Intervention de Stéphane Peu

Séance en hémicycle du mardi 13 février 2018 à 15h00
Élection des représentants au parlement européen — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Peu :

Un peu, oui !

Je vous fais grâce des secondes, qui sont autant de miettes inconsistantes dans la balance du pluralisme politique. Celle-ci est, convenez-en, tellement déséquilibrée qu'elle constitue un étouffoir des forces politiques qui contestent la philosophie libérale qui préside à l'Union européenne. Car, oui, nous pouvons être des Européens convaincus tout en étant opposés aux orientations de la Banque centrale européenne ou à celles, libérales, de la Commission de Bruxelles.

En ce qui concerne les listes constituées par des partis ou des mouvements non représentés par un groupe parlementaire, le résultat n'est pas plus brillant : ceux-ci bénéficieraient – si l'on peut dire – de deux minutes de temps de parole. Là encore, l'expression pluraliste est vue au rabais dans ce projet de loi.

Reste l'heure dont disposera le Conseil supérieur de l'audiovisuel à titre de « mécanisme de correction », comme le précise l'étude d'impact. Or celui-ci ne donnera pas non plus les garanties d'un pluralisme nécessaire, car le CSA devra arbitrer le partage de ces soixante minutes en fonction de la représentativité et de la contribution à l'animation du débat. Là non plus, cette estimation au doigt mouillé n'est pas de nature à favoriser une campagne médiatique réellement pluraliste.

J'ajoute, pour compléter un tableau qui nous fait craindre une entrave au débat démocratique, que le texte qui nous est proposé traite uniquement de la courte période de la campagne officielle : il n'aborde en aucune manière celle qui précède et qui dure des mois ; il ne préconise rien sur le sujet.

Notre second désaccord concerne le seuil d'accès à la répartition des sièges. Le projet de loi que vous défendez, madame la ministre, le fixe à 5 %. Vous voulez maintenir un seuil aussi élevé pour limiter ce que vous appelez « les effets du scrutin proportionnel ». Considérant, pour notre part, que la juste représentation des offres électorales constitue non pas un désordre mais, au contraire, une avancée démocratique nécessaire, nous sommes favorables à ce qu'il n'y ait pas de seuil de représentativité, d'autant que, compte tenu du périmètre de cette élection à la proportionnelle, des blocages à la formation d'une majorité ne risquent guère de survenir.

Nous estimons possible et souhaitable la suppression de ce seuil, afin d'obtenir une meilleure représentativité en France et dans d'autres pays européens. Cependant, s'il devait tout de même y en avoir un, nous proposons qu'il soit le même que celui qui est retenu pour le remboursement des dépenses électorales, à savoir 3 %. Je rappelle que le seuil de représentativité en vigueur en France est l'un des plus élevés d'Europe et que certaines nations n'en ont tout simplement pas instauré. Ainsi en est-il de l'Espagne, de la Belgique et de l'Allemagne, sachant que la fixation d'un seuil dans ce dernier pays serait tout bonnement inconstitutionnelle.

En commission, j'ai perçu une certaine ouverture sur ce sujet de votre part, madame la ministre, monsieur le rapporteur, ainsi que de la part des orateurs de certains groupes, notamment du groupe majoritaire. Si une telle disposition était adoptée, le texte évoluerait dans le bon sens et gagnerait pour le moins en cohérence : au nom de quelle logique voudrait-on laisser à 5 % le seuil de représentativité alors que le seuil de remboursement des dépenses électorales est fixé, lui, à 3 % ?

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