 371 euros en AE et en CP de titre 2 sur le programme 152 ;

- 955 387 euros en AE sur le programme 175 ;

- 22 euros en AE et CP sur le programme 176 ;

- 400 euros en AE sur le programme 181 ;

- 9 336 681 euros en AE sur le programme 203 ;

- 37 852 euros en AE sur le programme 219 ;

- 611 200 euros en AE et CP sur le programme 303 ;

- 34 euros en AE et CP sur le programme 307.

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Membres présents ou excusés

Réunion du mardi 6 février 2018 à 16 heures 15

Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. Julien Aubert, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Dominique David, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, Mme Sarah El Haïry, Mme Sophie Errante, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, M. Romain Grau, M. Stanislas Guerini, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, Mme Valérie Lacroute, M. Mohamed Laqhila, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Marie-Ange Magne, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, Mme Amélie de Montchalin, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Hervé Pellois, Mme Christine Pires Beaune, M. Xavier Roseren, M. Fabien Roussel, M. Jacques Savatier, M. Benoit Simian, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Jean-Noël Barrot, M. Jean-Louis Bricout, Mme Émilie Cariou, M. Marc Le Fur, M. Olivier Serva

Assistait également à la réunion. - M. Dino Cinieri