Il est difficile d'apprécier comment nous serions en capacité de gérer une réelle situation de crise. Au regard de l'expérience que nous avons acquise à la suite de celles que nous avons connues, qui heureusement n'étaient pas graves, mais surtout à l'occasion des exercices que nous organisons, en utilisant des outils techniques de diagnostic et de pronostic qui progressent avec la connaissance, je pense que l'investissement réalisé par l'ensemble des acteurs est suffisant et permet de disposer d'outils relativement performants.
Ce qui importe le plus à mes yeux est l'interface, qui se met d'ores et déjà en place au moment des exercices, entre les différents acteurs de la crise – les acteurs locaux, l'opérateur et les pouvoirs publics, autrement dit la préfecture avec les services de l'État, les acteurs centraux que sont les autorités de sûreté et les experts –, ainsi que leur capacité à se mobiliser et à déployer localement des moyens mobiles.
Autre dimension délicate : la gestion de l'après-accident. Des rejets dans l'environnement seraient probablement source d'une inquiétude exacerbée quant à leurs conséquences. Nous n'avons encore jamais eu à gérer de situation de contamination : serons-nous capables d'y faire face ? Même si la contamination était faible, la préparation de la crise en relation avec la société civile est essentielle, car elle a un effet déterminant sur l'appréciation de l'événement. Sera-t-il considéré comme un véritable problème sanitaire ou non ?
Cet aspect n'est pas de ceux que l'on aborde de façon pédagogique et directe une fois la crise déclenchée ; il doit être anticipé. La préparation à la crise, j'y insiste, est un volet déterminant. L'exercice est difficile, car les interfaces ne se jouent pas toujours totalement avec facilité parce que l'on n'est pas dans une situation réelle : un exercice se déroule toujours dans un laps de temps très court. C'est un peu comme une assurance automobile : au fil des années, si l'on n'a pas d'accident, on se demande pourquoi on la paie. La préparation à la crise présente la même difficulté : à quoi bon s'y préparer si elle ne survient pas ? La capacité à s'adapter fait partie de la nature humaine, et si la raison d'être de la préparation à la crise n'est pas démontrée par un retour d'expérience au bout de quelques années, on a du mal à percevoir l'intérêt d'un tel investissement.
C'est à mes yeux un élément d'autant plus déterminant qu'il exige des moyens et une force de préparation qui n'a rien de trivial. Et la préparation à la crise doit être programmée par l'ensemble des organes impliqués de façon à ce qu'on puisse se dire que l'on était au moins à peu près préparé à faire face à tel ou tel accident. Il ne faut donc jamais perdre de vue que cela fonctionne un peu comme une assurance automobile.