Intervention de Michel Vialay

Réunion du mercredi 7 février 2018 à 11h10
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Vialay, rapporteur :

En matière de lutte contre les atteintes graves à la sécurité, les préconisations sont les suivantes :

– permettre aux services de sécurité internes des transporteurs de procéder à des palpations de sécurité, même sans le consentement exprès des intéressés, en cas de circonstances particulières liées à l'existence de menaces graves pour la sécurité publique ou pour l'ordre public. Sur cette proposition, une divergence existe avec Aude Luquet quant au consentement des intéressés. Toutes les autres préconisations font l'objet d'un consensus ;

– en matière de fouille et de contrôle, confier à la préfecture de la région Île-de-France ou à la préfecture de police de Paris une compétence globale pour l'ensemble de la RATP et du réseau SNCF d'Île-de-France ;

– permettre aux services de sécurité internes des transporteurs de procéder de manière permanente à des palpations de sécurité dans les enceintes publiques des transports qui relèvent de leur compétence sans autorisation préalable des services préfectoraux ;

– permettre aux contrôleurs d'utiliser des « caméras piétons » lorsque la situation l'exige, à l'instar de ce que la loi autorise pour les agents des services interne de sécurité (Suge et GPSR) ;

– remplacer la demande d'autorisation à agir en civil par une simple déclaration, le ministère de l'intérieur conservant toujours la possibilité de refuser une action civile de manière expresse ;

– étendre le criblage au personnel d'entretien et au personnel intérimaire n'appartenant pas aux transporteurs ;

– réduire à deux mois le délai de réponse du Service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS) aux demandes d'enquêtes administratives ;

– permettre aux entreprises de transport de saisir le SNEAS en lieu et place de leurs filiales pour des raisons d'efficacité administrative ;

– obliger le SNEAS à informer les salariés faisant l'objet d'un avis d'incompatibilité professionnelle ;

– permettre à titre exceptionnel de licencier sans l'avis de l'inspection du travail les salariés protégés faisant l'objet d'un avis d'incompatibilité ;

– mettre en oeuvre la disposition qui permet aux sociétés de transports en commun de connaître l'état du permis de conduire des salariés à qui elles confient un véhicule ;

– aligner les services internes de sécurité de la Suge et du GPSR sur les règles de la police nationale et des polices municipales en matière de légitime défense élargie et de périple meurtrier ;

– permettre à la RATP et à la SNCF de reconduire à la sortie des stations de métro et de RER à la fin de chaque service les personnes réfractaires à une prise en charge vers des centres d'accueil.

J'en viens maintenant au sujet de la lutte contre la fraude. La fraude mesurée représente 500 millions d'euros par an en France. Ce chiffre ne prend pas en compte les fraudes non détectées. La réalité de la fraude est donc largement supérieure à ce chiffre. Le taux de recouvrement des amendes est très faible, inférieur à 10 % à la SNCF.

Les décrets d'application de la loi sont sortis assez rapidement, sauf celui présenté comme le plus important : il doit permettre de croiser les fichiers de fraudeurs avec ceux d'autres administrations de manière à sécuriser les adresses et ne pas perdre la trace des personnes verbalisées.

Pour la « fraude d'habitude », le seuil a été abaissé de 10 à 5 infractions sur l'ensemble des réseaux. Mais en l'absence d'échange d'informations entre les exploitants, les fraudeurs par habitude sont, en pratique, ceux qui ont fraudé au moins 5 fois sur le même réseau. Le seul moyen de respecter la loi à la lettre serait de constituer un fichier commun des fraudeurs.

Toutefois, l'engorgement des tribunaux ne permet pas à la justice de traiter les dépôts de plaintes des transporteurs. C'est la raison pour laquelle la RATP a renoncé à poursuivre les fraudeurs d'habitude, estimant qu'elle perdait son temps. La SNCF, de son côté, continue à les poursuivre, au rythme d'environ 14 000 par an, avec des succès mitigés selon les juridictions.

La mesure obligeant les fraudeurs à rester à disposition des services de sécurité pendant la vérification de leur identité semble efficace, d'autant qu'elle est assortie d'une sanction financière dissuasive et il s'agit, aux dires des spécialistes, d'une avancée décisive de la loi.

En revanche, l'obligation faite aux fraudeurs d'être munis d'un titre d'identité de manière à être plus facilement sanctionnés est beaucoup moins respectée, d'autant qu'elle n'est assortie d'aucune sanction. Les rapporteurs proposent que l'obligation d'être muni d'un titre d'identité soit étendue à tous les usagers des transports en commun terrestres et propose, dans l'attente qu'une telle mesure soit adoptée sur le plan législatif, que les transporteurs incluent une telle obligation dans leurs conditions générales d'utilisation, à l'instar de ce qui se fait dans le transport aérien.

Enfin, la loi a permis de mieux lutter contre « l'industrie de la fraude » en réprimant plus sévèrement les mutuelles de fraudeurs et les alertes par SMS ou sur les réseaux sociaux en cas de contrôle.

Mais l'une des principales difficultés à laquelle se heurtent les transporteurs pour recouvrer les amendes est celle de fiabiliser les adresses des contrevenants. C'est pourquoi l'article 18 de la loi prévoit la création d'une plateforme d'échange qui doit permettre de confronter l'adresse déclarée par le contrevenant lors de la verbalisation avec celle qu'il a déclarée pour créer un compte bancaire ou percevoir les allocations familiales et qui est, très probablement, plus à jour.

Toutefois, près de deux ans après la promulgation de la loi, le décret d'application de l'article 18, qui doit être signé par le ministre de l'économie et des finances, n'a toujours pas été publié.

L'administration évoque des difficultés techniques et juridiques qui expliqueraient le retard.

Mais les fichiers publics ne sont pas les seuls à pouvoir être utilisés par les transporteurs pour fiabiliser les adresses des contrevenants. Des fichiers constitués par des entreprises privées peuvent aussi l'être. Et si, dans le premier cas, une disposition législative et un décret sont nécessaires, seule une autorisation de la CNIL est requise dans le second.

La CNIL a autorisé, le 9 juin 2016, la SNCF à utiliser les fichiers de sociétés qui font commerce de données personnelles dans le cadre d'actions « ayant pour finalité la gestion des infractions à la police des chemins de fer ».

Dès lors, rien ne s'oppose à ce que le transporteur ferroviaire national fiabilise les coordonnées de ses fraudeurs grâce aux fichiers de géants de la distribution par internet ou de sociétés spécialisées.

Même si elle reste discrète sur ses partenariats, la SNCF a reconnu travailler, comme d'autres, en coopération avec certaines sociétés spécialisées dans la fourniture de données personnelles à grande échelle.

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