Intervention de Jean-Philippe Vachia

Réunion du mardi 6 février 2018 à 16h20
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Jean-Philippe Vachia, président de la quatrième chambre de la Cour des comptes :

En réponse à la dernière question, l'immense majorité des AAI ont pour ressources des crédits budgétaires imputés sur différents programmes, dont le programme 308, de la mission des services du Premier ministre. Cependant, certaines autorités, notamment les autorités publiques indépendantes, qui ont la personnalité morale, peuvent avoir des ressources de toute nature, comme l'Autorité des marchés financiers (AMF) ou la CNIL.

S'agissant des activités et de la performance de ces AAI, il est vrai qu'il y a quelques années de cela, nous n'en savions pas grand-chose. Mais grâce à vous, grâce au Parlement, nous en savons maintenant beaucoup plus et les documents budgétaires fournissent beaucoup plus d'éléments. Il est tout à fait normal que ces AAI rendent compte de l'emploi de ces fonds publics – les douze qui composent notre échantillon représentent plus de 400 millions d'euros.

La notion de performance peut s'entendre de manière collective ou individuelle. Collectivement, l'AAI doit être en mesure de rendre compte de l'emploi des fonds par des indicateurs d'activité : les obligations sont remplies, les décisions sont rendues dans des délais fixés préalablement, l'ensemble des compétences confiées est exercé, et attesté par la production de décisions ou d'avis. Ce point est encore plus important à la suite de l'évolution du travail de certaines autorités, dont l'activité s'exerce moins par à-coups, mais plutôt par une régulation globale. Je pense par exemple à la CNIL.

S'agissant de la performance individuelle, de nombreux agents de ces autorités sont de catégorie A ou A+. Ils font des enquêtes, émettent des analyses juridiques ou des rapports scientifiques. Il est donc normal de veiller à ce que ces personnes, en général assez bien payées, justifient de leur salaire en permettant que leur production soit mesurée. Mon approche de la performance n'est pas la même pour un agent de catégorie A ou un agent de catégorie C. Il est également nécessaire de mener des entretiens annuels.

Monsieur Bourlanges, les rapprochements et les fusions n'entraient pas dans le cadre de notre saisine, mais il est vrai qu'un certain nombre d'autorités ont des frontières assez poreuses. La CNIL et la CADA vont finir par se marcher sur les pieds avec l'évolution vers le numérique. Le Défenseur des droits et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté peuvent ainsi se trouver au même moment au même endroit à l'occasion d'une mission. Le cas du CSA et de l'ARCEP se pose aussi, mais je connais moins ce sujet qui relève plutôt de la troisième chambre de la Cour.

Sur la question de l'encadrement de la rémunération des dirigeants, soit la situation reste inchangée, soit vous estimez qu'il faut définir un cadre. Un article de loi pourrait prévoir une échelle de rémunération déterminée par décret. Mais il ne pourra s'agir selon nous d'une rémunération identique s'appliquant à toutes les autorités, aussi bien au président de l'AMF, qui doit avoir une immense compétence dans le domaine de la régulation des marchés, qu'au président de la CADA, par exemple. Certes, ce sont deux personnalités éminentes – je ne dis pas cela parce que le président de l'AMF était conseiller-maître à la Cour des comptes et le président de la CADA est un conseiller d'État... Mais ces postes ont des exigences différentes. Le cadre des rémunérations ne pourra donc être qu'une échelle. En tout état de cause, il faudra toujours être en mesure de payer des spécialistes à un bon niveau.

Vous m'avez interrogé sur le dialogue de gestion et la mutualisation. La mutualisation consiste à mettre en commun les ressources humaines, la gestion financière, et celle des moyens. C'est en effet une façon efficace d'améliorer la situation et de réduire les points de fuite du système, chacun arrangeant sa structure comme il le souhaite. C'est donc une bonne chose.

Je pourrai difficilement répondre sans être taxé de partialité sur la part des grands corps de l'État dans les effectifs de ces autorités administratives. La loi de 2017 fixe une règle nouvelle : il n'est pas possible qu'entre dans la composition un membre d'un grand corps de l'État autre que celui prévu ès qualités par les textes. Cela me semble un bon mode de régulation. Pour le reste, je vous ferai une réponse de Normand : il faut mixer, comme dans l'AMF, qui emploie des personnes issues du secteur privé.

Quant à savoir si l'on peut être indépendant en position de détachement, la question est plus générale. Une fois en détachement, un fonctionnaire relève de l'autorité auprès de laquelle il est situé. Ensuite, c'est une affaire de comportement individuel, c'est ainsi que notre administration fonctionne, et de manière générale, il n'y a pas de problèmes. Il y a de plus en plus de commissions de déontologie et d'éthique auprès de ces collectivités, qui s'assurent de l'absence de conflit d'intérêts, tant pour les membres des autorités que pour les agents. À la suite de la « loi Sauvadet », tous les textes imposant des déclarations d'intérêts sont mis en oeuvre. Des dizaines de milliers de déclarations d'intérêts sont remplies par des membres d'autorité et des fonctionnaires. Je viens de faire l'exercice au sein de la Cour des comptes ; pour la chambre que je préside, nous avons présenté quarante déclarations d'intérêts.

Monsieur Le Vigoureux, les enquêtes demandées à la Cour des comptes en application du 2° de l'article 58 de la LOLF commencent en général par une réunion qui permet de fixer le cadre général de l'enquête. Une réunion d'étape est organisée à mi-parcours – en l'occurrence, les élections nous ont empêchés de le faire – et nous essayons de coller au mieux à la commande.

Sur l'égalité entre les hommes et les femmes, il n'en est pas question dans ce rapport, mais nous nous y sommes intéressés lors de nos contrôles ponctuels. Comme pour la performance, le régime des agents de catégorie A est spécifique. Le temps de travail n'est pas mesuré à l'heure, avec une badgeuse ; c'est un forfait. C'est une raison supplémentaire de prévoir des indicateurs d'activité.

Nous avons fait des recommandations à chaque autorité administrative : nous nous intéresserons au suivi. Il sera effectivement intéressant de demander à ces autorités, au bout d'un an ou deux, ce qui a été fait pour améliorer tel ou tel point.

Je ne peux pas vous répondre concernant l'AFLD ou l'ASN.

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